II. LA VOLONTÉ EUROPÉENNE DE MISE EN oeUVRE DE LA COOPÉRATION ADMINISTRATIVE À L'ÉPREUVE DES STRATÉGIES FISCALES NATIONALES

A. LE RENFORCEMENT DE LA DÉMARCHE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ASSISTANCE FISCALE

1. Une impulsion française qui se prolonge dans le cadre multilatéral
a) Un dispositif français en attente de résultats

Le Gouvernement français a déclaré vouloir mettre fin à l'opacité dès 2008 , lors d'une réunion internationale consacrée à la transparence et à l'échange de renseignements en matière fiscale 14 ( * ) . A cette fin, il a entrepris d'étendre son réseau conventionnel par la conclusion d'accords bilatéraux d'échange de renseignements avec des Etats et territoires non coopératifs figurant sur la liste noire ou grise de l'OCDE 15 ( * ) .

De surcroît, la France a, parallèlement à l'action menée dans le cadre international de l'OCDE, souhaité disposer de sa propre liste de « paradis fiscaux » afin d'appliquer des sanctions fiscales en cas de non respect des engagements de coopération fiscale.

C'est ainsi que la troisième loi de finances rectificative pour 2009 16 ( * ) a introduit une définition des Etats ou territoires non coopératifs.

Aux termes de l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI), sont qualifiés de non coopératifs à la date du 1 er janvier 2010 les Etats ou territoires, « dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'[OCDE] et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention ».

Un arrêté 17 ( * ) pris en application de l'article 238-0 A du CGI, a dénombré dix-huit Etats et territoires non coopératifs le 12 février 2010. Il a été mis à jour le 14 avril 2011 afin, d'une part, de radier de la liste Saint-Christophe et Nieves et Sainte Lucie et, d'autre part, d'ajouter les Îles Turques et Caïques et Oman.

Liste des Etats et territoires non coopératifs au 14 avril 2011

Anguilla

Guatemala

Nauru

Belize

Iles Cook

Nioué

Brunei

Iles Marshall

Oman

Costa Rica

Iles Turques et Caïques

Panama

Dominique

Liberia

Philippines

Grenade

Montserrat

Saint-Vincent et Grenadines

Source : Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Le retrait de la liste est effectué en raison de la conclusion d'un accord avec la France, ou en l'absence d'un tel accord, sur la base de l'évaluation satisfaisante du cadre de coopération fiscale de l'Etat par le Forum mondial.

L'ajout sur la liste est réalisé à la suite du constat de l'absence de mise en oeuvre de l'échange de renseignements prévu par l'accord ou d'une évaluation négative par le Forum mondial de l'Etat qui n'a pas conclu d'accord avec la France.

L'enjeu de cette liste réside dans l'application automatique de sanctions fiscales des flux à destination des ETNC , qui ont été définies dans le cadre de la loi de finances rectificative précitée.

Conformément à l'engagement des membres du G 20, sur le principe de la mise en oeuvre de mesures de rétorsion à l'encontre des Etats non coopératifs 18 ( * ) , la France s'est dotée d'un arsenal de « sanctions » . Il se décline en un dispositif anti-abus tendant à dissuader les sociétés françaises de localiser leurs bénéfices dans des Etats à fiscalité privilégiée 19 ( * ) ainsi qu'un mécanisme « anti-évasion » des revenus des personnes physiques 20 ( * ) .

En outre, les taux de retenue à la source sur les flux financiers à destination des paradis fiscaux ont été majorés en les fixant à 50 % 21 ( * ) .

S'il est encore trop tôt pour évaluer le processus de sanctions ainsi mis en oeuvre , votre rapporteure déplore néanmoins l'approche adoptée par le Gouvernement privilégiant la signature d'un accord plutôt que le constat d'une coopération effective pour « blanchir » un Etat.

En d'autres termes, la conclusion d'un accord permet l'année suivante la sortie de l'Etat signataire de la liste alors que sa réintégration éventuelle en cas d'absence de respect de ses engagements ne pourra intervenir que quelques années plus tard en raison du temps nécessaire pour procéder à la vérification des échanges de renseignements. Une telle approche tend donc à affaiblir le dispositif de sanctions.

b) La portée symbolique de la Convention

Les négociations de la Convention ont été menées par l'organe de coordination, qui réunit les Parties à la Convention, ainsi qu'un Comité ad hoc du Conseil de l'Europe. Le Protocole apparaît conforme aux pratiques de l'OCDE et aux intérêts de la politique conventionnelle française.

La volonté manifestée de certains Etats de ne procéder qu'à une révision partielle, voire une reprise minimale des standards de l'OCDE du Protocole a été surmontée. L'alignement sur la norme internationale de transparence et d'échange de renseignements est donc complet.

Le projet de Protocole d'amendement à la Convention a été approuvé par les organes ministériels de chacune des deux organisations - OCDE et Conseil de l'Europe - au premier trimestre de l'année 2010.

Votre rapporteure tient cependant à souligner la portée symbolique de la ratification de la Convention pour la France. Notre pays dispose , en effet, déjà d 'un large réseau conventionnel permettant l'échange de renseignements avec plus de cent vingt pays. Ainsi celle-ci est-elle liée avec l'ensemble des signataires de la Convention par une convention fiscale bilatérale, à l'exception de la Moldavie et du Danemark 22 ( * ) .

S'il convient donc de constater que la France recourt peu à la Convention en matière de coopération administrative , elle a souhaité promouvoir ce véhicule multilatéral dans le cadre de sa présidence du G 20 afin que de nouveaux Etats et territoires y adhérent d'ici à la fin de l'année. La Convention ainsi amendée tend à devenir un instrument global d'assistance mutuelle destiné principalement, d'une part, aux Etats privés des moyens nécessaires à l'établissement d'un réseau conventionnel dense et, d'autre part, aux pays qui ne sont membres ni de l'OCDE, ni du Conseil de l'Europe depuis l'entrée en vigueur du Protocole.

La France a également jugé essentielle son adhésion à la Convention ainsi complétée des normes les plus récentes en matière de coopération fiscale . Les restrictions résiduelles à l'échange de renseignements qui figuraient dans la Convention étant levées par le Protocole, la France pourra demander aux autorités des parties signataires toute information vraisemblablement pertinente pour l'administration ou l'application de sa législation interne relative aux impôts visés par la Convention. Les parties ne pourront pas opposer un éventuel secret bancaire, ni subordonner la délivrance de l'information à l'existence d'un intérêt pour l'application de leur propre législation fiscale. C'est pourquoi la Partie française a paraphé le Protocole dès le premier jour de son ouverture à la signature, soit le 27 mai 2010.

La condition préalable à l'entrée en vigueur du Protocole , c'est-à-dire la ratification par au moins cinq Etats, est aujourd'hui remplie . Les cinq premiers Etats ayant ratifié le protocole sont le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Géorgie et la Slovénie. Le Protocole est donc entré en vigueur le 1 er juin 2011, selon les règles posées à son article IX, soit le premier jour du mois qui a suivi l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle la cinquième partie à la Convention a exprimé son consentement à être liée par le Protocole.

S'agissant de la France, le texte entrera en vigueur selon les règles posées à l'article IX, c'est-à-dire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification.


* 14 Conférence du 21 octobre 2008 réunissant la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, l'Islande, la Norvège, l'Australie, la Corée du sud, le Japon et le Mexique.

* 15 Dans le cas où la France est liée à un Etat par une convention fiscale, le Gouvernement a procédé par avenant à la convention plutôt que par la conclusion d'un nouvel accord portant exclusivement sur l'échange de renseignements.

* 16 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 17 Arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts publié au Journal officiel du 17 février 2010.

* 18 Engagement pris lors du sommet de Pittsburgh les 24 et 25 septembre 2009.

* 19 Cf. article 209 B du CGI qui permet d'imposer les entreprises établies en France sur les bénéfices réalisés par leurs filiales et soumis à un régime fiscal privilégié. Le régime des plus et moins values de cession est exclu lorsque la cession porte sur des titres de sociétés établies dans un ETNC (articles 39 duodecies , 39 terdecies et 219 du CGI). Le régime mère fille est exclu en cas de distributions de dividendes à des entités situées dans des ETNC (article 145 du CGI).

* 20 Le régime de l'article 123 bis du CGI est durci. Il introduit une présomption de détention minimale déclenchant l'imposition des revenus acquis au titre des droits financiers ou droits de vote représentant au moins 10 % sur les bénéfices non distribués par des entités établies dans un ETNC. La loi de finances rectificative prévoit également la « non déductibilité » des paiements réalisés par des résidents français au profit des personnes domiciliées dans un ETNC (article 238 A du CGI).

* 21 Cf. en matière de profits immobiliers des résidents des ETNC (article 244 bis du CGI), de revenus passifs à destination des ETNC (article 187 du CGI), d'intérêts (article 125 A du CGI), d'assurance-vie (article 125 0 A du CGI), de revenus salariaux (articles 182 A, 182 A bis , 182B du CGI).

* 22 Ce pays est soumis au droit européen en matière d'assistance administrative.

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