CHAPITRE III  Dispositions relatives à la décentralisation, à la gestion domaniale et à la police de la navigation intérieure
Article 3 (Articles L. 4241-3 [nouveau], L. 4272-1, L 4272-2 [nouveau] et L. 4313-3 du code des transports et L. 774-2 et L. 774-6 du code de justice administrative)  Police de la navigation intérieure

Commentaire : cet article confie à l'agence de nouveaux pouvoirs en matière de police de la navigation intérieure.

I. Le droit en vigueur

La police de la navigation intérieure comprend un ensemble de missions concourant à la sécurité des personnes et des biens - et qui relèvent à ce titre de missions régaliennes. On distingue classiquement la police administrative, qui est préventive et prend des actes réglementaires, et la police pénale, qui est répressive et prend des sanctions.

1. La police administrative de la navigation intérieure

Confiée au préfet de département 22 ( * ) , la police administrative de la navigation intérieure passe principalement par les actes suivants :

- les règlements particuliers de police (RPP) : pris en application du règlement général de police (RGP), ces règlements déterminent notamment les caractéristiques de la voie navigable (largeur des écluses, tirant d'air, tirant d'eau), les dimensions des bâtiments admis à circuler, les limitations de vitesse, les obligations de port du gilet de sauvetage, les règles de circulation et de stationnement des bateaux, la signalisation de la voie d'eau ;

- les autorisations de manifestations nautiques et éventuelles interruptions de la navigation (au titre des prescriptions temporaires). La mise en place de dispositifs de secours/sécurité est de la compétence propre du préfet au titre de la sécurité et de la sûreté;

- les autorisations de transport spécial : autorisations temporaires de navigation pour les bateaux hors gabarit, les établissements flottants ;

- les prescriptions de caractère temporaire : prescriptions édictées dans des cas spéciaux afin d'assurer la sécurité et le bon ordre de la navigation, éventuellement dérogatoires au RPP - limitations de vitesse, interruptions de la navigation, des restrictions à la navigation, modifications des règles de circulation. Ces prescriptions temporaires sont diffusées aux usagers par des avis à la batellerie ;

- les prescriptions particulières applicables au transport de personnes.

En pratique, sur le réseau confié à VNF 23 ( * ) , ces missions sont exercées par les services de la navigation et par les directions des territoires et de la mer (DDT-M) abritant une délégation territoriale de VNF. Sur les voies qui ne sont pas confiées à VNF (voies d'eau décentralisées, réseau non navigables, voies navigables des ports et plans d'eau), ces missions sont exercées par les préfets de département. Au total, ces missions de police administrative de la navigation mobilisent 35 ETP.

2. La police pénale

La constatation des infractions, l'établissement des procès-verbaux et la transmission des actes au procureur relèvent de la police pénale. Seuls les officiers de police judiciaire et les agents de l'État commissionnés et assermentés à cet effet sont compétents pour constater les infractions aux règles de police de la navigation. Dans les grandes agglomérations et les zones de navigation dense, des brigades navales de police ou de gendarmerie exercent ces missions. Au sein des services de la navigation, ces missions répressives mobilisent un nombre très peu important d'agents.

3. La notification du procès verbal de contravention

L'article L. 774-2 du code de justice administrative, dispose que, dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. Cette notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. L'acte de notification doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré.

L'article L. 774-6 du même code précise que le jugement est notifié aux parties par le préfet, à leur domicile réel, sans préjudice du droit de la partie de le faire signifier par acte d'huissier de justice.

L'article L. 4313-3 du code des transports dispose que « dans les cas où des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine confié à Voies navigables de France ont été constatées le président de Voies navigables de France saisit le juge administratif » en lieu et place du préfet.

II. LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

Cet article comporte deux parties : la première modifie plusieurs chapitres du code des transports, relatifs à la police de la navigation intérieure ; la seconde modifie le code de justice administrative.

La première partie complète le livre II du code des transports, relatif à la navigation intérieure.

Le insère, au chapitre relatif aux règlements de police de la navigation, un article L. 4241-3 disposant que, sans préjudice des compétences dévolues au représentant de l'État, le gestionnaire de la voie d'eau peut interrompre temporairement ou modifier les conditions de navigation, lorsque des incidents d'exploitation, des travaux de maintenance ou des événements climatiques le justifie par la nécessité. Les mesures d'interruption ou de modification auxquelles le gestionnaire peut recourir sont définies dans une liste fixée par voie réglementaire.

Ce ajoute, à l'article L. 4272-1 , que les règlements de police de la navigation intérieure définissent les infractions à la navigation intérieure, concurremment au code des transports et aux règlements concernant les bateaux.

Enfin, il insère un article L. 4272-2, confiant aux personnels de l'agence, dès lors qu'ils sont commissionnés et assermentés dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, le pouvoir de constater les infractions définies par les règlements de police de la navigation intérieure.

Le réécrit l'article L. 4313-3, pour confier au directeur général de l'agence - et non plus au président du conseil d'administration - le pouvoir de saisir la justice, en lieu et place du préfet, en cas d'atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine confié à VNF, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative. Il précise que le directeur général de l'agence peut déléguer sa signature aux directeurs territoriaux de l'agence, qui peuvent la subdéléguer « aux agents de l'agence chargés des fonctions d'encadrement ».

La deuxième partie de l'article 3 modifie le code de justice administrative :

Le insère un alinéa à l' article L. 774-2 du code de justice administrative, précisant que, pour la notification d'un procès-verbal de contravention, le directeur général de l'agence se substitue au préfet quand l'infraction a eu lieu sur le domaine public fluvial confié à l'agence, mais que cette compétence est partagée avec le préfet quand l'infraction a eu lieu dans la circonscription du Port de Paris.

Le , par cohérence, réécrit l' article L. 774-6 de ce même code pour confier au directeur général de l'agence - et concomitamment au préfet, pour le Port de Paris - le soin de notifier le jugement aux parties.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que cet article règle de manière pragmatique et cohérente les questions relevant de l'organisation pratique de la police administrative de la navigation , en autorisant le gestionnaire de la voie d'eau à prendre les mesures nécessaires à la bonne exploitation de celle-ci, y compris par des mesures temporaires qui seront définies en Conseil d'État.

Le gestionnaire de la voie d'eau demande depuis de nombreuses années que lui soit reconnue la qualité d'autorité compétente pour édicter des mesures prescriptives à caractère temporaire et que certains de ses agents en charge de l'exploitation de la voie d'eau disposent de certains pouvoirs de régulation de la circulation fluviale. Le décret 2008-1321 du 16 décembre 2008 lui a déjà confié la détermination des horaires, des jours d'ouverture et les chômages et leur publication, de même que la compétence de délivrer des autorisations individuelles de circuler sur les digues et chemins de halage.

Cet article va plus loin, en esquissant une organisation complémentaire entre :

- Le gestionnaire du réseau, qui prend des mesures d'urgence nécessaires à la navigation sur le réseau des voies d'eau sans concurrence des compétences du préfet. Le nouvel article L. 4241-3 du code des transports explicite une condition d'incidents d'exploitation, de travaux de maintenance ou d'événements climatiques, et précise bien que les mesures à disposition du gestionnaire de la voie d'eau figurent dans une liste définie par voie réglementaire : ces deux conditions garantissent que ce pouvoir nouveau sera encadré et susceptible de recours.

- Le préfet, qui est en charge de prendre des mesures de gestion plus complexes, en lien avec ses missions de sécurité publique et qui dispose des services de l'agence pour l'exercice de ces missions et en cas de crise (voir article 1 er ).

Les compétences sont clairement réparties : au gestionnaire, les actes urgents directement liés à l'exploitation et nécessitant une bonne connaissance du réseau ; au préfet, les actes complexes impliquant des actes liés à la sécurité publique ; une coopération « en continu » sur la police administrative, par une mise à disposition des services de l'agence aux mains du préfet pour l'exercice de ses pouvoirs de police de la navigation intérieure - et par une information du préfet par les services de l'agence sur tout événement susceptible de troubler l'ordre public (voir article 1 er ).

Votre rapporteur accepte donc très volontiers cette organisation pragmatique, conforme à l'intérêt commun et suffisamment protectrice des libertés publiques . De fait, la voie d'eau se situe, sur ces questions de police, à mi chemin entre la voie ferroviaire, dont l'infrastructure est inaccessible au public et qui est utilisée par un nombre très restreint de transporteurs - et la route, accessible à tous et fréquentée par des millions de voyageurs anonymes. Le faible nombre d'usagers de la voie d'eau en fait une voie particulière et il est cohérent de confier une partie des pouvoirs de police à son gestionnaire, à conditions de précautions suffisantes - qui sont prises dans cet article.

S'agissant de l'exercice de la police répressive, cet article confie à des agents assermentés de l'agence le pouvoir de constater des infractions liées à l'exploitation, notamment celles concernant les ouvrages dont l'agence aura la charge - par exemple le non-respect des règles de franchissement des écluses.

Le gestionnaire de la voie d'eau demande un tel pouvoir depuis de nombreuses années. De fait, les agents des services de la navigation (et des DDT-M) sont les seuls à constater les dégâts que peuvent causer le non-respect de certaines règles, et contrairement à ce qui se pratique pour la route, ces règles sont insuffisamment contrôlées par les autres services de l'État.

Votre rapporteur, pour les raisons évoquées plus haut, souhaite que le gestionnaire de la voie d'eau puisse constater les infractions, comme cela se pratique pour la voie ferrée - par différence avec la route, où le gestionnaire n'a pas ce pouvoir. La prestation de serment en préfecture devrait apporter la garantie que ce pouvoir sera exercé à bon escient. Toutefois, votre rapporteur invite le gestionnaire de la voie d'eau à suivre particulièrement les constats qui seront dressés par ses agents et à en prévoir une analyse régulière et concertée avec les usagers de la voie d'eau.

Votre rapporteur salue également la précision apportée au code de justice administrative : quand la contravention a lieu sur le domaine qui lui est confié, le directeur général de l'agence se substitue au préfet pour la notification du procès-verbal de contravention et pour la notification du jugement, cette compétence demeurant partagée avec le préfet pour le port de Paris.

Enfin, votre rapporteur salue l'adaptation bienvenue du pouvoir de saisine en cas d'atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine, parce qu'elle en renforce l'efficacité. La substitution du directeur général au président va dans le sens du décret n°2008-1321 du 18 décembre 2008 qui a réformé la gouvernance de VNF, en confiant l'exécutif au directeur général. La subdélégation va également dans le sens de l'efficacité, car les recours contre des atteintes à l'intégrité et à la conservation du patrimoine nécessitent bien souvent d'agir dans des délais très courts : il faut assurer au gestionnaire une capacité à se défendre en continu contre de telles atteintes.

La commission approuvant l'économie générale du dispositif l'a adopté assorti de trois amendements rédactionnels.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 22 Voir le décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant règlement général de police de la navigation intérieure.

* 23 Y compris le réseau rhénan concédé à EDF et le réseau rhodanien concédé à la CNR.

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