(3) Les artifices

Outre le maintien des instruments de flexibilité existants , qu'elle propose souvent de majorer de surcroît (ils pourraient atteindre un besoin de couverture en CP de 14,1 milliards d'euros par an), le projet de la Commission prévoit de nouveaux dispositifs pour lesquels les crédits échapperaient aux plafonds fixés par le cadre financier pluriannuel : une réserve pour les crises dans le secteur agricole (500 millions d'euros par an) et une marge pour imprévu (plafonné à 0,03 % du RNB de l'UE par an, ce qui représente environ 450 millions d'euros).

Même si la mobilisation cumulée de ces instruments ne pourrait conduire à un taux d'appel des ressources propres supérieur au plafond des ressources propres fixé par la future décision du Conseil, les propositions de la Commission laissent planer un risque considérable de dérapage des dépenses .

Elles reposent non seulement sur le maintien hors budget général de l'UE et hors cadre financier pluriannuel du fonds européen de développement (FED) et des mécanismes de stabilisation financière , mais aussi sur le passage hors budget de politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel, à l'image des dépenses relatives à ITER (2,5 milliards d'euros par an en CP) et au programme européen de surveillance de la Terre , plus connu sous son acronyme anglais GMES 41 ( * ) (4,7 milliards d'euros par an en CP).

Ces débudgétisations incompréhensibles , qui dégonflent artificiellement le projet de la Commission, sont autant de dépenses qui devront être financées par l'UE et donc par les Etats membres.

Un autre artifice réside dans la présentation de la proposition de la Commission : elle est réalisée en euros constants et en crédits d'engagement, alors que seule une présentation en crédits de paiement et en euros courants permettrait d'apprécier la réalité de l'impact des propositions sur les contributions nationales, comme l'indique à juste titre l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » du présent projet de loi de finances. En présentant sa proposition en euros constants, c'est-à-dire en prix 2011 entre 2014 et 2020, la Commission dissimule intentionnellement la réalité de l'augmentation de la dépense qui, chaque année, devrait pourtant être réévaluée de l'inflation, de l'ordre de 2 % par an. Tous les Etats membres calculent d'ailleurs leurs contributions en euros courants. Et ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en utilisent.

Le caractère artificiel du projet de la Commission


Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2012

Avec le périmètre classique de financement de l'UE et en euros courants, le total de dépense serait de 1 118 milliards d'euros en CP (contre 972 milliards d'euros d'après le projet de la Commission) et 1 184 milliards d'euros en crédits d'engagement (contre 1 025 milliards d'euros), soit un nouveau cadre pluriannuel 2014-2020 supérieur de plus de 20 % au cadre 2007-2013 (925 milliards d'euro) et de plus de 30 % à la prévision d'exécution de ce même cadre (environ 850 milliards d'euro). Alors que la proposition de la Commission montre une hausse des CP de 3 % sur la période et de + 0,5 % en moyenne annuelle, la réalité de l'augmentation serait de 16 % sur la période et + 2,5 % par an .

Et les dépenses s'élèveraient même à 1 156 milliards d'euros en CP sur la période 2014-2020 si l'on prend en compte le FED et l'ensemble des instruments de flexibilité.

Vos rapporteurs spéciaux désapprouvent cette entorse inacceptable au principe de sincérité budgétaire . Alors que le budget de l'Union européenne fait déjà courir des risques de dérapage de la dépense publique, ce risque est considérablement aggravé par les méthodes de la Commission européenne s'agissant des futures perspectives financières.

Non seulement le niveau de dépenses proposé ne permet pas de contribuer suffisamment aux efforts sans précédent d'assainissement des finances publiques nationales que nous devons fournir, mais il est même insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre .

D'après le Gouvernement lui-même, notre prélèvement sur recettes pourrait connaître une hausse de l'ordre de 6 milliards d'euros entre la LFI 2011 (18,2 milliards d'euros) et l'estimation 2020 (24,3 milliards d'euros), dont 4,8 milliards d'euros entre 2011 et 2015 (23 milliards d'euros), soit 1,2 milliard d'euros par an en moyenne sur les seules quatre prochaines années.

Dans le contexte ambitieux de redressement des finances publiques nationales, marqué par l'application de la norme du « zéro valeur » pour le budget hors pensions et charges de la dette, voire par la baisse de 0,2% en volume dans le PLF 2012 par rapport à la LFI 2011 quand on inclut la dette et les pensions, ces besoins de financement supplémentaires sont tout simplement inacceptables . Comme l'affirme notre collègue François Marc dans un récent rapport d'information sur les perspectives financières 2014-2020, il n'y a qu'« une seule issue, dépenser mieux » 42 ( * ) .


* 41 L'acronyme GMES signifie « Global Monitoring for Environment and Security ».

* 42 Cf. le rapport fait au nom de la commission des affaires européennes et intitulé « Le futur cadre financier européen : la quadrature du cercle », (n° 738, 2010-2011).

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