D. UNE RÉFORME DES JURIDICTIONS EN SUSPENS

Le Président de la République, dans un discours prononcé lors de la séance solennelle de commémoration du bicentenaire de la Cour des comptes , le 5 novembre 2007 , avait affirmé sa volonté de la voir devenir « le grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques dont notre Etat a besoin ». Une réforme de l'ensemble du dispositif de contrôle, d'audit et d'évaluation a donc été mise en chantier, donnant lieu à une intense phase de concertation interne et de négociations, initiée par l'ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin.

Si le projet de loi portant cette réforme a été examiné par les commissions des lois et des finances de l'Assemblée nationale en septembre 2010, il n'a cependant jamais été inscrit en séance publique.

1. Le projet initial de réforme des juridictions ...

L'objectif poursuivi par la réforme était d'instituer un grand organisme public d'audit, d'évaluation et de contrôle et de prendre en compte les effets de la révision constitutionnelle issue de la loi précitée du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V ème République, qui a redéfini les missions de la Cour des comptes et des juridictions financières.

Le projet de loi initial de réforme des juridictions financières reposait sur trois axes principaux : la rénovation des procédures de jugement des ordonnateurs et des gestionnaires publics (en supprimant la dualité actuelle de juridiction entre la Cour des comptes pour les comptables publics, et la Cour de discipline budgétaire et financière pour les ordonnateurs), la prise en compte des missions non juridictionnelles de la Cour des comptes (comme la certification des comptes publics ou l'évaluation des politiques publiques) et la réorganisation institutionnelle des juridictions financières .

Sur ce dernier point, le principe de l'unité organique de l'ensemble constitué par la Cour des comptes et les CRTC, ainsi que celui d'un regroupement des chambres en région avaient été retenus, visant à créer une Cour des comptes composée de chambres thématiques et de chambres régionales (qui cesseraient donc d'être des juridictions autonomes) sur un ressort plus large. Il était envisagé que la question du ressort et du siège des chambres régionales soit renvoyée au pouvoir règlementaire .

La question du nombre définitif de chambres régionales restait ainsi en suspens 29 ( * ) .

2. ... à l'épreuve du calendrier parlementaire

Néanmoins, le projet de loi de réforme des juridictions financières ne pourra vraisemblablement pas être examiné d'ici la fin de la législature. Il a donc été « démembré » afin que ses principales dispositions soient reprises par d'autres textes législatifs.

Ainsi, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a-t-il été amendé à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Président Jean-Luc Warsmann, afin de reprendre les éléments du projet initial de réforme relatifs à l'organisation des juridictions financières et aux règles de procédures applicables, dans un chapitre intitulé « Dispositions relatives aux juridictions financières ».

Plus précisément, après une première lecture au Sénat, au printemps dernier, l'Assemblée nationale a introduit une série d'articles additionnels qui n'ont pu être examinés par le Sénat avant la commission mixte paritaire (CMP). Pour cette raison, celle-ci s'est conclue par un échec. Le texte a ensuite été adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 12 juillet 2011, puis transmis au Sénat, qui l'a examiné ce mardi 18 octobre 2011.

Au cours de la discussion parlementaire, la portée de la réforme a été cependant considérablement limitée par l'adoption d'amendements du Gouvernement supprimant tous les articles adoptés en commission ayant trait à la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) et au régime de responsabilité des ordonnateurs et des comptables.

En outre, s'agissant de l'axe de réforme relatif à l'organisation structurelle des CRTC, si l'article 24 novodecies du projet de loi prévoyait que le siège et le ressort de ces chambres soient fixés par décret en Conseil d'Etat (et non plus par la loi) et que leur nombre ne puisse excéder vingt. La commission des lois du Sénat a considéré, le 12 octobre dernier, que cette réorganisation devait être examinée dans le cadre d'un texte ad hoc , et non au cours de la discussion d'un projet de loi dont ce n'est pas l'objet. Elle a donc adopté un amendement de suppression de cet article, présenté par notre collègue Jean-Pierre Michel. Lors de la séance publique du 18 octobre dernier, le Sénat a rejeté tous les articles relatifs aux juridictions financières afin que la réforme soit examinée en un seul bloc et non par la voie de cavaliers législatifs.

En lecture définitive, le 16 novembre 2011, l'Assemblée nationale a finalement réintroduit l'article 24 novodecies devenu l'article 46.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial rappelle que les dispositions du projet de réforme initial relatives à la certification et aux missions non juridictionnelles ont, pour leur part, été adoptées dans la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 , qui a également introduit la prorogation du dispositif dérogatoire de recrutement complémentaire des magistrats de CRTC.


* 29 Si le projet de loi se fondait sur un scénario de six à dix chambres, le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a indiqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 7 juillet 2010, que les regroupements ne concerneraient que les chambres dont les effectifs sont, dès aujourd'hui, inférieurs à un seuil critique indispensable pour une bonne organisation des équipes de contrôle et des instances de délibéré. Il a estimé qu'un nombre de douze à seize chambres régionales en métropole pourrait être atteint.

Page mise à jour le

Partager cette page