2. Des incertitudes grandissantes sur le maintien des programmes d'armement du Livre blanc

Comme il a été analysé ci-dessus dans l'étude de la programmation pluriannuelle fixée par la LPM, les restrictions budgétaires ont d'ores et déjà conduit à reporter sur la période 2015-2020 certains programmes d'équipement.

Les perspectives dégradées après 2013 risquent de conduire à des révisions plus brutales .

Au regard des échéanciers de livraison, les programmes les plus menacés pourraient alors concerner, par ordre décroissant :

- les hélicoptères NH 90 ;

- les véhicules blindés multirôles (VBMR),

- les avions de transport MRTT.

Par ailleurs, il serait logique que la France acquière des drones, tandis que d'autres programmes nécessitent également d'être examinés ci-après : le Rafale, le A400M, les frégates multi-missions (FREMM) et le programme de sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda.

a) Le nécessaire renouvellement de la flotte d'hélicoptères

Une révision à la baisse des cibles de NH 90 et de VBMR remettrait en cause l'objectif de capacité de projection de l'armée de terre dans les OPEX. Or, il existe déjà une rupture capacitaire en matière d'hélicoptères de transport, comme l'ont souligné nos collègues députés Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet dans un rapport d'information de 2008 sur l'aéromobilité.

Ce rapport a montré la nécessité que les hélicotères NH 90 prennent la relève des hélicoptères de transport PUMA, pour maintenir en 2023 la flotte d'appareil à son niveau numérique de 2008, comme le montre le graphique ci-après.

Alors que le ministère de la défense prévoit la livraison de 133 hélicoptères NH 90, dans leur version d'hélicoptère de transport rapide ( Tactical Transport Helicopter , TTH), près de la moitié des appareils (soit 61) ne seraient livrés qu'après 2020, et sur la période 2009-2020 le présent PLF a déjà prévu de reporter, sur la période 2015-2020, la livraison prévue d'un des 23 appareils au cours de la LPM (2009-2014).

Le « trou capacitaire » en matière d'hélicoptères de transport, selon un rapport d'information de l'Assemblée nationale

(1) Cette prévision intègre la commande de 12 appareils en 2007, complétée par celle de 22 hélicoptères en 2008, une commande de 34 appareils étant ensuite programmée.

(2) La rénovation des Cougar a été notifiée en décembre 2007.

(3) La rénovation des Puma n'est pas contractualisée ni budgétée en 2008.

(4) OACI : organisation de l'aviation civile internationale.

Source : Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet, rapport d'information n° 666 (XIII ème législature), commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, 30 janvier 2008

Sur les 59 hélicoptères NH 90 destinés aux régiments, les 24 premiers appareils doivent être livrés à Phalsbourg en 2013, les 24 suivants rejoindraient Pau la même année, et les 11 derniers seraient affectés à Etain en 2019.

b) Les nouveaux blindés

S'agissant des blindés, le VBMR doit remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB), âgés d'une trentaine d'années en moyenne, et qui constituent aujourd'hui le principal blindé léger de l'armée de terre.

En effet, le blindage de niveau 2 des VAB offre aujourd'hui une protection insuffisante face aux engins explosifs improvisés, et même aux tirs d'AK-47 Kalachnikov à courte portée.

La livraison des VBMR donne lieu à des informations imprécises : l'an dernier, il avait été indiqué aux rapporteurs spéciaux de votre commission des finances que 536 véhicules seraient livrés entre 2015 et 2020, les livraisons prévues durant la LPM ayant été reportées après 2014. Dans les réponses au questionnaire budgétaire de cette année, il ne figure plus d'objectif de livraisons pour la période 2015-2020, et il est sobrement indiqué que, après 2020, les « cibles et les cadences de livraisons » étaient « à préciser ».

c) Les aléas pesant sur l'avion ravitailleur et de transport MRTT

S'agissant du programme MRTT, les réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF 2012 ont maintenu la cible à l'horizon 2020, prévoyant la livraison de 7 unités avant cette date, et de 7 autres unités après 2020. L'an dernier, la cible 2020 avait été abaissée de 10 à 7 unités, les premiers appareils ne devant être livrés qu'après 2014.

Si le report dans la livraison de 3 appareils ne devrait avoir qu'un impact modeste en 2020 sur les capacités de transport stratégique, il convient de rappeler que les avions ravitailleurs actuels sont âgés, en moyenne, de plus de 45 ans.

d) La France doit produire des drones

Les limitations budgétaires rendent encore plus incertain l'engagement d'autres programmes dans le cadre actuel de la LPM. A cet égard, la révision de la LPM prévue en 2012 devrait permettre de combler les lacunes pour certains programmes.

En particulier, il serait logique que la France, à l'instar de tous les grands pays industrialisés, produise des drones . Les sommes en jeu, se chiffrant en centaines de millions d'euros, sont relativement modestes, au regard de l'efficacité opérationnelle de ces avions sans pilote.

Un tel choix permettrait d'éviter, dès 2013, une rupture capacitaire, l'acquisition de nouveaux drones devant assurer la jonction avec les drones de la génération suivante, prévus à l'horizon 2020.

Mais la France vient de faire le choix contestable, en juillet 2011, d'acheter des drones étrangers - en l'occurrence israéliens, à un prix semble-t-il supérieur à celui des drones américains.

e) Vers un étalement - souhaitable - du programme Rafale ?

Le programme Rafale étant, avec plus d'un milliard d'euros par an , le plus coûteux des programmes d'armement, serait probablement soumis à un étalement des livraisons , en cas de restrictions budgétaires ou de nécessité d'opérer des choix entre programmes.

A coût équivalent, l'utilité marginale d'un Rafale peut être estimé équivalente, voire inférieure, à celle d'un système de drones, de deux NH 90 ou d'une centaine de VBMR.

Par ailleurs, comme les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances l'avaient souligné dans leur avis sur le projet de LPM 2009-2014, il n'est pas évident que les objectifs opérationnels fixés par le Livre blanc et la LPM à l'horizon 2020 exigent de disposer de 300 avions de combat, le calcul paraissant avoir été fait en supposant que le taux de disponibilité des appareils resterait proche de 50 %, même en cas de conflit majeur.

Il est prévu, au total, la commande de 286 avions Rafale (300 si l'on intègre des appareils M 2000 D multirôles), dont 135 doivent être livrés au cours de la période 2009-2014 selon les réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF 2012, en légère hausse par rapport à la prévision indiquée l'an dernier par le ministère de la défense (soit 132 appareils).

f) Le A400M : une priorité encore mal assurée financièrement

Après avoir été retardé de plus de trois ans en raison des difficultés d'EADS, le programme A400M semble en meilleure voie, ce qui apparaît comme une nécessité impérieuse au regard de la situation actuelle de quasi « rupture capacitaire » en matière de transport stratégique et tactique .

Dans le contexte actuel de retrait progressif des C 160 Transall, la France n'atteint qu'à hauteur de 20 % l'objectif de projeter en cinq jours, à 8 000 km, un « échelon d'urgence » de 1 500 combattants, correspondant au transport de 40 000 combattants en six mois (compte tenu des durées de rotation).

Après le lancement du programme le 27 mai 2003, la première livraison à la France était prévue fin 2009 mais a été repoussée début 2013, pour s'achever en 2024, au lieu de la date initialement prévue en 2020.

Un accord a été conclu le 5 mars 2010 entre EADS et les représentants des sept Etats participants. Le prix par appareil sera accru d'environ 10 % (soit 0,5 milliard d'euros pour la France), et les Etats devront participer au financement du programme (0,4 milliard d'euros pour la France), en contrepartie d'une rémunération sur les ventes à l'exportation.

Alors que des incertitudes demeurent sur le financement, notamment sur un recours éventuel à l'emprunt , le PLF 2012 a prévu l'inscription de 32,8 millions d'euros en AE et 53,4 millions d'euros en CP.

g) FREMM et Barracuda : deux programmes nécessaires au maintien des capacités opérationnelles

Un nouveau décalage des principaux programmes de la marine remettrait également en cause la capacité de celle-ci à remplir son contrat opérationnel.

Ainsi, selon le projet annuel de performances de la mission « Défense » annexé au PLF 2012, en 2010 l'indicateur « Taux de satisfaction de la fonction intervention permettant de faire face à une situation mettant en jeu la sécurité de la France » a été rempli à hauteur de seulement 32 % pour le groupe d'action maritime (GAM), en recul encore par rapport à 2009 (41 %). Les précisions méthodologiques apportées par le ministère de la défense sont particulièrement éclairantes sur cette dégradation des capacités opérationnelles de la marine dès 2012 :

« Compte tenu de la composition du parc et de sa disponibilité, notamment pour ce qui concerne les frégates anti-sous-marines et les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), la simultanéité de la tenue des contrats opérationnels pour le GAN, le GA et le GAM n'est plus envisageable à tout moment . Des indisponibilités (arrêt technique du porte-avions) et des remplacements de bâtiments (trou capacitaire entre retrait TCD et livraison BPC3) conduiront à des réductions temporaires des moyens disponibles en 2012 ».

Dans ces conditions, il paraît difficile de décaler à nouveau le programme des frégates multi-missions (FREMM) ou des SNA Barracuda, alors que les SNA français sont déjà âgés de vingt ans en moyenne. Le premier Barracuda devrait être accueilli à Toulon à l'été 2016, et cinq autres sous-marins entre 2019 et 2027.

Le nombre de frégates livrées entre 2009 et 2020 est maintenu à 8, pour un total de 18 frégates.

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