B. LA MALADIE : UN REFUS MANIFESTE D'AMÉLIORER L'ACCÈS AUX SOINS

L'Assemblée nationale a rétabli la grande majorité des dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture :

- le dépistage précoce des troubles de l'audition sans en garantir la pleine mise en oeuvre ( article 34 ) ;

- la possibilité d'inscrire au répertoire des spécialités génériques les spécialités dont le principe actif est d'origine végétale ou minérale et les propriétés pas « sensiblement » différentes de celles de la spécialité de référence ( article 34 quater ) ;

- la création, à marche forcée, du secteur optionnel et la prise en charge obligatoire de l'ensemble des dépassements d'honoraires pratiqués dans ce cadre par les contrats « responsables et solidaires » des organismes complémentaires ( article 34 nonies ) ;

- l'insertion, dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens des établissements de santé, d'indicateurs de performance assortis de diverses sanctions ( article 35 ) ;

- le retour à la possibilité pour les laboratoires de biologie médicale et les établissements de santé de négocier des ristournes sur les tarifs ( article 35 bis ) ;

- la fixation du montant annuel du fonds d'intervention régional (Fir) par arrêté ministériel et non en loi de financement ( article 36 ) ;

- la mise à la charge des assurés des nouveaux honoraires de dispensation des pharmaciens ( article 39 ) ;

- la création d'une nouvelle tarification hospitalière spécifique pour les soins programmés à destination « des patients étrangers fortunés », sans précision sur le niveau de ressources de ces personnes ( article 40 ) ;

- le financement de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) par le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) ( article 45 ).

L'Assemblée nationale a supprimé la plupart des ajouts du Sénat :

- le maintien des modalités de calcul des indemnités journalières maladie dans les conditions actuelles : trois jours de carence et 50 % du salaire brut ( article 33 A ) ;

- une demande de rapport du Gouvernement au Parlement sur le renoncement aux soins ( article 33 B ) ;

- le suivi spécifique du taux d'évolution des dépenses liées aux dispositifs médicaux par le comité économique des produits de santé (Ceps) ( article 33 bis A ) ;

- l'abrogation de la possibilité pour le Ceps de négocier des ristournes sur le chiffre d'affaires des médicaments. Le Sénat souhaitait privilégier la voie de la baisse des prix, qui est plus directement bénéfique pour les assurés et qui apporte plus de transparence à une politique du médicament qui en a le plus grand besoin ( article 33 bis B ) ;

- la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) de diminuer la rémunération spécifique des médecins qui participent à la permanence des soins lorsqu'ils ne respectent pas les tarifs opposables ( article 33 bis C ) ;

- l'attribution de la nouvelle forme de rémunération des médecins, non liée aux actes pratiqués, aux seuls médecins de secteur 1 ( article 33 ter ) ;

- la consultation, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), des fédérations nationales représentatives des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux sur toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des tarifs ( article 34 bis A ) ;

- la justification par le prescripteur, dans des conditions définies par arrêté, de l'exclusion de la possibilité de substituer le médicament princeps par un générique ( article 34 quinquies A ) ;

- l'instauration du paritarisme dans la commission chargée de fournir un avis à l'ARS dans le cadre des contrôles et des sanctions liés à la tarification à l'activité des établissements de santé. Le Sénat a prévu que cette commission serait présidée par un magistrat et composée à parité de représentants de l'ARS et des organismes d'assurance maladie, d'une part, et de représentants des fédérations hospitalières représentatives publiques ou privées, d'autre part ( article 35 bis A ) ;

- la possibilité pour les établissements de santé à but non lucratif de facturer, à des tarifs opposables, les consultations et actes externes pratiqués par leurs médecins salariés ( article 35 bis B ) ;

- l'obligation pour le Gouvernement de tenir compte de la durée moyenne du séjour pour le calcul du montant du forfait journalier en établissement de soins de suite et de réadaptation ( article 35 bis C ) ;

- la nécessité de prise en compte par l'ARS des missions de service public et des besoins d'accès de la population à des actes de chirurgie à tarifs opposables, lorsque les établissements publics de santé réalisent une activité supérieure aux engagements pris dans leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ( article 35 bis D ) ;

- la restriction des crédits du nouveau fonds d'intervention régional, lorsqu'ils sont destinés à des maisons de santé, à celles qui appliquent les tarifs opposables et le tiers payant ( article 41 bis ) ;

- la possibilité de rétablir l'indemnité journalière maladie, sur le modèle de ce qui existe en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, pour la période intermédiaire entre la déclaration d'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel et la décision de reclassement ou de licenciement ( article 46 ter ) ;

- l'impossibilité de geler, en début d'année, des crédits liés aux missions de service public et à l'aide à la contractualisation (Migac) ( article 48 bis ) ;

- l'obligation de corriger l'Ondam, en fin d'année, pour prendre en compte les éventuelles mesures salariales concernant la fonction publique hospitalière intervenant en cours d'année ( article 48 ter ).

L'Assemblée nationale a conservé quelques dispositions introduites ou réécrites par le Sénat :

- l'obligation de coordination entre le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie, le médecin traitant et le médecin du travail pour les personnes interrompant leur activité durant plus de trois mois ( article 46 quater ) ;

- l'ajout du Sénat à l' article 33 créant une taxe additionnelle, au bénéfice de la Haute Autorité de santé, pour les études qu'elle réalise concernant les dispositifs médicaux ;

- la rédaction adoptée par le Sénat en ce qui concerne la nécessité pour le Ceps de motiver sa décision lorsque la fixation du prix du médicament est fondée sur une appréciation de l'amélioration du service médical rendu différente de celle de la commission de la transparence ( article 33 bis ) ;

- l'amélioration du dispositif d'autorisation d'exercice et de validation d'expérience pour les professionnels de santé diplômés à l'étranger ( article 34 ter ) ;

- la suppression de l'évaluation spécifique de la rémunération sur objectifs de santé publique des professionnels de santé ( article 34 quinquies ) ;

- l'extension des missions des médecins des centres de santé gratuits des caisses d'assurance maladie à la politique de vaccination ( article 35 octies ) ;

- l'évaluation de l'expérimentation relative aux transports sanitaires urgents pré-hospitaliers dans un rapport transmis par le Gouvernement au Parlement ( article 36 bis ).

L'Assemblée nationale a réécrit malencontreusement un article :

- l' article 33 B , dans la rédaction issue des travaux du Sénat, permettait de créer une obligation de continuer de verser une indemnité journalière en cas de reprise du travail à temps partiel pour motif thérapeutique. Elle venait en complément de la possibilité générale, qui existe aujourd'hui, de maintenir l'indemnité journalière en cas de reprise du travail. A l'initiative du Gouvernement, qui a présenté sa proposition comme rédactionnelle, l'Assemblée nationale a supprimé cette possibilité générale et a donc restreint le maintien de l'indemnité journalière maladie en cas de reprise du travail aux seuls reprises à temps partiel pour motif thérapeutique. Cette nouvelle rédaction constitue in fine une réduction des droits des assurés.

L'Assemblée nationale a réduit la dotation des régimes d'assurance maladie au Fmespp à 285,87 millions, soit une diminution de 100 millions par rapport aux prévisions initiales

L' article 46 du projet de loi initial prévoyait une dotation des régimes d'assurance maladie à hauteur de 385,87 millions d'euros au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp), dont 60 millions pour l'accompagnement social et 273,4 millions pour des dépenses d'investissement.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait réduit ce montant total à 300 millions ; le rapport d'activités du Fmespp pour l'année 2010 n'ayant pas été transmis au Parlement, comme le prévoit pourtant l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 1 ( * ) , le Sénat avait rétabli la prévision initiale de 385,87 millions.

En nouvelle lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réduit la dotation à 285,87 millions, soit une réfaction de 26 % par rapport aux prévisions initiales. Cet assèchement du fonds a pour conséquence le report pur et simple de nombreux projets de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012 dont le lancement, attendu depuis de longs mois, devait être annoncé cet automne.

Cette gestion de court terme est contradictoire avec le discours du Gouvernement sur la « performance » à l'hôpital : les investissements annulés ou retardés étaient en effet destinés à renforcer la sécurité sanitaire des établissements, optimiser leurs plateaux techniques ou soutenir les recompositions hospitalières.

Le sacrifice de l'investissement ne peut être que préjudiciable à l'organisation du système de santé et le fragiliser encore plus.

L'Assemblée nationale a également réduit symboliquement la dotation des régimes d'assurance maladie aux ARS

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoyait que les régimes d'assurance maladie participent à hauteur de 151 millions d'euros au budget de gestion des ARS en 2011.

L'article 7 du projet de loi de financement pour 2012 rectifie cette dotation à 161 millions, montant servant de base au calcul des années ultérieures. Dans cette ligne, l' article 46 du projet initial fixait la participation des régimes aux ARS à cette hauteur pour 2012.

Le Sénat a estimé en première lecture que les informations fournies par le Gouvernement à l'appui de sa demande étaient insuffisamment charpentées et qu'un risque de surestimation persistait malencontreusement. Il a donc conservé le montant voté pour 2011, soit 151 millions d'euros.

En nouvelle lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a fixé le montant de la dotation des régimes d'assurance maladie aux ARS à 160 millions d'euros pour 2012, tout en conservant 161 millions pour 2011.

Ce marchandage ne peut que surprendre au regard des arguments utilisés par le Gouvernement lors des débats - récents - qui ont eu lieu au Sénat : « une enquête exhaustive a conclu à une dotation de 161 millions d'euros ». Le Sénat estimait, de son côté, que la charge devait porter à un niveau juste sur les régimes d'assurance maladie ; les ARS restent des organes déconcentrés de l'Etat, qui doit donc assumer leur nécessaire fonctionnement. Si l'enquête exhaustive mise en avant concluait bien à un niveau de financement des dépenses transférées de l'assurance maladie aux ARS équivalant à 161 millions, comment celles-ci seront-elles financées en 2012 au regard des contraintes budgétaires de l'Etat, principal financeur des agences ?

Cet exemple est caractéristique des économies de bout de chandelle proposées par le Gouvernement dans le cadre de son plan de rigueur, qui auront un impact marginal sur les équilibres généraux mais un effet désastreux sur l'accomplissement des missions de service public . Faut-il rappeler que les agences montent en charge depuis leur création en 2010 et que l'année 2012 sera essentielle pour elles avec l'approbation des projets régionaux de santé, des divers schémas d'organisation et autres programmes prévus par la loi HPST, la mise en place de la permanence des soins, etc. ?

L'Assemblée nationale a revu à la baisse les objectifs de dépenses de l'assurance maladie

A l'initiative du Gouvernement et en raison des mesures prévues par le « plan de retour à l'équilibre des finances publiques », les objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès ( article 47 ) ont été ramenés pour 2012, par l'Assemblée nationale, de 186,8 à 186,2 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base et de 162,2 à 161,6 milliards pour le régime général. Cet objectif est plus large que l'Ondam, puisqu'il comprend aussi la contribution de la CNSA aux établissements médico-sociaux (1,2 milliard en 2011), les indemnités journalières maternité et paternité (3 milliards), les prestations invalidité et incapacité permanente (8,6 milliards), ainsi que d'autres prestations (1,2 milliard).

La modification adoptée a pour origine la contraction de l'Ondam. L'Assemblée nationale a en effet rectifié ses sous-objectifs ( article 48 ), mais en raison des arrondis des chiffres présentés au vote du Parlement, on ne peut se fier qu'à l'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement pour connaître les évolutions précises qu'il propose. Il entend abaisser le taux d'évolution de l'Ondam de 2,8 % à 2,5 % avec un montant d' économies de 500 millions d'euros supplémentaires , dont :

- 290 millions sur les dépenses de médicaments , qui s'ajouteront aux 660 millions déjà prévus initialement. Au total, le Ceps devra donc négocier avec les entreprises pharmaceutiques des baisses de prix de 950 millions d'euros pour la seule année 2012. Dans le même temps, le Gouvernement n'a pas apporté son soutien à une mesure adoptée au Sénat pour renforcer l'utilisation des médicaments génériques en obligeant la motivation des décisions des praticiens qui abusent de l'opposition à la substitution ;

- 90 millions sur les tarifs des actes de biologie et de radiologie , en sus des 170 millions prévus initialement, soit au total une réduction de 260 millions d'euros. Cette méthode utilisée sans accompagnement ne peut avoir comme conséquence qu'une progression des dépassements d'honoraires à la charge des assurés ;

- 100 millions sur la dotation des régimes d'assurance maladie au Fmespp (voir supra. ) ;

- 20 millions sur les dépenses médico-sociales en faveur des personnes âgées . On peut s'interroger, au-delà de l'absence de justification de fond, sur l'intérêt de présenter une mesure d'un montant si limité, 4 % du plan de 500 millions et 0,25 % du sous-objectif recensant les dépenses en établissements et services pour personnes âgées.

Cet inventaire à la Prévert entre dans un niveau de détail décalé par rapport aux méthodes de construction globales de l'Ondam ; il utilise surtout des recettes usées , sans engager de réformes de fond pourtant indispensables pour obtenir des résultats structurels.

Il est à noter que le « plan de retour à l'équilibre des finances publiques » annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011 prévoit également des économies complémentaires qui se situent hors du champ de l'Ondam :

- 120 millions d'euros sur les dépenses de gestion des caisses de sécurité sociale, alors qu'elles ont signé, parfois très récemment, des conventions d'objectifs et de moyens pluriannuelles avec l'Etat. Cette décision est contradictoire avec le rétablissement par l'Assemblée nationale de l'article 62 bis du présent PLFSS, qui prévoit la création d' un fonds de prospective et de performance de la sécurité sociale , dont les dépenses seront décidées par le Gouvernement mais imputées sur les budgets de gestion des caisses. Cette double peine - réduction arbitraire des dépenses de gestion et préemption d'une partie de ces mêmes dépenses pour réaliser des études et des audits - montre clairement l'affaiblissement du principe de subsidiarité dans l'organisation de la sécurité sociale ;

- 100 millions sur les fonds de la protection sociale , qui regroupent principalement des dépenses de prévention, ce qui révèle là encore une gestion de court terme du système de santé.

Enfin, le Gouvernement a proposé de modifier l'annexe B du PLFSS ( article 28 ) pour inscrire l'hypothèse de la reconduction du taux de progression annuelle de l' Ondam de 2,5 % jusqu'en 2016 . Le respect de cet objectif repose là aussi sur les mêmes outils conjoncturels, qui ne sont pas soutenables à long terme sans réforme d'ensemble : baisse des prix des produits de santé, maîtrise médicalisée, convergence tarifaire entre les établissements de santé privés et publics...


* 1 Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page