C. LA TRADUCTION LÉGISLATIVE DU PROTOCOLE D'ACCORD DU 31 MARS 2011 PAR LE PROJET DE LOI

Le présent projet de loi se présente comme la transposition des stipulations de l'accord signé le 31 mars 2011 d'abord pour résorber la précarité des agents en poste puis pour prévenir la permanence de ces situations fragiles.

1. Un nouveau plan de titularisation, le choix d'une sécurisation minimale

Le titre premier du projet de loi (articles 1 er à 26) traduit fidèlement les termes du protocole pour « répondre aux situations de précarité parfois rencontrées par certains agents qui bénéficient d'une solide expérience professionnelle auprès de leur employeur » 14 ( * ) .

Il se distingue des précédents plans en prévoyant, en tout état de cause, la faculté, pour les intéressés, d'accéder au CDI sous conditions dès la publication de la loi.

a) Des procédures spécifiques d'attribution du statut de fonctionnaire

Le projet de loi ouvre donc des voies professionnalisées d'accès aux corps et cadres d'emplois dans les conditions prévues par l'accord : période quadriennale, population éligible, condition d'ancienneté.

Si les agents prioritairement concernés sont ceux recrutés pour répondre à des besoins permanents, le projet de loi élargit le champ du dispositif aux contractuels remplissant les conditions d'accès au CDI qui sera automatiquement proposé à la date de publication de la loi aux contractuels en fonction éligibles. Ainsi pourront être titularisés les agents recrutés sur des besoins temporaires, notamment pour pourvoir des besoins occasionnels ou saisonniers.

La procédure d'accès au statut de fonctionnaire est déclinée dans les trois versants de la fonction publique en procédant aux adaptations nécessitées par les particularismes propres à chacun.

La notion d'employeur, tout d'abord, est définie en tenant compte de leur organisation respective : départements ministériels, autorités publiques ou établissements publics de l'État ; collectivités territoriales ou établissements publics locaux ; établissements de la fonction publique hospitalière.

Les procédures de titularisation dans la fonction publique territoriale résultent d'un équilibre conciliant libre-administration des collectivités et objectivité des recrutements. Ainsi, pour les sélections professionnelles qui pourront être organisées parallèlement aux concours, interviendra une commission d'évaluation des candidats, composée de l'autorité territoriale, d'un fonctionnaire de la collectivité ou de l'établissement et d'une personnalité qualifiée désignée par le centre de gestion. Celui-ci pourra aussi organiser les sélections à la demande de la collectivité ou de l'établissement qui devront, par ailleurs, élaborer un programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire.

Dans la fonction publique hospitalière, les examens professionnels et concours, normalement organisés par chaque établissement, pourront être regroupés à la demande du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) avec ceux d'autres établissements de la région ou du département.

Les modalités de recrutement, hors concours réservés, ont été largement décentralisées pour permettre, selon le Gouvernement, « une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts et le nombre de recrutements effectifs et limiter le nombre potentiel de « reçus-collés » 15 ( * ) . Il s'agit, en effet, d'éviter toute frustration inutile.

b) La CDIsation comme garantie minimale et immédiate

Le projet de loi prévoit, comme l'a retenu le protocole, qu'un CDI sera obligatoirement proposé, à la date de publication de la loi, aux contractuels justifiant notamment d'une ancienneté de service de six années.

Ainsi, la situation des agents « qui ne pourraient pas ou ne souhaiteraient pas accéder à l'emploi titulaire » sera stabilisée par le bénéfice de cette transformation avec toutes les garanties qu'elle offrira au quotidien aux titulaires de ces nouveaux contrats.

Au-delà, ce dispositif permettra d'adoucir les effets de la loi du 26 juillet 2005 en permettant aux agents « recalés » en raison d'une interruption de leur période d'emploi ou d'un changement de fonction, d'accéder au CDI.

2. La clarification du régime juridique du contrat dans la fonction publique

Le titre II du projet de loi traduit l'engagement du Gouvernement de « lutter contre la reconstitution de l'emploi précaire dans la fonction publique et (d') améliorer les perspectives professionnelles des agents contractuels ». 16 ( * )

A cette fin, les articles 27 à 40 retouchent, dans chacun des trois versants, le régime du recours aux contractuels sans bouleverser l'architecture générale fixée par les lois de 1984 et 1986.

Reprenant les améliorations identifiées dans l'accord du 31 mars 2011, le projet de loi dans chacun des trois statuts :

- améliore la lisibilité de la loi ;

- redéfinit les conditions de durée et de renouvellement des contrats en les harmonisant lorsqu'elles ne l'étaient pas ;

- assouplit les conditions d'accès au CDI par la transformation d'un CDD au-delà d'une durée de service.

L'article 29 ouvre, à titre expérimental, la faculté de recruter directement en CDI dans les administrations et établissements publics de l'État, pour des emplois permanents à temps complet qui ne peuvent être pourvus par la nomination de fonctionnaires faute de corps correspondant.

Le principe de la portabilité du CDI est adopté à l'intérieur de chaque fonction publique sur des fonctions de même niveau hiérarchique.

Le besoin occasionnel ou saisonnier est précisé par la notion nouvelle d' « accroissement saisonnier ou temporaire d'activité ».

La règle de l'emploi titulaire est réaffirmée : d'une part, le recrutement d'un contractuel pour pourvoir à une vacance temporaire d'emploi est soumis à la mise en oeuvre parallèle de la procédure de recrutement d'un titulaire ; d'autre part, le renouvellement du contrat dans la limite de deux ans en tout est conditionné à son échec.

La possibilité de conclure un contrat pour remplacer un fonctionnaire momentanément absent, est ouverte désormais aussi pour remplacer un non-titulaire absent.

3. Les effets attendus des dispositifs proposés

L'étude d'impact du projet de loi esquisse les contours de la population éligible au double dispositif proposé par le projet de loi.

a) Accès à l'emploi titulaire : des bénéficiaires difficiles à cerner

En effet, l'appareil statistique ne permet pas de déterminer précisément le nombre de bénéficiaires potentiels du dispositif de titularisation en l'absence notamment de données sur l'ancienneté de service des intéressés.

En conséquence, dans l'attente du recensement attendu des employeurs publics, le législateur ne dispose que « des estimations forfaitaires et relativement frustres » présentées dans l'étude d'impact.


Fonction publique d'État

Sur les 149 800 agents recensés au 31 décembre 2008, 26 200 agents en CDI ou CDD rempliraient la condition d'ancienneté de quatre ans.


Fonction publique territoriale

Seraient concernés les 61 000 CDI naturellement, 48 000 CDD de trois ans renouvelables ainsi qu'« une part non déterminable des 240 000 agents non titulaires, recrutés sur des emplois non permanents, dont 105 000 agents sur besoins occasionnels. »


Fonction publique hospitalière

Le nombre d'éligibles sur les 129 712 présents au 31 décembre 2009 « reste inconnu ». Mais 67 872 contractuels occupent des emplois permanents. En outre, « l'impact potentiel des mesures de titularisation sur les 41 812 agents en CDI dont beaucoup sont recrutés dans la filière des personnels de soins et médico-technique dans des conditions parfois plus favorables que s'ils l'étaient en qualité de fonctionnaires, est particulièrement difficile à évaluer. »

Bref, il est difficile en l'état d'estimer l'effectif global des candidats potentiels à l'intégration dans les corps et cadres d'emplois. Ce quinzième plan de titularisation prendra corps avec le recensement, par chaque employeur, des agents éligibles.

La circulaire du 21 novembre les a déjà invités à y procéder :

« Dans les fonctions publiques de l'État et hospitalière, chaque administration ou établissement public est invité à dresser un état des lieux des personnels éligibles et à déterminer les modalités d'application du dispositif d'accès à l'emploi titulaire en concertation avec les organisations syndicales.

« Il ne s'agit pas d'établir une liste exhaustive ou nominative des agents concernés mais de fournir un ordre de grandeur, le plus précis possible par administration ou établissement et par corps, de la population potentiellement éligible sur l'ensemble de la durée du dispositif. (...)

« Il revient également aux administrations et établissements précités, sur la base de cet état des lieux et en fonction de leur gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, d'engager une concertation avec les organisations syndicales sur les modalités concrètes d'application du dispositif (...)

« S'agissant de la FPT, le projet de loi prévoit que la publication de ces décrets ouvrira un délai de trois mois aux collectivités territoriales et établissements publics locaux, pour présenter au comité technique un rapport sur la situation des agents remplissant les conditions d'éligibilité au dispositif de titularisation, assorti d'un programme pluriannuel de titularisation. Ce programme déterminera notamment les corps ou cadres d'emplois ouverts aux recrutements professionnalisés et, pour ces derniers, le nombre de postes offerts à chacune des sessions ouvertes.

« Les collectivités et établissements publics territoriaux sont invités à anticiper le travail qui devra être réalisé à cette occasion. Notamment, ils peuvent utilement, pour leur propre compte, engager, dès à présent le travail de recensement des agents éligibles, ainsi que la concertation avec les organisations syndicales représentatives au niveau des comités techniques compétents, afin de préparer la définition du programme pluriannuel de titularisation précité. »

b) CDisation : des données très parcellaires

L'étude d'impact indique que 100 720 contractuels de la FPE présents en 2008, dix à douze mois dans l'année, pourront voir leur ancienneté prise en compte pour l'accès au CDI.


* 14 Cf. exposé des motifs du projet de loi.

* 15 Cf. étude d'impact du projet de loi.

* 16 Cf. exposé des motifs.

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