B. LE SOUCI D'EFFICACITÉ

1. La promotion du développement local intégré

La Commission européenne propose d'élargir à l'ensemble des fonds les démarches de type LEADER, qui mobilisent les crédits du FEADER autour de projets de développement des territoires ruraux associant les partenaires publics et privés. Ainsi, des « groupes d'action locale » (GAL) auront pour objectif de mettre en oeuvre une stratégie de développement local intégrée sur des territoires infrarégionaux, faisant appel à plusieurs fonds mis en synergie. Un fonds principal supporterait l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'animation. La sélection des stratégies de développement local devrait être achevée au plus tard le 31 décembre 2015.

Dans cette promotion de l'approche territoriale, la Commission européenne souhaite mettre l'accent sur les territoires urbains . Ainsi, chaque État membre serait tenu de consacrer au moins 5 % de la part du FEDER qui lui revient à des actions intégrées pour le développement urbain durable. La gestion de ces « investissements territoriaux intégrés » serait déléguée aux villes concernées, chaque État membre fixant dans son contrat de partenariat la liste des villes ou agglomérations retenues pour la mise en oeuvre de ces actions.

2. Une inquiétude concernant les zones rurales

La commission des affaires européennes se félicite de la généralisation d'une démarche de type LEADER à tous les fonds, mais exprime une inquiétude concernant les zones rurales et leurs relations avec les zones urbaines.

En effet, alors que le développement des zones rurales est assuré à la fois par le FEDER et le FEADER, aucune fraction du FEDER ne leur est réservée , tandis que le montant du FEADER reste très incertain, puisqu'il résultera de la négociation globale du cadre financier pluriannuel et de la négociation entre les deux piliers de la prochaine politique agricole commune.

Par ailleurs, la commission des affaires européennes regrette que les zones rurales ne trouvent pas de soutien pour leur aménagement numérique dans les propositions de la Commission européenne : le numérique ne figure pas parmi les objectifs obligatoires que celle-ci entend imposer aux régions les plus riches.

3. La concentration thématique des fonds structurels

La Commission européenne propose de concentrer l'emploi des fonds structurels sur les interventions les plus porteuses de valeur ajoutée au regard de la stratégie Europe 2020 de croissance intelligente, durable et inclusive.

L'architecture de la politique de cohésion ne serait plus articulée autour des deux objectifs « convergence » et « compétitivité régionale et emploi », mais unifiée au service d'un unique objectif « investissement pour la croissance et l'emploi ». Cet objectif unique se déclinerait en onze objectifs prioritaires , liés aux grands axes de la stratégie Europe 2020 :

- renforcer la recherche, le développement technologique et l'innovation ;

- renforcer l'accessibilité, l'usage et la qualité des technologies de l'information et de la communication ;

- renforcer la compétitivité des PME et le secteur agricole (pour le FEADER) et le secteur de la pêche et de l'aquaculture (pour le FEAMP) ;

- soutenir la mutation vers une économie à faible teneur en carbone dans tous les secteurs ;

- promouvoir l'adaptation au changement climatique, ainsi que la prévention et la gestion des risques ;

- protéger l'environnement et promouvoir l'efficacité des ressources ;

- promouvoir le transport durable et supprimer les goulets d'étranglement dans le réseau-clé d'infrastructures ;

- promouvoir l'emploi et soutenir la mobilité du travail ;

- promouvoir l'inclusion sociale et combattre la pauvreté ;

- investir dans l'éducation, les compétences et la formation tout au long de la vie ;

- renforcer la capacité institutionnelle et une administration publique efficace.

Chaque fonds structurel se verrait attribuer des priorités d'investissements en propre, déclinant les objectifs thématiques. Le FEDER pourrait intervenir au titre des onze objectifs thématiques, mais le FSE au titre des quatre derniers d'entre eux seulement.

La concentration thématique sera d'autant plus forte que les régions sont riches. Ainsi, les régions les plus développées et celles en transition devront consacrer au moins 20 % de leur dotation du FEDER à la mutation vers une économie à faible teneur en carbone, et 60 % à la compétitivité des PME et à la recherche et l'innovation. Trois objectifs thématiques concentreront donc 80 % de la dotation FEDER. Cette exigence de concentration thématique serait limitée à 60 % pour les régions sortant de l'objectif « convergence », et à 50 % pour les régions les moins développées.

Par ailleurs, la Commission européenne propose de fixer des seuils minimaux pour la répartition opérée par les États membres entre le FEDER et le FSE, qui était libre jusqu'à présent. Ainsi, 52 % des fonds structurels devraient revenir au FSE dans les régions les plus riches, 40 % dans les régions en transition et 25 % dans les régions les moins développées. Au sein de l'enveloppe FSE, au moins 20 % devront être consacrés à l'inclusion sociale et à la lutte contre la pauvreté.

La commission des affaires européennes, tout en comprenant la volonté de la Commission européenne de lutter contre le « saupoudrage » des fonds, s'inquiète du risque d'une excessive rigidité qui découlerait de ces règles de concentration thématique.

4. Des règles de conditionnalité contestables

La Commission européenne propose d'introduire trois nouveaux types de conditionnalité dans l'octroi des fonds structurels, afin d'en renforcer l'efficacité.

La conditionnalité « ex ante » devra être respectée avant que soient versés les fonds. A défaut, les États membres devront planifier sa mise en oeuvre dans le cadre du contrat de partenariat, afin qu'elle soit atteinte dans les deux ans suivant la signature de ce contrat. Les conditions à remplir sont détaillées à l'annexe IV de la proposition de règlement commun à tous les fonds. Certaines sont générales et consistent dans la transposition de certaines directives, par exemple en matière environnementale, en matière d'aide d'État, de lutte contre la discrimination ou de marchés publics. D'autres sont liées aux objectifs thématiques.

Tout en reconnaissant la justification de cette conditionnalité « ex ante », la commission des affaires européennes demande au Gouvernement de veiller à prévenir une précision excessive dans les obligations imposées par la Commission européenne , afin de ne pas corseter inutilement les politiques menées dans chaque État membre. Elle se demande, par ailleurs, s'il est légitime de conditionner le versement des fonds européens aux régions à la transposition de directives communautaires.

La conditionnalité macroéconomique apparaît, quant à elle, clairement contestable à la commission des affaires européennes. En effet, la Commission européenne propose de lier le versement des fonds structurels au respect par les États membres de leurs engagements au titre du Pacte de stabilité et de croissance, mais aussi au titre des nouvelles règles de gouvernance économique adoptées récemment en réaction à la crise des dettes souveraines.

Alors que la conditionnalité macroéconomique n'existe actuellement que pour le fonds de cohésion, et n'a d'ailleurs jamais été appelée à jouer, elle serait étendue à l'ensemble des fonds de la politique de cohésion, selon une procédure en deux étapes :

- au premier stade, la Commission européenne aurait la possibilité de demander à un État membre de revoir son contrat de partenariat et ses programmes opérationnels, puis pourrait suspendre tout ou partie des paiements si la réponse de cet État membre ne lui paraît pas satisfaisante ;

- au second stade, à la suite d'une décision du Conseil reconnaissant un comportement défaillant de l'État membre, qui par exemple n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour corriger un déficit excessif, la Commission aurait alors l'obligation de suspendre tout ou partie des paiements.

La mesure de suspension ne pourrait être levée que par une autre décision du Conseil constatant que l'État membre s'est conformé à ses obligations.

La commission des affaires européennes regrette vivement cette proposition de conditionnalité macroéconomique et s'interroge sur sa légitimité. Elle lui oppose des objections de plusieurs ordres :

- il lui semble peu justifié de pénaliser les autorités régionales en suspendant des paiements qui leur sont destinés, alors qu'elles ne sont pas responsables des défaillances de l'autorité nationale dont elles dépendent ;

- cette conditionnalité des versements au titre de la politique de cohésion aboutirait à instaurer une double peine, qui s'ajouterait aux mesures qui sont récemment venues renforcer la gouvernance économique en prévoyant des sanctions financières pour les États membres ne respectant pas le pacte de stabilité ;

- les entreprises et les acteurs sociaux sur le terrain risquent d'hésiter à s'engager au côté des collectivités territoriales dans des projets dont le financement européen pourrait être brutalement interrompu ;

- enfin, cette conditionnalité macroéconomique serait contreproductive, dans la mesure elle aurait un effet procyclique en accroissant les difficultés traversées par les États membres dont la politique économique est défaillante. Elle semble, à cet égard, contradictoire avec la proposition faite par la Commission européenne de relever les taux de cofinancement en faveur des États membres connaissant des difficultés budgétaires temporaires.

La conditionnalité « ex post » consisterait à établir un lien entre le versement des fonds et l'atteinte de résultats par rapport à des objectifs préétablis. La Commission européenne propose que le contrat de partenariat signé par chaque État membre définisse un « cadre de performance » qui, pour chacune des priorités retenues par un programme opérationnel, établirait des objectifs quantifiés à atteindre pour 2016, 2018 et 2022. En plus de ces indicateurs spécifiques, la Commission européenne propose des indicateurs communs à tous les programmes, dont la liste est annexée à chacune des propositions de règlements : 34 indicateurs sont prévus pour le FEDER, 23 pour le FSE et 14 pour le fonds de cohésion.

Sur la base de ces éléments, la Commission européenne effectuerait en 2017 et 2019 une « revue de la performance » de tous les programmes opérationnels, en fonction de laquelle elle pourrait suspendre tout ou partie des paiements d'un programme qui n'aurait pas atteint ses objectifs. En 2019, cette revue pourrait aboutir à la répartition d'une « réserve de performance » de 5 % des crédits alloués à chaque État membre, au profit des programmes qui auront rempli leurs objectifs. Actuellement, cette réserve de performance est limitée à 3 % des crédits et n'a d'existence que facultative.

Notre collègue Michel Delebarre, se déclare assez réservé sur cette manière de récompenser la performance, qui poserait la question du choix des indicateurs et du niveau d'exigence demandé à chaque État membre par la Commission européenne. Par ailleurs, la grande quantité d'information à traiter, en raison du nombre des indicateurs à renseigner et des étapes d'évaluation, risque d'induire des charges administratives disproportionnées, et finalement de nuire à la simplification de la politique de cohésion souhaitée par la commission des affaires européennes.

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