B. DES AMÉNAGEMENTS QUI NE LÈVENT PAS TOUTES LES INQUIÉTUDES VOIRE EN SUSCITENT DE NOUVELLES

1. Une limitation à l'usurpation d'identité qui n'est pas avérée

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale défend le dispositif du « lien fort » associé à certaines garanties légales en faisant valoir que la limitation de l'utilisation du fichier biométrique de la population française à la seule lutte contre l'usurpation d'identité devrait dissiper toute crainte sur les mésusages de la base centrale.

Cependant, quand bien même de telles garanties seraient pérennes et irréversibles - ce qui n'est malheureusement pas le cas -, d'ores et déjà le dispositif proposé déborde le strict cadre de l'usurpation d'identité, ce qui ouvre la voie à d'autres empiètements, à l'avenir, afin d'étendre peu à peu le périmètre de l'utilisation du fichier central biométrique de la population française .

a) Le recours au fichier central pour des enquêtes qui ne présentent pas forcément de lien avec une usurpation d'identité

La liste des infractions pour lesquelles la consultation de la base centrale est autorisée devrait, en principe ne porter que sur des délits d'usurpation d'identité. Toutefois, plusieurs des infractions visées ne présentent pas de lien direct avec ce délit, ou sont bien plus générales que ce seul délit, ce qui autoriserait les forces de police à faire usage du fichier alors qu'aucune usurpation d'identité n'est en cause.

Il en est ainsi du délit de révélation de l'identité d'agent des services spécialisés de renseignement 3 ( * ) : l'identité de l'auteur de l'infraction n'est pas en cause. De la même manière, on peut légitimement se demander ce que le faux en écriture publique qui ne porte pas sur l'identité d'une personne a à voir avec l'usurpation d'identité 4 ( * ) ou ce que l'escroquerie a à voir avec l'usurpation d'identité, lorsque le délinquant ne se présente pas sous une fausse identité, mais qu'il agit, sous sa véritable identité, par des manoeuvres frauduleuses 5 ( * ) .

Le rapporteur de l'Assemblée nationale a d'ailleurs lui-même proposé par un amendement d'autoriser l'utilisation de la base pour l'identification d'un cadavre par ses empreintes digitales, ce qui ne présente aucun lien avec l'objet initial de la proposition de loi : il a ainsi indiqué la méthode pour étendre l'usage de la base centrale à d'autres fins. Une fois le fichier créé, et à défaut d'une garantie technique qui rende impossible son utilisation pour autre chose que la lutte contre l'usurpation d'identité, il suffira d'une modification législative pour en étendre l'usage à d'autres fins.


* 3 Art. 413-13 du code pénal

* 4 Art. 441-1 du code pénal.

* 5 Art. 313-1 du code pénal.

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