2. La différence par rapport au « six pack » : l'obligation d'adopter une « règle d'or » contraignante

L'obligation d'adopter une « règle d'or » contraignante - qui s'appliquerait non seulement aux Etats de la zone euro ayant ratifié le traité, mais aussi aux Etats hors zone euro ayant ratifié le traité et décidant d'être liés par ces dispositions - consiste en un dispositif juridique relativement complexe, qui fait intervenir trois textes en cascade :

- le traité, dans ses articles 3 (définition de la règle et obligation de transposition en droit interne) et 8 (possibilité pour un Etat partie de saisir la Cour de justice de l'UE si un Etat ne respecte pas ses obligations de transposition) ;

- l'article 4 de la proposition de règlement sur les plans budgétaires et la correction des déficits excessifs dans la zone euro 70 ( * ) (faisant partie du « Two-Pack ») ;

- l'article 2 bis du règlement n° 1466/97, inséré par le règlement 1175/2011 du 16 novembre 2011 (faisant partie du « Six-Pack »).

L'obligation de se doter d'une « règle d'or » contraignante résultant
des différents textes prévus ou en vigueur

La règle d'or selon la proposition de règlement du « Two-Pack »*

La règle d'or selon le traité intergouvernemental dont le texte a été arrêté le 30 janvier 2012

La règle et l'obligation de transposition

Article 4

1. Les États membres adoptent des règles budgétaires chiffrées concernant le solde budgétaire, qui inscrivent dans le processus budgétaire national l'objectif budgétaire à moyen terme au sens de l'article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97. Ces règles s'appliquent aux administrations publiques dans leur ensemble et revêtent un caractère contraignant, de préférence constitutionnel.

Article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 (tel que modifié par le « Six-Pack ») :

«Article 2 bis

Chaque État membre a un objectif à moyen terme différencié pour sa position budgétaire. Ces objectifs budgétaires à moyen terme spécifiques à chaque pays peuvent s'écarter de l'obligation d'atteindre une position proche de l'équilibre ou excédentaire, tout en prévoyant une marge de sécurité pour ce qui concerne la limite de 3 % du PIB fixée pour le déficit public. Les objectifs budgétaires à moyen terme garantissent la soutenabilité des finances publiques ou une progression rapide vers leur soutenabilité, tout en autorisant une marge de manoeuvre budgétaire, en tenant compte notamment des besoins en investissements publics.

Compte tenu de ces facteurs, pour les États membres participants et pour les États membres participant au MTC 2, les objectifs budgétaires à moyen terme spécifiques se situent entre - 1 % du PIB et l'équilibre ou l'excédent budgétaire en données corrigées des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

L'objectif budgétaire à moyen terme est revu tous les trois ans. L'objectif budgétaire à moyen terme d'un État membre peut être revu à nouveau en cas de mise en oeuvre d'une réforme structurelle ayant une incidence majeure sur la soutenabilité des finances publiques.

Le respect de l'objectif budgétaire à moyen terme fait partie intégrante des cadres budgétaires nationaux à moyen terme, conformément au chapitre IV de la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

Article 3

1. Outre leurs obligations au titre du droit de l'Union européenne et sans préjudice de celles-ci, les parties contractantes appliquent les règles énoncées au présent paragraphe :

a) la situation budgétaire des administrations publiques d'une partie contractante est en équilibre ou en excédent ;

b) la règle énoncée au point a) est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l'objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut aux prix du marché. Les parties contractantes veillent à assurer une convergence rapide vers leur objectif à moyen terme respectif. Le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays. Les progrès réalisés en direction de l'objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l'objet d'une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément au pacte de stabilité et de croissance révisé ;

c) les parties contractantes ne peuvent s'écarter temporairement de leur objectif respectif à moyen terme ou de la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation qu'en cas de circonstances exceptionnelles, telles que définies au paragraphe 3, point b) ;

d) lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché est sensiblement inférieur à 60 % et lorsque les risques pour la soutenabililité à long terme des finances publiques sont faibles, la limite inférieure de l'objectif à moyen terme telle que définie au point b) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d'au maximum 1,0 % du produit intérieur brut aux prix du marché ;

e) un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée.

2. Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. Les parties contractantes mettent en place, au niveau national, le mécanisme de correction visé au paragraphe 1, point e), sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne et concernant en particulier la nature, l'ampleur et le calendrier des mesures correctives à mettre en oeuvre, y compris en cas de circonstances exceptionnelles, ainsi que le rôle et l'indépendance des institutions chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles énoncées au paragraphe 1. Ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux.

(...)

Le contrôle de la Cour de justice de l'UE sur la transposition nationale de la « règle d'or »

[Procédure d'infraction de droit commun, avec le cas échéant :

- saisine par la Commission ou un Etat membre de la Cour de justice de l'Union européenne (sur le fondement respectivement des articles 258 ou 259 du TFUE) afin que la Cour prononce le manquement de l'Etat ;

- puis, si la Commission estime que cet Etat n'a pas tiré les conséquences nécessaires de l'arrêt de la Cour, nouvelle saisine de la Cour - « manquement sur manquement » prévu par l'article 260 § 2 du TFUE , pouvant conduire à une sanction financière, qui peut se composer d'une astreinte et d'une somme forfaitaire.]

Article 8

1. La Commission européenne est invitée à présenter en temps utile aux parties contractantes un rapport concernant les dispositions adoptées par chacune d'entre elles conformément à l'article 3, paragraphe 2. Si, après avoir donné à la partie contractante concernée la possibilité de présenter ses observations, la Commission européenne conclut dans son rapport que ladite partie contractante n'a pas respecté l'article 3, paragraphe 2, la Cour de justice de l'Union européenne sera saisie de la question par une ou plusieurs parties contractantes. Lorsqu'une partie contractante estime, indépendamment du rapport de la Commission, qu'une autre partie contractante n'a pas respecté l'article 3, paragraphe 2, elle peut également saisir la Cour de justice de cette question. Dans les deux cas, l'arrêt de la Cour de justice est contraignant à l'égard des parties à la procédure, lesquelles prennent les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai à déterminer par la Cour de justice.

2. Lorsque, sur la base de sa propre évaluation ou de celle de la Commission européenne, une partie contractante considère qu'une autre partie contractante n'a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt de la Cour de justice visé au paragraphe 1, elle peut saisir la Cour de justice de l'affaire et demander que des sanctions financières soient infligées selon les critères établis par la Commission européenne dans le cadre de l'article 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Si la Cour de justice conclut que la partie contractante concernée ne s'est pas conformée à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte adaptée aux circonstances et ne dépassant pas 0,1 % de son produit intérieur brut. Les montants dont le paiement est infligé à une partie contractante dont la monnaie est l'euro sont à verser au mécanisme européen de stabilité. Dans les autres cas, les paiements sont versés au budget général de l'Union européenne.

* Proposition de règlement du Parlement et du Conseil établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (COM(2011) 821 final).

Source : textes indiqués

a) Le traité ne comprend rien de nouveau par rapport au « Six-Pack » en ce qui concerne l'objectif à moyen terme

Dans le cas de la définition de l'objectif à moyen terme et de la trajectoire pour y parvenir, le traité n'apporte rien de nouveau non seulement par rapport au « Two-Pack », mais même par rapport au « Six-Pack ».

Certes, le traité prévoit que « la situation budgétaire des administrations publiques d'une partie contractante est en équilibre ou en excédent ». On pourrait donc croire a priori qu'il oblige les Etats à l'équilibre, voire à un excédent permanent, ce qui serait économiquement absurde, en entraînant à terme la disparition du marché de la dette publique européenne.

Il ne s'agit toutefois que d'une disposition formelle. En effet, cette règle « est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l'objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé , avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut aux prix du marché ». Autrement dit, il s'agit de se conformer aux règles du pacte de stabilité révisé par le « Six-Pack ».

La disposition selon laquelle le déficit structurel devrait être de 0,5 point de PIB au maximum n'est en réalité pas significativement différente de celle du règlement n° 1466/97 précité, qui prévoit que l'objectif à moyen terme doit être, selon les Etats, « entre - 1 % du PIB et l'équilibre ou l'excédent ». En effet, l'article 3 du traité prévoit également que « lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché est sensiblement inférieur à 60 % et lorsque les risques pour la soutenabililité à long terme des finances publiques sont faibles, la limite inférieure de l'objectif à moyen terme (...) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d'au maximum 1,0 % du produit intérieur brut aux prix du marché ».

De même, la trajectoire pour parvenir à l'objectif à moyen terme sera définie selon les modalités prévues par le « Six-Pack ». En effet, selon l'article 3 du traité, « le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays. Les progrès réalisés en direction de l'objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l'objet d'une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément au pacte de stabilité et de croissance révisé ».

b) La nature précise de la « règle d'or » : se conformer au volet « préventif » du pacte de stabilité

La principale nouveauté du traité par rapport au « Six-Pack » est qu'il prévoit d' obliger les Etats à se doter de dispositions contraignantes destinées à respecter leurs obligations résultant du pacte de stabilité en ce qui concerne la convergence vers leur objectif de solde structurel à moyen terme .

Ainsi, l'article 3 du traité prévoit que les règles qu'il fixe et que l'on a présentées ci-avant « prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » .

c) L'obligation d'un mécanisme de correction automatique interne si le solde structurel s'écarte de la trajectoire

L'article 3 du traité précise qu' « un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée ».

On rappelle que la « trajectoire de correction » ne concerne pas le solde public effectif, mais, tout comme l'objectif de solde à moyen terme, le solde public structurel.

Ce mécanisme de correction n'a donc pas pour objet d'obliger les Etats à être plus rigoureux en période de ralentissement économique, mais simplement de prendre les mesures sur les recettes et sur les dépenses auxquelles ils se sont engagés.

d) Le maintien d'une possibilité de dérogation en cas de circonstances exceptionnelles, définies de manière assez larges

L'article 3 du traité prévoit que « les parties contractantes ne peuvent s'écarter temporairement de leur objectif respectif à moyen terme ou de la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation qu'en cas de circonstances exceptionnelles ».

La définition, assez large, de la notion de « circonstances exceptionnelles » - il suffit par exemple d'une grave crise économique, dès lors que la déviation par rapport à la trajectoire ne met pas en cause « la soutenabilité à moyen terme » 71 ( * ) -, a été critiquée par la BCE, dans une lettre de Jörg Asmussen publiée dans le Financial Times Deutschland le 12 janvier 2012. De fait, elle pourrait priver le traité d'une partie de sa portée.


* 70 COM(2011) 821 final.

* 71 L'article 3 du traité précise, dans son 3 : « Aux fins du présent article, (...) les « circonstances exceptionnelles » font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visée dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabililité budgétaire à moyen terme ».

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