2. Une crise grecque toujours pas réglée

Tout d'abord, malgré le deuxième plan d'aide à la Grèce, la crise grecque est loin d'être résolue.

a) Une réduction de la dette publique de l'ordre de 150 milliards d'euros, et la couverture de la quasi-totalité des besoins de financement de 2010 à 2020

Les grandes lignes de ce deuxième plan - s'ajoutant aux prêts bilatéraux décidés par l'Eurogroupe le 2 mai 2010, et se substituant au plan annoncé le 21 juillet 2011 - ont été fixées par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro le 26 octobre 2011. Après avoir été discuté par l'Eurogroupe le 9 février 2012, ce plan n'a été finalisé et adopté par l'Eurogroupe que le 20 février 2012 18 ( * ) .

Ainsi, le dispositif d'aide à la Grèce comprend désormais trois volets :

- les prêts bilatéraux décidés en mai 2010 ;

- la participation du secteur privé ;

- la participation du FESF, qui finance en partie cette dernière.

La dette publique grecque est de l'ordre de 160 points de PIB 19 ( * ) , soit 350 milliards d'euros. Sur ce montant, la dette dite négociable (c'est-à-dire consistant en des obligations) est de l'ordre de « seulement » 250 milliards d'euros, dont 200 milliards d'euros pour le secteur privé (dont 50 milliards d'euros pour les banques grecques) et 50 milliards d'euros pour la BCE.

Toutefois le montant à retenir est non le stock actuel de dette, de peu d'intérêt en lui-même, mais le besoin de financement total (tombées de dette+déficit) prévu de 2010 à 2020. Ce montant dépend évidemment du niveau du déficit, mais on peut l'évaluer à environ 400 milliards d'euros .

(1) La réduction de la dette publique par le plan de février 2012 : environ 150 milliards d'euros

Les deux mesures tendant à réduire le besoin de financement de la Grèce de 2010 à 2020, résultant du plan de février 2012, sont de l'ordre de 150 milliards d'euros .

Il s'agit :

- de la décote de 53,5 % sur la dette négociable détenue par le secteur privé (soit 107 milliards d'euros sur un total de 200 milliards) ;

- du programme de rachat d'obligations publiques grecques détenues par la BCE, grâce à des financements du FESF.

(2) La couverture des 250 milliards d'euros de besoin de financement restants par les plans de mai 2010 et de février 2012

Les 250 milliards d'euros (environ) de besoin de financement restants de 2010 à 2020 doivent être couverts :

- pour 110 milliards d'euros, par les prêts bilatéraux décidés en mai 2010 et une participation du FMI ;

- pour une centaine milliards d'euros, par l'échange par le secteur privé des titres existants contre des titres à très long terme ;

- pour un montant qui pourrait être de 13 milliards d'euros, par des prêts du FMI.

b) La contribution du FESF et du secteur privé au plan de février 2012
(1) Les financements publics : 130 milliards d'euros

Le communiqué de l'Eurogroupe du 20 février 2012 « confirme que les Etats membres de la zone euro se tiennent prêts à fournir, par l'intermédiaire du FESF et en attendant du FMI une contribution significative, un programme additionnel jusqu'à 130 milliards d'euros d'ici 2014 » 20 ( * ) .

La contribution du FMI n'est toujours pas arrêtée. Le montant de 13 milliards d'euros est toutefois évoqué.

Cette contribution permettrait, outre le rachat d'obligations à la BCE indiqué ci-avant, de financer deux types de financements ne tendant ni à réduire le besoin de financement de la Grèce, ni à le couvrir :

- le paiement de tout ou partie des intérêts des obligations devant faire l'objet d'un échange dans le cadre de la participation du secteur privé ;

- le financement de la recapitalisation des banques.

Par ailleurs, les taux des prêts bilatéraux décidés en mai 2010 ont été revus à la baisse, de manière rétroactive 21 ( * ) . Les plus-values éventuelles d'ici 2020 des banques centrales des Etats membres de la zone euro sur des titres de dette publique grecque doivent en outre contribuer au financement de la Grèce, l'objectif étant de réduire le ratio dette/PIB de 1,8 point en 2020, et de réduire les besoins de financement sur la période de 1,8 milliard d'euros.

(2) La participation du secteur privé

Dans le cas de la participation du secteur privé, il s'agit d'empêcher un défaut, sinon au sens des agences de notation, du moins au sens de l'ISDA ( International Swaps and Derivatives Association , Association internationale des swaps et dérivés), afin d'éviter le déclenchement des credit-default swaps (CDS). La restructuration de la dette doit donc être « volontaire ».

Concrètement, les obligations correspondantes doivent être échangées contre de nouveaux titres, de maturité très longue.

Il faut distinguer plusieurs notions.

En termes de couverture des besoins de financement initiaux de la Grèce, le secteur privé devait contribuer à la hauteur de son « stock » de dette actuel de 200 milliards d'euros, soit :

- environ 107 milliards d'euros sous la forme d'une décote de 53,5 % sur le principal des titres existants ;

- le solde, soit environ 93 milliards d'euros, sous la forme de l'échange des titres existants contre des titres à très long terme (de l'ordre de 30 ans).

Le plan annoncé le 21 juillet 2011 aurait correspondu à une perte actualisée pour les banques évaluée à 21 % mais n'aurait réduit le montant de la dette que d'environ 10 %, soit, sur une « assiette » alors évaluée à 135 milliards d'euros, 13,5 milliards d'euros 22 ( * ) . Aussi, il a été décidé le 26 octobre 2011 de porter cette réduction de la dette publique détenue par le secteur privé à 50 % - soit, en retenant l'hypothèse d'une « assiette » de 200 milliards d'euros, 100 milliards d'euros -, taux finalement porté à 53,5 % le 20 février 2012.

La perte pour les banques , que celles-ci devront provisionner, correspond toutefois non au montant de la décote, mais à leurs pertes actualisées , qui dépendent notamment du taux d'intérêt retenu pour les nouveaux titres. De ce point de vue, le plan du 20 février 2012 va nettement plus loin que celui annoncé le 26 octobre 2011 : bien que la décote soit à peu près la même (53,5 % au lieu de 50 %), les taux d'intérêt retenus seraient désormais de seulement 2 % les trois premières années, 3 % les cinq années suivantes, et 4,2 % ensuite, ce qui correspondrait à des pertes actualisées de plus de 70 % (contre 21 % pour le plan annoncé en juillet 2011) 23 ( * ) .

c) Une réduction toujours insuffisante de la dette publique grecque

Ce plan ne suffira pas à rendre soutenables les finances publiques grecques.

Selon la déclaration des chefs d'Etat et de la zone euro du 26 octobre 2011, « la participation du secteur privé devrait garantir la diminution du ratio de la dette grecque au PIB, l'objectif étant de parvenir à un taux de 120  % d'ici 2020 ». La déclaration de l'Eurogroupe du 20 février 2012 a maintenu cet objectif quasiment inchangé, à 120,5 points de PIB .

Pour mémoire, un ratio dette/PIB de 120 % correspond à la situation actuelle de l'Italie. Il n'est pas évident qu'avec un tel taux d'endettement en 2020, la Grèce soit en mesure de se financer sur les marchés. Ce taux de 120,5 points de PIB suppose par ailleurs que tout se passe « comme prévu ».

On peut donc se demander dans quelle mesure la dette publique grecque pourra être ramenée à un niveau supportable sans impliquer des pertes supplémentaires pour les acteurs privés ou publics (FESF et Etats membres de la zone euro).

d) Vers une nouvelle réduction de la dette publique grecque ?

La Grèce se trouve enfermée dans un cercle vicieux, la politique de réduction du déficit suscitant une croissance fortement négative, ce qui réduit l'amélioration du déficit.

Ainsi, selon le consensus des conjoncturistes 24 ( * ) , elle connaîtrait une croissance du PIB de - 4,4 % en 2012 et -0,7 % en 2013 (après - 2,3 % en 2009, -3,5 % en 2010 et - 6,8 % en 2011).

Du fait de la croissance négative, le déficit demeurerait élevé. Ainsi, selon les prévisions économiques publiées à l'automne 2011 par la Commission européenne - donc avant le plan de février 2012 -, la Grèce aurait toujours un déficit public de 7 points de PIB en 2012 et 6,8 points de PIB en 2013.

Dans ces conditions, il pourrait être nécessaire de réduire à nouveau la dette publique de la Grèce quand ce pays aura suffisamment réduit son déficit structurel, soit au début de l'année 2013.

En effet, le niveau élevé du déficit public pour 2012 prévu à l'automne dernier par la Commission européenne vient du fait que la charge d'intérêt aurait alors été de 8 point de PIB, et que, le PIB devant alors être nettement inférieur à son potentiel, le déficit conjoncturel aurait été de 3,1 point de PIB. Le solde primaire structurel, c'est-à-dire corrigé de ces deux phénomènes, aurait quant à lui été en 2012 de +5,1 points de PIB .

Or, la charge d'intérêt est proportionnelle au stock de dette, et en l'absence de politique budgétaire restrictive le déficit public devrait converger vers son niveau structurel, alors que le PIB rejoindrait son potentiel.

Une manière de sortir de la crise grecque serait donc de réduire fortement la dette publique de ce pays au début de l'année 2013, tout en lui permettant de renouer avec une politique budgétaire « neutre ».

Un tel scénario impliquerait toutefois que le système bancaire de la zone euro soit perçu comme solide, et qu'il n'y ait aucune ambiguïté quant au fait que le cas Grèce ne constituerait pas un précédent.


* 18 Les ministres des finances de la zone euro ont décidé le 9 février 2012 de reporter leur décision - initialement d'une semaine -, afin de donner à la Grèce le temps de se conformer à trois conditions : le Parlement grec devait entériner le programme ; 325 millions d'euros de mesures supplémentaires devaient être prises en 2012 ; et les dirigeants politiques du pays devaient s'engager à mettre le programme en oeuvre.

* 19 En 2011 (Commission européenne, prévisions économiques de l'automne 2011).

* 20 Traduction par la commission des finances.

* 21 « Tous les Etats membres sont convenus d'un abaissement supplémentaire rétroactif des taux d'intérêt du dispositif de prêts bilatéraux [ Greek Loan Facility ] afin que la marge soit de 150 points de base. Il n'y aura pas de compensation additionnelle en cas de coûts de financement supérieurs. Ceci réduira le ratio dette/PIB en 2020 de 2,8 point et réduira les besoins de financement d'environ 1,4 milliard d'euros sur la période du programme » (communiqué de l'Eurogroupe du 20 février 2012, traduction par la commission des finances).

* 22 Le plan du 21 juillet 2011 prévoyait quatre options, qui, en retenant une hypothèse de taux d'actualisation de 9 %, auraient correspondu à une perte de 21 % en valeur actualisée pour les banques. Comme par ailleurs seulement deux de ces trois options prévoyaient une décote, de 20 %, le montant de la dette ne s'en serait trouvé réduit que d'environ 10 %, soit, en supposant une participation des créanciers privés de 90 % (ramenant le stock de dette renouvelé de 150 milliards d'euros à 135 milliards d'euros), 13,5 milliards d'euros.

* 23 Chiffres indiqués par le Financial Times (21 février 2012).

* 24 Consensus Forecasts, février 2012.

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