B. REMPLACER LES TARIFS SOCIAUX PAR LA TARIFICATION PROGRESSIVE ?

Un objectif de la tarification progressive étant de permettre aux ménages modestes de payer moins cher l'énergie dont ils ont besoin, il pourrait être intéressant d'envisager l'intégration des tarifs sociaux (tarif de première nécessité pour l'électricité, tarif spécial de solidarité pour le gaz) dans la tarification progressive.

Cet objectif semble toutefois difficile à atteindre selon votre rapporteur : le paramétrage de la tarification progressive serait particulièrement délicat si celle-ci devait remplir simultanément et à elle seule un objectif environnemental de réduction de la consommation et de lutte contre la précarité énergétique.

D'après des simulations effectuées par la direction générale du Trésor et communiquées à votre rapporteur, le remplacement des tarifs sociaux par une tarification progressive, appliquée sans modification du ciblage et du budget alloué à la lutte contre la précarité, entrainerait une dégradation de la situation pour un nombre non négligeable de ménages parmi les plus précaires.

L'une des raisons est que les tarifs sociaux réduisent non seulement la part variable du tarif, mais aussi la part fixe (abonnement). Or les ménages, dans le cadre de la tarification progressive, demeurent soumis à la nécessité de payer l'abonnement dans son intégralité.

S'agissant inversement des ménages à forte consommation, ces simulations montrent que cette catégorie comprend un nombre non négligeable de ménages à faibles revenus, qui seraient eux aussi affectés par le remplacement des tarifs sociaux actuels par une tarification progressive.

Les principaux bénéficiaires d'un remplacement des tarifs sociaux par un tarif progressif pourraient ainsi être en moyenne les classes moyennes , bénéficiant d'une baisse du montant de la facture financée principalement par la hausse des factures payées par les classes supérieures.

D'autres simulations ont montré qu'il serait possible de réduire le nombre de ménages à faibles revenus « perdants », mais sans y parvenir totalement et à condition de différencier fortement le barème appliqué aux ménages précaires et celui appliqué aux autres ménages. Les transferts entre ménages seraient alors beaucoup plus importants qu'aujourd'hui.

UN AUTRE EXEMPLE : LE BONUS-MALUS AUTOMOBILE

Un dispositif de « bonus-malus » a été instauré à la suite du Grenelle de l'environnement afin d'orienter les choix des consommateurs vers les véhicules à faible émission de CO 2 . Créé par l'article 63 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, il est inscrit à l'article 1011 bis du code général des impôts.

Le bonus et le malus sont deux dispositifs distincts par les critères de modulation et par le mode d'attribution, mais leurs montants, en principe, doivent s'équilibrer.

Le bonus est appliqué en deçà d'un seuil d'émission. Il est d'autant plus élevé que les émissions du véhicule sont basses. Il dépend du type de véhicule mais est plafonné en proportion du coût du véhicule neuf

Il est versé aux particuliers par l'Agence de services et de paiement ou, sous forme d'avance, par le vendeur du véhicule. Les dépenses du bonus sont estimées à 452 millions d'euros pour 2013.

Le malus est appliqué au-delà d'un seuil d'émissions (supérieur au seuil supérieur d'application du bonus). C'est un dispositif fiscal : il correspond à une taxe perçue lors de l'immatriculation des véhicules et assise sur le nombre de grammes de CO 2 émis par kilomètre ou sur la puissance administrative.

Sont exonérés du malus les véhicules pour handicapés ou acquis par des personnes titulaires de la carte d'invalidité. Les tranches d'application de la taxe sont modulées en fonction du nombre d'enfants à charge : l'acquéreur de l'automobile paie le malus intégral, puis demande un remboursement d'impôt égal à la différence entre le malus qu'il a payé et celui correspondant à l'application du barème relatif à sa situation familiale.

Les sommes versées au titre du malus sont affectées à un fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres.

Les recettes étant inférieures aux prévisions, le dispositif connaissait en 2011 un déficit cumulé de 1,45 milliard d'euros 7 ( * ) . Le dispositif a été réformé avec la mise en place d'un compte d'affectation spéciale en 2012.

Votre rapporteur considère donc que la tarification progressive , qui a pour objectif principal de favoriser la réduction de la consommation, doit se combiner avec le maintien et l'amélioration de mesures spécifiquement sociales , mieux à même de cibler correctement les besoins des ménages à faibles revenus.

Deux pistes lui paraissent particulièrement intéressantes à cet égard : l'extension de l'application des tarifs sociaux , proposée par la présente proposition de loi, et la proposition de chèque énergie .


* 7 Cour des comptes, Analyses de l'exécution du budget de l'État par missions et programmes, exercice 2011, Compte de concours financiers « Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres ».

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