ARTICLE 27 (Art. L. 421-1 et art. nouveau L. 421-4-1 et du code des assurances, art. 3 de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions, art. 1 et 2 de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et art.5 de la loi n° 57?775 du 11 juillet 1957 portant harmonisation de la législation relative aux rentes viagères, amélioration des taux de majoration appliqués et comportant certaines dispositions financières ) : Réforme du financement de la revalorisation des rentes

Commentaire : le présent article propose :

- d'une part, de transférer du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) aux assureurs, la charge de la revalorisation des rentes en matière corporelle, s'agissant des accidents de la circulation survenus à compter du 1 er janvier 2013 ;

- d'autre part, de créer une contribution, à la charge des assurés, afin de pérenniser le financement du FGAO qui est destiné à la revalorisation des rentes constituées ou en cours de constitution avant le 1 er janvier 2013 .

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA PRISE EN CHARGE PAR LE FGAO DE LA REVALORISATION DES RENTES POUR LES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION

Le préjudice corporel, subi par les victimes d'un accident de la circulation, est indemnisé sous forme de capital ou de rente. S'agissant de ces dernières, leur indexation a tout d'abord été mise en oeuvre dans le cadre général de la loi du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions 376 ( * ) . Cette revalorisation a été ensuite prévue spécifiquement pour les rentes allouées en cas de dommages corporels causés par un véhicule terrestre à moteur par la loi du 27 décembre 1974 377 ( * ) , complétée par la loi du 5 juillet 1985 378 ( * ) .

L'article 1 er de la loi de 1974 prévoit que « sont majorées de plein droit, selon les coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 455 379 ( * ) du code de la sécurité sociale, les rentes allouées soit conventionnellement, soit judiciairement, en réparation du préjudice causé, du fait d'un accident de la circulation, à la victime ou, en cas de décès, aux personnes qui étaient à sa charge . »

Aux termes de l'article L. 434-17 380 ( * ) du code de la sécurité sociale, les coefficients de revalorisation fixés pour les rentes allouées en réparation d'accidents de la circulation sont ceux appliqués aux pensions de vieillesse de l'article L. 161-23-1 du code précité et sont indexées sur l'indice des prix à la consommation.

L'article L.161-23-1 du code précité dispose que « le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé, au 1 er avril de chaque année, conformément à l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l'année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d'organisation sont fixées par décret ». Ce coefficient s'établit à 2,1 % au 1 er avril 2012.

S'agissant des modalités de financement , cette indexation a été, tout d'abord, assumée par un fonds, alimenté par les entreprises, l'Etat ainsi que par une contribution des assurés contre les risques de responsabilité civile. En réalité, l'Etat en était le principal contributeur. Puis la revalorisation a été prise en charge par le Fonds de majoration des rentes qui a été créé en 1974. Ce dernier était financé par une fraction de la prime d'assurance « responsabilité civile automobile ». La suppression du Fonds, par la loi de finance pour 1990 381 ( * ) , a conduit l'Etat à reprendre cette mission directement. La contribution spécifique a alors été supprimée.

La charge financière de l'indexation a été enfin transférée au Fonds de Garanties des Assurances Obligatoires (FGAO) , aux termes de la loi de sécurité financière de 2003 382 ( * ) , codifiée à l'article L. 421-1 du code des assurances.

Cette charge complète les nombreuses missions du Fonds 383 ( * ) qui sont énumérées à l'article L. 421-1 du code des assurances. En effet, ce dernier vise à indemniser les victimes 384 ( * ) des dommages résultant d'atteinte à la personne nés d'un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule, lorsque le responsable des dommages est inconnu , ou n'est pas légalement assuré, ou encore lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable .

B. UN FINANCEMENT MIXTE DU FONDS

Aux termes de l'article L. 421-4 du code des assurances, le Fonds est financé par les contributions 385 ( * ) des entreprises d'assurance, des automobilistes assurés et des responsables d'accidents automobiles non assurés, dans les proportions suivantes.

Répartition des sources de financement du FGAO en 2011

Source : FGAO

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de garantir la pérennité financière du FGAO afin de lui permettre d'accomplir ses missions principales :

- en transférant aux entreprises d'assurance la charge de la revalorisation des rentes versées au titre de dommages corporels causés par des accidents de la circulation survenus à compter du 1 er janvier 2013 ;

- en créant une contribution à la charge des assurés, affectée au FGAO destinée au financement de la charge de revalorisation des rentes versées en raison d'accidents survenus avant le 1 er janvier 2013 .

Le a) du 1° du I du présent article vise à modifier le IV de l'article L. 421-1 du code des assurances afin de limiter la mission « annexe » du FGAO relative à la prise en charge de la revalorisation des rentes versées en réparation d'un préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur, au « stock » des rentes, c'est-à-dire celles allouées au titre des accidents survenus avant le 1 er janvier 2013 ( alinéas 1 à 3 ).

Le b) du 1° du I tend à prévoir que la gestion de cette mission par le Fonds fera désormais « l'objet d'une comptabilité séparée selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie » ( alinéas 4 et 5 ).

Le 2° du I crée un article L.421-6-1 afin de prévoir une nouvelle contribution, à la charge des assurés, affectée au Fonds de garantie afin de lui permettre d'assurer, dans des conditions financières soutenables, le financement de la revalorisation du stock de rentes allouées en réparation d'un préjudice survenu du fait d'un accident causé avant le 1 er janvier 2013 ( alinéas 6 et 7 ).

Son assiette comprend « toutes les primes ou cotisations nettes [que les assurés] versent aux entreprises d'assurance pour l'assurance des risques de responsabilité civile résultant d'accidents causés par les véhicules terrestres à moteur et des remorques ou semi-remorques des véhicules lorsque le risque est situé sur tout le territoire de la France métropolitaine, des départements d'outre-mer, du Département de Mayotte, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon . » Son taux sera fixé par décret dans la limite de 2 %.

Les II et III du présent article tirent les conséquences du I en modifiant, respectivement, l'article 3 de la loi du 24 mai 1951, ainsi que les dispositions de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 précitées ( alinéas 8 à 14 ).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été modifié par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député, Christian Eckert, sur avis favorable du Gouvernement, afin de réduire de moitié le plafond du taux de la contribution des assurés affectée au FGAO, en l'établissant à 1 %.

L'Assemblée nationale a également adopté deux autres amendements, sur l'initiative de notre collègue député, Christian Eckert, l'un de nature rédactionnelle et l'autre de coordination.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article, ainsi modifié, est de nature à assainir la situation financière du FGAO afin de lui permettre d'accomplir ses missions essentielles d'indemnisation des victimes d'accidents de la route causés par des personnes non identifiées ou non assurées.

A. LA VALORISATION DES RENTES PAR LE FGAO, SOURCE DE DÉGRADATION SON L'ÉQUILIBRE FINANCIER

1. Des fonds propres négatifs

La prise en charge de la revalorisation des rentes par le FGAO dès 2004 a grevé la capacité bénéficiaire du FGAO d'origine pour finalement consommer ses capitaux propres. Ainsi, depuis 2008, le FGAO n'a jamais été en mesure d'équilibrer ses comptes. L'année 2012 constituera le cinquième exercice déficitaire (- 97 millions d'euros), en dépit d'un taux de contribution des assurés fixé à 1,2 % depuis 2010. Les capitaux propres du Fonds sont négatifs et sont estimés à - 443 millions d'euros d'ici la fin de l'année.

Le FGAO ne dispose donc plus aujourd'hui des moyens nécessaires pour financer la revalorisation des rentes des victimes d'accidents de la circulation, dont le stock des provisions mathématiques est estimé à 700 millions d'euros 386 ( * ) . 9 000 rentes sont concernées. La charge financière attachée à cette indexation s'élève à 127 millions d'euros en 2011, se répartissant en 36 millions d'euros d'indemnités à verser et 91 millions d'euros de provisions à constituer.

2. Un transfert de la charge au secteur privé nécessaire

En l'absence d'un tel transfert de la revalorisation des rentes au secteur privé, le coût estimé pour le FGAO croîtrait tous les ans, pour éventuellement atteindre, en 2050, un montant estimé à 160 millions d'euros.

Les dispositions du présent article auront pour conséquence de ramener ce montant à 50 millions d'euros en 2050, dans un premier temps, jusqu'à son extinction totale, dans un second temps. Le FGAO devrait également retrouver des capitaux propres positifs en 2013 (soit 65 millions d'euros pour satisfaire au ratio prudentiel, dit « solvabilité 1 »).

Le transfert de charge permettra donc au Fonds de disposer de la capacité financière nécessaire à la couverture des risques exceptionnels tels que l'accroissement soudain de la sinistralité ou la défaillance des entreprises d'assurances. Ces missions constituent le coeur même de l'activité du Fonds, contrairement à la prise en charge de l'indexation qui en est plus éloignée.

S'agissant de l'impact du transfert de la charge à venir de la revalorisation des rentes sur les entreprises d'assurance, il convient de souligner qu'elles seront désormais tenues de provisionner, gérer et financer le risque d'inflation, notamment au travers de couvertures par des instruments indexés. Une telle mission concernerait environ entre 650 et 1 300 rentes constituées annuellement 387 ( * ) .

Son impact sur les rentes futures par les assureurs est estimé à 5,1 % de la prime en « responsabilité civile » en 2014. Rappelons que cette prime s'élève, en moyenne, à 137 euros. Compte tenu du contexte concurrentiel du secteur, il faut souhaiter que la répercussion éventuelle sur les primes d'assurance soit limitée. Si la charge de la revalorisation des rentes était entièrement répercutée sur les assurés, l'augmentation maximale de la prime pourrait être de sept euros en année pleine à partir de 2014.

En outre, une hausse des prix pourrait conduire à des réajustements des provisions des assureurs, créant ainsi une charge supplémentaire susceptible d'être répercutée sur les assurés. A titre d'illustration, une hausse d'un point d'inflation en 2018 provoquerait un ajustement, cette même année, de 1,4 milliard d'euros, soit 22,7 % de la prime « responsabilité civile », selon la Fédération française des sociétés d'assurance.

Il conviendrait le moment venu, si tel devait être le cas, de s'interroger sur les effets d'un report d'une telle charge sur les assurés et sur les conséquences à en tirer.

B. LA NECESSITÉ DE LA CRÉATION D'UNE CONTRIBUTION SUPPLÉMENTAIRE AFFECTÉE AU FINANCEMENT DU FONDS

1. Une contribution indispensable

Le taux de la contribution spécifique supplémentaire devrait être fixé par décret au niveau de 0,8 %, dans un premier temps, ce qui représenterait environ 60 millions d'euros de recettes annuelles en année pleine et 20 millions d'euros en 2013, compte tenu de l'entrée en vigueur de cette nouvelle disposition le 1er juillet 2013.

2.  Un plafond de la contribution à 1 %

En raison de la nécessité de rétablir l'équilibre financier du Fonds, les assurés seront exposés à une augmentation de leur prime d'assurance automobile, dite « responsabilité civile », de 1,1 euro par an, au titre de la nouvelle contribution.

Certaines projections tendent à indiquer que le taux de la contribution, fixé à 0,8 %, permettra d'autofinancer pendant un peu moins d'une dizaine d'années. Il est possible que la contribution doive atteindre 2 % vers 2035 afin de garantir cet équilibre.

Toutefois, la réduction du plafond de moitié du taux de la contribution votée par l'Assemblée nationale doit être approuvée. Sa fixation à 1 %, au lieu de 2 %, vise, d'une part, à rétablir l'équilibre financier du FGAO, dans un premier temps. D'autre part, elle permet de limiter le risque d'augmentation des primes d'assurances « responsabilité civile ». Le niveau du plafond de la contribution sera revu par la représentation nationale, le moment venu.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 376 Loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions.

* 377 Le législateur est intervenu à la suite de deux décisions de la chambre mixte de la Cour de cassation en date du 6 novembre 1974 ( n° de pourvoi : 73-90244 et n°: 73-10591) . L'a rticle 1 er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur disposait : « Sont majorées de plein droit, en leur appliquant les coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 455 du code de la sécurité sociale, les rentes allouées soit amiablement, soit judiciairement, en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur :

A la victime, dans le cas d'invalidité, atteignant au moins 75 p. 100 ;

Dans le cas de décès : aux personnes qui étaient à la charge de la victime.»

* 378 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation dite « Loi Badinter ». Celle-ci a étendu cette obligation d'indexation des rentes à toutes les victimes, directes et indirectes, d'un accident de la circulation.

* 379 L'article L. 455 du code de la sécurité sociale est devenu l'article L. 434-17.

* 380 Par renvois successifs à l'article L. 341-6 du code de la Sécurité sociale puis à l'article L. 351-11 et enfin à l'article L. 161-23-1.

* 381 Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

* 382 Cf . Loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière.

* 383 Le fonds a tout d'abord été créé sous la forme du Fonds de Garantie Automobile en 1951.

* 384 ou leurs ayants droit.

* 385 Cf . Article A.421-3 du code des assurances qui dispose : « Les taux des contributions prévues pour l'alimentation du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et [...] sont fixées comme suit :

Contribution des entreprises d'assurance au titre du 1° de l'article R. 421-27 : 1 % de la totalité des charges de la section relative aux opérations résultant de la défaillance d'entreprises d'assurance dommages ;

Contribution des entreprises d'assurance au titre du 3° de l'article R. 421-27 : 1 % de la totalité des charges de la section automobile ;

Contribution des responsables d'accidents non assurés au titre du 4° de l'article R. 421-27 :

- taux normal : 10 % des indemnités restant à leur charge ;

- taux réduit : 5 % ;

Contribution des assurés au titre du 5° de l'article R. 421-27 : 1, 2 % des primes. »

* 386 Ce montant ne tient pas compte des revalorisations futures. Il est évalué à 1,8 milliard d'euros en intégrant ces dernières, selon la FFSA.

* 387 Il convient de préciser que la durée moyenne de constitution d'une rente est de cinq années à compter de la survenance de l'accident en raison de la nécessaire consolidation du préjudice.

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