ARTICLE 29 (Art. 4 de la loi n° 2011-1416 du 2 novembre 2011 de finances rectificative pour 2011) : Révision du régime de la garantie de l'Etat accordée à Dexia en 2011

Commentaire : le présent article modifie le régime de la garantie accordée par l'Etat à Dexia en 2011. Le montant total des financements garantis est abaissé de 90 à 85 milliards d'euros tandis que l'exposition maximale de la France est relevée de 32,85 à 38,76 milliards d'euros. En parallèle, l'Etat participe, conjointement avec la Belgique, à une augmentation de capital à hauteur de 2,585 milliards d'euros.

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE CRITIQUE

A. UNE BANQUE SOUS ASSISTANCE PUBLIQUE DEPUIS 2008

1. Un premier plan de sauvetage en 2008

Dexia est un groupe franco-belge dont les premières difficultés sont apparues à l'automne 2008 suite à la chute de la banque Lehman Brothers. La fermeture du marché interbancaire fut en effet très préjudiciable à Dexia car celle-ci finançait des prêts à long terme par des ressources courtes.

Comme le rappelait Pierre Mariani, alors administrateur délégué de Dexia, devant notre commission des finances, en octobre 2008, 43 % de son bilan était financé à court terme, soit « 260 milliards d'euros de besoins de financement à court terme - l'équivalent de la dette de la Grèce ». Selon lui, il s'agit là du « péché originel » de la banque 397 ( * ) .

A l'époque, le plan de sauvetage de la banque reposait sur une recapitalisation de 6 milliards d'euros , souscrite à parité par la France et la Belgique. Du côté français, l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la CNP, ont respectivement investi 1 milliard d'euros, 1,7 milliard d'euros et 0,3 milliard d'euros 398 ( * ) .

En parallèle, une garantie sur ses financements, fixée à 150 milliards d'euros, lui avait été accordée par trois Etats (Belgique, France et Luxembourg) à proportion de leur poids dans le capital de la banque 399 ( * ) .

La Commission européenne avait validé, le 26 février 2010, ces aides publiques en contrepartie d'un plan de restructuration. Le groupe devait notamment céder une partie de ses activités et, surtout, réduire son profil de risque et de liquidité.

2. Une nouvelle intervention publique fin 2011

Entre 2008 et 2011, le redressement de la banque a été rapide mais insuffisant alors que la crise de la zone euro, au cours de l'année 2011, pesait de plus en plus lourdement sur ses comptes, compte tenu de sa spécialisation dans le financement des collectivités publiques, y compris dans les pays du sud de l'Europe.

C'est dans ce contexte que la situation de liquidité du groupe a, à nouveau, nécessité l'intervention des trois Etats. Ainsi, en octobre 2011, le Gouvernement a déposé en urgence un projet de loi de finances rectificative tendant à autoriser l'octroi de garanties de financement à Dexia SA et sa filiale Dexia Crédit Local SA pour un montant cumulé de 90 milliards d'euros. Elle porte à la fois sur les financements levés auprès d'établissements de crédit et sur les obligations et titres de créances émis à destination d'investisseurs institutionnels.

La garantie est conjointe mais non solidaire entre les Etats. La clef de répartition retenue est la même que pour la garantie de 2008. L'exposition maximale de la France est donc limitée à 32,85 milliards d'euros . Elle est accordée à la fois pour les financements levés par Dexia SA (la holding) et par Dexia Crédit Local (filiale spécialisée dans les prêts aux collectivités territoriales). Elle est accordée pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2021 - néanmoins, compte tenu de la durée des émissions obligataires ou des financements ainsi obtenus, les Etats seront financièrement exposés pour une durée plus longue.

Une ou plusieurs conventions de garantie conclues avec les sociétés concernées et les deux autres Etats garants viennent préciser les conditions d'octroi des garanties.

En particulier, conformément aux règles européennes en matière d'aides d'Etat, la garantie est accordée à titre onéreux . En outre, elle doit être autorisée par la Commission européenne, qui peut exiger toute condition qu'elle juge utile pour maintenir une concurrence équilibrée au sein du marché intérieur.

A ce jour, la garantie accordée à Dexia a fait l'objet d'une première autorisation temporaire en décembre 2011, renouvelée en mai puis en septembre 2012. Le plafond maximal de garantie a, pour l'instant, été fixé par la Commission européenne à 55 milliards d'euros .

Dexia indique que, à fin septembre 2012, « l'encours des financements garantis sous la convention 2011 a atteint 50,5 milliards d'euros, soit respectivement 3,9 milliards d'euros et 9,5 milliards d'euros de plus qu'à fin juin (46,6 milliards d'euros) et fin mars (41 milliards d'euros). [...] Au 30 octobre, l'encours de dette garantie s'établit à 53,8 milliards d'euros » 400 ( * ) .

B. UN PLAN DE RÉSOLUTION ORDONNÉE REMANIÉ EN PROFONDEUR DEPUIS OCTOBRE 2011

En vue d'obtenir une autorisation définitive de ces garanties, Dexia et les Etats garants ont présenté à la Commission européenne, les 21 et 22 mars 2012, un « plan de résolution ordonnée du groupe Dexia ».

Le plan initialement proposé par Dexia reposait sur plusieurs hypothèses :

« - l'octroi par les Etats belge, français et luxembourgeois d'une garantie de liquidité d'un montant de 90 milliards d'euros, sans contrepartie en collatéral ;

« - une rémunération de la garantie des Etats dont le montant sera soit suffisamment faible pour permettre à Dexia de générer un résultat positif, soit affecté à un renforcement des fonds propres ;

« - le soutien d'acteurs clés extérieurs à Dexia [...] , en ce compris le maintien sur la durée, et pour des montants très importants, des conditions d'accès favorable au refinancement des banques centrales actuellement offertes aux banques européennes ;

« - une faible récession en 2012 et 2013 , suivie d'une reprise progressive à compter de 2014, sans aucun événement significatif majeur durant cette période et ;

« - le maintien de la licence bancaire des entités du groupe Dexia et ce, le cas échéant, malgré le non-respect de certains ratios de liquidité réglementaire, ainsi que le maintien de la notation de la dette de Dexia SA et Dexia Crédit Local ».

Avant même l'approbation définitive du plan, Dexia a procédé à la cession ou à la mise en vente de l'ensemble de ses filiales opérationnelles stratégiques, dont Dexia Banque Belgique (DBB cédé à l'Etat belge), Dexia Banque Internationale à Luxembourg (Dexia BIL) et DenizBank (filiale turque).

Par ailleurs, au fil des négociations avec la Commission européenne, il est apparu que certaines des hypothèses du plan de résolution devaient être revues. Le communiqué de presse du 8 novembre 2012 de Dexia sur les comptes du 3 e trimestre précise que « les Etats prévoient de déposer prochainement un plan d'affaires révisé auprès de la Commission européenne qui comportera, sous réserve de validation par la Commission, les principales modifications suivantes :

« - le plan de financement sous jacent au plan d'affaires initial a été adapté afin d'intégrer une moindre dépendance du financement provenant des banques centrales . [...] Ces nouvelles hypothèses de financement permettent de mettre en cohérence avec l'anticipation d'un retour à des conditions de marché "normalisées" sur l'horizon du temps de la résolution du groupe mais se révèlent plus coûteuses qu'anticipé en mars 2012 ;

« - le plafond de la garantie définitive de liquidité accordée à Dexia SA et Dexia Crédit Local [...] a été réduit à 85 milliards d'euros contre 90 milliards d'euros initialement compte tenu de l'engagement de recapitalisation pris par les Etats belges et français . La clef de répartition entre les Etats a été modifiée comme suit : 51,41 % pour la Belgique, 45,59 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. Dexia paiera aux Etats, dans le cadre de la garantie définitive, une commission mensuelle de garantie sur les encours de dette émis sous la convention 2011, calculée sur la base d'un taux annuel de 5 points de base contre 90 points de base payés dans le cadre de la garantie temporaire ;

« - le schéma de cession Dexia Municipal Agency (DMA) s'inscrivant dans la nouvelle organisation du financement du secteur local en France devrait être modifié ».

C. DE LOURDES PERTES EN 2011 ET EN 2012

En 2011, le groupe Dexia a constaté une perte nette consolidée de 11,6 milliards d'euros . Le rapport spécial du conseil d'administration rédigé en vue de l'assemblée générale du 21 décembre 2012 401 ( * ) souligne que « cette perte s'explique par différents éléments non récurrents survenus au cours de l'année et essentiellement liés à la crise des dettes souveraines , d'une part, et aux pertes réalisées lors des cessions , d'autre part ». A titre d'illustration, le groupe a dû provisionner 3,4 milliards d'euros sur les titres souverains grecs. Il a également perdu 4,2 milliards d'euros lors de la vente de DBB à l'Etat belge.

La bonne situation de solvabilité du groupe lui a permis d'absorber ces pertes. Le ratio de fonds propres Tier 1 est tout de même passé de 13,4 % fin mars 2011 à 7,6 % fin décembre 2011 .

A fin septembre 2012 , le groupe affichait déjà une perte consolidée de près de 2,4 milliards d'euros , là encore du fait d'éléments non récurrents, principalement des moins-values constatées lors des cessions.

Surtout, les nouvelles hypothèses du plan de restructuration se révèlent plus coûteuses que celles retenues initialement. Ainsi, comme l'indique le rapport spécial du conseil d'administration précité, « ce renchérissement des coûts de financement du groupe Dexia, la taille du bilan auquel ils s'appliquent, et l'adaptation du plan de financement qui en résulte, ont donc pour conséquences que la charge des financements affecte plus lourdement les perspectives de bénéfices de DCL ».

La filiale Dexia Crédit Local était valorisée à hauteur de 5 milliards d'euros dans les comptes de Dexia SA au regard de sa capacité à dégager des résultats positifs dans les années à venir. Or Dexia SA estime désormais que sa filiale ne sera plus rentable. En conséquence, elle a décidé « d'acter une réduction intégrale de la valeur de sa participation dans DCL ».

Cette décision a eu un impact majeur sur le bilan de Dexia SA qui doit constater que ses fonds propres sociaux s'établissent désormais à - 2,685 milliards d'euros .

En application de l'article 633 du code des sociétés belge, lorsqu'une société constate que ses fonds propres sociaux sont inférieurs au quart de son capital social (soit, pour Dexia, 500 millions d'euros), elle doit convoquer une assemblée générale extraordinaire afin, soit de procéder à une recapitalisation en vue de poursuivre son activité, soit de décider la dissolution de la société.

Le conseil d'administration de Dexia SA propose à ses actionnaires de poursuivre l'activité et de procéder à une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros . L'assemblée générale extraordinaire est convoquée pour le 21 décembre 2012. Les Etats belge et français ont d'ores et déjà indiqué qu'ils souscriraient intégralement les nouvelles actions selon des modalités décrites ci-dessous ( cf. infra II. A.).

D. UN NOUVEAU SCHÉMA DE FINANCEMENT DU SECTEUR LOCAL FRANÇAIS

Dexia Crédit Local (DCL) représentait encore, en 2010, près de 32 % du marché des prêts aux collectivités territoriales en France. La mise en oeuvre d'un plan de résolution ordonnée du groupe Dexia conduit naturellement à ce que DCL cesse son activité. En conséquence, il était capital de mettre sur pied une nouvelle organisation du financement du secteur local français afin de pallier la disparition de Dexia.

Le schéma retenu à la fin de l'année dernière reposait sur deux piliers distincts mais complémentaires.

En premier lieu, la Banque postale et la CDC ont décidé de créer une co-entreprise (ou joint-venture , parfois appelée la JV) qui a vocation à proposer une nouvelle offre de prêts aux collectivités territoriales françaises.

En second lieu, la CDC, à titre principal, en association avec DCL et la Banque postale, devait reprendre la filiale Dexia Municipal Agency (DexMA ou DMA). Il s'agit d'une société de crédit foncier spécialisée dans le refinancement des prêts au secteur public et principalement local.

Cette opération présente deux avantages. Elle permet tout d'abord d'alléger la contrainte de liquidité qui pèse sur le groupe Dexia, à hauteur de 12 milliards d'euros, et qui est reportée sur la CDC. Elle offre ensuite à la co-entreprise l'indispensable véhicule de refinancement pour sa nouvelle offre de prêts.

Dans le schéma initial, présenté en octobre 2011, DexMA devait être détenue à 65 % par la CDC, à 30 % par DCL et à 5 % par la Banque postale. Elle était valorisée à 380 millions d'euros. En 2011, son portefeuille de prêts, d'un montant de 77 milliards d'euros, contenait 10 milliards d'euros de prêts structurés, dont 4,5 milliards identifiés comme toxiques. Afin de ne pas porter un risque excessif, la CDC avait obtenu, sur cet encours, une garantie de la part de DCL, elle-même contre-garantie par l'Etat français.

Aux termes des négociations intervenues avec la Commission européenne, ce schéma a été entièrement revu. Tout d'abord, DexMA sera finalement reprise par un « nouvel établissement de crédit » (souvent appelé le « NEC ») dont l'Etat français sera actionnaire majoritaire aux cotés de la CDC et de la Banque postale .

DCL n'a plus vocation à détenir une partie de DexMA. En contrepartie, la garantie et la contre-garantie accordées à la CDC sont supprimées et DexMA garderait à son bilan 9,4 milliards d'euros de prêts structurés.

Enfin, le prix de cession de DexMA serait l'euro symbolique au lieu de 380 millions d'euros prévus initialement .

En outre, le communiqué de presse de Dexia du 28 septembre 2012 précise que, « afin de constituer le NEC, il est envisagé que [...] Dexia mette à [sa] disposition [...] les outils et les systèmes, et transfère les personnels nécessaires à son activité. Cette nouvelle société compterait 376 personnes ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE RECAPITALISATION DE 5,5 MILLIARDS D'EUROS AFIN D'ÉVITER LA LIQUIDATION IMMÉDIATE DU GROUPE

Conformément au droit des sociétés belge ( cf. supra ), l'assemblée générale des actionnaires de Dexia SA doit désormais décider la poursuite de l'activité ou la dissolution de la société.

Dans la perspective de l'assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 2012, le conseil d'administration de Dexia SA a établi deux rapports spéciaux l'un préconisant la poursuite de l'activité, l'autre proposant les modalités d'une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros.

Ainsi, l'Etat belge agissant directement ou par l'intermédiaire de la Société fédérale de participations et d'investissement souscrirait 53 % des nouvelles actions émises, au prix de 19 centimes l'action 402 ( * ) , soit un montant de 2,915 milliards d'euros, tandis que l'Etat français souscrirait 47 % des nouvelles actions pour un montant de 2,585 milliards d'euros .

L'article 5 du présent projet de loi procède à l'ouverture des crédits , nécessaires à la souscription des actions, sur un nouveau programme « Recapitalisation de Dexia » au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat ». Ces crédits seront ensuite portés en recettes sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » (article 6 du présent projet de loi).

B. UNE RÉVISION DE LA GARANTIE DES ETATS

Parallèlement à la recapitalisation, la garantie accordée en 2011 est réajustée à la baisse puisqu'elle porte désormais un encours maximal de 85 milliards d'euros contre 90 milliards d'euros initialement.

Aux termes d'un accord avec l'Etat belge, il a toutefois été convenu que la part de l'Etat français serait portée de 36,5 % à 45,59 %, soit une exposition maximale de 38,76 milliards d'euros (contre 32,85 milliards en 2011), tandis que la partie du Luxembourg reste fixée à 3 % du total .

En contrepartie de cet effort, la France participe « seulement » à hauteur de 47 % à la recapitalisation alors que, en 2008, l'augmentation de capital de 6 milliards d'euros avait été souscrite à parité entre la France et la Belgique. L'Etat économise ainsi près de 165 millions d'euros .

Le présent article vient modifier l'article 4 de la troisième loi de finances rectificative pour 2011 afin de prendre acte de ses nouvelles modalités. Par ailleurs, il effectue plusieurs modifications en vue de diminuer encore les coûts de financement de Dexia, notamment par un élargissement de la « profondeur du marché » sur lequel le groupe peut lever des financements garantis.

1. Relèvement du montant maximal garanti par l'Etat français

Le b du 2° du I du présent article dispose que le montant maximal garanti par la France est de 38,76 milliards d'euros (alinéa 5).

Le a du même 2° précise qu'il s'agit d'un montant en principal , quand bien même la garantie porte « sur le principal, les intérêts, frais et accessoires des financements, obligations et titres de créances garantis » (alinéa 4).

Le 4° du I du présent article modifie le pourcentage des financements pouvant être garantis par l'Etat français, à savoir 45,59 % du montant maximal garanti contre 36,5 % actuellement (alinéa 9).

2. Faculté de garantir de manière non conjointe certaines émissions

La garantie définie en 2011 est dite « tripartite » : les trois Etats garantissent chaque émission de Dexia à hauteur des pourcentages définis à l'époque (60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg). Ce système présente l'inconvénient de renchérir le coût de financement de la banque.

L'évaluation préalable annexée au présent article indique que « la structure tripartite limite la profondeur du marché , sachant par ailleurs que les rendements exigés par les investisseurs reflètent le poids prépondérant de la Belgique dans la clef de répartition, ce qui ne permet pas de pleinement bénéficier de la garantie de la France et du Luxembourg dans le coût de financement . Il apparaît même que le coût de financement d'obligations bénéficiant de cette garantie tripartite est légèrement supérieur au coût de financement d'obligations de même nature garanties par le seul Royaume de Belgique ».

Le 4° du I du présent article indique que les conventions de garantie signées par le ministre de l'économie peuvent déroger au principe de la garantie conjointe aux trois Etats (alinéa 9). En conséquence, l'Etat français pourra garantir individuellement certaines des émissions de Dexia ; une faculté identique sera prévue pour la Belgique et le Luxembourg.

Il convient néanmoins que cette possibilité ne conduise pas l'Etat à garantir des financements au-delà du pourcentage maximal de 45,59 %. A cette fin, le présent article introduit un nouveau paragraphe au sein du I de l'article 4 de la loi de finances rectificative pour 2011 (alinéas 7 et 8).

En pratique, Dexia sera donc amené à procéder concomitamment à trois émissions, chacune garantie par un des Etats, dans le respect de leur quote-part respective. L'évaluation préalable précitée souligne que « la France ne garantirait donc plus une part d'une émission globale mais la totalité d'une émission plus réduite ».

3. Clarification des garanties accordées aux émissions en devises étrangères

En 2010 et 2011, les financements en devises étrangères ont représenté jusqu'à 45 % des émissions de Dexia. Aujourd'hui, il apparaît toujours important que la banque puisse accéder à de tels financements, surtout en dollars américains. Cela permet à la fois une meilleure gestion de son bilan et un élargissement de la profondeur du marché sur lequel la banque se finance.

Le c) du 2° du I du présent article précise que, de manière générale, des financements ne peuvent être garantis s'ils dépassent, en principal, le plafond de 38,76 milliards d'euros. Afin d'apprécier si le plafond a ou non été dépassé, il est retenu, pour les émissions en devises étrangères (en dollars américains, dollars canadiens, livres sterling, yen ou francs suisses) déjà garantis, le montant de la contrevaleur en euros de leur encours à la date à laquelle la garantie doit être accordée sur de nouveaux financements.

4. Élargissement des investisseurs pouvant souscrire des émissions garanties

Le 1° du I du présent article vient préciser que les garanties accordées par l'Etat peuvent également l'être à « d'autres investisseurs qualifiés au sens de la réglementation qui leur est applicable, y compris des filiales directes ou indirectes de Dexia SA ou de Dexia Crédit Local SA » et pas seulement à des investisseurs institutionnels (alinéa 2).

Il s'agit d'élargir le vivier des investisseurs pouvant souscrire à des émissions garanties de Dexia, car la notion « d'investisseurs institutionnels » apparaît trop restrictive.

En outre, s'agissant des garanties sur les « émissions intra-groupe », l'évaluation préalable du présent article souligne que ces dernières sont « essentielle pour assurer le financement des différentes entités du groupe Dexia, celles-ci pouvant remettre en sûretés des titres émis par Dexia Crédit Local garantis par les Etats en contrepartie de financements qui leur sont consentis par des tiers ».

5. Application des nouvelles dispositions aux garanties accordées depuis 2011

Les modifications introduites par le présent article sont rétroactives puisqu'elles s'appliquent à tous les financements garantis depuis la publication de la loi de finances rectificative de 2011 .

III. LES DÉBATS À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Lors de l'examen du présent article en séance publique, notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général, a présenté un amendement tendant à ce qu'un député et un sénateur, désignés par les commissions des finances de chacune des deux assemblées, « assistent, en qualité de censeurs, aux réunions du conseil d'administration de la société anonyme Dexia Crédit Local ». Les censeurs n'ont pas voix délibérative.

A la demande du Gouvernement (cf. extrait des débats ci-dessous), l'amendement a été retiré.

Extrait des débats de l'Assemblée nationale

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. « Dans ce contexte, il est légitime que le Parlement soit informé au plus près de l'évolution de la situation du groupe et de la mise en oeuvre de sa résolution ordonnée. Le Gouvernement, monsieur le rapporteur général, y veillera scrupuleusement.

« Toutefois, cet amendement, qui vise à nommer deux parlementaires en tant que censeurs au conseil d'administration de Dexia, pose de sérieuses difficultés. Il ferait courir le risque à notre pays de voir la Belgique rouvrir cette discussion et, le cas échéant, revenir sur un accord dont j'ai dit, dans mon propos initial, combien il était satisfaisant pour notre pays. En effet, même si Dexia Crédit Local est une entité de droit français, l'Etat belge sera actionnaire majoritaire du groupe et devra donner son aval sur la présence de ces censeurs, d'autant plus qu'il est prévu d'aligner la composition des conseils d'administration de Dexia SA, société de droit belge, et de Dexia Crédit local. Or nos accords avec la Belgique ont été négociés âprement ; nous sommes parvenus à un accord équilibré, et le Gouvernement ne souhaite pas entamer de nouveaux pourparlers sur ce sujet, qui introduirait une asymétrie avec les parlementaires belges et risquerait de nous contraindre à de nouvelles concessions que l'Etat ne souhaite pas faire ».

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE BANQUE TOUJOURS SYSTÉMIQUE QUI JUSTIFIE UNE RÉSOLUTION ORDONNÉE

Le rapport spécial du conseil d'administration de Dexia rédigé en vue de l'assemblée générale du 21 décembre 2012 403 ( * ) rappelle qu'une « dissolution de Dexia SA aurait des conséquences systémiques très graves. [...] Un défaut du groupe Dexia rendrait exigible [...] la totalité de sa dette, soit environ 386,5 milliards d'euros ».

Un défaut d'une telle ampleur ne manquerait de se répercuter sur les Etats garants puisque, au 12 novembre 2012, 73,4 milliards d'euros de dette bénéficient des garanties de la Belgique, de la France et du Luxembourg - au titre des conventions de garantie de 2008 et de 2011.

Au regard des sommes en jeu, soit plus de 44 milliards d'euros pour la Belgique et près de 26,8 milliards d'euros pour la France, la poursuite d'activité - donc la recapitalisation - apparaît comme la seule voie possible .

Cette augmentation de capital destinée à effacer les pertes passées va de pair avec la décision de procéder à la résolution ordonnée de Dexia. Ainsi que l'a indiqué le Gouvernement à votre rapporteur général, « cela signifie que le groupe n'aura plus d'activité commerciale (une activité de gestion du stock des actifs, comportant un montant très limité de production nouvelle à des fins de restructuration, sera cependant maintenue), que les principales franchises ont été cédées ou sont sur le point de l'être , et que les actifs résiduels du groupe, qui sont trop peu liquides pour être cédés dans des conditions acceptables, seront portés à maturité grâce à la garantie de refinancement consentie par la Belgique, la France et le Luxembourg ».

En outre, ainsi que l'indique Dexia, la recapitalisation va également permettre de « s'acquitter de l'ensemble de ses engagements contractuels à l'égard de DCL et de ses filiales et de procéder à une augmentation de capital de DCL, d'un montant de 2 milliards d'euros », conformément aux normes comptables et prudentielles applicables en France.

Karel de Boeck, administrateur délégué, a récemment estimé que le groupe pourrait redevenir bénéficiaire à l'horizon 2018. Autrement dit, si la résolution ordonnée suit son cours conformément au plan élaboré, les actionnaires pourraient récupérer un boni de liquidation in fine . En tout état de cause, il s'agit d'une hypothèse lointaine sachant que le portefeuille de Dexia comporte encore des actifs potentiellement susceptibles de provoquer des pertes.

A cet égard, le rapport spécial du conseil d'administration précité souligne que « le montant de l'augmentation de capital est donc calibré de manière à permettre au groupe Dexia de poursuivre sa résolution ordonnée , sous réserve d'absence de détérioration sensible des risques de crédit et dans des conditions normales d'évolution des marchés selon les projections actuelles ».

Le Gouvernement a ainsi indiqué à votre rapporteur général que trois facteurs principaux pourraient menacer le plan de résolution : un événement de crédit sur la dette d'un Etat ou de collectivités locales de la zone euro ; une forte hausse des taux d'intérêts ; une dégradation très forte de la conjoncture économique et financière.

La comptabilisation des montants souscrits pour la recapitalisation doit encore faire l'objet d'une décision d'Eurostat. Elle peut considérée comme une opération financière ou devoir être inscrite dans le déficit « maastrichien », soit au titre de l'année 2012, soit au titre de l'année 2013.

B. UNE RECAPITALISATION QUI ACTE L'ÉVICTION DES ACTIONNAIRES HISTORIQUES

La recapitalisation va prendre la forme de l'émission d'actions de préférence nouvelles entièrement souscrites par la Belgique, pour 53 %, et par la France, pour 47 %.

Les droits attachés aux actions de préférence traduisent le principe selon lequel « toute amélioration future de la situation financière de Dexia SA bénéficiera en premier lieu et principalement aux Etats garants, eu égard aux risques qu'ils portent » (rapport spécial du conseil d'administration relatif à l'augmentation de capital). Autrement dit, une « peu vraisemblable » ( cf. rapport spécial précité) distribution de dividendes ou un éventuel boni de liquidation seraient d'abord attribués aux détenteurs des actions de préférence.

En outre, la Commission européenne « a indiqué aux Etats que, dans le cas d'espèce, elle n'approuverait le plan de résolution ordonnée définitif du groupe Dexia que pour autant qu'il prévoie, en cas de recapitalisation des Etats, une éviction économique complète des actionnaires existants ».

De fait, comme le montre le tableau ci-dessous, la part des actionnaires actuels passerait de 100 % à 6,31 % . L'Etat fédéral belge deviendrait l'actionnaire majoritaire, avec 50,02 % du capital, tandis que l'Etat français détiendrait 44,4 % du capital .

Répartition du capital de Dexia SA

Avant recapitalisation

Après recapitalisation

CDC

17,61 %

1,11 %

Holding communal

14,26 %

0,90 %

Groupe Arco

10,19 %

0,64 %

Etat fédéral belge

5,73 %

50,02 %

Etat français

5,73 %

44,40 %

Groupe Ethias

5,04 %

0,32 %

CNP Assurances

2,96 %

0,19 %

Région flamande

2,87 %

0,18 %

Région wallonne

2,01 %

0,13 %

Région de Bruxelles-Capitale

0,86 %

0,05 %

Salariés

0,57 %

0,04 %

Autres

31,17 %

2,03 %

Source : rapport spécial du conseil d'administration relatif à l'augmentation de capital sous le pair comptable et avec suppression du droit de préférence, rédigé en vue de l'assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 2012

Cette évolution s'accompagne d'une modification de la gouvernance. L'assemblée générale du 21 décembre 2012 devrait acter la reconfiguration du conseil d'administration, celui-ci passant de 16 à 9 membres, dont 5 de nationalité belge et 4 de nationalité française . Cette répartition traduit le fait que la Belgique est désormais l'actionnaire et le garant majoritaire du groupe .

C. UNE NOUVELLE RÉPARTITION DE LA GARANTIE RÉSULTANT D'UN ACCORD GLOBAL AVEC LA BELGIQUE

La diminution du montant total de la garantie des Etats de 90 à 85 milliards d'euros résulte des nouvelles projections de financements réalisées par Dexia sur l'horizon de sa résolution.

A la demande de la Belgique, la France a accepté de porté son exposition de 36,5 % à 45,59 % de l'encours total des financements garantis. En contrepartie, sa participation à la recapitalisation ne s'élève qu'à 47 %, contre 50 % lors de l'augmentation de capital de 2008.

L'accord trouvé avec la Belgique apparaît équilibré . Il permet à l'Etat français d' économiser 165 millions d'euros au titre de la recapitalisation.

En outre, l'octroi de garantie se fait à titre onéreux, conformément aux règles européennes. Dans le cadre de la garantie temporaire, la rémunération s'élève à 90 points de base et devrait rapporter à l'Etat, pour 2012, environ 275 millions d'euros . Les estimations pour 2013 et 2014 s'appuient sur l'hypothèse d'un abaissement de la garantie à 5 points de base pour la garantie définitive - comme il est prévu dans le plan de résolution ordonnée.

Il s'agit d'une perte de recettes budgétaires pour l'Etat qui permet néanmoins d'alléger une contrainte forte pesant sur Dexia. Le communiqué de presse du 8 novembre 2012 relatif aux comptes du 3 e trimestre 2012 indique que sur les neuf premiers mois de l'année, « la somme du coût des garanties payés aux Etats [...] s'élève à 725 millions d'euros ».

Recettes pour l'Etat des garanties accordées à Dexia

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

Rémunération garantie 2008

105

65

45

15

Rémunération garantie 2011

0

110

21

13

Rémunération garantie définitive

-

-

15

14

Commission de mise en place 404 ( * )

-

100

71

-

Total

105

275

152

41

Source : Gouvernement

Pour la Belgique, l'accord lui permet surtout de desserrer une contrainte financière importante, sachant que les seules garanties apportées à Dexia l'exposent à hauteur de 12 % de son PIB .

Par ailleurs, les modifications apportées au régime de la garantie sont bienvenues puisqu'elles devraient permettre de diminuer le coût de financement de Dexia. L'évaluation préalable annexée au présent article estime que « sur les cinq prochaines années, une réduction de 0,25 % du coût des dettes de long terme [...] se traduirait par une économie cumulée d'environ 160 millions d'euros sur la base des volumes d'émissions à long terme anticipés par Dexia ». Compte tenu de la fragilité financière du groupe, un tel montant n'est pas anecdotique.

D. UNE NOUVELLE OFFRE DE PRÊTS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉBUT 2013

Dans le cadre du nouveau plan de résolution ordonnée, DexMA serait cédé à un « nouvel établissement de crédit » (NEC). Sous réserve de la validation du plan par la Commission européenne et de l'octroi de l'agrément par l'Autorité de contrôle prudentiel, cette opération pourrait intervenir dans les premières semaines de l'année 2013.

Il s'agit d'un élément essentiel permettant à la co-entreprise Banque postale - CDC de distribuer sa nouvelle offre de prêts aux collectivités territoriales françaises et aux hôpitaux publics. Lors de son audition devant votre commission des finances, le 11 janvier 2012, Philippe Wahl, président du directoire de la Banque postale, avait indiqué que la nouvelle banque pourrait représenter entre 20 et 25 % du marché. D'ici 2014, son encours de prêts annuel pourrait s'élever à environ 5 milliards d'euros .

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur général que le schéma d'organisation du NEC était en cours de finalisation . Il semble acquis que celui-ci fasse l'acquisition de DexMA pour un euro symbolique , sachant qu'il portera l'intégralité de son portefeuille actuel, y compris les prêts structurés risqués.

Par ailleurs, une grande partie des outils de DCL devraient être transférés au NEC dans les mois qui suivront la cession de DexMA . En effet, la Commission européenne demande que DCL n'ait plus aucun lien opérationnel avec le NEC ou la co-entreprise . En conséquence, hormis une longue période, comprise entre 24 et 30 mois pour la duplication des systèmes informatiques, toutes les autres prestations de services entre DCL et le NEC devront cesser au bout de six mois, chaque établissement retrouvant ensuite son autonomie.

E. LES CONSÉQUENCES SOCIALES

Le groupe Dexia emploie toujours 3 600 salariés contre plus de 35 000 fin 2010 . Cette diminution s'explique par la vente de plusieurs, en particulier Dexia Banque Belgique (devenue Belfius) et DenizBank.

Le communiqué de presse de Dexia du 28 septembre 2012 indique que « compte tenu de son nouveau périmètre d'activité et de ses nouvelles missions, Dexia simplifierait son mode de fonctionnement et l'organisation de ses équipes. En particulier, les organisations de Dexia SA (Belgique et France) et de DCL seraient intégrées, sans que leurs structures juridiques soient fusionnées. Cette organisation s'appuierait sur 86 postes en Belgique et 645 postes en France ».

Après cession de DexMA, la gestion du portefeuille de DCL nécessiterait 700 personnes, tandis que le NEC emploierait près de 400 personnes .

Toujours selon le communiqué de presse cité plus, « le projet, ainsi défini pour NEC et Dexia, implique un redimensionnement des équipes de Dexia SA et DCL en France. Il se traduirait par la suppression de 312 postes occupés. Parallèlement 235 postes seraient disponibles afin de favoriser le reclassement des salariés dont le poste serait supprimé .

« Ces salariés pourraient également faire acte de candidature, au cours du premier semestre 2013, sur les postes ouverts ( potentiellement 80 ) au sein de la Banque postale et de la [co-entreprise Banque postale - Caisse des dépôts] au titre du financement du secteur public local, en bénéficiant d'une priorité de recrutement .

« Les salariés dont le poste serait supprimé bénéficieront des mesures sociales déjà négociées entre les organisations syndicales et Dexia ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 397 Audition du 12 octobre 2011.

* 398 L'Etat détient ainsi 5,73 % du capital au travers de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), la CDC 17,61 % et CNP Assurances 2,96 %.

* 399 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg.

* 400 Communiqué de presse du 8 novembre 2012.

* 401 Rapport spécial du conseil d'administration rédigé en application de l'article 633 du code des sociétés belge (situation de fonds propres inférieurs au quart du capital social).

* 402 Soit la moyenne des cours de clôture de l'action Dexia SA sur NYSE Euronext Bruxelles durant les trente jours calendaires précédant la décision du conseil d'administration (14 novembre 2012).

* 403 Rapport spécial du conseil d'administration rédigé en application de l'article 633 du code des sociétés belge (situation de fonds propres inférieurs au quart du capital social).

* 404 La commission de mise en place est versée une seule fois au moment de la signature de la convention de garantie. Le montant 2012 correspond à la garantie temporaire, tandis que le montant 2013 correspond à la garantie définitive.

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