EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER - AMNISTIE DES DÉLITS COMMIS À L'OCCASION D'ACTIVITÉS SYNDICALES ET REVENDICATIVES

Article 1er : Champ des infractions amnistiées

Le présent article prévoit que deux catégories d'infractions feront l'objet d'une amnistie dès lors que la peine maximale applicable est inférieure à dix ans d'emprisonnement et que les infractions ont été commises avant le 6 mai 2012, date de l'investiture de l'actuel Président de la République. Ces deux catégories sont les suivantes :

-les infractions commises à l'occasion de conflits du travail 3 ( * ) et des infractions commises à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés, d'agents publics, de professions libérales ou d'exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. Toutes ces catégories professionnelles étaient déjà visées par la loi d'amnistie du 6 août 2002, sauf les exploitants agricoles ;

-les infractions commises à l'occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l'éducation, au logement, à la santé, à l'environnement et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics.

Dans un souci de clarté, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur remplaçant l'expression « infractions passibles de moins de dix ans d'emprisonnement » par les mots « délits passibles de moins de dix ans d'emprisonnement ainsi que les contraventions ».

Le présent article exclut par ailleurs de l'amnistie les infractions commises « en matière de législation et de réglementation du travail, par les personnes mentionnées à l'article L 1441-4 du code du travail ou par la personne morale qu'ils représentent, ainsi que celles commises directement ou par l'intermédiaire d'un préposé doté d'une délégation de pouvoir » : il s'agit des membres du collège employeurs des conseils de prud'hommes. Toutefois, les infractions visées ici n'ont pas de rapport avec les conflits du travail ou les mouvements collectifs. En conséquence, à l'initiative de votre rapporteure, votre commission a adopté un amendement supprimant ces dispositions.

Contrairement aux précédentes lois d'amnistie, la présente proposition de loi ne prévoit pas l'exclusion de certaines infractions du bénéfice de l'amnistie : violences graves, agressions sexuelles, destructions, infractions liées à la corruption, infractions liées à la route, etc. Les lois d'amnistie successives ont comporté des exclusions sans cesse plus nombreuses, jusqu'à atteindre, dans la loi du 6 août 2002, un total de 49 catégories d'infractions.

En effet, le fait que les infractions visées par la présente proposition de loi se limitent à celles commises dans certaines circonstances bien délimitées est de nature à en limiter la diversité, le nombre et la gravité de manière considérable , en comparaison de l'amnistie en fonction du quantum de la peine prévue par les lois précédentes.

Les délits qui ont vocation à être amnistiés par la présente loi sont bien ceux qui sont commis par des personnes à l'occasion de conflits du travail, à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives ou de mouvements collectifs, à l'exclusion des actes commis lors de ces événements mais sans aucun lien réel avec ceux-ci : à titre d'exemple, les dégradations commises par des « casseurs » lors de manifestations n'ont pas de lien avec le conflit du travail ou le mouvement collectif, justifiant qu'elles soient amnistiés.

A cet égard, il convient de noter que le ministère de la justice rédige, pour chaque loi d'amnistie, une circulaire de politique pénale. Dans une annexe à la circulaire rédigée à l'intention des procureurs de la République en accompagnement de la loi d'amnistie du 6 août 2002, il avait ainsi été précisé que « La liste des infractions amnistiées de droit par nature n'est pas limitative et il appartient aux parquets et aux juridictions d'apprécier dans chaque cas d'espèce s'il existe entre le fait poursuivi et le critère de l'amnistie retenu par le législateur une relation suffisante pour permettre de constater l'amnistie. Ainsi, si les agissements reprochés n'ont pas été commis à l'occasion de manifestations ou d'actions pour la défense de l'intérêt collectif d'une profession, mais dans le cadre d'une action ponctuelle préméditée, engagée au bénéfice d'intérêts patrimoniaux bien déterminés, la loi d'amnistie ne s'applique pas ». Une circulaire similaire pourrait accompagner la présente proposition de loi.

En revanche, dans la mesure où elles peuvent avoir un lien direct avec le conflit ou le mouvement collectif, il convient d'exclure explicitement du bénéfice de l'amnistie les violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.

En conséquence, votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteure, un amendement visant à exclure du bénéfice de l'amnistie 4 ( * ) :

- les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours lorsqu'elles ont été commises sur des personnes dépositaires de l'autorité publique (4° de l'article 222-12 du code pénal) ;

- les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail (4° de l'article 222-13 du code pénal) commises sur les mêmes personnes ;

- la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique (article 433-3 du même code) ;

- les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique d'un mineur de 15 ans ou d'une personne particulièrement vulnérable (1° et 2° des articles 222-12 et 222-13 du code pénal et article 222-14 du même code).

Enfin, si la présente proposition de loi retient, conformément à la tradition, la date de l'investiture présidentielle comme limite en-deçà de laquelle les infractions bénéficient de l'amnistie, votre rapporteure a estimé que le délai déjà écoulé depuis cette investiture rendait ce choix moins pertinent. Toutefois, votre commission n'a pas adopté l'amendement de votre rapporteure remplaçant la date du 6 mai 2012 par la date du 1er février 2013.

Article 2 : Constat de l'amnistie

Le présent article précise la procédure de constat de l'amnistie pour les condamnations prononcées de façon définitive . Reprenant une disposition traditionnelle des lois d'amnistie, il prévoit ainsi que le constat de l'amnistie incombe au ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, soit de sa propre initiative, soit sur requête du condamné ou de ses ayants-droit . Il est important de prévoir cette dernière possibilité dans la mesure où, comme les représentants du ministère de la justice l'ont indiqué à votre rapporteure lors de son audition, les parquets n'ont pas les moyens informatiques nécessaires pour extraire les condamnations en lien avec les circonstances prévues par la loi d'amnistie (un conflit du travail par exemple). Il est donc nécessaire que les intéressés puissent eux-mêmes attirer l'attention de la justice sur leur situation afin d'obtenir le retrait effectif du casier judiciaire de la fiche relative à la condamnation.

Enfin, dans des termes semblables aux trois précédentes lois d'amnistie, il est prévu que les contestations de l'amnistie de droit seront traitées en appliquant les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 778 du code de procédure pénale. Cette procédure, initialement créée pour rectifiée les condamnations d'un individu sous une fausse identité, a ensuite été étendue aux personnes qui souhaitent faire rectifier une mention portée à leur casier judiciaire. La demande est faite par requête auprès du président du tribunal ou de la Cour qui a refusé l'amnistie. Le président communique la requête au ministère public puis commet un magistrat pour faire un rapport. Puis les débats ont lieu et le jugement est rendu.


* 3 Les conflits du travail font l'objet du livre V du code du travail.

* 4 Ces délits étant déjà exclus de l'amnistie prévue par la loi du 6 août 2002.

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