Section 3 Le pacte de gouvernance territoriale

Article 5 (art. L. 1111-9-2 (nouveau) du code général des collectivités territoriales) Mise en place d'un pacte de gouvernance territoriale

Le présent article tend à insérer un nouvel article L. 1111-9-2 au sein du code général des collectivités territoriales qui, d'après l'exposé des motifs, mettrait en place un pacte de gouvernance territoriale, « instrument privilégié de la clarification des compétences des collectivités territoriales et de la rationalisation de leurs moyens d'action ».

Les dispositions proposées s'inspirent de celles de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales qui prévoit, en 2014, l'élaboration d'un projet de schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services, afin de clarifier les interventions publiques sur le territoire régional. Ce schéma fixe les délégations de compétences de la région aux départements et des départements à la région ; l'organisation des interventions financières respectives de la région et des départements en matière d'investissement et de fonctionnement des projets décidés ou subventionnés par une collectivité territoriale ou un de ses groupements ; et enfin, les conditions d'organisation et de mutualisation des services.

I. Le pacte de gouvernance territoriale

• Le contenu du pacte de gouvernance territoriale

Le I du nouvel article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales dispose que le pacte de gouvernance territoriale serait constitué par l'ensemble des schémas d'organisation sectoriels élaborés par les collectivités territoriales. Ces schémas définiraient les modalités locales de l'exercice d'une compétence, en vertu de la désignation d'un chef de file pour certaines compétences précisées à l'article 3 du présent projet de loi, et comporteraient des objectifs en matière de rationalisation des interventions publiques.

Le III du même article distingue les compétences pour lesquels un schéma d'organisation serait obligatoirement élaboré de celles pour lesquelles un schéma serait facultatif. Ainsi, un schéma d'organisation sectoriel serait obligatoire pour les compétences dont la région ou le département seraient chefs de file, conformément aux dispositions de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction proposée par l'article 3 du projet de loi.

L'élaboration d'un schéma d'organisation serait en revanche facultative pour les compétences dont la région ou le département assumeraient exclusivement l'exercice ou celles pour lesquelles aucun chef de file n'aurait été identifié et qui ne seraient pas exercées à titre exclusif par une catégorie de collectivités territoriales. Il en est de même pour les compétences pour lesquelles la région ou le département seraient responsables de l'élaboration d'un schéma au fond pouvant comporter des mesures d'organisation.

Ainsi, si le nombre de schéma composant un pacte de gouvernance n'est pas, a priori , prédéterminé, le nombre minimal de schémas d'organisation devrait se situer autour de six ou sept.

Le II de l'article L. 1111-9-2 précise, pour chaque compétence faisant l'objet d'un schéma d'organisation, les modalités locales de l'exercice de cette compétence. Ainsi, chaque schéma déterminerait, outre la liste des collectivités territoriales ou des EPCI à fiscalité propre concernées par les schémas :

- les délégations de compétences entre collectivités territoriales ou les délégations de compétences de la région ou d'un département à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ces délégations de compétences s'effectueraient selon les dispositions de l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les créations de services communs, notamment de guichets uniques, dans les conditions définies à l'article L. 5111-1-1 du code général des collectivités territoriales. Cet article vise les conventions conclues entre les départements, les régions, leurs établissements publics et les syndicats mixtes, qui ont pour objet d'assurer l'exercice en commun d'une compétence reconnue par la loi ou transférée soit par la mise à disposition du service et des équipements d'un des cocontractants au profit des autres cocontractants, soit par le regroupement des services et équipements de chaque cocontractant au sein d'un service unifié. Le projet de loi permet à ces conventions de déroger aux conditions de publicité et de mise en concurrence de droit commun 55 ( * ) ;

- les conditions de la rationalisation et de la coordination des interventions financières des collectivités territoriales. L'objectif est, comme l'indique l'étude d'impact, « de réduire les situations de financement croisés et de clarifier et simplifier les conditions d'attribution des subventions. ».

• La mise en oeuvre du pacte de gouvernance territoriale

Le IV de l'article L. 1111-9-2 prévoit que la liste des projets de schémas d'organisation au sein d'une région, ainsi que leurs objectifs de rationalisation des interventions publiques, seraient débattus au sein de la formation de la conférence territoriale de l'action publique réunissant les représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Chaque débat donnerait lieu à un compte-rendu destiné à recenser les positions de chaque membre de la conférence.

Le représentant de l'État dans la région pourrait, à sa demande, présenter toute information relative au respect des intérêts nationaux ou à la modernisation de l'action publique qu'il estimerait nécessaire de porter à la connaissance des membres de la conférence.

A l'issue du débat, le président du conseil régional adresserait le schéma à l'ensemble des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre de la région qui seraient appelés à prendre des mesures de mise en oeuvre des schémas. Ils disposeraient d'un délai de trois mois pour se prononcer sur le schéma d'organisation. Il ne s'imposerait qu'aux seules collectivités territoriales et aux EPCI à fiscalité propre l'ayant approuvé. Les délibérations d'approbation feraient l'objet d'une publication spécifique.

Le V de l'article L. 1111-9 prévoit une clause de revoyure de ces schémas en cas d'évolution législative, réglementaire ou financières, trois ans après leur adoption. Le VII propose une évaluation du pacte de gouvernance territoriale par la chambre régionale des comptes compétente dans le périmètre régional, selon les conditions définies à l'article 8 du présent projet de loi.

• Un mécanisme incitatif

Le VI définit un mécanisme destiné à inciter les collectivités territoriales ou les groupements à adopter la démarche du pacte de gouvernance territoriale. En effet, si la conférence territoriale de l'action publique n'a pas débattu, dans l'année suivant le renouvellement général des conseils régionaux, d'un projet de schéma d'organisation, ou si une collectivité territoriale ou un EPCI à fiscalité propre, appelés à délibérer sur un schéma, ne l'auraient pas approuvé dans le délai de trois mois suivant la notification du projet, deux mécanismes de « sanction » sont ainsi prévus :

- d'une part, il ne pourrait être procédé, dans le domaine de compétence concernée, à aucune délégation de cette compétence entre collectivités territoriales ;

- d'autre part, aucun projet, dans le domaine de compétence concernée, ne pourrait bénéficier d'un cumul de subventions d'investissement ou de fonctionnement par la région et un département de la région. Ne seraient pas concernées les opérations figurant dans les contrats de projet État-région et celles dont la maîtrise d'ouvrage relèverait de l'État ou d'un de ses établissements publics.

II. La position de la commission

Tout d'abord, votre commission relève le caractère complexe de cet article, dont la rédaction et la portée normative sont d'une qualité incertaine.

Ensuite, votre commission partage le souci du Gouvernement de rationaliser les politiques publiques exercées par les collectivités territoriales ou leurs groupements. Le dispositif ainsi proposé se veut une proposition de mise en oeuvre du principe de subsidiarité, défini au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution selon lequel « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ». Le pacte permettrait, selon l'exposé des motifs, de clarifier les compétences des collectivités territoriales et d'en permettre l'exercice au niveau le plus adapté.

Votre commission estime toutefois que le dispositif proposé ne permettra que difficilement d'atteindre cet objectif. En effet, chaque compétence exercée par une collectivité territoriale pourrait faire l'objet d'un schéma d'organisation ce qui doublerait le nombre de schémas aujourd'hui existants. Par ailleurs, pour les compétences ne faisant l'objet d'aucun schéma de la part des collectivités territoriales, le présent article tend à inciter ces dernières à en élaborer, ce qui complexifierait inutilement le paysage, déjà surchargé, des schémas élaborés au niveau local.

Votre commission estime qu'il aurait été plus pertinent et plus efficace de définir, pour chaque échelon territorial, deux à trois schémas généraux de compétences, à l'image du schéma régional d'aménagement du territoire (SRADT) ou du schéma régional de développement économique (SRDE), chacun comportant un volet organisationnel définissant les délégations de compétences, l'organisation des interventions financières et les conditions de mutualisation des services.

Enfin, votre commission s'interroge sur les conséquences de certaines dispositions sur le respect du principe constitutionnel de non tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. En effet, le mécanisme prévu au VI, destiné à inciter les collectivités territoriales ou leur groupement à s'inscrire dans la démarche du pacte, pourrait être perçu par les élus locaux comme une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, alors que la réalisation de plusieurs schémas relève d'une démarche facultative. Toute politique de coordination des compétences doit s'accompagner de dispositifs incitatifs et non punitifs, comme c'est le cas par les dispositions du présent article. L'objectif de rationalisation et d'une meilleure coordination des compétences entre les différents échelons de collectivités territoriales et de leurs groupements s'effectuera grâce aux conférences territoriales de l'action publique dans la configuration adoptée par votre commission, et non au travers d'un pacte qui conduira inévitablement et inutilement à alourdir les négociations et entravera l'action des élus locaux.

Compte-tenu de ces interrogations et tout en partageant l'objectif de rationalisation des compétences, votre commission a adopté deux amendements de suppression de cet article, déposés par son rapporteur et M. Pierre-Yves Collombat.

Votre commission a supprimé l'article 5.

Article 6 (art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) Conséquence, en matière de financement, de la non approbation du pacte de gouvernance territoriale

Le présent article tend à insérer un nouvel alinéa au III de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales qui relève le taux de participation minimale d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités qui n'aurait pas approuvé le pacte de gouvernance territoriale dans un délai de trois mois suivant sa notification.

L'article L. 1111-10, en vigueur depuis le 1 er janvier 2012 et inséré par l'article 76 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dispose, tout d'abord, que le département peut apporter son soutien financier aux communes et intercommunalités, tandis que les cofinancements apportés par la région à ces mêmes échelons, ainsi qu'au département, doivent uniquement concerner des opérations d'envergure régionale.

Il soumet ensuite la part de financement apportée par une collectivité territoriale maître d'ouvrage à un seuil minimal. En matière de renouvellement urbain et de rénovation des monuments protégés, la participation minimale du maître d'ouvrage, quelle que soit la collectivité maître d'ouvrage, s'élève à 20 % du montant total. Pour les projets d'investissements destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques, la participation minimale du maître d'ouvrage peut faire l'objet de dérogations accordées par le représentant de l'État dans le département, au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou de leurs groupements concernés.

L'article 35 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 a fixé à 10 %, par dérogation au droit commun fixé à 20 %, la part de financement des communes et EPCI de Corse pour les projets d'investissements en matière d'eau potable et d'assainissement, d'élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale, lorsque ces projets n'entrent pas dans le champ de compétence communautaire.

L'article L. 1111-10 précise enfin que ces règles ne s'appliquent ni aux opérations prévues dans les contrats de projet État-région, ni à celles dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'État ou de ses établissement publics.

Le présent article propose de relever à 30 % la part minimale de financement à un projet lorsque le maître d'ouvrage est une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui n'aurait pas approuvé, dans le délai de trois mois suivant sa notification, les schémas d'organisation adoptés dans le cadre du pacte de gouvernance territoriale, conformément aux dispositions de l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales, prévu par l'article 5 du projet de loi.

Cet article étant une conséquence de l'article 5 supprimé par votre commission, votre commission a adopté, par coordination, deux amendements de suppression de cet article, à l'initiative de son rapporteur et de M. Pierre-Yves Collombat.

Votre commission a supprimé l'article 6.

Article 7 (art. L. 1611-8 du code général des collectivités territoriales) Suppression de la limitation du cumul de subventions départementales et régionales

Le présent article vise à supprimer les deux derniers alinéas de l'article L. 1611-8 du code général des collectivités territoriales.

L'article L. 1611-8 prévoit que la délibération d'un département ou d'une région visant à attribuer une subvention d'investissement ou de fonctionnement à un projet décidé ou subventionné par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités s'accompagne d'un état récapitulatif de l'ensemble des subventions attribuées à ce même projet par les collectivités territoriales.

Le second alinéa de cet article limite le cumul de subventions de la région et du département pour un même projet d'une commune ou d'un EPCI à fiscalité propre, en investissement ou en fonctionnement. A compter du 1 er janvier 2015, si le schéma régional d'organisation des compétences et de mutualisation prévu à l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales n'est pas adopté, aucun projet ne pourra bénéficier d'un cumul de crédits d'investissement ou de fonctionnements accordés par un département et une région sauf si ce projet est décidé par une commune dont la population est inférieure à 3500 habitants ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population est inférieure à 50 000 habitants. Les projets culturels, sportifs et touristiques ne sont pas soumis à cette contrainte.

La délibération est considéré comme nulle lorsque l'état récapitulatif qui lui est annexé prévoit, au profit d'un même projet, un cumul de subventions contraire aux dispositions décrites ci-dessus.

Comme l'avait relevé notre collègue Jean-Patrick Courtois 56 ( * ) , les dispositions de l'article L. 1611-8 du code général des collectivités territoriales visent principalement à inciter les départements et les régions à adopter le schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services prévu à l'article L. 1111-9 du même code. L'article 3 du présent projet de loi, en proposant une nouvelle rédaction de cet article, supprime de fait le schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. Les deux derniers alinéas de l'article L. 1611-8 en étant une conséquence, il apparaît normal, par coordination, de les supprimer.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. L. 211-10 (nouveau) du code de juridictions financières) Évaluation du pacte de gouvernance territoriale par les chambres régionales des comptes

Le présent article tend à insérer un nouvel article L. 211-10 au sein du code de juridictions financières, qui définit les conditions d'évaluation du pacte de gouvernance territoriale par les chambres régionales des comptes.

L'article L. 211-10 ainsi proposé prévoit une évaluation du pacte de gouvernance territoriale par la chambre régionale des comptes, afin d'apprécier l'économie de moyens et les résultats atteints en comparaison des objectifs fixés en matière de rationalisation des interventions publiques. Cette évaluation serait réalisée tous les six ans, après chaque renouvellement des conseils régionaux, et avant la révision des schémas d'organisation composant le pacte de gouvernance territoriale. Les résultats de cette évaluation seraient présentés au sein de la formation de la conférence territoriale de l'action publique associant les représentants des collectivités territoriales et le représentant de l'État dans la région.

Cette évaluation permettrait ainsi, à l'occasion de la révision des schémas d'organisation, de confirmer ou, au contraire, de prévoir de nouvelles modalités d'organisation d'exercice pour la compétence concernée.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, le conseil supérieur des chambres régionales des comptes a rendu un avis favorable sur les dispositions de cet article, dans sa séance du 20 mars 2013, sous réserve de précision prises en compte par le projet de loi. Malgré les récentes réformes ayant affecté les chambres régionales des comptes, le conseil supérieur a considéré que celles-ci ne feraient pas obstacle à l'exercice de la compétence qui leur est ainsi dévolue.

Toutefois, votre commission ayant supprimé l'article 5 instituant le pacte de gouvernance territoriale, cet article apparaît dès lors sans objet. C'est pourquoi elle a adopté deux amendements de suppression du présent article, déposés par son rapporteur et M. Pierre-Yves Collombat.

Votre commission a supprimé l'article 8.


* 55 Article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales.

* 56 Rapport n° 559 (2009-2010) de M. Jean-Patrick COURTOIS, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 juin 2010.

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