C. UNE MOBILISATION GÉNÉRALE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

1. Un droit pénal récemment complété

Notre droit sanctionne de façon sévère et depuis longtemps la plupart des violences faites aux femmes : en particulier, la qualité de conjointe ou de compagne de la victime constitue une circonstance aggravante des infractions de violence depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994.

Cet état du droit a été renforcé au cours des années récentes, à l'initiative de plusieurs parlementaires de toutes sensibilités, afin de mieux tenir compte de la spécificité des violences commises contre les femmes, en particulier dans le cadre du couple, et de mieux protéger les victimes :

- la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, adoptée à l'initiative de notre collègue Roland Courteau et de notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, a notamment reconnu expressément l'existence du viol entre conjoints, concubins ou pacsés et a défini une obligation spécifique d'éloignement de l'auteur des violences du domicile commun dans le cadre du contrôle judiciaire et du sursis avec mise à l'épreuve. Cette loi a par ailleurs fixé l'âge du mariage à dix-huit ans pour les hommes comme pour les femmes ;

- la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, adoptée à l'initiative de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les violences faites aux femmes, a quant à elle sensiblement amélioré la protection des victimes, en créant un nouvel instrument juridique - l'ordonnance de protection (voir infra ). Cette loi a également aggravé les peines encourues en cas de violences commises sur une personne afin de la contraindre à un mariage forcé et créé une incrimination spécifique de violences psychologiques au sein du couple. Elle contient également diverses mesures visant à renforcer la prévention, à prendre en compte la situation des victimes étrangères en situation irrégulière sur le territoire et à organiser la situation des enfants ;

- plus récemment, la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, faisant suite à l'abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, a rétabli ce délit en en élargissant le champ afin de tenir compte de l'ensemble des manifestations que peut prendre ce phénomène.

Cette évolution de la loi civile et pénale s'est accompagnée de l'adoption de plans successifs destinés à mobiliser l'ensemble des acteurs et à mettre en place des politiques interministérielles. Chaque année, l'essentiel des subventions accordées aux associations menant des actions de prévention, d'information et de protection en faveur de l'égalité entre les sexes sont retracées dans un programme budgétaire spécifique - le programme n° 137 : « égalité entre les femmes et les hommes » - au sein de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » 11 ( * ) . La création en mai 2012 d'un ministère ad hoc chargé des droits des femmes et, par le décret n° 2013-7 du 3 janvier 2013, d'une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), confirme l'implication du Gouvernement et des pouvoirs publics dans la mise en place de politiques globales et cohérentes.

Cet état du droit devrait, enfin, être prochainement complété par les mesures contenues dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, en cours d'examen devant le Parlement. Celui-ci contient en effet diverses dispositions destinées à assurer la conformité du droit français à la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011 . À ce titre, il crée notamment une infraction spécifique de mariage forcé, et incrimine la tentative d'interruption illégale de grossesse, l'incitation à subir une mutilation sexuelle ainsi que le fait de contraindre ou de forcer une personne à avoir des relations sexuelles avec un tiers. Sur le plan de la procédure, il prévoit d'informer la victime lorsque l'auteur des faits s'est évadé de son lieu de détention et permet l'indemnisation des victimes étrangères en situation irrégulière sur le territoire national.

2. La montée en puissance de l'ordonnance de protection

Instituée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, l'ordonnance de protection est un dispositif novateur, à mi-chemin entre le droit civil et le droit pénal.

Il permet au juge aux affaires familiales (JAF) de prendre en urgence des mesures qui relèvent traditionnellement du droit pénal, comme l'interdiction d'entrer en relation avec la victime ou l'interdiction de détenir ou de porter une arme, ainsi que des mesures civiles. Le juge statue sur la résidence séparée des membres du couple et sur l'attribution du logement à la victime des violences. Il peut également régler les relations financières entre les partenaires ainsi que les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Ces mesures sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Leur non-respect constitue un délit réprimé par les articles 227-4-2 et 227-4-3 du code pénal.

Pour les personnes étrangères, la délivrance d'une ordonnance de protection entraîne, de plein droit, la délivrance d'un titre de séjour d'un an. L'ordonnance de protection leur ouvre également droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle, quelle que soit leur situation au regard du droit au séjour. Ces dispositions ne s'appliquent toutefois pas de plein droit aux personnes de nationalité algérienne, dont le droit au séjour est régi par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Ce dispositif civil innovant a constitué une véritable « révolution culturelle » pour le juge aux affaires familiales , qui se place désormais en première ligne de la lutte contre les violences conjugales , en exerçant une « police familiale ».

Près de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, le 1 er octobre 2010, un premier bilan de son application a été dressé par la commission des lois de l'Assemblée nationale dans un rapport d'information du 17 janvier 2012 12 ( * ) , puis, plus récemment, par un rapport de juin 2013 de la mission d'évaluation de l'ordonnance de protection, commune à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection générales des services judiciaires.

Il ressort de ces évaluations que ce dispositif trouve peu à peu sa place dans le paysage judiciaire . Ces deux rapports font état de sa montée en puissance progressive , même si le recours aux ordonnances reste encore insuffisant dans certains ressorts.

Selon les chiffres tirés du rapport de juin 2013, sur une période de référence comprise entre le 1 er juin 2011 et le 30 avril 2013, plus de 2 600 ordonnances de protection ont été délivrées, pour plus de 3 300 saisines.

Quatre TGI ont délivré plus de 100 ordonnances de protection : Bobigny (318), Nanterre (131), Paris (120), Nice (117), tandis que 8 sont au-dessus de 50 : Lille (95), Toulouse (93), Lyon (88), Pontoise (80), Créteil (59), Rennes (57), Perpignan (54), et Marseille (56).

Selon le rapport d'information des députés Guy Geoffroy et Danielle Bousquet, les mesures les plus prononcées par le juge aux affaires familiales sont l'interdiction pour le défendeur d'entrer en contact avec certaines personnes désignées, ainsi que l'attribution du domicile conjugal à la victime et les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Les praticiens entendus par votre rapporteur sont unanimes : l'ordonnance de protection est un outil tout à fait adapté . Il a généralement été bien accepté, malgré quelques réticences initiales, par les juges aux affaires familiales.

Quelques difficultés de mise en oeuvre demeurent, auxquelles le projet de loi tente d'apporter des réponses :

- des délais de délivrance trop longs , même s'ils tendent à se réduire. Selon le rapport de 2013, aucun service de juge aux affaires familiales n'indique répondre dans les 72 heures, objectif envisagé lors des débats parlementaires de la loi de 2010, sans avoir été retenu dans le texte même de la loi. Seules 46,4 % des ordonnances sont prononcées dans un délai inférieur à 20 jours.

Le projet de loi propose donc de prévoir que l'ordonnance est prise « dans les meilleurs délais ». Cette rédaction laisse volontairement une certaine souplesse, nécessaire à la procédure civile et à l'expression du contradictoire (mesures lourdes pour le défendeur, qui doit être mis en mesure d'assurer sa défense) ;

- une durée de l'ordonnance trop courte . Il ressort des auditions réalisées par votre rapporteur que la durée actuelle des mesures de protection, au maximum quatre mois, est trop courte pour stabiliser juridiquement la situation de la victime.

Le projet de loi prévoit donc de la porter à six mois, à compter de l'ordonnance, opérant ainsi une conciliation entre exigence de protection des victimes et limitation dans le temps d'un dispositif qui peut contenir des mesures contraignantes pour le défendeur (limitation de sa liberté d'aller et venir, atteinte au droit de propriété...). Ce dispositif d'urgence doit rester temporaire . Si la situation perdure, elle doit être réglée au fond.

Si les personnes entendues par votre rapporteur estiment que ces différents ajustements sont tout à fait bienvenus, comme pour tout nouveau dispositif, elles estiment qu'il faut lui laisser le temps de se déployer pleinement. Des changements trop nombreux et trop rapides risqueraient également de démotiver les professionnels qui s'investissent dans l'application du dispositif, comme l'a notamment relevé le président du TGI de Bobigny, M. Rémi Heitz.

De plus, toutes les ressources des ordonnances n'ont pas encore été exploitées. Selon les remontées d'informations dont font état les rapports précités, dans 66,4 % des réponses (140 services de JAF et 93 parquets sur 161 TGI), aucune formation ou action de sensibilisation n'a été mise en oeuvre au sein des juridictions sur l'ordonnance de protection .

Plus de 60 % des juridictions précisent n'avoir procédé à aucune information spécifique auprès des professionnels et auxiliaires de justice sur l'ordonnance de protection. 77 % des réponses précisent qu'il n'y a pas de convention conclue avec un partenaire pour l'accompagnement des enfants pour des droits de visite et d'hébergement (mise en oeuvre du « passage de bras ») et 72,1 % que la liste des personnes morales qualifiées qui doit être remise aux bénéficiaires de l'ordonnance de protection (article 515-11 du code civil) n'a pas été élaborée.

Ces éléments de bilan sont préoccupants et posent, notamment, la question de leur articulation avec les dispositifs de signalement existants en matière de protection de l'enfance .

De façon plus générale, ces résultats mettent en lumière les difficultés à nouer des partenariats , difficultés souvent liées à l'insuffisance d'information, de formation et de sensibilisation des acteurs de terrain et des professionnels, notamment dans le domaine médical . Or, pour que le dispositif fonctionne, il doit s'appuyer sur les articulations entre toutes les institutions dont dépendent les remontées d'informations et les signalements.

Bilan de la mise en oeuvre de l'ordonnance de protection au TGI de Bobigny

Un bilan portant sur l'ensemble des ordonnances de protection délivrées par les juges aux affaires familiales du TGI de Bobigny entre le 1 er octobre 2010 et le 30 avril 2013 montre que 619 décisions ont été rendues sur cette période.

Les requêtes étaient toutes présentées par des femmes victimes, sauf sept : quatre par un homme et trois par le procureur de la République.

La requérante était assistée d'un avocat dans 524 dossiers, et sans avocat dans 80 dossiers.

Aucune des requêtes ne concernait une situation de mariage forcé.

Sur ces requêtes, 414 ordonnances de protection ont été rendues (soit deux tiers des décisions) ; 141 requêtes ont été rejetées, la vraisemblance des faits de violence et du danger allégué n'étant pas établie ; 64 ont donné lieu à un désistement, une caducité ou une radiation (après avoir déposé la requête, la demanderesse ne se présente pas, ou fait savoir qu'elle renonce à sa demande).

Le délai moyen entre le dépôt de la requête et la décision était de 12 jours .

Sur les 414 ordonnances rendues, 402 ont interdit au conjoint violent d'entrer en contact avec la demanderesse. 264 ont attribué la jouissance du logement à la victime des violences (dans presque tous les autres cas, le couple est déjà séparé). 329 ordonnances ont statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale (soit presque tous les dossiers où le couple avait des enfants, sauf ceux où la situation avait été réglée en amont par une décision récente du JAF).

151 ordonnances ont fixé les modalités d'exercice du droit de visite ou d'hébergement au sein d'un espace de rencontre, 53 par la remise par un tiers de confiance et 6 par la remise de l'enfant par le représentant d'une association agréée.

106 ordonnances ont prononcé l'interdiction de sortie du territoire des enfants sans l'autorisation des deux parents.

La transmission par le parquet d'éléments sur les procédures pénales en cours concernant le défendeur apparaît dans environ 40 ordonnances.

Seule une vingtaine d'ordonnances ont été frappées d'appel.

3. L'absolue nécessité d'une mobilisation coordonnée de l'ensemble des professionnels concernés

Des expérimentations conduites dans le ressort de certaines juridictions, notamment celui du TGI de Bobigny, épaulé dans sa tâche par l'observatoire des violences envers les femmes du conseil général de Seine Saint-Denis, montrent que des solutions simples et pourtant efficaces peuvent être apportées, pour peu que l'ensemble des acteurs s'engagent résolument à apporter leur contribution à la prévention des violences.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Rémi Heitz a ainsi attribué la rapide montée en puissance du dispositif de l'ordonnance de protection à l'implication forte de l'ensemble des acteurs concernés : services du greffe et du bureau d'aide juridictionnelle, services de police, associations, avocats, huissiers de justice, etc., certains de ces professionnels acceptant même d'accomplir des actes bénévolement de façon à permettre la mise en oeuvre rapide des mesures prises par le juge.

Le dispositif du « téléphone très grand danger », expérimenté à ce jour dans plusieurs tribunaux, semble faire ses preuves également.

Le principe en est, en apparence, simple : un téléphone d'alerte, équipé d'un bouton d'appel préprogrammé renvoyant directement vers des écoutants professionnels, est attribué par le procureur de la République à une femme identifiée comme particulièrement exposée à un risque de violences conjugales. En situation de danger, l'appel est immédiatement dirigé vers un téléopérateur qui dispose d'ores et déjà de toutes les informations relatives à la victime (nom, coordonnées, etc.). Évaluant la situation de danger, ce téléopérateur prend contact directement, par une ligne dédiée, avec les services de police ou de gendarmerie qui interviennent alors dans de brefs délais (moins de 10 minutes en moyenne dans le ressort du TGI de Bobigny).

Sécurisant et responsabilisant, ce dispositif, qui permet une intervention des services de police dans 100 % des alertes, va de pair avec un suivi personnalisé de la victime par un comité de pilotage, qui se réunit chaque mois pour faire le point sur la situation de la victime et rechercher des solutions pérennes.

Le TGI de Bobigny expérimente également depuis quelques mois la mise en place d'une « mesure d'accompagnement protégé », destinée à apporter un soutien à la mère victime et ses enfants dans l'exercice par le conjoint violent de son droit de visite. Là encore, l'implication de l'ensemble des acteurs est primordiale.

4. Une parole des victimes davantage prise en compte

Pendant trop longtemps, et sans doute encore souvent aujourd'hui, les victimes de violences se sont heurtées à l'incompréhension et à la surdité des autorités lors de leur demande d'asile, alors même que les mécanismes de violence et d'emprise, mieux connus aujourd'hui, nécessitent de la part des victimes un très long parcours avant d'y parvenir.

Là aussi, la situation commence à évoluer lentement.

D'une part, tant la gendarmerie nationale que la police nationale et, à Paris, la préfecture de police, ont mis en oeuvre des actions de réseau associant notamment les intervenants sociaux des unités de gendarmerie et des commissariats, les collectivités territoriales et les associations d'aide aux victimes.

En particulier, des associations d'aide aux victimes assurent désormais des permanences en brigade dans une trentaine de groupements de gendarmerie départementale, apportant au public des conseils et parfois une aide juridique. Des référents « lutte contre les violences intrafamiliales » ont été désignés.

Au sein de la police nationale, 323 bureaux d'aide aux victimes, répartis sur 97 départements et DOM-COM, ont pour but de veiller à la cohérence de l'action policière tout au long du processus d'intervention sur les lieux de l'infraction, de l'accueil de la victime, de la mise en oeuvre de mesures d'urgence lorsqu'elles sont nécessaires. Des intervenants sociaux et des psychologues sont également en poste dans certains commissariats.

D'autre part, de nombreux parquets ont donné des instructions aux services de police et de gendarmerie afin de proscrire la réalisation de mains courantes ou de procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière de violences conjugales. Ainsi, lorsqu'une personne se déclarant victime de violences conjugales se présente dans les services d'enquête, elle est en principe prioritairement entendue dans le cadre d'une plainte, ouvrant ainsi la voie à d'éventuelles poursuites pénales. Si elle n'y est pas prête, elle doit être informée sur ses droits et, le cas échéant, orientée vers une association ou une structure susceptible de la prendre en charge 13 ( * ) .

Une circulaire est par ailleurs actuellement en cours d'élaboration dans les services des ministères de l'intérieur et de la justice afin d'harmoniser les pratiques en matière de recueil et d'exploitation de ces mains courantes.

Alors qu'un des enjeux principaux de la prévention et de la répression des violences repose sur la libération de la parole et le signalement des faits, de telles initiatives ne peuvent être que saluées.

5. Une méconnaissance encore trop largement répandue des phénomènes d'emprise

Comme votre rapporteur a souvent eu malheureusement l'occasion de le constater, l'une des lacunes les plus manifestes de notre dispositif de détection et de répression des violences commises contre les femmes a trait à la méconnaissance encore très large, par les professionnels concernés, des ressorts de la violence conjugale, qui se manifeste, avant les violences physiques, par l'imposition à la victime de violences psychologiques souvent désignées sous l'appellation « d'emprise ».

Trop longtemps ignoré des professionnels de la justice et du droit, le phénomène d'emprise désigne le processus par lequel un auteur adopte progressivement et de façon insidieuse un ensemble de comportements (contrôle financier de la victime, dénigrement systématique, isolement imposé, menaces, etc.) qui conduisent à isoler la victime et à la priver de son libre-arbitre et de toute vie sociale, professionnelle, amicale ou familiale. Confrontée au quotidien à une multitude d'attitudes apparemment contradictoires, la victime se retrouve en état de sidération, incapable de réagir lorsque, répondant à un schéma stéréotypé, les violences physiques succèdent à ces violences psychologiques. La relation de couple disparaît alors au profit d'une relation de domination, accompagnée d'un sentiment de toute-puissance de l'auteur.

Ce mécanisme de violence est désormais bien analysé, grâce à un certain nombre de travaux de médecins psychiatres qui en ont mis en évidence les ressorts spécifiques, ainsi qu'à l'action déterminée d'associations oeuvrant au quotidien auprès des victimes.

Il est toutefois encore largement méconnu de la plupart des professionnels appelés à intervenir pour prévenir les violences faites aux femmes. Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, en dépit de quelques progrès, les efforts entrepris sont restés peu satisfaisants au regard de l'enjeu et n'ont pas encore permis de garantir que les professionnels soient tous sensibilisés et formés à la détection, à l'accueil et à la prise en charge en continue des victimes de ce phénomène d'emprise et des manifestations de violences qui en découlent.

Les efforts effectués sont par ailleurs hétérogènes à la fois suivant les professions et sur le territoire. Si la formation des forces de sécurité a nettement progressé ces dernières années (voir supra ), les autres professions restent en retrait.

Dans son rapport budgétaire portant sur le projet de loi de finances pour 2012, notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis des crédits du programme n°137 : « égalité entre les femmes et les hommes », indiquait ainsi que « si des progrès doivent être salués, ils paraissent encore largement insuffisants.

« Ainsi, des efforts importants ont été accomplis par le ministère de la Justice pour renforcer la sensibilisation des personnels de justice (magistrats, personnels de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse) à la thématique des violences conjugales [...].

« Votre commission estime que les JAF, dont certains peinent à s'approprier l'outil juridique que constitue l'ordonnance de protection, devraient être prioritairement concernés par cette offre de formation.

« En revanche, il apparaît que le cursus de formation - initiale et continue - des personnels de santé n'inclut toujours aucune action de sensibilisation à cette problématique. Cela est d'autant plus regrettable que le législateur a accordé aux médecins le droit de signaler les faits de violences au procureur de la République sans être contraint par le respect du secret médical lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique (article 226-14 du code pénal, tel qu'il résulte que la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance) 14 ( * ) .

« La loi du 9 juillet 2010 avait demandé qu'un rapport sur la mise en place d'une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes et des violences commises au sein du couple soit présenté au Parlement avant le 30 juin 2011. À ce jour, ce rapport n'a toujours pas été transmis, en raison, d'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, de l'inertie des ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur (ce dernier étant compétent en matière de formation des personnels de l'Éducation nationale).

« Votre commission des lois juge nécessaire d'appeler l'attention du Gouvernement sur ces lacunes : il est en effet unanimement reconnu qu'un dispositif de prévention des violences conjugales solide passe par une implication et une coordination de l'ensemble des professionnels concernés » 15 ( * ) .


* 11 Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/a12-154-9/a12-154-9.html

* 12 Rapport d'information n° 4169, enregistré le 17 janvier 2012, de M. Guy Geoffroy et Mme Danielle Bousquet, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur la mise en application de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

* 13 Voir à ce sujet le guide de l'action publique publié en novembre 2011 par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, pages 18 et suivantes.

* 14 Le secret professionnel n'est également pas applicable au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.

* 15 Projet de loi de finances pour 2012, avis n° 112 (2011-2012) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2011 :

http://www.senat.fr/rap/a11-112-9/a11-112-9.html

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page