N° 84

SÉNAT

• SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

• Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi relatif à l' économie sociale et solidaire ,

Par M. Marc DAUNIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

805 (2012-2013), 69 , 70 et 85 (2013-2014)

Mesdames, messieurs,

Les grandes crises économiques ne sont souvent que le symptôme de mutations plus profondes. C'est pourquoi les solutions ne sont pas seulement techniques : elles passent aussi par la découverte de nouveaux repères.

Suite à la crise financière, nos sociétés ont ressenti fortement, derrière les chiffres et les capitaux, un sentiment d'oubli des femmes et des hommes qui portent des projets entrepreneuriaux que l'on ne saurait résumer aux seuls profits qu'ils génèrent.

Il n'y a donc pas à s'étonner que l'économie sociale et solidaire s'illustre aujourd'hui par sa résilience. Elle montre, par la progression de l'emploi qu'elle connaît et l'extension progressive du champ de ses activités, sa capacité à tracer d'autres perspectives, une autre approche de la production que celle de la grande entreprise capitalistique en crise.

C'est le moment qu'a choisi à juste titre un Gouvernement doté d'un ministère délégué à l'économie sociale et solidaire pour soumettre au Sénat, en première assemblée saisie, le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire.

Votre commission des affaires économiques s'en réjouit, elle qui a créé en mars 2012 un groupe de travail, transformé par la suite en groupe d'études, dont j'ai l'honneur d'être le président, sur l'économie sociale et solidaire. Elle m'a confié le soin de présenter un rapport sur le projet de loi. Trois autres commissions ont nommé des rapporteurs pour avis : M. Jean Germain pour la commission des finances, Mme Christiane Demontès pour la commission des affaires sociales et M. Alain Anziani pour la commission des lois, montrant ainsi l'attention portée à ce texte par la Haute assemblée dans son ensemble.

Cette loi crée un mouvement et trace une dynamique : si les différentes familles traditionnelles de l'économie sociale et solidaire - coopératives, associations, mutuelles, fondations - ont vu leurs fondements confortés par différentes lois au cours du siècle passé, il manquait un texte qui affirme leurs principes communs tout en tendant la main aux nouvelles et nombreuses initiatives qui se développent en partageant ces principes.

Votre rapporteur a pu apprécier, tout au long de l'élaboration du projet de loi, le haut degré de concertation qui a permis d'aboutir au texte actuel. Au-delà de l'opposition entre les statuts ou entre les branches d'activité, il s'agit d'un texte d'équilibre.

Le projet de loi définit d'abord, pour la première fois, le périmètre de l'économie sociale et solidaire. Il retient une approche inclusive, qui n'allait pas de soi tant l'attachement est fort, chez les acteurs de l'économie sociale et solidaire, à des statuts qui ont fait leurs preuves. Votre rapporteur salue cette attitude d'ouverture.

Le projet de loi consacre également l'existence des grandes institutions et dispositifs de l'économie sociale et solidaire. Il réforme en particulier l'agrément « entreprise solidaire », qui est l'un des piliers du financement du secteur.

Il définit aussi une obligation d'information à destination des salariés, dans toute entreprise qui fait l'objet d'une transmission. Cette disposition vise explicitement à faciliter la reprise de l'entreprise par les salariés. Votre rapporteur s'attachera à en expliquer l'utilité et à dissiper les craintes qu'elle a suscitées chez certains acteurs de l'économie traditionnelle.

Le texte comprend ensuite des dispositions à destination de chacune des familles de l'économie sociale et solidaire : tout particulièrement les coopératives, mais aussi le monde mutualiste, les associations, les fondations. Il favorise enfin le recours aux entreprises de l'insertion par l'activité économique dans les activités des éco-organismes.

Réunie le mercredi 16 octobre 2013, votre commission des affaires économiques a adopté 95 amendements.

Elle a notamment précisé les conditions d'appartenance des sociétés commerciales à l'économie sociale et solidaire, complété l'échelle des rémunérations dans les entreprises solidaires et défini la notion d'innovation sociale.

Elle a aussi complété l'obligation de notification des salariés en cas de cession par un dispositif d'information des salariés, tout au long de la vie de l'entreprise, au sujet des possibilités de reprise.

S'agissant des coopératives, elle a précisé leur définition générale ; conforté le caractère pédagogique et constructif de leur procédure de révision, qu'elle a adaptée pour les SCOP ;  et autorisé la mise en oeuvre de politiques commerciales communes pour les coopératives artisanales.

Elle a également, grâce à l'apport des commissions des affaires sociales et des finances, saisies pour avis, amélioré l'encadrement des coopératives d'activité et d'emploi et des certificats mutualistes.

C'est donc un texte enrichi, mais qui ne remet pas en cause l'équilibre proposé par le projet de loi, que votre commission soumet à l'examen du Sénat.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, UN MODÈLE VERTUEUX EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE

A. L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE DANS LA MUTATION DE NOTRE ÉCONOMIE

1. Un modèle économique alternatif en pleine croissance, fondé sur les personnes...
a) Une idée ancienne mais des principes fondateurs toujours d'actualité

L'économie sociale et solidaire (ESS) est née durant la première moitié du XIX e siècle, en contrepoint à la première révolution industrielle, sous l'impulsion du socialisme utopique, du mouvement ouvrier et du catholicisme social. C'est à cette époque et en vue d'une réappropriation par les ouvriers de l'appareil de production que sont nées les formes modernes de coopératives.

Si le XIX e siècle a vu l'affirmation du mouvement coopératif et mutualiste, le XX e siècle a été celui du mouvement associatif. Les années 1970-80 ont quant à elles vu naître les premières structures d'insertion par l'activité économique, la finance solidaire et le commerce équitable.

Deux siècles après leur apparition, les entreprises de l'ESS ont assis leur place dans l'économie française tout en restant fidèles à leurs principes fondateurs, souvent repris dans leurs statuts :

- liberté d'adhésion ;

- gestion démocratique, souvent résumée sous la forme « une personne, une voix » ;

- indépendance à l'égard des pouvoirs publics ;

- solidarité ;

- non redistribution individuelle des profits ou redistribution limitée ;

- primauté de l'humain et de l'objet social sur le capital.

Ces principes ont été adoptés en 1980 par le Comité national de liaison des activités mutualistes coopératives et associatives (CNLAMCA) dans la charte de l'ESS, actualisée en 1995 par le Conseil des entreprises employeurs et groupements de l'économie sociale (CEGES).

b) Une démarche originale fondée sur la satisfaction des besoins humains

Contrairement aux structures de l'économie capitaliste, celles de l'ESS n'ont pas pour but immédiat la recherche du profit et la croissance sur des marchés concurrentiels, mais la satisfaction des associés et leur épanouissement social.

Dans un contexte de recrudescence du chômage, de la pauvreté et de la précarité, les structures du secteur de l'ESS remplissent une fonction de « réparation sociale » que seuls les pouvoirs publics, en-dehors d'elles, sont à même d'assurer. Cela est particulièrement vrai du secteur associatif et des entreprises d'insertion.

C'est en ce sens que l'ESS joue un véritable « rôle sociétal », ainsi que le soulignait de façon pertinente notre collègue Marie-Noëlle Lienemann dans son rapport sur les coopératives en France 1 ( * ) . La crise actuelle et ses conséquences délétères sur le tissu social sont interprétées par un nombre croissant de personnes comme « la conséquence prévisible d'un modèle économique fondamentalement déséquilibré, qui a imposé la suprématie d'une logique économique fondée sur la recherche opportuniste et individualiste des gains financiers de court terme ».

Cette crise systémique, qui révèle les limites et contradictions d'un modèle capitaliste financiarisé et globalisé, met également en exergue le potentiel alternatif de l'ESS. « Facteur de régulation et d'humanisation du fonctionnement de l'économie », elle prouve que la recherche individualiste du profit n'est pas l'unique objectif qui peut animer des personnes s'associant pour mener une activité commune, quand bien même celle-ci serait source de richesse et de valeur ajoutée.

Basée sur une relation de long terme entre des personnes poursuivant un objectif commun dépassant largement la recherche du profit, l'ESS fait chaque jour preuve de « sa capacité à produire des idées et des pratiques réconciliant performance et solidarité, croissance et justice, prospérité et développement durable ». Elle relève d'une autre vision du monde, plaçant l'homme et son bien-être social au coeur de son projet.

c) Un essor avéré dans notre pays

Loin d'être anecdotique, le poids de l'ESS dans l'économie française est même très substantiel si l'on s'en rapporte aux derniers chiffres de l'Observatoire national de l'ESS mis en place par le Conseil national des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire.

En 2009, le secteur comptait ainsi près de 217 000 établissements employeurs pour un effectif salarié de 2,3 millions d'emplois. L'ESS se maintient ainsi à plus de 9 % du total des établissements employeurs, et près de 10 % du total de l'emploi salarié public et privé en France.

L'ESS est particulièrement présente dans certains secteurs. Elle représente ainsi 46 % des salariés dans le domaine de l'assurance, 55 % dans le domaine de l'hébergement médico-social, 57 % dans celui des activités récréatives, sportives et de loisir et même 69 % dans l'action sociale sans hébergement.

Le dynamisme de création d'emploi dans l'ESS est plus important que celui du reste de l'économie privée durant la dernière période étudiée, en 2006-2008, confirmant en cela la tendance observée les années précédentes.

L'ESS n'est pas faite que de petites structures, bien au contraire. La taille moyenne d'un établissement de l'ESS, calculée en équivalents temps plein (ETP), est supérieure à celle d'un établissement employeur du privé : 8,8 contre 6,8. Et le poids de l'ESS est plus important dans les entreprises de plus de 20 salariés, représentant même 17,5 % de celles de 50 à 249 salariés.

La richesse issue du secteur de l'ESS est particulièrement substantielle. Si les indicateurs et les agrégats sont délicats à évaluer, on estimait cependant le chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises de l'ESS à 366,6 milliards d'euros en 2008. Ce sont les coopératives qui en fournissent la majeure partie (71 % exactement) suivies, par les associations et les mutuelles (5 à 6 % chacune).

d) Un modèle dynamique qui se développe à l'étranger

Le développement de l'ESS n'est pas un phénomène circonscrit à notre pays. En Europe, sous l'impulsion notamment des pays du Nord, traditionnellement ouverts à ces formes alternatives d'économie, l'ESS gagne peu à peu du terrain.

14,5 millions d'Européens travaillent ainsi dans le secteur de l'ESS, soit 6,5 % de la population active de l'Union européenne. Ce taux varie même entre 9 et 11,5 % en Suède, en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas. Le nombre de travailleurs dans le secteur a connu une forte croissance durant la dernière décennie, passant de 11 millions en 2002-2003 à 14,5 millions en 2009-2010.

Au niveau institutionnel, l'organisation européenne de l'ESS se matérialise par une référence commune : la Charte européenne de l'économie sociale et solidaire, élaborée en 2001 à Bruxelles par la Conférence européenne permanente des coopératives, mutuelles, associations et fondations (CEP-CMAF).

La Commission européenne a d'ailleurs appelé, dans sa communication du 25 octobre 2011 intitulée « Initiative pour l'entrepreneuriat social », à « améliorer la visibilité de l'entrepreneuriat social ». Un Observatoire européen de l'entrepreneuriat social et de l'ESS a été créé en octobre 2012.

Au niveau international, le réseau intercontinental de promotion d'ESS organise tous les quatre ans les rencontres « Globalisation de la solidarité », alternativement au « Sud » et au « Nord », avec une participation croissante des réseaux d'ESS du monde entier.

En 2002, l'Organisation internationale du travail (OIT) a émis une recommandation en faveur d'un plus grand développement des coopératives, qui « favorisent l'autonomisation des populations en permettant aux catégories même les plus pauvres de prendre part au progrès économique ». Cette année a d'ailleurs été consacrée « année des coopératives » par l'ONU.

2. ... qui accueille aujourd'hui de nouvelles formes d'entreprises

Si l'ESS est née au XIX e siècle sous des formes aujourd'hui bien ancrées dans le paysage économique (coopératives, mutuelles...), elle voit aujourd'hui se développer un nouveau type d'entrepreneuriat qui, revêtant des formes sociétaires traditionnelles (SA, SARL...), s'en distingue par son objet social et son respect de certains des principes de l'ESS.

a) La pérennité des structures classiques

L'économie sociale et solidaire comprend traditionnellement des entreprises relevant de quatre statuts, dont les règles fondamentales ont été inscrites, au fil du temps, dans des textes de loi variés :

- les coopératives (loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération).

Selon la définition qu'en donne l'Alliance coopérative internationale (ACI), ce sont des « associations autonomes de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ».

Elles se distinguent des associations, dont le but est moins lié aux activités économiques, mais aussi des mutuelles, de par leur statut juridique. On en compte 21 000, employant près d'un million de salariés dans notre pays ;

- les mutuelles (code de la mutualité) et les sociétés d'assurance mutuelle (code des assurances).

Ce sont des personnes morales de droit privé qui poursuivent un but non lucratif (actions de prévoyance, de solidarité et d'entraide) dans l'intérêt de leurs membres, moyennant le versement d'une cotisation. Elles ont en commun avec les coopératives et avec les associations d'avoir des clients qui sont en même temps ses associés.

On comptait, en 2011, un peu plus de 700 mutuelles de santé en France ;

- les fondations (articles 18 et suivants de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat).

Personnes morales de droit privé à but non lucratif créées par un ou plusieurs donateurs, eux-mêmes pouvant être des personnes physiques ou morales, elles ont pour objet l'accomplissement d'une oeuvre d'intérêt général.

D'après l'Observatoire de la Fondation de France, la France comptait 1 684 fondations en 2009, en hausse de 52 % par rapport à 2001, employant 59 126 salariés. Sur un total de près de 5 milliards d'euros de dépenses, 47 % étaient affectées à la santé, 32 % à l'action sociale et 9 % à l'enseignement et la formation.

- les associations (loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association).

Elles regroupent des personnes décidant de mettre en commun des moyens afin d'exercer une activité ayant un but premier autre que leur enrichissement personnel.

La France en compte aujourd'hui un million, s'appuyant sur 13 millions de bénévoles et employant 1,6 million de salariés.

b) L'apparition de nouvelles formes d'entrepreneuriat social

Au-delà des quatre statuts traditionnels, une nouvelle forme d'entrepreneuriat s'est développée sur des principes proches.

Les « entrepreneurs sociaux », ainsi qu'on les appelle, se définissent surtout par la finalité sociale, sociétale ou environnementale de leur action, ainsi que sur le principe de lucrativité limitée. Leur gouvernance peut être participative, incluant les différentes parties prenantes, mais sans aller nécessairement jusqu'à mettre en place un principe « une personne, une voix ».

Statutairement, les entrepreneurs sociaux peuvent se constituer sous des formes diverses (SCOP, associations, Scic, voire dans certains cas SA ou SARL...), mais leur objet doit préciser clairement leur finalité d'utilité sociale ou d'intérêt collectif. Économiquement, ils s'inscrivent dans une logique de marché et une part significative de leurs ressources provient de la vente des biens ou services qu'ils produisent.

Ce mouvement est apparu au cours des années 1990 en Europe et aux États-Unis, avec des approches différenciées. Le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) les fédère et les représente en France.

Au niveau européen, la Commission européenne promeut l'entrepreneuriat social dans sa communication du 25 octobre 2011 intitulée « Initiative pour l'entrepreneuriat social - Construire un écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociale ».

« Par « entreprise sociale », la Commission vise ainsi les entreprises :

« - pour lesquelles l'objectif social ou sociétal d'intérêt commun est la raison d'être de l'action commerciale, qui se traduit souvent par un haut niveau d'innovation sociale,

« - dont les bénéfices sont principalement réinvestis dans la réalisation de cet objet social,

« - et dont le mode d'organisation ou le système de propriété reflète la mission, s'appuyant sur des principes démocratiques ou participatifs, ou visant à la justice sociale. »

3. L'ESS aux avant-postes de l'économie de demain : l'innovation sociale

L'innovation est par définition un phénomène mouvant et complexe à définir.

L'innovation technologique fait déjà l'objet de politiques de soutien telles que le crédit d'impôt recherche ou le dispositif des jeunes entreprises innovantes.

Le crédit d'impôt recherche (CIR) est une mesure générique de soutien aux activités de recherche et développement des entreprises, sans restriction de secteur ou de taille. Les entreprises qui engagent des dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental peuvent bénéficier du CIR en les déduisant de leur impôt sous certaines conditions. Le taux du CIR varie selon le montant des investissements.

Les entreprises reconnues comme « jeunes entreprises innovantes » doivent avoir moins de huit ans. Elles bénéficient d'une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour les personnels participant à la recherche, ainsi que d'avantages fiscaux : exonération totale d'impôt sur les bénéfices sur les trois premiers exercices bénéficiaires puis abattement de 50 % sur les deux exercices bénéficiaires suivants, exonération totale d'imposition forfaitaire annuelle durant toute la période d'application du statut spécial, exonération pendant sept ans de taxe foncière sur délibération des collectivités locales...

Les jeunes entreprises innovantes ont également la possibilité de bénéficier de la restitution immédiate de leur créance de crédit impôt recherche constatée pendant une année au cours de laquelle elles bénéficient de la qualification de jeune entreprise innovante.

Source : service-public.fr, impots.gouv.fr

L'innovation ne se limite toutefois pas à l'innovation technologique.

La troisième édition (2005) du manuel d'Oslo élaboré par l'OCDE, qui est une référence internationale en matière de définition des activités d'innovation, distingue ainsi quatre catégories d'innovations :

« - de produit ou de prestation (quand il s'agit d'une entreprise du commerce ou des services) : création d'un nouveau produit ou offre d'une nouvelle prestation commerciale ou de service ;

« - de procédé : mise en oeuvre de nouvelles techniques pour la production de biens ou la réalisation de prestations de services ;

« - d'organisation : les cercles de qualité en sont un exemple ;

« - de marketing : par exemple la mise en franchise ou la promotion sur Internet. » 2 ( * )

C'est dans le prolongement de cette nouvelle vision de l'innovation que s'identifie à présent l'innovation réalisée par certaines entreprises en matière sociale .

L'Avise, agence créée en 2002 par la Caisse des Dépôts et Consignations et des grands acteurs de l'économie sociale, a mis au point, en collaboration avec les acteurs de l'économie sociale et solidaire, une grille de caractérisation de l'innovation sociale fondée sur vingt critères regroupés en quatre catégories :

- une réponse à un besoin social mal satisfait ;

- la génération d'autres effets positifs ;

- l'expérimentation et la prise de risque ;

- l'implication des acteurs concernés.

Sur cette base, le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire (CSESS), qui regroupe acteurs publics et acteurs privés du secteur, a mis en place un groupe de travail sur l'innovation sociale, dont les travaux ont été publiés dans son rapport d'activité 2012.

Proposition du CSESS pour une définition légale de l'innovation sociale

« L'innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux et sociétaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques publiques, avec la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers.

« L'innovation sociale peut être portée par un produit ou un service, un mode d'organisation, ou le modèle économique. Elle peut être mise en oeuvre à l'échelle d'un territoire ou d'une organisation publique ou privée, dont les PME au sens de la réglementation européenne.

« Elle passe par un processus en plusieurs phases : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation.

« Les politiques publiques visent à encourager l'innovation sociale et à en mesurer l'impact. Les dispositifs de soutien à l'innovation, bénéficiant du concours de l'Etat, incluent un volet innovation sociale dans leur périmètre. »

Groupe de travail « Innovation sociale », rapport d'activité 2012 du conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, p. 144.

L'innovation sociale, comme toute innovation, n'est pas fixée dans le temps : une pratique innovante à un moment donné peut ne plus l'être une fois qu'elle s'est diffusée. Elle comporte également une dimension territoriale forte : une pratique peut être innovante dans un certain contexte géographique et pas dans un autre. Elle est souvent mise en oeuvre par des entreprises sociales ou solidaires, mais peut également être portée par des entreprises classiques, voire des collectivités ou des citoyens.

Cette identification de l'innovation sociale est une première étape dans l'élaboration d'une politique de reconnaissance et de soutien à l'innovation sociale .

Plusieurs financeurs reconnaissent d'ores et déjà l'innovation sociale : le Comptoir de l'innovation (groupe SOS), la fondation MACIF, le fonds de confiance France Active, le dispositif Innov'ESS ainsi que d'autres initiatives, souvent régionales.

Le rapport Vercamer 3 ( * ) recommandait en 2010, dans sa proposition n° 19, d'« ouvrir à l'innovation sociale les dispositifs existants d'OSEO » et donc aujourd'hui de BPI France.

Enfin, le président de la République a annoncé le 29 avril dernier, en clôture des Assises de l'entrepreneuriat, la création d'un fonds pour l'innovation sociale qui pourra intervenir sous forme de prêts ou d'apports en fonds propres. Ce fonds sera géré par la Banque publique d'investissement.


* 1 « Les coopératives en France : un atout pour le redressement économique, un pilier de l'économie sociale et solidaire » , rapport fait par Mme Marie-Noëlle Lienemann au nom du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire de la commission des affaires économiques présidé par M. Marc Daunis.

* 2 Ces quatre catégories sont reprises dans la définition de l'innovation sur le site de l'Insee ( http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/innovation.htm ).

* 3 L'Économie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l'emploi , rapport remis au Premier ministre par M. Francis Vercamer, député du Nord, avril 2010.

Page mise à jour le

Partager cette page