II. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE, MAIS AUX MODALITÉS DEVANT ÊTRE PRÉCISÉES

A. LA DIFFICILE MISE EN PLACE D'UNE ÉPREUVE PRATIQUE SANCTIONNANT UNE FORMATION AUX PREMIERS SECOURS

1. Une proposition de loi instaurant une épreuve supplémentaire à l'examen du permis de conduire

La proposition de loi n° 355 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, présentée par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf ainsi que plusieurs de nos collègues est formulée dans les mêmes termes que la proposition de loi n° 144 visant à former aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route lors de la préparation des permis de conduire, que notre collègue M. Bernard Gérard a déposé à l'Assemblée nationale, le 23 août 2012. Cette proposition de loi a été rejetée le 11 octobre 2012 17 ( * ) .

Composée d'un article unique, cette proposition de loi ne vise pas à créer une obligation de formation pratique aux gestes de premiers secours dans le cadre de la préparation au permis de conduire, mais plutôt à créer une troisième épreuve au permis de conduire, sanctionnant la connaissance des gestes de premiers secours , qui s'ajoutera à l'épreuve pratique et à l'épreuve théorique actuelles.

Le contenu de cette épreuve est précisé : il s'agit de sanctionner la connaissance de cinq gestes, soit, alerter les secours, baliser les lieux de l'accident, ventiler la victime, c'est-à-dire procéder à la respiration artificielle, comprimer, c'est-à-dire appuyer sur une plaie ouverte afin de stopper une hémorragie et enfin, sauvegarder la vie des blessés.

La proposition de loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions et les modalités de cet examen.

2. Les difficultés pratiques soulevées

En l'état, cette proposition de loi pose plusieurs difficultés pratiques.

La création d'une troisième épreuve au permis de conduire présente des conséquences pratiques importantes, pour les candidats comme pour les enseignants au permis de conduire et les examinateurs.

En premier lieu, la création de ce dispositif entraîne nécessairement un surcoût , même modeste, qui pèsera in fine sur les candidats au permis de conduire. En effet, les moniteurs d'auto-écoles ne seront pas en mesure de dispenser une telle formation, sans avoir reçu la formation requise de 50 heures. Il semble difficile de pouvoir imposer une telle charge aux enseignants d'auto-écoles sans que ceux-ci ne répercutent ce coût sur la formation dispensée. Si les candidats se forment auprès d'associations agréées, la formation leur sera également facturée.

Or, le coût de la formation au permis de conduire est évalué en France à près de 1 500 euros - montant qui se situe certes dans la moyenne européenne mais reste très élevé.

En second lieu, si la formation ne s'effectue pas au sein de l'auto-école, mais par le biais d'une association de secourisme, comme l'envisagent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs 18 ( * ) , un nombre important de moniteurs de secourisme sera nécessaire pour former les candidats aux permis de conduire. Or, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont rappelé la situation de saturation des associations et des structures capables de délivrer cette formation.

Au regard des 900 000 candidats annuels au permis de conduire , imposer une formation supplémentaire entrainerait un allongement très important des délais pour pouvoir passer le permis de conduire.

Or, la tendance actuelle est déjà celle d'un allongement de ces délais : de 86 jours d'attente en moyenne en 2012, le délai est d'environ 90 à 95 jours pour l'année 2013.

Lors des auditions menées par votre rapporteur, M. Michel Tepper, responsable régional Ile-de-France du réseau CER, représentant la Fédération nationale des enseignants de la conduite, lui a fait part d'une expérience menée en 2009 par le réseau CER. Il a été décidé de former les enseignants à la conduite et les élèves aux gestes de premiers secours. La formation était intégralement financée par le Fonds de garantie des Assurances obligatoires de dommages (FGAO).

Toutefois, l'expérience a été rapidement interrompue, pour deux raisons pratiques : l'association ne disposait pas d'un nombre suffisant de formateurs pour faire face à la demande et le déplacement dans les locaux de l'association pour recevoir la formation posait d'importantes difficultés d'organisation.

Cet exemple illustre bien que la difficulté est principalement liée à l'organisation matérielle de ces formations , avant même d'être d'ordre financier.

Enfin, le contenu de la formation aux premiers secours pose en lui-même des difficultés.

Si les « cinq gestes qui sauvent » ont pu faire consensus au moment du lancement de ce programme dans les années 1970, ce n'est plus le cas aujourd'hui : ventiler, c'est à dire pratiquer la respiration artificielle sur les blessés, est contesté lorsque l'arrêt cardiaque est consécutif à un accident de la route. Les personnes entendues par votre rapporteur ont été unanimes sur ce sujet. En outre, c'est un geste qui, même maîtrisé par la personne, reste difficile à accomplir. La notion de « sauvegarde des blessés » est enfin assez vague et ne semble pas pouvoir être un support à un examen pratique ou théorique. La connaissance du geste de compression, en cas d'hémorragie externe est essentielle mais l'évolution de la protection passive des véhicules a rendu ce risque plus rare, les hémorragies étant aujourd'hui plutôt internes.


* 17 http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/Gestes_secourisme_permis_conduire.asp.

* 18 Les auteurs de la proposition de loi indiquent en effet que l'enseignement des gestes de premiers secours pourra être dispensé « par l'intermédiaire des associations de secourisme déjà existantes et agréées ».

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