AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission commune d'information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé a rendu ses travaux à l'automne 2012, sous la présidence de Sophie Primas et sur le rapport de Nicole Bonnefoy. Intitulé « Pesticides : vers le risque zéro », le rapport dresse un constat sans appel de la situation actuelle en France :

- les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont aujourd'hui sous-évalués ;

- le suivi des produits, après leur mise sur le marché, n'est que très imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels ;

- les protections, notamment individuelles, contre les pesticides ne suffisent pas à protéger les utilisateurs contre les dangers de ces produits ;

- les pratiques industrielles, agricoles et commerciales n'intègrent pas suffisamment la préoccupation de l'innocuité pour la santé de l'usage des produits phytosanitaires ;

- enfin, les objectifs du plan Ecophyto, avec la réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisés d'ici à 2018, ne seront selon toute évidence pas atteints, ce qui impose de renforcer les moyens alloués à cet objectif.

Le rapport liste une centaine de propositions, toutes motivées par l'urgence à intervenir pour réduire l'usage des pesticides et l'exposition des individus à ces produits.

A l'issue de ces travaux, le sénateur Joël Labbé, membre de la mission commune d'information, a rédigé une proposition de loi centrée sur la problématique des usages non agricoles de ces produits. Ces usages, par les collectivités, les entreprises, et les particuliers, constituent de fait un enjeu environnemental et sanitaire en soi. Ne représentant que 5 à 10 % des usages à l'échelle nationale, ils provoqueraient des transferts vers l'eau de l'ordre de 10 à 40 % du produit épandu, contre 1 à 3 % pour les pertes agricoles. En outre, ces usages concernent des utilisateurs souvent mal formés, et de bonne foi convaincus de l'innocuité des produits qu'ils manipulent.

La proposition de loi a été élaborée selon une méthode originale. Elle a été soumise à une large consultation sur Internet durant plusieurs mois, dans le cadre de l'initiative « Parlement et citoyens », conformément au principe constitutionnel de participation du public.

Le résultat est une réponse pragmatique à la problématique très spécifique de l'usage des pesticides en milieu non agricole, par les personnes publiques et les non professionnels.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN TEXTE QUI PARACHÈVE UN MOUVEMENT ENGAGÉ DE LONGUE DATE

A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE DE RÉDUIRE L'USAGE DES PHYTOSANITAIRES POUR LES USAGES NON AGRICOLES

1. Un engagement continu du Gouvernement

La présente proposition de loi vise à interdire progressivement l'utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques et les particuliers. Cette interdiction s'inscrit dans un mouvement politique engagé depuis plusieurs années pour limiter l'usage non agricole des pesticides.

La volonté du Gouvernement a récemment été réaffirmée sur le sujet. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a tracé le cap à l'occasion de son discours de clôture lors de la conférence environnementale de septembre 2013. Il a ainsi indiqué que « nous devons aller vers la suppression des produits phytosanitaires en ville » .

Le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, est également très impliqué sur cette question, que ce soit au titre des travaux qu'il a menés sur la pollution des eaux, ou dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Ecophyto, qui prévoit une réduction et une sécurisation de l'usage des pesticides en zone non agricole.

C'est l'objet de l'axe 7 du plan. Le ministère évalue l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en zone non agricole à hauteur de 5 à 10 % de l'utilisation totale des pesticides en France. Dès lors, l'axe 7 distingue cinq priorités :

- améliorer la qualification des applicateurs professionnels en zone non agricole en matière d'usage des pesticides ;

- sécuriser l'utilisation des pesticides par les amateurs ;

- encadrer strictement l'utilisation des produits phytosanitaires dans les lieux destinés au public, ce qui comprend l'objectif d'interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances classées comme extrêmement préoccupantes dans les lieux publics, sauf dérogation exceptionnelle ;

- développer et diffuser des outils spécifiques pour la diminution de l'usage des pesticides en ZNA ;

- développer des stratégies globales d'aménagement du territoire, et en particulier sensibiliser et former les gestionnaires d'espaces verts aux méthodes alternatives disponibles, à la modification du type de végétaux plantés et à la nécessité d'une meilleure utilisation des pesticides.

2. La mission sénatoriale sur les dangers des pesticides

Parallèlement aux travaux engagés par le Gouvernement, le Sénat s'est saisi de la question des enjeux sanitaires des pesticides, l'année dernière, dans le cadre de la mission commune d'information présidée par Sophie Primas, sur le rapport de Nicole Bonnefoy.

Là encore, les conclusions concernant l'usage non agricole de ces produits sont sans appel. La mission a recommandé l'interdiction de la vente de produits phytosanitaires aux particuliers en grandes surfaces alimentaires, afin de privilégier les circuits fermés où le client a accès à un conseiller de vente formé à cet effet. Elle a également préconisé d'interdire, à terme, la vente de pesticides aux particuliers, à l'exception de ceux autorisés en agriculture biologique.

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