N° 126

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de financement de la sécurité sociale pour 2014 ,

Par M. Jean-Pierre GODEFROY

Sénateur,

Rapporteur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1412 , 1462 , 1470 et T.A. 224

Sénat :

117 et 127 (2013-2014)


Les observations du rapporteur
pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Par la voix de son rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, la commission se réjouit de ce que la branche renoue avec des excédents qui, s'ils demeurent fragiles et pour le moment modestes, permettent d'espérer un remboursement à terme des déficits. Elle rappelle que parallèlement la branche doit pouvoir développer ses actions et souhaite l'élaboration d'une stratégie pluriannuelle de remboursement permettant d'affecter une partie des excédents à leur financement.

La commission insiste sur la volonté commune des partenaires sociaux gestionnaires de la branche de s'engager pour la prévention et regrette que les réductions de postes envisagées dans les caisses et les organismes financés par la sécurité sociale risquent de briser cette dynamique partagée. Elle incite le Gouvernement à la plus grande vigilance sur ce point avant l'adoption de la prochaine convention d'objectifs et de gestion.

La commission s'inquiète du financement du Fiva et souhaite que l'Etat assume les responsabilités qui lui incombent. Elle s'inquiète d'une sous-estimation possible des dépenses envisagées pour 2014 qui placerait le fonds dans une situation financière intenable. Elle considère que, face à cette situation, l'absence d'une participation au moins symbolique de l'Etat sera difficilement justifiable devant le conseil d'administration du fonds.

Elle souhaite que l'action de la branche AT-MP soit pleinement associée aux mesures de prévention de la pénibilité et souligne que les actions de la branche doivent permettre de protéger les travailleurs et de limiter les expositions.

Elle rappelle son attachement à l' ouverture d'une nouvelle voie d'accès individuelle au Fcaata .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à sa vocation assurantielle, la branche AT-MP devrait à partir de 2013 renouer avec les excédents. Ce retour est cependant modeste et demeure fragile car il est difficile pour les partenaires sociaux de s'adapter à l'évolution des politiques publiques. Celle-ci se traduit par une participation financière accrue de la branche, parfois pour compenser le désengagement financier de l'Etat mais également par la mise en place de dispositifs nouveaux qui, bien que légitimes, doivent être mis en cohérence avec les objectifs et les instruments de la branche. Ainsi, si votre rapporteur estime nécessaire la prise en compte de la pénibilité pour la retraite, celle-ci ne doit pas aboutir à remettre en cause l'objectif premier de la prévention qui est la disparition des facteurs de risque.

Un exemple est celui du risque cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR).

Depuis l'instauration du plan national d'actions coordonnées (Pnac) mis en oeuvre pour la première fois en 2009 par la branche et qui s'est achevé en 2012, l'objectif de la branche est la « mise en oeuvre de solutions visant à supprimer ou substituer le risque lorsque cela est techniquement réalisable. A défaut, des actions de maîtrise des expositions aux substances et procédés cancérogènes au plus bas niveau techniquement possible sont menées ». Les agents des services de prévention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) sont intervenus sur la durée du plan dans plus de 6 500 entreprises, identifiant 100 000 salariés exposés et soustrayant plus de 46 500 d'entre eux à au moins un produit cancérogène. Or, les CMR, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, sont visés explicitement comme catégorie d'agent chimique dangereux à l'article D. 4121-5 du même code en tant que facteurs de risque constituant, au sens de l'article L. 4121-3-1 un environnement physique agressif « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles » sur la santé du travailleur, et constituant de ce fait une condition de pénibilité. Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, actuellement en cours de discussion par le Parlement, associe à l'exposition à la pénibilité un système de points pouvant « être mobilisés par le titulaire pour participer au financement d'une action de formation professionnelle permettant une reconversion, pour assurer un complément de rémunération lors d'un passage à temps partiel en fin de carrière ou encore pour financer l'acquisition de trimestres supplémentaires majorant la durée d'assurance vieillesse . »

Ce compte de prévention de la pénibilité repose sur l'idée de soustraire le travailleur aux facteurs de risque par la reconversion, la réduction partielle du temps de travail ou la cessation d'activité. Sauf à porter atteinte à la vocation de la branche AT-MP, cette logique doit être complémentaire et subsidiaire par rapport à celle de la prévention collective des sinistres professionnels par la suppression des risques ou l'adoption de procédures de prévention. La priorité de notre système assurantiel de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles n'est pas la compensation du sinistre subi, mais le maintien de la santé des travailleurs. Dans la mesure où cette prévention n'est pas partout ni systématiquement mise en oeuvre de manière à faire disparaître le risque, il est indispensable qu'une compensation soit mise en oeuvre ; mais il convient de s'assurer que la compensation ne rende pas le risque acceptable voire attractif : cela reviendrait à placer un prix sur la santé des travailleurs.

Une première mesure tendant à assurer la primauté de la disparition du risque a été présentée à votre commission des affaires sociales par le directeur des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Les entreprises où des comptes de prévention de la pénibilité seront créés devront, de manière systématique et obligatoire, faire l'objet d'action de préventions organisée par la branche AT-MP afin de faire disparaître les facteurs de risque constituant les conditions de pénibilité.

Ces considérations incitent à une vigilance particulière sur les moyens alloués à la branche AT-MP et sur son fonctionnement. Le volontarisme des partenaires sociaux, tel qu'il se traduit par la convention d'objectifs et de gestion 2014-2017 en cours de finalisation, risque de se trouver limité par la faiblesse durable des marges de manoeuvre financière dont dispose la branche, plombée par une dette de 2 milliards d'euros qui n'a cessé de croître jusqu'à présent.

*

L'année 2012, qui ne devait être que marginalement déficitaire, s'est en effet révélée être l'une des plus critiques en terme d'accumulation de la dette. En effet, le solde pour l'année 2012 est dégradé de près de 600 millions d'euros supplémentaires par rapport au tableau d'équilibre figurant dans le projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2013. Les dépenses réalisées, bien qu'augmentées en cours de discussion au-delà des objectifs initiaux, ont été supérieures encore de plus de 400 millions d'euros. Ce déficit est pour l'essentiel imputable au Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl) qui connaît un déficit de 374 millions d'euros.

Il est à noter qu'en 2013 l'objectif d'excédent de 400 millions ne reste inchangé par rapport aux prévisions de la loi de financement adoptée en 2012 que du fait des arrondis de présentation. Il ne pourra se maintenir proche du montant initialement prévu que si la baisse des dépenses est bien proportionnelle à celle des recettes. Celles-ci doivent baisser de 500 millions d'euros en raison de la faible croissance de la main d'oeuvre qui devrait être inférieure d'un point à celle figurant dans les hypothèses du Gouvernement. Cette faible croissance de la main d'oeuvre devrait avoir mécaniquement un effet sur le montant des dépenses, le nombre de salariés susceptible de subir un dommage du fait du travail se trouvant réduit. L'objectif de recettes figurant dans le PLFSS pour 2014 au titre de l'année 2013 est donc réduit de 13,3 milliards à 12,9 milliards. L'objectif de dépenses pour 2014 est, lui, fixé au niveau initialement prévu pour 2013.

La dette cumulée de la branche figure toujours dans les comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sans qu'une stratégie de remboursement ait été définie, ce qui implique une gestion au fil de l'eau peu satisfaisante car reposant sur l'hypothèse d'excédents dont on ne peut que constater la fragilité.

Tableau n° 1 : Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2007

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Objectif de dépenses

11,4

11,8

13,0

12,9

13,0

13,3

13,3

13,3

Dépenses réalisées

12,0

12,1

12,5

12,6

13,0

13,7

12,9

Ecart

0,6

0,3

-0,5

-0,3

0,0

0,4

0,4

(p) : prévision

Source : PLFSS pour 2014

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