Section 6 - Dispositions relatives à la gestion interne des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ainsi qu'au contrôle et à la lutte contre la fraude

Article 63 (art. L. 221-1 et L. 767-1 du code de la sécurité sociale) - Recouvrement des dettes et des créances européennes et internationales

Objet : Cet article transfère à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) la mission de recouvrement des dettes et créances européennes et internationales jusqu'alors exercée par le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss).

I - Le dispositif proposé

Le système actuel de recouvrement des dettes et créances internationales

Dans un contexte d'accroissement rapide de la mobilité à l'échelle mondiale, il arrive fréquemment qu'une personne affiliée au régime d'assurance maladie d'un Etat ait recours à des soins dans un autre Etat, à l'occasion d'un séjour temporaire ou d'une résidence plus longue.

La sécurité sociale étant gouvernée par le principe de territorialité - le traitement des contributions et le versement des prestations relèvent normalement du régime de sécurité sociale du pays où travaille et/ou réside un assuré -, la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses ainsi occasionnées est assurée par un système de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Au sein de l'espace économique européen (EEE) 95 ( * ) et en Suisse, la réglementation européenne 96 ( * ) prévoit que ces dépenses sont d'abord prises en charge par l'Etat de séjour ou de résidence, qui se voit ensuite remboursé par l'Etat d'origine. Ce dispositif contribue à assurer l'exercice du droit à la libre circulation.

Des dispositifs d'exception au principe de territorialité ont également été mis en place avec des Etats tiers sur le fondement d'une trentaine de conventions bilatérales. Ces dispositifs diffèrent notamment quant aux conditions de réciprocité offertes par le régime d'assurance maladie de l'Etat partie 97 ( * ) .

Des décrets de coordination permettent d'assurer la continuité de la couverture des soins dans les collectivités d'outre-mer disposant d'une autonomie en matière d'assurance maladie (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon).

Hors dispositifs de coordination, les Français expatriés à l'extérieur de l'EEE peuvent bénéficier d'une continuité de couverture sociale avec le régime obligatoire français en s'affiliant à la caisse des français de l'étranger (CFE) pour les risques maladie-maternité, accidents du travail et vieillesse.

La gestion du remboursement et du recouvrement des frais liés aux soins délivrés à l'étranger et couverts par un dispositif de coordination dépend de plusieurs organismes, dont la compétence diffère selon que l'avance des frais a été ou non faite par l'assuré.

Lorsque celui-ci a avancé les frais, il se voit directement remboursé, sur la base des justificatifs de paiement transmis, par le centre national des soins à l'étranger (CNSE) . Le CNSE, créé en 2006, centralise la gestion de l'ensemble des demandes de remboursement pour les bénéficiaires du régime général sur le fondement d'une sous-traitance négociée avec chaque caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

Lorsque les frais ont été pris en charge par les caisses étrangères, la demande de remboursement adressée par l'organisme étranger de sécurité sociale est traitée par le centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss) avant transmission à la caisse d'assurance maladie.

Le Cleiss assure également la récupération, auprès des organismes étrangers de sécurité sociale, des frais engagés pour les ressortissants étrangers bénéficiant en France de la dispense d'avance des frais.

Le rôle du Cleiss

Créé par l'article 39 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le Cleiss a succédé au centre de sécurité sociale des travailleurs migrants (CSSTM).

Il s'agit d'un établissement public administratif auquel ont été confiées trois missions :

- il procède au contrôle et au règlement des créances et dettes réciproques existant entre les régimes français et étrangers de sécurité sociale pour le compte de l'assurance maladie ;

- il exerce une fonction d'information et de recueil statistique et est chargé d'une mission de conseil dans le champ de la législation sociale applicable en France et dans les Etats liés à la France par un accord de sécurité sociale ;

- il assure la traduction des correspondances et documents juridiques, médicaux et administratifs pour les caisses de sécurité sociale.

Un système de gestion devenu inadapté dans un contexte de forte croissance des dettes et créances internationales de la sécurité sociale

Le montant des créances et dettes réciproques existant entre les Etats du fait de ce système de coordination a connu une croissance continue au cours des dernières années. Selon le rapport d'activité du Cleiss pour 2012, le montant des créances présentées aux organismes étrangers de sécurité sociale est ainsi passé de 358 millions d'euros à plus de 1,5 milliard d'euros entre 2007 et 2012, soit une augmentation de 321 %.

Evolution des créances et dettes de sécurité sociale
gérées par le Cleiss entre 2007 et 2012

(en millions d'euros)

2007

2012

Evolution

Créances introduites

358

1 508

321 %

Dettes introduites

301

688

128 %

Source : Rapport d'activité 2012 du Cleiss

Cette forte croissance du volume des dettes et créances internationales pose la question de la pertinence de la délégation de leur gestion au Cleiss, dans la mesure où leur traitement est rendu plus complexe et alors que des dysfonctionnements de gestion se font jour depuis plusieurs années.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi relève ainsi que la gestion par le Cleiss souffre de délais de traitement excessifs et d'un manque de fiabilité des données comptables, ce qui affecte la sincérité du sixième sous-objectif de l'Ondam.

Dans son rapport de septembre 2010 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, au chapitre consacré aux « Aspects internationaux de la sécurité sociale », la Cour des comptes notait par ailleurs qu'il existe des marges d'amélioration sur le traitement des anomalies et des litiges (dont le montant atteignait 21 millions d'euros en 2012), ce qui passe notamment par une amélioration de la coordination et une clarification des relations entre la Cnam, les CPAM et le Cleiss.

Un rapprochement entre la Cnam et le Cleiss fait d'ailleurs partie de manière constante des recommandations émises par la Cour, qui, en l'absence de progrès observé sur ce point, pose la question du devenir du Cleiss et suggère que sa direction de la gestion des créances soit intégrée à la Cnam.

Un tel rapprochement permettrait non seulement d'améliorer la gestion des dettes et créances internationales de sécurité sociale, mais encore de responsabiliser les caisses de sécurité sociale quant au rôle qui leur incombe dans le traitement des flux internationaux. A l'heure actuelle, il apparaît en effet, selon la Cour, que « le Cleiss permet aux caisses de se décharger de responsabilités de gestion qui leur incombent, notamment quand il se substitue à elles pour corriger, par des procédures artisanales, les erreurs qu'elles commettent assez systématiquement. Mais la Cnam ne considère pas la direction de la gestion des créances du Cleiss comme un opérateur à part entière dont elle devrait contrôler la performance, bien qu'elle lui confie la responsabilité de gérer pour elle près d'un milliard d'euros par an ».

Unifier le traitement des dettes et créances internationales d'assurance maladie au sein de la Cnam

Le présent article propose de transférer le traitement des dettes et créances internationales d'assurance maladie du Cleiss à la Cnam .

Le traitement des flux financiers liés aux soins dispensés à l'étranger ferait ainsi l'objet d' une compétence unique de la Cnam , qui intervient déjà en la matière au travers du CNSE. Cette gestion unifiée permettrait de mieux détecter les fraudes et les abus grâce à une meilleure connaissance des parcours de soins transfrontaliers. Elle assurera en outre une meilleure fiabilité des comptes de la branche maladie grâce à une évaluation plus complète des flux liés aux soins effectués à l'étranger.

Selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, elle dégagerait par ailleurs une économie en frais de gestion évaluée à 3 millions d'euros.

Le du paragraphe I du présent article ajoute aux missions de la Cnam définies par l'article L. 221-1 du code de la sécurité sociale celle de procéder au recouvrement des créances et au règlement des dettes de sécurité sociale, à l'exception de celles relatives aux prestations chômage, ainsi qu'à leur suivi.

Le du même paragraphe modifie en conséquence la disposition du même code établissant le rôle du Cleiss. Celui-ci continuera d'assurer le rôle d'organisme de liaison entre les institutions de sécurité sociale françaises et étrangères pour l'application de la législation de coordination en matière sociale, sous réserve de la compétence de gestion transférée à la Cnam.

Le II règle les conditions d'entrée en vigueur de ce transfert de compétence, qui interviendra à une date fixée par décret, au plus tard le 1 er janvier 2015. Dans l'intervalle, le recouvrement des créances et des dettes internationales de sécurité sociale exigibles avant la date qui sera déterminée pour ce transfert sera assuré par la Cnam.

Ce délai permettra de préparer le reclassement du personnel du Cleiss affecté à la mission transféré, soit 40 ETP, et d'adapter le système informatique de la Cnam à l'exercice de cette compétence nouvelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de la commission

Votre rapporteur général accueille favorablement cet article, qui permettra de clarifier et d'améliorer la gestion des dettes et créances internationales de sécurité sociale. Se posera par la suite la question de la pertinence de conserver un organisme autonome pour gérer des compétences limitées.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 64 (art. L. 722-14, L. 723-43, L. 725-1, L. 725-4, L. 725-7, L. 725-8, L. 725-12, L. 725-23, L. 725-25, L. 726-2, L. 726-3, L. 731-10, L. 731-30, L. 731-31 à L. 731-34, L. 731-35-1, L. 732-6-1, L. 732-7, L. 752-1, L. 752-4, L. 752-12, L. 752-13, L. 752-14, L. 752-15, L. 752-17, L. 752-20, L. 752-23, L. 752-25, L. 752-26, L. 752-29, L. 762-15 et L. 762-25 du code rural et de la pêche maritime) - Gestion par la seule mutualité sociale agricole (MSA) des branches maladie et accidents du travail des exploitants agricoles

Objet : Cet article a pour objet de confier à la seule mutualité sociale agricole (MSA) la gestion des risques maladie et accidents du travail des exploitants agricoles, alors qu'aujourd'hui les exploitants peuvent choisir soit la MSA, soit un assureur privé.

I - Le dispositif proposé

Lors de la création d'un régime d'assurance maladie obligatoire (Amexa) en 1961 et d'un régime d'accidents du travail et maladies professionnelles (Atexa) en 2001, les exploitants agricoles se sont vu octroyer la possibilité de choisir l'organisme gestionnaire du régime, soit la mutualité sociale agricole (MSA), soit un assureur privé agréé.

Pouvoir choisir l'organisme gestionnaire du régime de base est rare dans le système français de protection sociale : en matière de maladie, ce droit d'option existe par exemple pour les étudiants ou pour certains indépendants relevant du RSI.

Les assureurs privés agréés sont regroupés au sein du Gamex (groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles) pour le risque maladie et de l'Association des assureurs Aaexa pour la couverture AT-MP. Ces deux groupements ont en outre délégué leur gestion à une association Apria-RSA qui intervient également pour la gestion de certains indépendants.

Cette pluralité de gestionnaires, pour des prestations et des cotisations identiques, aboutit, toutes choses égales par ailleurs, à une certaine complexité et à un alourdissement des circuits et frais de gestion. En outre, la population couverte par les assureurs privés a tendance à diminuer : elle représente encore la moitié des exploitants en ce qui concerne le risque AT-MP, après avoir été en situation de quasi-monopole à la création du régime, et seulement 7 % des actifs en ce qui concerne le risque maladie.

Dans son rapport annuel 2007 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes estimait que cette organisation était source d'inefficience, constat confirmé par un rapport récent de l'Igas et de l'IGF commandé par le Gouvernement dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP).

Dans ces circonstances, le paragraphe I du présent article vise à confier la gestion des branches Amexa et Atexa à la seule MSA et, par conséquent, de mettre fin à la pluralité de gestionnaires. Il modifie en conséquence trente-quatre articles du code rural et de la pêche maritime.

Le paragraphe II prévoit que cette réforme s'applique à compter du 1 er janvier 2014.

Cependant, par dérogation ( paragraphe III ), les prestations des assurés relevant déjà du Gamex ou de l'Aaexa continueront d'être versées par lui jusqu'à une date qui sera fixée par décret entre le 30 juin et 31 décembre 2014. Cette date pourra être différente selon les prestations servies. A la même date, les droits et obligations des assureurs du Gamex et de l'Aaexa seront transférées à la MSA, ainsi que la gestion des réserves antérieurement constituées.

En outre, il est prévu que le préjudice susceptible de résulter pour le Gamex ou l'Aaexa du transfert de gestion ici prévu fait l'objet d'une indemnité fixée par constat établi à la suite d'une procédure contradictoire, pour un montant et dans des conditions fixées par décret.

Enfin, le paragraphe IV indique que les contrats de travail des personnels affectés aux activités transférées sont repris par les organismes de MSA.

Le paragraphe V renvoie diverses dispositions d'application à un décret.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté treize amendements, dont douze sont rédactionnels, de précision ou de coordination.

A l'initiative du Gouvernement, elle a adopté un amendement relatif à la date d'application du transfert : les indemnités journalières maladie , qui ont été créées par la loi de financement pour 2013 et qui n'entreront en vigueur qu'au 1 er janvier 2014, seront directement servies par la seule MSA à cette date.

III - La position de la commission

L'évolution proposée dans cet article du projet de loi de financement s'inscrit dans une démarche globale de réforme de la gestion administrative de la MSA et des régimes agricoles. Ainsi, l'an passé, les articles 37 et 71 de la loi de financement pour 2013 ont respectivement visé à aligner les modalités de financement de la gestion administrative, de l'action sanitaire et sociale et du contrôle médical de la MSA sur celles des autres régimes de sécurité sociale et à ouvrir aux exploitants agricoles le droit de percevoir des indemnités journalières maladie.

En outre, la pluralité des assureurs pour la gestion d'un régime de base de sécurité sociale est peu fréquente et, quelle que soit par ailleurs la qualité de gestion, elle a un coût structurel non négligeable lorsque la démographie professionnelle décroît.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 65 (art. L. 8222-6 du code du travail) - Exemplarité des donneurs d'ordre publics

Objet : Cet article a pour objet de supprimer la pénalité qu'une personne morale de droit public est susceptible d'imposer à des cocontractants ayant recours au travail dissimulé.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 8222-6 du code du travail. Celle-ci prévoit qu'une personne morale de droit public ayant contracté avec une entreprise pour une prestation d'un montant supérieur à 15 000 euros doit immédiatement enjoindre son cocontractant de mettre fin à la situation illégale dans laquelle il se trouve du fait d'une absence de déclaration de l'ensemble des salariés qu'il emploie, constatée par un agent de contrôle.

Si dans les deux mois de l'injonction l'entreprise n'a pas fait la preuve de la régularisation de sa situation, le donneur d'ordre public peut rompre le contrat. Cette rupture se fait sans indemnités, aux frais et risques de l'entrepreneur.

La personne publique doit informer l'agent auteur du signalement des suites données à son injonction.

A défaut de respecter l'obligation d'injonction puis d'information, la personne morale est tenue, solidairement avec son cocontractant, du paiement des sommes dues aux salariés, à l'Etat et aux assurances sociales.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté sept amendements dont cinq rédactionnels ou de précisions. Les deux autres amendements tendent respectivement :

- à compléter l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale afin de mentionner le RSI parmi les organismes de recouvrement susceptibles de délivrer aux personnes publiques une attestation de vigilance s'agissant des obligations de déclaration et de paiement de leurs cocontractants ;

- à rendre la personne publique solidairement redevable des sommes dues par son cocontractant, lorsque le contrat se poursuit sans que l'entreprise ne se soit mise en conformité dans un délai de six mois après la mise en demeure.

III - La position de la commission

Votre rapporteur général juge la nouvelle rédaction proposée par cet article plus conforme à la lutte contre le travail dissimulé. La possibilité pour une personne publique d'obtenir le paiement d'une amende du fait du recours de son cocontractant au travail dissimulé sans obligation de mettre fin à la fraude pouvait être source d'ambiguïtés.

De ce point de vue, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale sont des compléments nécessaires au dispositif voulu par le Gouvernement. En effet, si le celui-ci souligne à juste titre que l'obligation de mettre fin à un contrat en cas de fraude aurait été excessive au regard des règles du contrat public, il est plus conforme au principe d'exemplarité des personnes publiques qu'elles soient rendues solidairement redevables des sommes dues par l'entreprise si le contrat perdure sans régularisation de la situation sociale.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 66 (art. L. 751-37 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 162-1-14 du code de sécurité sociale) - Extension aux employeurs de salariés agricoles des pénalités applicables en cas de fausse déclaration AT-MP

Objet : Cet article a pour objet d'aligner les pouvoirs de la Mutualité sociale agricole sur ceux des autres caisses en cas de travail dissimulé ou de non-respect par les entrepreneurs de leurs obligations s'agissant d'un accident du travail.

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose de deux parties.

Le paragraphe I complète l'article L. 751-37 du code rural pour prévoir :

- d'une part, la possibilité pour la MSA de récupérer les sommes engagées à la suite d'un accident du travail dans les cas où l'employeur a eu recours au travail dissimulé ;

- d'autre part, la possibilité pour la MSA de prononcer la pénalité prévue à l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe II modifie l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale afin de prévoir la possibilité pour la MSA de se substituer à la Carsat afin de prononcer les pénalités prévues en cas de minoration par l'employeur des sommes dues du fait d'un accident du travail.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III - La position de la commission

Votre rapporteur général est favorable à cet article qui aligne les pouvoirs de la MSA sur ceux des autres caisses et tend à rendre plus efficace la lutte contre la fraude.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 67 (art. L. 351-2-1 du code de la construction et de l'habitation ; art. L. 542-2 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale) - Perception frauduleuse d'aides au logement via des sociétés écrans

Objet : Cet article a pour objet d'empêcher la perception des aides au logement grâce au recours à une société de personnes lorsque le bailleur et le locataire ont un lien de parenté.

I - Le dispositif proposé

Depuis la loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 98 ( * ) , les aides personnelles au logement ne peuvent être versées aux locataires d'un logement appartenant à l'un de leurs ascendants ou descendants , à leur conjoint, à leur concubin ou à la personne avec laquelle ils ont conclu un pacte civil de solidarité. L'objectif est de ne pas encourager des demandes d'aide au logement pour des situations qui ne donnent pas lieu au versement effectif d'un loyer.

Cette interdiction peut cependant être contournée lorsqu'une société de personnes vient faire écran entre le locataire et le propriétaire du bien . L'étude d'impact annexée au présent projet de loi souligne en effet que la jurisprudence considère que le fait de posséder un bien par l'intermédiaire d'une société de personnes ne remet pas en cause le versement des aides au logement, quand bien même existeraient des liens familiaux entre le locataire et les actionnaires de la société.

Le présent article a pour objet de pallier le vide juridique mis en évidence par la jurisprudence afin d'éviter tout contournement de l'interdiction de principe du versement des aides au logement lorsque le bailleur et le locataire ont un lien de parenté.

Pour ce faire, il modifie les trois articles relatifs aux trois types d'aides personnelles au logement :

- l'article L. 351-2-1 du code de la construction et de l'habitation, relatif à l'aide personnalisée au logement ;

- l'article L. 542-2 du code de la sécurité sociale, qui porte sur l'allocation de logement familiale ;

- l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale relatif à l'allocation de logement sociale.

Les dispositions introduites en 1999 sont complétées afin de préciser que l'interdiction s'appliquera aux personnes qui jouissent d'une part de la propriété ou de l'usufruit du logement mis en location ou sont titulaires de parts sociales dans une société de personnes.

Ces dispositions doivent être précisées par décret afin de définir le seuil à partir duquel s'appliquera l'interdiction. Ce dernier ne pourra être supérieur à un cinquantième pour la propriété du logement et à 50 % pour les parts détenues dans une société de personnes.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de la commission

La commission se félicite d'une mesure qui permettra de renforcer la lutte contre la fraude aux APL. Elle estime cependant nécessaire de clarifier la rédaction du présent article.

A l'initiative de votre rapporteur général, la commission a adopté un amendement tendant à prévoir l'application d'un seuil unique de 20 % à partir duquel la détention d'une partir de la propriété ou du capital social fera obstacle au versement des aides au logement. Il s'agira bien d'un seuil plafond : le pouvoir réglementaire pourra étendre le champ de l'interdiction mais pas le restreindre.

La commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 68 (art. L313-2 et 441-6 du code pénal ; art. L. 114-13, L. 114-16-2, L. 162-36, L. 382-29, L. 481-2, L. 583-3, L. 612-10, L. 623-1, L. 821-5 et L. 831-7 du code de la sécurité sociale ;  art. L. 351-12 et L. 351-13 du code de la construction et de l'habitation ; art. L. 751-40 et L. 752-28 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 232-27 et L. 262-50 du code de l'action sociale et des familles ; art. L. 5121-1, L. 5429-1, L. 5413-1 et L. 5429-3 du code du travail ; art. 10-1 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité territoriale de Mayotte ; article 20-10 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte ; article 1er de la loi du 27 septembre 1941 relative aux déclarations inexactes des créanciers de l'Etat ou des collectivités publiques ; art. 22-II de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier) - Harmonisation des sanctions en matière de fraude aux prestations sociales

Objet : Cet article vise à harmoniser le dispositif de sanction de la fraude aux prestations sociales en le réorganisant autour des articles 313-2 et 441-6 du code pénal.

I - Le dispositif proposé

La sanction de la fraude aux prestations sociales : une pluralité de dispositions et de peines, en contradiction avec les principes constitutionnels

Les sanctions encourues en matière de fraude aux prestations sociales sont prévues par une multiplicité de textes législatifs dont les dispositions ne sont pas nécessairement cohérentes les unes avec les autres . Celles-ci sont en effet éparpillées dans 31 textes législatifs répartis dans six codes différents, deux lois spécifiques ainsi que deux ordonnances applicables à Mayotte.

Des infractions de fraude aux prestations sociales identiques peuvent ainsi faire l'objet de sanctions différentes selon le texte sur lequel se fondent les poursuites , bien que l'article 92 de la loi du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 ait eu pour ambition de procéder à la mise en cohérence de la définition et du régime de sanction en matière de fraude aux prestations sociales sur le fondement de l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale.

Ainsi, tandis que la perception frauduleuse des prestations d'aide sociale est punie de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende par le code de l'action sociale et des familles (CASF), une simple amende de 5 000 euros est prévue par les articles L. 262-50 du CASF, L. 351-13 du code de la construction et de l'habitation, L. 114-13 et L. 821-5 du code de la sécurité sociale respectivement pour le fait de se rendre coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir le revenu de solidarité active (RSA), l'aide personnalisée au logement (APL), l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou des prestations ou allocations de toute nature liquidées et versées par les organismes de protection sociale.

Saisi de cette question à travers une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) 99 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré que « la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ». Il a en conséquence déclaré l'article L. 135-1 du CASF contraire à la Constitution.

Le présent article vise à tirer les conséquences de cette décision en harmonisant les dispositions législatives éparses qui prévoient les sanctions encourues en cas de fraude aux prestations sociales.

Une refonte du régime des sanctions encourues en cas de fraude aux prestations sociales

La réorganisation proposée par le présent article recentre le dispositif de sanction autour des articles 313-2 et 441-6 du code pénal , qui prévoient respectivement le régime de majoration des peines encourues pour l'infraction d' escroquerie et les sanctions encourues en cas d' obtention d'aides publiques sur le fondement de déclarations mensongères .

Le 1° du I ajoute ainsi l'escroquerie aux prestations sociales parmi les cas ouvrant application des peines majorées de sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende. Le fait qu'elle porte sur des prestations sociales constitue donc une nouvelle circonstance aggravante de l'escroquerie.

Le 2° du I ajoute la fraude aux prestations sociales ne relevant pas de la qualification d'escroquerie aux cas de fraudes aux aides publiques punis de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

La fraude aux prestations sociales se trouve ainsi rapprochée des grandes catégories du droit pénal, ce qui assure une meilleure sécurité juridique du dispositif de sanctions ainsi qu'une plus grande lisibilité du droit applicable en la matière.

En conséquence de ce recentrage, l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait une amende de 5 000 euros pour toute fraude aux prestations sociales, et qui devait auparavant constituer le pivot du dispositif de sanction, est supprimé par le du II .

Subsiste par ailleurs le dispositif de sanction administrative prévu par l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, applicable aux agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations familiales ou vieillesse.

La réorganisation complète du dispositif de sanction implique de nombreuses coordinations.

Sont tout d'abord supprimées les dispositions renvoyant, pour diverses prestations sociales, aux sanctions prévues par l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale. Ce renvoi est en effet remplacé, expressément ou non, par les peines fixées dans le code pénal.

Il s'agit du troisième alinéa de l'article L. 162-36 du même code (II 2°), ainsi que des mentions figurant aux articles L. 382-29 (II 3°), L. 481-2 (II 4°), L. 583-3 (II 5°), L. 623-1 (II 6°), L. 821-5 (II 7°) et L. 831-7 (II 8°) de ce code.

Sont également concernés les articles L. 351-12 (III 1°) et L. 351-13 (III 2°) du code de la construction et de l'habitation, les articles L. 751-40 (IV 1°) et L. 752-28 (IV 2°) du code rural et de la pêche maritime, ainsi que l'article L. 262-50 du CASF (V).

Ces coordinations portent enfin sur les articles 10-1 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 et 20-10 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996, qui concernent toutes deux l'application de la protection sociale dans la collectivité territoriale de Mayotte (VII et VIII).

Dans la mesure où les peines prévues par l'article 313-2 du code pénal constituent désormais le dispositif de droit commun pour la fraude aux prestations sociales, les dispositions de l'article L. 232-27 du CASF deviennent superfétatoires et cet article est en conséquence abrogé ( V ).

Les dispositions du code du travail prévoyant des peines spécifiques en cas de fraude aux prestations sociales doivent par ailleurs être supprimées et remplacées par un renvoi à l'article 441-6 du code pénal. Dans la mesure où ces dispositions ne s'appliquent que sous réserve de la constitution du délit d'escroquerie, un renvoi doit par ailleurs être fait à l'article 313-2 du code pénal dans sa nouvelle rédaction. Il est ainsi procédé à une nouvelle rédaction des articles L. 5124-1, L. 5429-1 et L. 5413-1 ( 1°, 2° et 3° du VI ) du code du travail. L'article L. 5429-3 du même code est quant à lui abrogé ( 4° du VI ).

Pour la même raison, les articles 1 er de la loi du 27 septembre 1941 relative aux déclarations inexactes des créanciers de l'Etat ou des collectivités publiques et 22-II de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier doivent être abrogés ( IX et X ).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Sept amendements à cet article ont été adoptés par l'Assemblée nationale, à l'initiative de Gérard Bapt.

Deux d'entre eux complètent le travail de coordination effectué par le présent article, en supprimant aux articles L. 114-16-2 et L. 612-10 du code de la sécurité sociale les références aux dispositions désormais abrogées.

Un autre constitue un amendement de précision.

Quatre enfin comportent des modifications rédactionnelles.

III - La position de la commission

Votre rapporteur général approuve cet article, qui opère une simplification et une harmonisation bienvenues des dispositions relatives à la sanction de la fraude en matière de prestations sociales.

Le mécanisme de sanction, désormais organisé autour des qualifications générales d'escroquerie et de fraude aux aides publiques figurant dans le code pénal d'une part, et des sanctions administratives prévues par le code de la sécurité sociale d'autre part, est désormais plus clair, plus lisible, et partant, constitue le garant d'une meilleure sécurité juridique.

La qualification juridique des situations dans lesquelles une prestation sociale est indûment perçue se trouvera en effet facilitée par son inscription dans un cadre légal général.

En outre, la gamme des sanctions applicables à de telles situations se trouve à la fois clarifiée et élargie grâce aux adaptations possibles de la réponse pénale (possibilité de recourir à des peines alternatives, emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve avec obligation de rembourser...). La possibilité de fonder une sanction sur les dispositions du code pénal ou sur celles du code de la sécurité sociale assurera par ailleurs une meilleure adaptation des sanctions appliquées, les pénalités administratives pouvant être utilisées dans les cas d'infractions les moins graves tandis que les poursuites judiciaires seront recentrées sur les plus importantes d'entre elles.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification .


* 95 L'EEE rassemble les 28 Etats membres de l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

* 96 Règlement (CE) n° 883-2004 modifié du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Le dispositif de coordination a été progressivement étendu et concerne aujourd'hui les salariés du secteur privé, les travailleurs indépendants, les fonctionnaires, les étudiants, les personnes sans emploi et les ressortissants des pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire européen.

* 97 La portée des conventions bilatérales est le plus souvent limitée aux ressortissants d'un des Etats partie exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle dans l'Etat cocontractant.

* 98 Loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative.

* 99 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-328 QPC du 28 juin 2013.

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