III. LES GRANDS ENJEUX DU PROGRAMME

A. LE DÉPLOIEMENT D'ANTARES

Le projet ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) vise à une meilleure interopérabilité des systèmes de communication des forces de sécurité : police, gendarmerie, sécurité civile, services d'aide médicale d'urgence (SAMU). Ces acteurs de la sécurité ont en effet trop longtemps été handicapés par des systèmes ne se « parlant » pas entre eux, ou très mal. Votre commission des finances a d'ailleurs eu l'occasion de déplorer un tel état de fait, issu d'un manque de coordination initiale 27 ( * ) .

Le défi d'ANTARES est donc considérable. Si le déploiement de cette infrastructure progresse sur l'ensemble du territoire, il n'est toutefois pas exempt de difficultés . En outre, le coût de fonctionnement de cet investissement important n'est pas sans poser un problème de principe : à qui doit en revenir la charge ?

1. La couverture du territoire à hauteur de 95 %

ANTARES est désormais disponible dans tous les départements métropolitains. La couverture du territoire national avoisine les 95 % . Ce taux global recouvre cependant certaines disparités entre les départements et leurs services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Pour 2013, la prévision actualisée concernant le taux d'adhésion des SDIS à ANTARES est conforme à la prévision, soit 75 %. La prévision pour 2014 se situe à 81,5 %, avec une cible de 90 % en 2015.

S'il n'existe pas de départements non couverts dans leur totalité, il demeure toutefois, selon les éléments portés à la connaissance de votre rapporteur spécial par la DGSCGC, des zones où la couverture n'est pas satisfaisante, voire inexistante .

Malgré le contexte budgétaire actuel, la DGSCGC a pour objectif prioritaire, en dehors du maintien en condition opérationnel du réseau, d'achever le développement d'ANTARES et d'améliorer la qualité de la couverture du territoire. Dans cette optique, il est prévu d'engager 17,75 millions d'euros de travaux nouveaux entre 2013 et 2015 et 7,1 millions d'euros à partir de 2016.

Votre rapporteur spécial approuve cette priorité et considère que la question des « zones blanches » (c'est-à-dire les zones non couvertes par ANTARES) doit trouver une réponse dans les meilleurs délais . Elle concerne notamment les territoires en zone rurale et présente un lien direct avec, d'une part, l'amélioration de l'efficacité opérationnelle du dispositif et, d'autre part, la sécurité des sapeurs-pompiers.

2. L'investissement de 118,8 millions d'euros

Selon les prévisions de la DGSCGC, ANTARES devrait représenter, d'ici 2018, un coût total d'investissement de 118,8 millions d'euros .

Pour l'exercice 2014, les crédits d'investissement dédiés à ce projet s'élèveront à 8,4 millions d'euros en AE et 14,4 millions d'euros en CP .

Le financement de l'investissement lié à Antares s'appuie sur un principe de répartition mettant :

- à la charge de l'Etat, la mise en oeuvre et le financement des relais radio constituant toute l'infrastructure du réseau ;

- à la charge des SDIS , les postes mobiles équipant les véhicules et les postes fixes des casernes, ainsi que l'adaptation technique des dispositifs radio équipant les centres de traitement de l'alerte (CTA) et le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS).

Dans ce cadre, le coût de déploiement pour chaque SDIS est très variable d'un département à l'autre en raison de l'ancienneté des installations techniques, des solutions techniques retenues, ainsi que du nombre de véhicules de secours devant être équipés. A titre d'illustration, le tableau ci-dessous présente pour cinq SDIS, représentatifs par leur taille de la diversité de ces services, le coût de mise en oeuvre et de raccordement.

Le coût pour les SDIS de l'investissement dans ANTARES (évaluation en 2012)

(en euros)

Département

Part de l'Etat

Mise à niveau de l'infrastructure

CTA-CODIS

Achats des terminaux

Nombre de terminaux

Coût total pour le SDIS

Rhône

888 284

267 000

5 000 000

1948

5 267 000

Calvados

170 736

Pas de mise à jour

1 400 00

659

1 400 000

Vosges

165 784

269 000

1 850 000

741

2 119 000

Jura

469 742

634 000

1 770 000

578

2 404 000

Cantal

330 749

1 100 000

1 100 000

339

2 200 000

Source : d'après DGSCGC

Il ressort de ces quelques exemples représentatifs un coût d'investissement situé dans une fourchette allant d'un peu plus d'un million d'euros à un peu plus de cinq millions d'euros pour chaque SDIS.

3. L'extinction du fond d'aide à l'investissement (FAI) des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS)

Instauré par l'article 129 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003, le fond d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS est destiné à soutenir les SDIS dans leurs efforts d'investissement en équipements et en matériels . Il convient de souligner que, depuis 2007, une fraction de ce fond concourt spécifiquement au financement du programme ANTARES 28 ( * ) .

Ce fonds figure dans les dépenses d'intervention de l'action n° 3 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » du présent programme.

En 2012, votre commission avait relevé la « fonte » des crédits du FAI : seuls 3,9 millions d'euros étant inscrit en CP et aucun crédit n'étant prévu en AE 29 ( * ) .

Pour rappel, les montants inscrits dans les précédentes lois de finances ont été les suivants.

L'évolution de la dotation du FAI

(en millions d'euros)

Exercice

AE

CP

2003

45,00

45,00

2004

54,00

45,00

2005

61,45

65,00

2006

67,00

64,85

2007

37,50

37,50

2008

27,65

27,65

2009

23,37

23,37

2010

21,36

21,36

2011

21,36

21,36

2012

18,36

18,36

2013

0,00

3,9

Source : DGSCGC

Pour 2014, la tendance observée en 2013 se confirme. Comme l'année dernière, aucun crédit en AE n'est budgété et les CP ne représentent que 2,8 millions d'euros . Le FAI n'interviendra ainsi plus qu'en soutien des opérations déjà engagées mais non encore achevées. Aucune opération nouvelle d'investissement des SDIS ne bénéficiera de subvention au titre de ce fond.

Votre rapporteur spécial regrette l'extinction programmée du FAI. Cette disparition ne doit pas signifier un désengagement de l'Etat dans le domaine du soutien des départements dans le cadre de la politique de sécurité civile .

4. Le coût de fonctionnement de 55 millions par an

Au-delà de l'effort d'investissement initial, ANTARES entraine un coût de fonctionnement non négligeable : 55 millions d'euros par an.

L'arrêté du 10 mai 2011 portant répartition des contributions financières des services utilisateurs de l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT) 30 ( * ) , pris pour l'application de l'article 14 du décret modifié n° 2006-106 du 3 février 2006 relatif à l'interopérabilité des réseaux, prévoit la répartition des contributions à hauteur des deux tiers pour les services de sécurité intérieure et d'un tiers pour les services de sécurité civile et les SAMU.

La contribution des services de sécurité civile et des SAMU se monte à 18,3 millions d'euros en 2013. Elle est répartie de la manière suivante :

- 12 millions d'euros à la charge de l'ensemble des SDIS et du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM) au prorata de leur population au regard de la dotation globale de fonctionnement (DGF), l'Etat prenant à sa charge la part des SDIS non encore raccordés ;

- 0,6 million d'euros pour les SAMU ;

- 0,9 million d'euros par an pour la BS-PP ;

- 5,8 millions d'euros pour la DGSCGC, à ce montant s'ajoutant la part prise en charge par l'Etat pour les SDIS non encore raccordés, soit 3,8 millions d'euros en 2012 et 2,7 millions d'euros en 2013.

Concernant la quote-part à la charge des SDIS, il convient de signaler certaines difficultés de recouvrement : 3,8 millions d'euros restaient à recouvrer à la fin de l'année 2012, ce montant étant désormais de 4,4 millions d'euros selon le responsable du programme 31 ( * ) . Michel Papaud a indiqué à votre rapporteur spécial que la DGSCGC travaille à ce recouvrement en entretenant un dialogue constant avec les SDIS. Ces retards de paiement illustrent toutefois la réticence de certains SDIS, et in fine des départements, à régler la facture du fonctionnement d'un système perçu comme ayant été imposé de facto par l'Etat.

5. L'adaptation du système à la flotte aérienne

Dans son rapport précité, votre rapporteur spécial, alors Dominique de Legge, relevait un bilan contrasté s'agissant du déploiement d'ANTARES. En particulier, il soulignait que « l'adaptation de ce système à la flotte aérienne de la sécurité civile pose problème. ANTARES s'est révélé impossible à intégrer en l'état actuel aux appareils . Une solution d'attente a été mise en place en ayant recours à des postes portatifs, mais ce dispositif très précaire ne peut être que temporaire ».

Une étude est en cours , en lien avec la direction générale de l'armement (DGA) et la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC) du ministère de l'intérieur, afin de définir une solution technique à cette impasse. L'intégration d'ANTARES parait toutefois en meilleure voie dans le cas des hélicoptères (les deux premiers kits ont été montés sur des EC 145) que dans celui des avions.

Votre rapporteur spécial sera attentif en 2014 aux progrès attendus sur ce dossier .


* 27 Cf. par exemple, Sénat, rapport spécial n° 111 (2010-2011) - Tome III - Annexe 27, de notre collègue Aymeri de Montesquiou, alors rapporteur spécial de la mission « Sécurité ».

* 28 En application de la circulaire du 5 février 2007.

* 29 Cf. rapport spécial n° 148 (2012-2013) - Tome III - annexe 28, de votre rapporteur spécial, alors Dominique de Legge.

* 30 L'INPT assure la maintenance et le fonctionnement du réseau ANTARES.

* 31 Audition du 29 octobre 2013.

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