AVIS SUR LE DECRET D'AVANCE DU 16 SEPTEMBRE 2013

Paris, le 19 septembre 2013

AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SENAT

sur le projet de décret d'avance notifié le 16 septembre 2013, portant ouverture et annulation de 107 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement

AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

sur le projet de décret d'avance notifié le 16 septembre 2013,
portant ouverture et annulation de 107 millions d'euros
en autorisations d'engagement et en crédits de paiement

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

Vu le projet de décret d'avance notifié le 16 septembre 2013, portant ouverture et annulation de 107 000 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

1. Souligne que l'unique objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des mesures nouvelles, annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2013, au titre de l'hébergement d'urgence et du logement adapté, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, qui ne pouvaient donc pas être prises en compte par la loi de finances pour 2013 ;

2. Constate que le montant des ouvertures de crédits, à hauteur de 107 millions d'euros, est inférieur au besoin de financement du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale initialement estimé à 112,7 millions d'euros pour l'année 2013 ;

3. Constate le fort dynamisme de la dépense au titre de l'hébergement d'urgence au cours de l'exercice 2013 ;

4. Note par conséquent que les ouvertures de crédits proposées ne couvrent pas l'intégralité des dépenses prévisionnelles au titre de l'année 2013 ;

5. Relève que ces ouvertures n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année ;

6. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant portant, d'une part, sur des crédits mis en réserve sur les autres programmes de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et, d'autre part, sur les crédits afférents aux pensions des régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, compte tenu de la révision à la baisse de la prévision d'inflation ;

7. Constate que l'annulation des crédits d'autres programmes de la mission, à hauteur de près de la moitié de l'ensemble des annulations de crédits, met en oeuvre le principe d'auto-assurance, posé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques, selon lequel les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission doivent être gérés dans la limite des plafonds de ses crédits, par des économies budgétaires ou des redéploiements de crédits entre les programmes ;

8. Relève que l'ouverture de crédits supplémentaires a pu être différée par une avance de crédits en provenance d'autres dispositifs du programme ; que, pour autant, la fongibilité des crédits ne permet pas de couvrir les dépenses sur la totalité de l'exercice, compte tenu des autres dépenses que le programme doit prendre en charge ;

9. Note que le montant des ouvertures de crédits nécessaires excède les possibilités de virement de crédits entre les programmes du ministère de l'égalité des territoires et du logement ;

10. Considère qu'il est donc nécessaire de recourir à un décret d'avance, l'urgence à ouvrir les crédits étant par ailleurs avérée, au regard notamment de la nécessité de payer rapidement les gestionnaires associatifs des dispositifs d'accueil ;

11. Émet en conséquence un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

ANALYSE DES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CREDITS

Le projet de décret d'avance soumis pour avis à votre commission des finances lui a été notifié le 16 septembre 2013. Conformément à l'article 13 de la LOLF, « la commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret ».

I. OBSERVATIONS LIMINAIRES : UNE PROCÉDURE CONFORME À LA LOI ORGANIQUE DU 1 ER AOÛT 2001

Le projet de décret d'avance notifié à la commission des finances le 16 septembre 2013 prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 107 000 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

A. LE RESPECT DU CRITÈRE DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

1. Des montants s'élevant à 0,03 % des crédits ouverts en loi de finances pour 2013

L'intégralité des ouvertures de crédits demandées est compensée par des annulations du même montant, conformément à l'article 13 de la LOLF qui dispose que les décrets d'avances ne doivent pas porter atteinte à l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances initiale ou rectificative de l'année en cours.

En outre, l'article 13 de la LOLF dispose que « le montant cumulé des crédits (...) ouverts (par décret d'avance) ne peut excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année », et l'article 14 que « le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours » .

Ces dispositions sont respectées, puisque les montants budgétaires concernés ne représentent que 0,03 % des crédits ouverts en loi de finances pour 2013 .

2. Des ouvertures intégralement gagées par des annulations de crédits mis en réserve

Les ouvertures de crédits, détaillées ci-après, ont pour unique objet de financer des dépenses au titre de l'hébergement d'urgence et du logement adapté sur le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville ».

Ces ouvertures sont gagées par des annulations de crédits se répartissant comme suit :

- sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville », 35 millions d'euros en AE et en CP portant principalement sur les aides à la pierre ; il s'agit de crédits qui avaient été mis en réserve ; au regard des prévisions d'exécution de ces crédits en 2013, ces annulations ne devraient pas créer de « tensions sur l'exécution », selon les précisions apportées par le Gouvernement au rapporteur général ;

- sur le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville », 15 millions d'euros en AE et en CP portant également sur des crédits qui avaient été mis en réserve ;

- sur le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » de la mission « Régimes sociaux et de retraite », 57 millions d'euros en AE et en CP, suite à une révision à la baisse des prévisions d'inflation à la date du 1 er avril pour le calcul du coût des pensions (de 1,75 %, dans la construction du projet de loi de finances initiale, à 1,3 %).

Hormis cette annulation de crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », les ouvertures de crédits sont gagées par des annulations de crédits relevant d'autres programmes de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » à hauteur de 50 millions d'euros (sur un total de 107 millions d'euros), soit une « auto-assurance » au sein de la mission à hauteur de 47 % .

Ce principe d'auto-assurance répond à l'objectif fixé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, dont le rapport annexé prévoit que, en construction budgétaire comme en gestion, les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission soient gérés dans la limite des plafonds de ses crédits, par des économies budgétaires ou des redéploiements de crédits entre les programmes d'une même mission.

Le principe d'auto-assurance a été rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques, selon laquelle le financement de toute nouvelle dépense doit s'opérer par une économie en dépense. La circulaire apporte les précisions suivantes :

« Cette approche est indispensable : trop souvent, une dépense est ajoutée aux précédentes, sans que la pertinence ou le degré de priorité de ces dernières ne soit réexaminé. Les nouveaux projets ou les nouvelles dépenses que vous me proposerez, qu'il s'agisse d'une dépense de l'Etat, de ses agences ou de la sécurité sociale, devront être gagés par une économie sur d'autres postes que vous pilotez, de façon que vos dépenses totales n'augmentent pas. Une économie signifie une diminution de la dépense publique totale, sans report de charges sur d'autres entités publiques, sur des fournisseurs ou sur d'autres années ».

B. UNE URGENCE AVÉRÉE POUR DES DÉPENSES NON PRÉVUES EN LOI DE FINANCES POUR 2013

1. Le financement de mesures urgentes, annoncées après l'adoption de la loi de finances pour 2013, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale

Dans un contexte de hausse de la demande d'hébergement d'urgence constatée depuis le début de l'année 2013, l'ouverture de crédits proposée vise à financer des places nouvelles d'hébergement d'urgence et de logement adapté pour répondre à l'engagement pris par le Premier ministre , le 21 janvier, dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale .

Il avait alors été annoncé l' ouverture de crédits supplémentaires pour un coût estimé à 112,7 millions d'euros en 2013, soit un montant inférieur à celui prévu en ouvertures de crédits, à hauteur de 107 millions d'euros , dans le cadre du présent projet de décret.

Ces mesures correspondent à :

- la création ou la pérennisation de 4 500 places d'hébergement d'urgence à la sortie de l'hiver ;

- le renforcement des outils de veille sociale ;

- une montée en puissance du logement adapté, notamment par la hausse de plus de 50 % des places d'intermédiation locative.

Les mesures prises dans le cadre de la politique d'hébergement d'urgence sont examinées dans la deuxième partie du présent rapport.

Au regard de l'urgence à payer les gestionnaires associatifs des dispositifs d'accueil , notamment pour les nuitées d'hôtel, il est apparu nécessaire de pouvoir procéder à des ouvertures de crédits par décret d'avance, sans attendre la loi de finances rectificative de fin d'année .

2. Une « avance de crédits » au sein du programme 177, ayant permis temporairement de financer ces mesures

Les mesures nouvelles au titre de l'hébergement d'urgence et du logement adapté, annoncées après le vote de la loi de finances pour 2013, ont été financées, à hauteur d'environ les deux tiers du montant des dépenses du programme, par une « avance de crédits interne » au programme 177, selon le rapport de motivation joint au projet de décret d'avance.

La fongibilité des crédits a permis un redéploiement de crédits au sein du programme pour préfinancer les dépenses du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'urgence sociale.

En effet, le paiement de certaines dépenses du programme 177 - comme les versements à la Caisse nationale d'allocations familiales au titre de l'aide au logement temporaire - n'intervient qu'en cours d'année.

Le besoin d'ouvrir des crédits supplémentaires pour financer les mesures nouvelles annoncées le 21 janvier 2013 a donc pu être différé jusqu'en septembre , sans cependant pouvoir attendre le désormais habituel décret d'avance de fin d'année.

En effet, la fongibilité des crédits ne permet pas de couvrir les dépenses sur la totalité de l'exercice, compte tenu des autres dépenses que le programme doit prendre en charge

3. Un nécessaire recours à la procédure du décret d'avance

Le Gouvernement a examiné la possibilité, alternative au décret d'avance, de procéder à des virements de crédits d'autres programmes relevant du ministère de l'égalité des territoires et du logement. Ainsi, des possibilités de virements de crédits ont été identifiées depuis le programme 135 « Urbanisme, territoires, amélioration de l'habitat » et le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville ».

Mais le montant des virements de crédits est limité à 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes, en application de l'article 12 de la LOLF, soit au maximum 21,3 millions d'euros , répartis entre 11,2 millions d'euros depuis le programme 135 et 10,1 millions d'euros depuis le programme 147, pour les deux programmes du ministère de l'égalité des territoires et du logement identifiés comme pouvant donner lieu à des virements de crédits vers le programme 177, selon les précisions apportées par le Gouvernement en réponse au questionnaire du rapporteur général.

II. LA SITUATION DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE

A. L'HÉBERGEMENT D'URGENCE, UN DISPOSITIF SOUS TENSION

1. Un financement partagé par deux programmes sur deux missions budgétaires

Le dispositif d'hébergement d'urgence repose sur le principe d'hébergement inconditionnel des personnes en situation de détresse , posé par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».

Ce dispositif est actuellement partagé, selon le public auquel il est destiné, entre deux missions budgétaires : la mission « Immigration, asile et intégration » (programme 303 « Immigration et asile ») pour les demandeurs d'asile et la mission « Egalité des territoires, logement et ville » (programme 177) pour le public de droit commun, y compris les personnes déboutées du droit d'asile.

Le programme de droit commun ( programme 177 ) finance un parc qui comprend des places d'hébergement d'urgence et qui se caractérise par un accès immédiat, des places de stabilisation ainsi que des places de réinsertion sociale (CHRS), pour lesquelles la prise en charge vise à l'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet d'insertion vers le logement autonome et vers l'emploi. Au 31 décembre 2011, ce parc d'hébergement généraliste comptait :

- 39 346 places en CHRS ;

- 14 314 places en centres d'hébergement d'urgence ;

- 4 229 places en centres de stabilisation (hors CHRS) ;

- 1 223 places d'insertion hors CHRS ;

- et environ 16 235 places dans les hôtels.

Au total, ces différentes formes d'hébergement représentaient 75 347 places (chiffre qui exclut les places hivernales, les résidences sociales et les maisons-relais).

Le programme 303 , s'il n'est pas concerné par le présent décret, représente cependant un volet important du dispositif d'hébergement d'urgence. En effet, les tensions sur ce parc spécialisé rejaillissent sur le parc spécialisé du programme 177 dans la mesure où l'hébergement les demandeurs d'asile, lorsque leur demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), est pris en charge sur le programme 177. Ainsi, comme le souligne le Gouvernement en réponse au questionnaire de votre rapporteur général, « l'accroissement de la demande d'hébergement, plus élevé que prévu, résulte notamment en 2013 de l'afflux de déboutés du droit d'asile ».

Le parc financé par le programme 303 comprend deux types de places :

- les places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) constituent le dispositif de droit commun pour l'accueil des demandeurs d'asile. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoyait la création de 1 000 nouvelles places sur l'année, s'ajoutant aux 21 410 places existantes et portant le total des crédits pour cette action à 198 millions d'euros ;

- les places en hébergement d'urgence . Pour l'année 2013, sur la base d'un coût unitaire moyen de 15 euros par nuit, 125 millions d'euros ont été budgétés, contre 90,9 millions d'euros en 2012 (+ 37,4 %), permettant le financement d'une enveloppe nationale de 2 160 places prises en charge par Adoma et, surtout, de 20 760 places pour le dispositif déconcentré géré par les préfets.

2. Une insuffisance des crédits liée à un manque de places pérennes et à une augmentation continue de la demande

Le dispositif d'hébergement d'urgence du programme 177, comme celui financé par le programme 303, fait l'objet depuis de nombreuses années d'une sous-budgétisation liée à une sous-évaluation de la demande . Ainsi, pour l'année 2012, l'exécution s'est révélée supérieure de 61 millions d'euros à la prévision initiale . Il s'agit là du symptôme budgétaire d'une « gestion au thermomètre » consistant à ouvrir des places et à financer des nuitées d'hôtel, ponctuellement lors des situations de crise (grands froids notamment).

Un effort a été réalisé lors de la prévision budgétaire pour 2013, pour porter la dotation initiale à 275 millions d'euros (soit + 31 millions d'euros par rapport au budget 2012), à travers la pérennisation de certaines places ouvertes en 2012 dans le cadre du dispositif hivernal et la création de 500 places nouvelles d'hébergement d'urgence dès 2013, conformément à l'engagement présidentiel de développement du parc d'hébergement-logement.

Cependant, les dotations initiales restent inférieures à l'exécution de 2012 , comme l'illustre le graphique ci-dessous.

La sous-budgétisation des dispositifs d'hébergement d'urgence


(1) Action « Hébergement d'urgence »

(2) Actions « Centre d'accueil des demandeurs d'asile » et « Hébergement d'urgence »

Source : commission des finances du Sénat

Dans ce contexte, au-delà du présent décret d'avance qui a vocation à financer la création de places supplémentaires annoncée après l'examen du budget, le dispositif d'hébergement d'urgence, confronté à des besoins croissants, devrait faire l'objet d'un nouvel abondement en fin de gestion, dans le cadre du décret d'avance de novembre ou du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

B. UN ABONDEMENT EN GESTION POUR FINANCER LA CRÉATION DE PLACES D'HÉBERGEMENT

1. La création nécessaire de places pérennes pour faire face à une demande croissante

Les crédits ouverts sur le programme 177 sont délégués par le responsable du programme aux services déconcentrés à l'échelle régionale. Ainsi, il revient au préfet de région (responsable de budget opérationnel de programme) de répartir l'enveloppe entre les différents départements. Chaque préfet de département (responsable d'unité opérationnelle) alloue ensuite les crédits de son enveloppe départementale aux différents gestionnaires des services d'hébergement d'urgence, le plus souvent des partenaires associatifs.

Les places annoncées en janvier 2013 et créées au cours de l'année 2013 ont fait l'objet d'un conventionnement entre ces partenaires et l'Etat à l'échelle départementale . Dès lors, comme le souligne le Gouvernement en réponse au questionnaire du rapporteur général, l'absence de délégation rapide des crédits aurait deux principales conséquences : non seulement les personnes hébergées sur des places d'hôtel, en particulier des familles avec enfants, pourraient être remises à la rue , mais encore l'absence de versement occasionnerait des frais supplémentaires de contentieux en raison de l'obligation où sont les services déconcentrés « d'honorer les versements prévus dans les conventions qu'ils ont conclues avec les opérateurs afin de créer les places nouvelles ».

Le présent décret d'avance intervient dans une période caractérisée par des tensions croissantes sur le dispositif d'hébergement d'urgence, qui se concentrent sur certains territoires . C'est notamment le cas en Ile-de-France, en Rhône-Alpes ou en Auvergne, qui a été contrainte de revoir récemment ses prévisions de dépenses pour assurer la mise à l'abri des personnes pour la période de septembre à décembre suite aux difficultés rencontrées par son opérateur.

L'augmentation du nombre de demandeurs et déboutés du droit d'asile (en particulier des Balkans) contribue fortement à ces tensions locales : ainsi dans le Puy-de-Dôme, d'après le Gouvernement, « les nuitées hôtelières (principalement dues à l'asile) sont passées par jour de 69 à 250 entre 2012 et 2013 (+ 260 %) ». De plus, le Gouvernement souligne que l'absence de logements pérennes adaptés pour certains publics, en particulier les femmes et familles avec enfants, explique également « l'embolie progressive et durable du dispositif ».

Au total, d'après les informations transmises à votre rapporteur général, « plus de la moitié des régions indiquent à ce stade que les crédits initialement destinés à la gestion de la période hivernale (novembre/décembre 2013) ont déjà dû en partie être utilisés pour faire face à l'aggravation des situations de précarité sous l'effet de la crise économique et à cet hébergement au titre de l'asile non pris en charge ». De façon générale, près de 212 millions d'euros ont été consommés au 31 août 2013 alors que la dotation budgétaire initiale est de 275 millions pour l'ensemble de l'année.

Dans ce contexte, le rapporteur général ne peut qu'approuver le choix, opéré par le Gouvernement dès le mois de janvier, de créer des nouvelles places d'hébergement avant la période hivernale . La création de ces places supplémentaires a sans doute contribué à limiter les tensions, déjà fortes, sur les différents responsables locaux.

Toutefois, au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la demande d'hébergement et, partant, le besoin en crédits peuvent d'ores et déjà être chiffrés à un niveau supérieur à celui couvert par le présent décret d'avance . Ainsi, le Gouvernement souligne, dans ses réponses au questionnaire, que « l'accroissement de la demande d'hébergement (...) rendra probablement nécessaire en fin de gestion 2013 une ouverture de crédits supérieure à celle qui est prévue dans le cadre du Plan pluriannuel contre la pauvreté ».

2. Des places nouvelles concentrées sur l'hébergement d'urgence et le logement adapté

D'après les informations transmises par le Gouvernement, « la répartition initiale des mesures nouvelles du Plan pauvreté prévoit d'affecter 58 millions d'euros aux dispositifs d'hébergement d'urgence et 49 millions d'euros aux dispositifs de logement adapté ». Les places créées sont uniquement destinées à ces deux dispositifs, à l'exclusion des places sous statut de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des places de stabilisation ou de nuitées d'hôtel qui correspondent précisément à cette « gestion au thermomètre », mentionnée précédemment, à laquelle le Gouvernement souhaite mettre un terme .

Le nombre de places effectivement créé depuis le 1 er janvier 2013 est de 2 700 ; il convient d'y ajouter les 1 500 places déjà créées à la fin de l'année 2012 et dont le Plan pauvreté finance le maintien en 2013. Au total, 4 200 places ont donc d'ores et déjà été créées au 31 août 2013 ; cependant, le Gouvernement n'exclut pas que le nombre exact de créations en 2013 soit en définitive supérieur à l'objectif de 4 500 places.

Ces mesures nouvelles ont vocation à être pérennisées au-delà de 2013 , le Gouvernement ayant indiqué à votre rapporteur général que « dans le projet de loi de finances pour 2014, les crédits seront ainsi majorés de 107,7 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 », correspondant à « la reconduction intégrale en 2014 des mesures du Plan pluriannuel ».

S'agissant de la répartition géographique des places nouvelles, les quatre principales régions bénéficiaires sont le Centre (+ 549 places), l'Ile de France (+ 338 places), la Provence-Alpes-Côte d'Azur (+ 306 places), l'Aquitaine (+ 283 places) et la Champagne-Ardennes (+ 270 places) .

Les places ayant déjà été créées, il n'y a pas de « délais de mise en place » stricto sensu à la suite de l'adoption du présent décret d'avance. En revanche, la délégation des crédits jusqu'aux opérateurs sur le terrain peut représenter un délai de 15 à 30 jours à partir de la publication du décret d'avance. Il conviendra d'assurer un délai de délégation le plus court possible afin de répondre à l'urgence de la situation, constatée dans plusieurs agglomérations.

ANNEXE - OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS DEMANDÉES PAR MISSION ET PROGRAMME

Répartition par mission et programme du budget général des ouvertures de crédits proposées

(en euros)

Intitulé de la mission et du programme et de la dotation

N° du programme

Autorisation d'engagement ouverte

Crédit de paiement ouvert

Egalité des territoires, logement et ville

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

Dont titre 2

177

107 000 000

107 000 000


107 000 000

107 000 000


Source : projet de décret d'avance

Répartition par mission et programme du budget général des annulations de crédits proposées

(en euros)

Intitulé de la mission et du programme et de la dotation

N° du programme

Autorisation d'engagement annulée

Crédit de paiement annulé

Egalité des territoires, logement et ville

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

Politique de la ville

Régime sociaux et de retraite

Régime sociaux et de retraite des transports terrestres

Totaux

Dont titre 2

135

147

198

50 000 000

35 000 000

15 000 000

57 000 000

57 000 000


107 000 000

50 000 000

35 000 000

15 000 000

57 000 000

57 000 000


107 000 000

Source : projet de décret d'avance

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