EXAMEN EN COMMISSION - (Mercredi 8 janvier 2014)

Au cours de sa réunion du mercredi 8 janvier 2014, la commission des Affaires économiques a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 218 (2013-2014) présentée par MM. Jean Bizet et Richard Yung, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales.

M. Richard Yung . - Le COV est une invention française, prise dans une confrontation entre pays anglo-saxons et pays latins. Les États-Unis, par exemple, protègent par le brevet et ne reconnaissent pas les COV. Et ils gagnent des positions fortes ! Or nous avons une grosse industrie des semences.

M. Daniel Raoul, président . - Nous sommes le premier exportateur européen de semences.

M. Richard Yung . - Nous devons donc nous défendre. L'articulation entre brevet et COV est complexe : il peut y avoir dans un COV un élément breveté, suite à une opération humaine. Dans ce cas, qu'est-ce qui protège : COV ou brevet ? Si c'est le brevet, la protection se renouvelle-t-elle à chaque génération de plante ? C'est un débat qui a conduit à suspendre l'octroi de brevets dans le domaine végétal. L'OEB rassemble 37 pays, dont certains ne veulent pas suivre cette voie.

La Commission européenne propose une durée d'inscription au catalogue de trente ans alors que les brevets durent vingt ans : c'est très long. L'argument pour, c'est que cela augmente la stabilité ; l'argument contre, que cela octroie un monopole pour une durée trop longue ; c'est aussi ce que pense le gouvernement. Je suis enfin tout à fait d'accord avec vous pour ne pas déléguer les tests DHS aux obtenteurs, qui seraient alors juge et partie.

M. Daniel Raoul, président . - C'est le même problème que pour les médicaments.

M. Richard Yung . - En France, nous avons les services publics qu'il faut pour faire ces tests, comme le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis).

M. Daniel Raoul, président . - Oui, nous avons des outils remarquables tels que l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), la Station nationale d'essai de semences (Snes), le Gnis, le groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves). Cela pourrait aussi être confié à l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV).

M. Joël Labbé . - Ce texte n'apporte pas de réponses satisfaisantes aux problématiques des semences de ferme et des semences paysannes. La protection juridique ne doit pas entraver l'innovation in situ ayant pour objectif l'adaptation aux terroirs et au changement climatique : échanges réguliers de petites quantités de semences entre agriculteurs et multiplications successives dans chaque terroir, pour fixer la variété. Les variétés du domaine public libres de tout droit de propriété intellectuelle devraient être exemptées d'enregistrement. Sur les variétés à faible diffusion, dont parfois quelques exemplaires seulement subsistent, comment amortir le coût et la bureaucratie d'un enregistrement au catalogue ? Ces variétés pourraient disparaître. Le matériel hétérogène, dont la diffusion doit permettre aux cultures de disposer d'une plus grande diversité variétale, et le matériel de niche ne doivent plus être brevetables. C'est un service public indépendant des obtenteurs qui doit être chargé du contrôle. Il faut protéger les agriculteurs contre la présence fortuite d'éléments brevetés dans ses cultures, résultant de flux de pollen combinés à l'octroi de brevet sur des gènes naturellement présents dans ses plantes. Aujourd'hui la récolte peut être saisie par l'obtenteur ! C'est inacceptable.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 12 propose que l'enregistrement et la certification des semences relèvent d'une mission de service public, garantissant la confiance des utilisateurs.

M. Joël Labbé . - Il satisfait mon amendement n° 4 que je retire.

L'amendement n° 12 est adopté. L'amendement n° 4 est retiré.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Je préfère ne pas prendre position sur la durée proposée par la Commission, de trente ans. Je signale que le COV est déjà valable pendant vingt-cinq ans - et trente ans pour les pommes de terre. Nous conserverons ainsi des variétés anciennes au catalogue. C'est l'objet de l'amendement n° 13.

M. Joël Labbé . - Mon amendement n° 5 va dans le même sens. Je me félicite en effet de cet allongement.

L'amendement n° 13 est adopté. L'amendement n° 5 devient sans objet.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 6, saluant les dérogations pour les opérateurs non professionnels procédant à des échanges de semences issues de la sélection paysanne, appuie le nouveau règlement européen qui les ouvre davantage, et s'oppose à la proposition de résolution qui veut les circonscrire. Il n'y a pas lieu d'opposer les deux systèmes : le système normé des semences certifiées, et le système moins normé. Libre au paysan de choisir son modèle. Avis favorable.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 11 interdit que les régimes dérogatoires applicables aux matériels de niche ou aux matériels hétérogènes profitent aux semences affectées par les droits de propriété intellectuelle. Cette rédaction obscurcit la compréhension et pourrait avoir des effets pervers. Avis défavorable.

L'amendement n° 11 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 1 porte sur la contrefaçon. J'y suis défavorable, proposant moi-même un amendement sur le sujet en fin de texte.

M. Joël Labbé . - Cet amendement me semble intéressant. Je le voterai.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 7 est rédactionnel. Avis favorable.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 8 prévoit une obligation d'information des agriculteurs et des jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes. Je demande à Joël Labbé de le rectifier en supprimant la mention des jardiniers, qui doivent être traités différemment, car leur vocation n'est pas de vendre des produits.

M. Joël Labbé . - Les semences potagères peuvent faire l'objet d'une sélection in situ . C'est pourquoi nous avons ajouté les jardiniers.

M. Daniel Raoul, président . - Les jardiniers n'ont pas vocation à vendre. Ils peuvent échanger des semences, mais ce n'est pas à proprement parler du commerce.

M. Joël Labbé . - Soit.

L'amendement n° 8 ainsi rectifié est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 2 rappelle une position philosophique hostile à la brevetabilité des plantes issues des processus classiques de sélection. Cette idée, sous-jacente aux alinéas précédents, gagnerait à être exprimée plus clairement : avis favorable.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 9 concerne également les jardiniers. Je demande qu'il soit rectifié comme l'a été l'amendement n° 8.

L'amendement n° 9 ainsi rectifié est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Mon amendement n° 14 vise à ce que la notion de contrefaçon en matière de semences et plants soit définie de manière plus circonscrite car il y a des malentendus sur cette notion. Le rapporteur de la loi d'avenir de l'agriculture à l'Assemblée nationale, M. Germinal Peiro, a d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

M. Richard Yung . - Comment définir cette notion de manière plus circonscrite ? Il existe des principes généraux et, pour une vingtaine de variétés, des accords entre les obtenteurs et les grandes fédérations agricoles. Mais quid des autres variétés ? Grâce au privilège de l'agriculteur, les cultivateurs peuvent réutiliser une partie des semences dans des proportions raisonnables. Pour le reste, ils doivent payer, mais ne le font pas puisqu'il n'y a aucun accord. Ils ne sont pas poursuivis, mais craignent de l'être un jour.

M. Daniel Raoul, président . - C'est le débat sur la contribution volontaire obligatoire (CVO). Il y a là un vrai problème. Si les semences sont utilisées non seulement dans la ferme mais aussi pour nourrir du bétail qui sera ensuite mis sur le marché, il y a concurrence déloyale entre ceux qui paieront la CVO et les autres.

M. Bruno Sido . - Réutiliser ce qu'on a récolté, comment cela peut-il être une fraude ?

M. Daniel Raoul, président . - L'idéal serait d'arriver à un accord comparable à celui qui a été passé sur le blé tendre.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Adoptons cet amendement en attendant le débat sur la loi d'avenir de l'agriculture.

M. Bruno Sido . - Pour le colza, on ne peut plus acheter de produit pour traiter les semences. Il est donc impossible de semer son propre colza. La même chose se passera un jour ou l'autre pour les céréales.

M. Daniel Raoul, président . - Pas s'il y a un accord, comme sur le blé tendre. Un tel accord coûte moins cher aux agriculteurs.

M. Bruno Sido . - Pourquoi ne pas remplacer « circonscrite » par « restrictive » ?

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Car le mot « restrictive » rendrait la phrase ambiguë.

M. Joël Labbé . - L'amendement pose la question de la présence fortuite.

M. Daniel Raoul, président . - C'est aussi le problème des OGM.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement de M. Germinal Peiro propose que la protection de la propriété intellectuelle « ne s'applique pas en cas de présence fortuite ou accidentelle d'une information génétique brevetée dans des semences, du matériel de multiplication des végétaux, des plantes ou des parties de plantes. »

M. Joël Labbé . - Nous soutenons cet amendement.

M. Daniel Raoul, président . - Il y a un vrai problème : certains utilisent des OGM de mauvaise foi, y compris dans les fromages !

L'amendement n° 14 est adopté. L'amendement n° 10 est retiré.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 3 porte sur les risques de l'accord commercial entre l'Europe et les États-Unis en cours de discussion. Je demande le retrait : c'est une question importante mais qui est ici au minimum prématurée. Avis défavorable.

M. Joël Labbé . - Pour nous, c'est important et nous voterons l'amendement.

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

La proposition de résolution européenne, modifiée, est adoptée.

Les avis et les amendements adoptés sont repris dans le tableau ci-dessous.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BOURZAI, rapporteure

12

Exigence d'un service public de l'enregistrement et de la certification

Adopté

M. LABBÉ

4

Demande d'un service public de l'enregistrement et de la certification des semences

Retiré

Mme BOURZAI, rapporteure

13

Suppression de l'alinéa

Adopté

M. LABBÉ

5

Soutien a l'allongement de la durée de validité de l'enregistrement à 30 ans

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

6

Soutien aux mécanismes dérogatoires pour les opérateurs non professionnels

Adopté

M. LABBÉ

11

Interdiction de bénéficier des mécanismes dérogatoires pour les matériels de reproduction bénéficiant de droits de propriété intellectuelle

Rejeté

M. LE CAM

1

Exclusion de la qualification de contrefaçon pour les semences de ferme

Rejeté

M. LABBÉ

7

Amendement rédactionnel

Adopté

M. LABBÉ

8

Obligation d'information des agriculteurs et jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes

Adopté avec modification

M. LE CAM

2

Affirmation de l'attachement au principe de non brevetabilité des plantes

Adopté

M. LABBÉ

9

Obligation d'information des agriculteurs et jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes

Adopté avec modification

Mme BOURZAI, rapporteure

14

Encadrement de la notion de contrefaçon

Adopté

M. LABBÉ

10

Absence de possibilité de faire valoir ses droits de propriété intellectuelle en cas de présence fortuite ou accidentelle d'information brevetée sur les semences

Retiré

M. LE CAM

3

Risques pour la pérennité du certificat d'obtention végétale de l'accord commercial Europe États-Unis

Rejeté

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA MISE SUR LE MARCHÉ ET LA BREVETABILITÉ DES SEMENCES ET OBTENTIONS VÉGÉTALES

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