CHAPITRE III - DISPOSITIONS INSTITUANT LA CONTRAINTE PÉNALE

Article 8 (art. 131-3, 131-4-1 [nouveau], 131-9, 131-36-2, 132-45 du code pénal ; art. 720-1, 720-1-1, 723-4, 723-10, 723-20 et 723-25 du code de procédure pénale) - Conditions du prononcé et contenu de la peine de contrainte pénale

Le présent article propose de créer une nouvelle peine, intitulée « contrainte pénale », qui, encourue pour certains délits, serait exécutée en milieu ouvert.

- Une préconisation de la conférence de consensus

La création d'une peine de probation, que le Gouvernement a choisi de nommer peine de « contrainte pénale » afin d'insister sur son caractère punitif, résulte directement des travaux de la conférence de consensus, eux-mêmes inspirés par les travaux du comité des ministres du Conseil de l'Europe.

Ce dernier a en effet adopté, le 20 janvier 2010, un ensemble de « règles européennes relatives à la probation » tendant à promouvoir l'exécution de sanctions pénales dans le milieu ouvert afin de responsabiliser les auteurs d'infractions et de contribuer à la sécurité publique en réduisant le risque de récidive. La probation y est ainsi définie comme « une série d'activités et d'interventions, qui impliquent suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l'auteur d'infraction dans la société et de contribuer à la sécurité collective ».

Alors que notre système pénal demeure largement structuré par la peine de prison, la promotion de la probation part du constat de la nocivité des courtes peines d'emprisonnement en termes de prévention de la récidive et de leur caractère particulièrement désocialisant (98 % des personnes condamnées à une peine de moins de six mois et 84 % des personnes condamnées à une peine de six mois à un an faisant à l'heure actuelle l'objet d'une « sortie sèche », sans accompagnement destiné à préparer leur réinsertion 84 ( * ) ).

Elle s'appuie également sur des expériences de pays étrangers, notamment du Canada (procédure de l'« ordonnance d'emprisonnement avec sursis ») et du Royaume-Uni (« Community sentence »).

Dressant le constat du caractère profus et peu lisible des différentes peines alternatives susceptibles d'être prononcées en droit français en lieu et place d'une peine d'emprisonnement, le jury de la conférence de consensus a proposé de réunir au sein d'une peine nouvelle, intitulée « peine de probation », l'ensemble des peines et mesures non privatives de liberté prévues à l'heure actuelle par le code pénal : « clairement distincte de l'emprisonnement, [cette] nouvelle peine [devrait] être conçue, non comme une peine alternative à la prison ou une peine de substitution, mais comme une peine à part entière, susceptible d'agir sur la récidive en favorisant l'insertion de la personne condamnée. Son caractère contraignant [devrait] être clair aux yeux de la société, raison pour laquelle le jury a retenu la qualification de peine de probation » 85 ( * ) .

La création d'une peine de probation a également été préconisée par M. Dominique Raimbourg dans son rapport d'information intitulé « Penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale », présenté conjointement, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, avec M. Sébastien Huygue, en janvier 2013 86 ( * ) .

- Ce que prévoit l'article 8 du projet de loi

Le présent article tend à inscrire dans le code pénal l'existence d'une nouvelle peine de probation, intitulée « contrainte pénale », applicable en matière délictuelle (elle ne concernerait donc ni les crimes, ni les contraventions).

A cette fin, au terme des travaux de l'Assemblée nationale, le 1° du I du présent article propose de compléter l'article 131-3 du code pénal pour mentionner la peine de contrainte pénale en second rang, après l'emprisonnement et avant l'amende, dans la liste des peines correctionnelles encourues par les personnes physiques.

* définition de la contrainte pénale

Le 2° du I du présent article insère dans le code pénal un nouvel article 131-4 qui définit cette nouvelle peine.

Cette dernière pourrait ainsi être prononcée « lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu ».

Elle emporterait, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines , pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans - il appartiendrait à la juridiction de jugement de fixer précisément cette durée - à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.

Contrairement à la peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve (SME), qui suppose un simple contrôle du respect par le condamné de ses obligations, la contrainte pénale serait conçue comme un mode de suivi renforcé, susceptible d'évoluer avec la personne.

Au besoin, comme l'ont indiqué à votre rapporteur les représentants du ministère de la justice, cet accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu se traduirait par des convocations fréquentes par le SPIP, des vérifications sur place, par l'inscription de la personne dans des programmes de prévention de la récidive, etc.

* contenu de la contrainte pénale

La contrainte pénale comporterait trois volets :

1. d'une part, la personne condamnée serait obligatoirement , et dès le prononcé de la décision de condamnation et pendant toute la durée d'exécution de sa peine, astreinte aux mesures de contrôle prévues à l'article 132-44 du code pénal, à savoir : 1°) répondre aux convocations du juge de l'application des peines (JAP) ou du travailleur social désigné ; 2°) recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ; 3°) prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ; 4°) prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ; et 5°) obtenir l'autorisation préalable du JAP pour tout changement d'emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, et informer préalablement le JAP de tout déplacement à l'étranger (voir supra les modifications introduites par l'article 6 bis du projet de loi) ;

2. d'autre part, et au terme de l'examen du présent projet de loi par l'Assemblée nationale, la personne condamnée à une contrainte pénale pourrait être soumise à une ou plusieurs des obligations ou interdictions particulières suivantes :

- obligations et interdictions prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve (voir infra ) ;

- obligation d'effectuer un travail d'intérêt général (TIG) ;

- injonction de soins , si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement ;

3. enfin, le condamné à une peine de contrainte pénale pourrait, en outre, bénéficier de mesures d'aide à caractère social ou d'aides matérielles mises en oeuvre par le SPIP avec la participation d'organismes publics ou privés.

* champ de la contrainte pénale

La question du champ de la contrainte pénale a donné lieu à des débats nourris à l'Assemblée nationale.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi limitait la possibilité de prononcer la peine de contrainte pénale aux seuls délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans .

L'étude d'impact annexée au projet de loi, qui insiste pourtant sur le fait que la contrainte pénale « a vocation à s'appliquer en priorité aux personnes présentant des difficultés personnelles, sociales et de santé lourdes justifiant un suivi intense ; de même qu'aux personnes ancrées dans certaines formes de délinquance, en état de réitération et en état de récidive » 87 ( * ) , n'explicite pas clairement les raisons qui ont conduit le Gouvernement à retenir ce seuil d'infractions punies de cinq ans d'emprisonnement au plus, si ce n'est par la volonté de procéder par étapes - une évaluation réalisée trois ans après l'entrée en vigueur du présent projet de loi permettant d'envisager l'opportunité d'élargir ultérieurement le champ d'application de cette nouvelle peine 88 ( * ) .

Toutefois, lors de l'examen du projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, les députés ont souhaité que le champ de la contrainte pénale soit étendu à l'ensemble des délits , quelle que soit la peine encourue.

Comme le relève le rapport de M. Dominique Raimbourg, « ce seuil de cinq ans d'emprisonnement peut, par le jeu des circonstances aggravantes, être atteint très rapidement : par exemple, un vol commis par deux personnes dans une gare est puni de sept ans d'emprisonnement. Surtout [...], cette limitation [constitue] un paradoxe dans la hiérarchie des peines : la contrainte pénale ayant vocation à être un suivi renforcé par rapport à celui prévu dans le cadre du SME - lequel peut être prononcé pour tout délit, quelle que soit la peine encourue, et même en matière criminelle -, il ne serait pas logique que la contrainte pénale ait un champ d'application plus restreint que le SME [...]. On peut, du reste, observer que les différentes peines alternatives à l'emprisonnement prévues par le code pénal peuvent être prononcées pour tout délit, sans limitation du quantum de peine d'emprisonnement encouru » 89 ( * ) .

Le Gouvernement s'est opposé à une telle extension.

Lors des discussions en séance publique, les députés sont parvenus à une solution de compromis , conforme au souhait du Gouvernement d'avancer par étapes dans la mise en oeuvre de cette nouvelle peine :

- dans un premier temps, six mois après l'entrée en vigueur du présent projet de loi (voir infra - commentaire de l'article 20 du projet de loi), la contrainte pénale pourrait être prononcée pour des infractions punies de cinq ans d'emprisonnement maximum ;

- elle ne serait applicable à l'ensemble des délits qu'à compter du 1 er janvier 2017 (III du présent article) .

Aux termes du 3° du I du présent article , la peine de contrainte pénale ne pourrait pas être prononcée de façon cumulative avec une peine d'emprisonnement .

* conditions du prononcé de la contrainte pénale

Le prononcé de la peine de contrainte pénale donnerait une place centrale au juge de l'application des peines (JAP) .

Il se déroulerait en effet en deux temps :

- dans un premier temps, la juridiction de jugement fixerait la durée de la contrainte pénale et pourrait en outre, à titre provisoire , imposer à l'intéressé certaines obligations et interdictions prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve, à l'exception de l'obligation d'exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement (1° de l'article 132-45 du code pénal), de l'obligation de soins (3°), d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière (15°), de s'abstenir de diffuser une oeuvre ou un ouvrage en lien avec l'infraction commise (16°) ou d'accomplir un stage de citoyenneté (18°).

La juridiction de jugement pourrait également prononcer une injonction de soins , si les conditions de cette mesure sont remplies.

Elle pourrait, enfin, prolonger l'exécution de tout ou partie des obligations et interdictions auxquelles était astreinte la personne dans le cadre de son contrôle judiciaire .

Au cours de l'audience, il reviendrait au président de la juridiction de jugement de notifier à la personne condamnée, si elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation ;

- dans un second temps, le condamné à une peine de contrainte pénale ferait l'objet d'une évaluation de sa personnalité et de sa situation matérielle, familiale et sociale par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) : sur cette base, il appartiendrait au juge de l'application des peines de fixer l'ensemble des obligations et interdictions auxquelles la personne devrait être astreinte (sans les limitations prévues ci-dessus) ainsi que les mesures d'aide dont elle pourrait bénéficier.

Ces obligations et interdictions pourraient être modifiées au cours de l'exécution de la contrainte pénale au regard de l'évolution du condamné.

La condamnation à la contrainte pénale serait exécutoire par provision , ce qui signifie qu'elle pourrait être mise à exécution immédiatement, sans attendre l'expiration du délai d'appel ou que la cour d'appel, si elle est saisie, n'ait statué.

- La contrainte pénale : nouvelle peine alternative ou révolution culturelle ?

Ainsi définie, la nouvelle peine de contrainte pénale présente de nombreuses similitudes avec plusieurs dispositifs existants , en particulier avec le sursis avec mise à l'épreuve (SME), d'une part, et le régime des peines alternatives, d'autre part.

• Le sursis avec mise à l'épreuve (SME) permet à la juridiction de jugement qui prononce un emprisonnement d'ordonner qu'il sera sursis à son exécution, la personne condamnée étant alors placée sous le régime de la mise à l'épreuve.

Au cours du délai d'épreuve, le condamné doit satisfaire à des mesures de contrôle prévues à l'article 132-44 du code pénal et à celles des obligations particulières prévues par l'article 132-45 du même code qui lui sont spécialement imposées (voir encadré).

Mesures de contrôle et obligations susceptibles d'être imposées
dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (SME)

Article 132-44 du code pénal :

« Les mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :

« 1° Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;

« 2° Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

« 3° Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

« 4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;

« 5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence ».

Article 132-45 du code pénal :

« La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations suivantes :

« 1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;

« 2° Etablir sa résidence en un lieu déterminé ;

« 3° Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. Une copie de la décision ordonnant ces mesures est adressée par le juge de l'application des peines au médecin ou au psychologue qui doit suivre la personne condamnée. Les rapports des expertises réalisées pendant la procédure sont adressés au médecin ou au psychologue, à leur demande ou à l'initiative du juge de l'application des peines. Celui-ci peut également leur adresser toute autre pièce utile du dossier ;

« 4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;

« 5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;

« 6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;

« 7° S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;

« 8° Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

« 9° S'abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ;

« 10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;

« 11° Ne pas fréquenter les débits de boissons ;

« 12° Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

« 13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;

« 14° Ne pas détenir ou porter une arme ;

« 15° En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 16° S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;

« 17° Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;

« 18° Accomplir un stage de citoyenneté ;

« 19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 19° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime ».

Ce dispositif, susceptible d'être prononcé pour tout crime ou tout délit de droit commun, est applicable aux condamnations à l'emprisonnement n'excédant pas cinq ans (dix ans si la personne est en état de récidive légale), le délai d'épreuve étant alors obligatoirement compris entre un an et trois ans (cinq ans si la personne est en état de récidive légale, sept ans si elle est en état de nouvelle récidive légale).

L'article 132-42 du code pénal autorise également le prononcé de peines dites « mixtes » , composées pour partie d'un temps d'emprisonnement ferme et pour partie d'un temps de mise à l'épreuve, cette partie ne pouvant alors excéder cinq ans .

Le sursis avec mise à l'épreuve peut être révoqué en cours d'exécution , si le condamné ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées ou s'il commet, au cours du délai d'épreuve, un crime ou un délit suivi d'une condamnation à une peine d'emprisonnement sans sursis.

Proche dans son principe et ses modalités du SME, le « sursis-TIG » permet quant à lui à la juridiction de jugement de soumettre le condamné, pendant le délai d'épreuve, à l'exécution d'un travail d'intérêt général (TIG) (articles 132-54 et suivants du code pénal).

• Les articles 131-5-1 du code pénal et suivants autorisent par ailleurs la juridiction de jugement, en matière délictuelle, à prononcer un certain nombre de peines alternatives à la place de l'emprisonnement : peines privatives ou restrictives de liberté définies à l'article 131-6 du code pénal, stage de citoyenneté, peine de travail d'intérêt général, peine de sanction-réparation (voir encadré).

Régime des peines alternatives

Article 131-5-1 du code pénal :

« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement , prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté , dont les modalités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat, et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné.

« Cette peine ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience ».

Article 131-6 du code pénal :

« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement , une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée, selon des modalités déterminées par décret en conseil d'Etat, à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; cette limitation n'est toutefois pas possible en cas de délit pour lequel la suspension du permis de conduire, encourue à titre de peine complémentaire, ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2° L'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus ;

« 3° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 4° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

« 5° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

« 6° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

« 7° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

« 8° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 9° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;

« 10° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation ne peut pas être prononcée en matière de délit de presse ;

« 11° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse ;

« 12° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

« 13° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

« 14° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction ;

« 15° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ».

Article 131-8 du code pénal :

« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prescrire, à la place de l'emprisonnement , que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à deux cent dix heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général.

« La peine de travail d'intérêt général ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui n'est pas présent à l'audience. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l'accomplissement d'un travail d'intérêt général et reçoit sa réponse ».

Article 131-8-1 du code pénal :

« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine d'emprisonnement, la peine de sanction-réparation . Il en est de même lorsqu'un délit est puni à titre de peine principale d'une seule peine d'amende.

« La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime.

« Avec l'accord de la victime et du prévenu, la réparation peut être exécutée en nature. Elle peut alors consister dans la remise en état d'un bien endommagé à l'occasion de la commission de l'infraction ; cette remise en état est réalisée par le condamné lui-même ou par un professionnel qu'il choisit et dont il rémunère l'intervention.

« L'exécution de la réparation est constatée par le procureur de la République ou son délégué.

« Lorsqu'elle prononce la peine de sanction-réparation, la juridiction fixe la durée maximum de l'emprisonnement, qui ne peut excéder six mois, ou le montant maximum de l'amende, qui ne peut excéder 15 000 Euros, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie dans les conditions prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation. Si le délit n'est puni que d'une peine d'amende, la juridiction ne fixe que le montant de l'amende, qui ne peut excéder 15 000 Euros, qui pourra être mis à exécution. Le président de la juridiction en avertit le condamné après le prononcé de la décision ».

• Enfin, l'article 131-36-7 du code pénal permet, en matière correctionnelle, d'ordonner le suivi socio-judiciaire comme peine principale - même si, dans les faits, cette mesure est essentiellement utilisée en complément de l'emprisonnement, pour assurer une surveillance du condamné à sa libération 90 ( * ) . Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive ; ces mesures sont les mêmes que celles prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve (voir supra ), auxquelles s'ajoute l'injonction de soins .

Comme l'ont observé une grande partie des personnes entendues par votre rapporteur, le droit en vigueur offre déjà de nombreuses possibilités de suivre en milieu ouvert des personnes condamnées pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement .

En particulier, le SME est une peine très utilisée en France. Comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, sur l'ensemble des condamnations prononcées par toutes les juridictions pénales (environ 600 000 condamnations par an), l'emprisonnement avec sursis assorti, au moins partiellement, d'une mise à l'épreuve a été prononcé dans 13 % des cas en 2010. Cette proportion est constante depuis 2008. Ainsi, 78 143 SME ont été prononcés en 2011, dont 28 165 (un tiers) dans le cadre d'une peine « mixte » 91 ( * ) . Au 1 er janvier 2014, les SPIP étaient ainsi saisis de 141 107 mesures de SME , soit environ les trois quarts des mesures post-sentencielles exécutées en milieu ouvert 92 ( * ) .

En revanche, les peines alternatives sont peu prononcées. Elles représentent environ 15 % des peines prononcées à titre principal depuis de nombreuses années. En outre, les deux tiers de ces peines alternatives prononcées sont constituées de jours-amendes, de restrictions au permis de chasser ou de conduire, de confiscations et de l'interdiction du territoire français - qui n'impliquent pas à proprement parler de suivi de la personne.

Environ 15 000 TIG ont été prononcés en 2011 93 ( * ) .

Peines prononcées à titre principal autres que l'amende ou l'emprisonnement en 2011, hors compositions pénales et dispenses de peine

Catégories de peines

Nombre de condamnations à titre principal en 2011

Mesures ou sanctions éducatives

25 457

Jours amendes

23 894

Restrictions au permis de conduire

16 505

TIG

15 658

Stages divers

4 923

Confiscations

734

Interdictions du territoire français

244

Suivis socio-judiciaires

143

Sanctions-réparations

110

Restrictions au permis de chasser

40

Autres

515

Total

88 223

Source : casier judiciaire national 94 ( * )

Ces peines ne comportent pas toutes de dimension socio-éducative poussée. Lorsque c'est le cas (SME, TIG), l'exécution de ces peines se heurte, soit à la surcharge d'activité des SPIP, qui ne sont pas toujours en mesure de s'assurer que le condamné respecte les obligations et interdictions édictées par la juridiction, soit, malgré d'importants efforts réalisés en la matière, à l'insuffisance des postes de TIG disponibles dans les ressorts des juridictions 95 ( * ) .

En quoi la contrainte pénale se distingue-t-elle donc des dispositifs existants ?

Si elle s'inspire très directement des mesures susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un SME ou à titre de peine alternative, la nouvelle peine de contrainte pénale entend créer une rupture par rapport aux dispositifs existants en créant les conditions d'un accompagnement socio-éducatif soutenu (convocations plus fréquentes, vérifications sur place, inscription dans des programmes de prévention de la récidive, etc.) , inscrit dans la durée et susceptible d'évoluer en fonction du comportement de l'intéressé .

Elle doit en outre s'appuyer sur une évaluation fine de la personnalité de l'auteur, du contexte social et familial dans lequel il évolue et sur ses fragilités au regard du risque de réitération pour le conduire, en le soumettant à un certain nombre d'obligations dont le respect devra être étroitement contrôlé, vers la réinsertion.

De ce point de vue, sa mise en oeuvre dépendra très largement du respect par le Gouvernement de son engagement de créer 1 000 postes de conseillers d'insertion et de probation sur la période 2013-2015 afin de parvenir à un ratio de 40 mesures par conseiller.

Par maints aspects, cette nouvelle peine se rapproche des mesures et du suivi susceptibles d'être décidés par le juge des enfants à l'égard d'un mineur délinquant (article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945).

Ces caractéristiques ont ainsi conduit plusieurs intervenants à voir dans l'instauration de cette nouvelle peine une rupture dans le droit de la peine . Comme l'indiquait M. Antoine Garapon devant votre commission le 14 mai 2014, « le texte crée un nouveau rapport à l'espace, au temps, au sujet, et au lien social . La peine devient ambulatoire. En un siècle qui n'est plus celui de l'enfermement, de l'assignation, des lieux de regroupement comme l'usine, la prison ou l'hôpital, la peine est nomadisée, décentralisée : on contrôle sans interdire de circuler, comme le font le contrôle médicamenteux de la libido ou le bracelet électronique. La sanction cesse d'obéir à la perspective classique d'un temps programmé, pour être sans cesse réévaluée. Elle conçoit différemment le sujet, qui devient tout à la fois le problème et la solution ; c'est dans la personnalité et la trajectoire que l'on trouve la sanction » 96 ( * ) .

- La position de votre commission

Votre commission approuve pleinement la création de cette nouvelle peine, qui lui paraît de nature à permettre d'apporter une réponse intelligente à la personnalité de certains auteurs d'infractions, en créant les conditions d'une sortie durable de la délinquance. Exécutée en milieu ouvert, elle doit permettre de porter un nouveau regard sur la peine, déconnectée de l'emprisonnement, et de mobiliser davantage les pouvoirs publics et la société civile autour des problématiques de réinsertion.

Sur proposition de son rapporteur, elle a adopté deux amendements tendant à modifier, à la marge, le dispositif proposé par le présent article.

Elle a tout d'abord adopté un amendement de son rapporteur tendant à rééquilibrer les prérogatives de la juridiction de jugement par rapport à celles reconnues au JAP dans la définition du contenu de la peine : en effet, il ne lui paraît pas opportun de restreindre la liste des mesures que la juridiction pourrait imposer au condamné et, comme le propose le projet de loi, de mettre à la disposition de cette dernière une palette de mesures moins large que celle dont disposerait le JAP ; en outre, une telle restriction ne paraît pas justifiée, surtout lorsque la juridiction de jugement dispose d'éléments de personnalité suffisants pour statuer en pleine connaissance de cause (notamment parce qu'elle a fait usage de la procédure d'ajournement aux fins d'investigations sur la personnalité créée par l'article 4 du projet de loi).

Elle a donc prévu qu'à ce stade, la juridiction de jugement pourrait imposer à la personne condamnée à la contrainte pénale l'ensemble des mesures prévues à l'article 132-45 du code pénal. Elle a supprimé les dispositions prévoyant que la juridiction de jugement se prononce dans un premier temps « à titre provisoire » , en ouvrant simplement au JAP la possibilité de modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions fixées par la juridiction de jugement si l'évaluation de la personnalité du condamné le justifie (voir infra - commentaire de l'article 9).

Elle a par ailleurs adopté un amendement de son rapporteur tendant à améliorer la présentation des dispositions proposées par le présent article.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (art. 132-70-4 [nouveau] du code pénal) - Possibilité pour le juge de l'application des peines de convertir une peine d'emprisonnement d'une durée maximale d'un an en une peine de contrainte pénale

Le présent article, issu d'un amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Sergio Coronado, vise à permettre au juge de l'application des peines (JAP) de convertir une peine d'emprisonnement ferme d'une durée maximale d'un an en une peine de contrainte pénale.

En l'état du droit, l'article 132-57 du code pénal prévoit que, lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme de six mois au plus a été prononcée, le JAP peut ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine et que le condamné effectuera, à la place, soit une peine de travail d'intérêt général , soit une peine de jours-amende .

S'inspirant de ces dispositions, le présent article propose d'introduire dans le code pénal un nouvel article 132-70-4 , aux termes duquel le JAP, saisi d'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus, pourrait convertir cette peine d'emprisonnement en une peine de contrainte pénale .

Ces dispositions seraient applicables aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an : dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeurerait applicable.

Elles seraient également applicables aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d'un sursis.

Comme l'a indiqué l'auteur de l'amendement, il s'agirait ici de donner davantage de souplesse au JAP, en lui permettant de transformer une courte de peine de prison ferme en une peine de contrainte pénale, permettant un suivi renforcé en milieu ouvert de l'intéressé.

Toutefois, dans les premiers temps de mise en oeuvre de la nouvelle peine de contrainte pénale, votre commission craint qu'un tel dispositif contribue à brouiller l'identification de cette nouvelle peine, qui serait ici conçue non comme une peine mais comme une modalité d'aménagement de la peine .

En outre, le dispositif proposé permettrait de cumuler la peine de contrainte pénale avec l'exécution, dans un second temps, d'un SME, ce qui risque d'accroître la confusion entre les deux dispositifs , que le Gouvernement entend distinguer clairement dans leurs modalités de mise en oeuvre.

Pour ces raisons, sans être opposée par principe aux objectifs poursuivis par le présent article, votre commission a estimé plus sage de procéder par étapes et de n'élargir éventuellement les possibilités de mise en oeuvre d'une contrainte pénale qu'à l'issue d'un premier bilan.

Sur proposition de son rapporteur, elle a adopté un amendement tendant à supprimer l'article 8 bis .

Votre commission a supprimé l'article 8 bis .

Article 8 ter (nouveau) (art. 131-5-1, 131-6, 131-8, 131-8-1, 131-21, 331-3, 313-5, 321-1, 322-1 et 434-10 du code pénal ; art. L. 3421-1 du code de la santé publique ; art. L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation ; art. L. 233-1, L. 233-2, L. 234-1, L. 234-8, L. 234-16, L. 235-3 et L. 235-1 du code de la route ; art. 62-2, 138 et 395 du code de procédure pénale) - Contrainte pénale encourue à titre de peine principale, à la place de l'emprisonnement, pour certains délits

Le présent article, inséré par votre commission sur proposition de votre rapporteur, vise à compléter les dispositions du projet de loi en faisant de la contrainte pénale une peine encourue à titre principal pour une série de délits.

Le projet de loi crée en effet une nouvelle peine de contrainte pénale, exécutée en milieu ouvert, destinée à permettre un suivi socio-éducatif renforcé du condamné propre à permettre sa réinsertion et à prévenir la réitération.

Toutefois, en en faisant une simple alternative à l'emprisonnement , venant s'ajouter à la liste des peines alternatives que le juge a d'ores et déjà le droit de prononcer à la place de la peine d'emprisonnement, le projet de loi n'atteint pas totalement l'objectif fixé, qui est de déconnecter la peine de probation de l'idée d'emprisonnement. De fait, telle que la conçoit le projet de loi, elle se distingue peu de la mesure de sursis avec mise à l'épreuve (SME).

Enfin, si le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que la contrainte pénale s'appliquera, six mois après l'entrée en vigueur de la loi, à l'ensemble des délits punis de cinq ans d'emprisonnement au plus, puis, à compter du 1 er janvier 2017, à l'ensemble des délits, se pose la question des moyens pour mettre en oeuvre ce suivi « individualisé et soutenu », compte tenu de l'état actuel de surcharge des SPIP et du temps de formation des nouveaux personnels recrutés (ainsi les personnes recrutées grâce aux 400 postes ouverts en loi de finances en 2014 ne seront opérationnelles qu'à compter de septembre 2015).

L'ensemble de ces difficultés a convaincu votre commission de la nécessité de procéder par étapes, en proposant de faire de la contrainte pénale une peine autonome, encourue à titre de peine principale pour une série de délits précisément identifiés et pour lesquels, de ce fait, la peine d'emprisonnement ne serait plus encourue.

Il s'agit des délits suivants :

- vol simple , aujourd'hui puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (art. 311-3 du code pénal) et recel de vol simple , aujourd'hui puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende (art. 321-3 du code pénal) - 24 331 condamnations (pour infraction unique) inscrites au casier judiciaire en 2012, dont 11 662 avec emprisonnement (dont 5 544 avec emprisonnement ferme) ;

- filouterie , aujourd'hui punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (art. 313-5 du code pénal) - 662 condamnations en 2012 pour infraction unique, dont 258 avec emprisonnement (dont 155 avec emprisonnement ferme) ;

- destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes commises sans circonstance aggravante , aujourd'hui punies de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (art. 322-1 du code pénal) - 8 026 condamnations en 2012 pour infraction unique, dont 1733 avec emprisonnement (dont 696 avec emprisonnement ferme) ;

- délit de fuite (art. 434-10 du code pénal), sauf si ce délit accompagne un homicide involontaire ou des blessures involontaires - 2 455 condamnations en 2012, dont 473 avec emprisonnement (dont 104 avec emprisonnement ferme) . A l'heure actuelle, ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende ;

- délit d'usage de stupéfiants commis par un particulier, aujourd'hui puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (art. L. 3421-1 du code de la santé publique) - 31 950 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 3 781 avec emprisonnement (dont 1 431 avec emprisonnement ferme) ;

- délit d'occupation des halls d'immeubles , actuellement puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (art. L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation) - 77 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 20 avec emprisonnement (dont 8 avec emprisonnement ferme) ;

- délits prévus par le code de la route (à l'exclusion des délits d'homicide involontaire et de blessures involontaires réprimés par le code pénal et des faits commis dans des circonstances exposant autrui à un risque de mort ou de blessures graves), qui sont actuellement punis de peines allant de trois mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende - 153 626 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 33 923 avec emprisonnement (dont 6 364 avec emprisonnement ferme) .

Cette liste, qui prend appui sur celle des infractions susceptibles d'être jugées par ordonnance pénale (article 495 du code de procédure pénale), exclut les délits d'atteintes aux personnes (tout comme les atteintes aux biens commises avec violence) ainsi que les délits commis pour un motif discriminatoire .

Elle représente, d'après les données extraites du casier judiciaire, un « volume » d'environ 220 000 condamnations en 2012, soit près du tiers de l'ensemble des condamnations prononcées par les juridictions pénales (10 % si l'on excepte le contentieux routier), et un peu plus de 50 000 condamnations à un emprisonnement ferme ou avec sursis en 2012 (15 000 si l'on excepte le contentieux routier).

Une telle solution, préconisée par M. Dominique Raimbourg dans son rapport d'information intitulé « penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale », avait été écartée par le Gouvernement qui l'a considérée comme trop réductrice. En outre, la logique de la contrainte pénale, qui implique un suivi renforcé, adapté à la situation et à la personnalité de l'auteur, devrait conduire les magistrats à prononcer cette peine en considération de la personnalité de l'auteur et non nécessairement de la qualification juridique des faits commis.

La voie proposée par le présent article paraît toutefois la seule à même d'identifier clairement la contrainte pénale comme nouvelle peine de référence en matière correctionnelle. En outre, un grand nombre d'auteurs de délits de faible gravité peuvent présenter un besoin de suivi socio-éducatif renforcé : ainsi les plus forts taux de récidive légale concernent-ils les délits de vol et de recel (17 % des condamnés pour ces délits en 2010 étaient en état de récidive légale) et de conduite en état alcoolique (16 %). Une étude réalisée par la direction de l'administration pénitentiaire a également montré que 45 % des réitérants et des récidivistes condamnés pour délit en 2007 l'ont été pour un délit routier, 19 % pour un délit de vol ou de recel.

Afin de réserver la contrainte pénale aux personnes ayant réellement besoin d'un suivi socio-éducatif renforcé, l'amendement propose de permettre à la juridiction, lorsqu'elle estime qu'une contrainte pénale ne se justifie pas, de prononcer, le cas échéant en plus d'une peine d'amende, l'une des peines alternatives prévues en matière correctionnelle (stage de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droit, TIG, sanction-réparation). La peine de confiscation serait également encourue de plein droit pour ces délits.

Une évaluation réalisée dans quelques années permettra de dresser un bilan de l'application de cette nouvelle peine et, le cas échéant, d'envisager son extension à d'autres délits.

Par ailleurs, le présent article tire les conséquences des modifications proposées sur la procédure pénale.

En effet, la contrainte pénale ne doit pas être conçue comme une peine plus douce que la peine d'emprisonnement mais comme un mode de sanction plus adapté au traitement de certaines formes de délinquance. La suppression, pour les délits identifiés par l'amendement, de la peine d'emprisonnement encourue ne doit pas conduire à diminuer l'efficacité de la réponse judiciaire à ce type de faits.

Pour cette raison, le présent amendement prévoit que la garde à vue sera possible pour les délits punis à titre principal d'une peine de contrainte pénale, pour une durée maximale de 24 heures (en revanche, la prolongation de la mesure jusqu'à 48 heures, aujourd'hui réservée aux crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an, ne serait plus possible).

Par ailleurs, la comparution immédiate pourrait être mise en oeuvre en cas de flagrant délit.

Si cela est nécessaire, la personne pourrait être placée sous contrôle judiciaire en attendant l'audience de jugement.

En revanche, la détention provisoire serait exclue , dès lors que l'infraction n'est pas sanctionnée par une peine d'emprisonnement.

Conformément aux règles d'entrée en vigueur de la loi pénale plus douce, la suppression, pour ces délits, de la peine d'emprisonnement encourue entrerait en vigueur immédiatement, et de façon rétroactive , pour l'ensemble des personnes poursuivies ou condamnées pour ces délits.

Alors que l'article 20 du projet de loi prévoit que les dispositions de l'article 8, instaurant la contrainte pénale comme peine alternative pour l'ensemble des délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans, entreront en vigueur six mois après la promulgation de la loi, il conviendrait que, pour les délits prévus par le présent article, la peine de contrainte pénale entre immédiatement en vigueur afin d'assurer une continuité dans la répression de ces faits.

Votre commission a adopté l'article 8 ter ainsi rédigé .

Article 9 (art. 474, 713-42 à 713-49 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Modalités de mise en oeuvre de la contrainte pénale

Le présent article vise à préciser la procédure de mise en oeuvre de la contrainte pénale, en insérant à cet effet dans le code de procédure pénale huit nouveaux articles 713-42 à 713-49.

- Evaluation préalable de la personnalité du condamné

La mise en oeuvre de la contrainte pénale repose sur l'évaluation préalable de la personnalité du condamné, afin de définir les mesures les plus adaptées et propres à l'accompagner sur la voie de la réinsertion.

Afin de permettre cette évaluation, le 1° du présent article prévoit qu'à l'issue de l'audience, l'intéressé se verra remettre un avis de convocation à comparaître devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) dans un délai maximal de 45 jours , comme c'est déjà le cas pour les personnes condamnées à un SME, à un « sursis-TIG » ou à un TIG.

Le SPIP se trouverait ainsi saisi de la mesure.

Il lui appartiendrait alors, aux termes du nouvel article 713-42 du code de procédure pénale , d'évaluer la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée.

A l'issue de cette évaluation, ce service adresserait au JAP un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en oeuvre des mesures de contrôle et d'assistance, des obligations et des interdictions prévues par le nouvel article 131-4-1 du code pénal, créé par l'article 8 du projet de loi (voir supra ).

Afin de guider les SPIP dans l'exercice de cette nouvelle mission, Mme Isabelle Gorce, directrice de l'administration pénitentiaire, a indiqué lors de son audition que des groupes de travail avaient été constitués récemment au sein de la direction de l'administration pénitentiaire afin de renouveler les outils et méthodes d'évaluation des SPIP, en prenant pour base de travail les recommandations du Conseil de l'Europe en matière de probation 97 ( * ) . Ces réflexions, étayées par des travaux de recherche conduits en lien avec l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, devraient déboucher, dans les mois à venir, sur l'élaboration d'un nouvel outil d'évaluation des personnes permettant de guider les SPIP dans l'exercice de leurs missions.

- Prérogatives du juge de l'application des peines (JAP)

S'il appartiendrait au SPIP, à l'issue de l'évaluation de la personne, de formuler des propositions quant au contenu concret de la contrainte pénale, le juge de l'application des peines (JAP) serait compétent pour prendre toute décision concernant l'exécution de la mesure .

A cette fin, il aurait, aux termes d'un nouvel article 713-43 du code de procédure pénale , le pouvoir de soumettre le condamné à l'ensemble des obligations et interdictions particulières prévues par le nouvel article 131-4-1 du code pénal, créé par l'article 8 du projet de loi (obligations et interdictions prévues en matière de SME, travail d'intérêt général, injonction de soins). Il pourrait également octroyer à celui-ci des mesures d'aide.

Conformément au droit en vigueur, il ne pourrait astreindre le condamné à l'obligation d'effectuer un TIG qu'avec l'accord de celui-ci 98 ( * ) .

Aux termes du nouvel article 713-49 du code de procédure pénale , un décret préciserait les modalités d'application de l'ensemble des dispositions créées par le présent article, s'agissant notamment du délai dans lequel l'évaluation par le SPIP de la personne condamnée doit être réalisée et le délai dans lequel, au vu de cette évaluation, le juge de l'application des peines doit prendre l'ordonnance fixant le contenu de la contrainte pénale.

- Procédure devant le JAP

Le texte initial du projet de loi prévoyait que le JAP se prononcerait par ordonnance motivée, après avoir entendu le condamné, sauf si le procureur de la République demande la tenue d'un débat contradictoire.

Lors des auditions conduites par votre rapporteur, plusieurs personnes ont regretté que cette phase essentielle de détermination du contenu de la mesure ne donne pas lieu à un débat contradictoire.

Les députés y ont remédié en adoptant en séance publique un amendement présenté par M. Sergio Coronado : le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit ainsi que le jugement du JAP sera rendu, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel le JAP entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat.

Si votre commission approuve sans réserves le renforcement du contradictoire dans le cadre de cette phase déterminante de définition du contenu de la contrainte pénale, plusieurs magistrats entendus par votre rapporteur ont souligné qu'un débat contradictoire, en raison de son caractère formel et parce qu'il suppose notamment la présence physique d'un représentant du ministère public, pouvait être lourd à organiser et risquait de rigidifier la procédure.

Afin de remédier à cette difficulté, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à apporter plusieurs modifications au dispositif proposé par le projet de loi :

- d'une part, elle a simplifié la procédure en prévoyant que le JAP statuerait, après avoir entendu le condamné et son avocat, par ordonnance motivée prise après réquisitions écrites du ministère public ;

- d'autre part, elle a précisé que le JAP pourrait, dans ce cadre, modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions fixées par la juridiction de jugement si l'évaluation de la personnalité du condamné le justifie ;

- enfin, elle a prévu que la décision du JAP devrait intervenir au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation, afin d'assurer l'effectivité de la mesure.

- Obligation d'un suivi régulier de la personne

Conçue pour s'inscrire dans le temps et pour s'adapter à l'évolution de la personne, la mesure de contrainte pénale pourrait être modifiée en cours d'exécution par le JAP.

Aux termes d'un nouvel article 713-44 du code de procédure pénale , la situation matérielle, familiale et sociale de la personne devrait être réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l'exécution de la peine, et au moins une fois par an , par le SPIP et le JAP.

Comme l'ont indiqué les services du ministère de la justice à votre rapporteur, c'est au JAP, sur avis du SPIP ou, le cas échéant, du procureur de la République, qu'il appartiendrait d'apprécier la nécessité de réévaluer la situation de la personne.

Au vu de chaque nouvelle évaluation, le JAP aurait la possibilité de modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte ou supprimer certaines d'entre elles.

Conformément au souhait des députés d'introduire davantage de contradictoire dans la mise en oeuvre de la contrainte pénale, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que chaque phase de réévaluation de la situation de la personne et des obligations et interdictions auxquelles elle est astreinte devrait là aussi donner lieu à un débat contradictoire .

A ce stade de la procédure, un tel formalisme, qui suppose là aussi la présence du parquet, est sans doute excessif.

A cet égard, on peut relever qu'alors que les jugements concernant les mesures de SME, de TIG, de suivi-socio-judiciaire, mais également de libération conditionnelle, notamment, doivent être pris à l'issue d'un débat contradictoire (article 712-6 du code de procédure pénale), en revanche, les décisions modifiant ou refusant de modifier ces mesures sont prises par simple ordonnance motivée du JAP, sauf si le procureur de la République demande qu'elles fassent l'objet d'un jugement pris après débat contradictoire (article 712-8 du code de procédure pénale).

Votre commission estime toutefois indispensable que le JAP entende les observations du condamné, et le cas échéant de son avocat, avant de prendre toute décision de modification du contenu de la mesure.

Sur proposition de son rapporteur, elle a donc adopté un amendement tendant à prévoir qu'au cours de l'exécution de la mesure, le JAP statuera par ordonnance motivée, prise après avoir entendu les observations du condamné et de son avocat - sauf si le parquet requiert la tenue d'un débat contradictoire.

- Possibilité pour le JAP de mettre un terme à la contrainte pénale de façon anticipée

La contrainte pénale est conçue pour permettre d'aider la personne condamnée à se réinsérer et à éviter la récidive.

A cet égard, un nouvel article 713-45 du code de procédure pénale propose de prévoir que si, pendant au moins un an , le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées, que son reclassement paraît acquis et qu'aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le JAP pourrait, par ordonnance motivée et sur réquisitions conformes du procureur de la République , décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale.

Ces dispositions s'inspirent directement de l'article 744 du code de procédure pénale en matière de SME 99 ( * ) .

En cas de désaccord entre ces deux magistrats, le JAP aurait la possibilité de saisir le président du tribunal (ou un juge désigné par lui), qui statuerait à la suite d'un débat contradictoire public au cours duquel le condamné et son avocat pourraient être entendus.

En cas de refus opposé à cette demande, aucune autre demande ne pourrait être présentée avant un délai d'un an.

- Articulation de la contrainte pénale avec l'exécution d'une peine de prison

Si l'article 8 du projet de loi prévoit que la personne ne pourrait être condamnée à la fois à une contrainte pénale et à une peine d'emprisonnement pour de mêmes faits (voir supra ), elle peut en revanche se retrouver placée en détention provisoire ou condamnée à une peine d'emprisonnement dans le cadre d'une autre instance.

Dans ce cas, un nouvel article 713-46 du code de procédure pénale prévoit que le délai d'exécution de la contrainte pénale pourrait être suspendu par le JAP en cas d'incarcération du condamné, à moins que cette incarcération résulte de l'inexécution de la contrainte pénale (voir ci-dessous).

Sur ce point, le projet de loi diffère légèrement du droit applicable en matière de SME - l'article 132-43 du code pénal prévoyant qu'en cas d'incarcération du condamné pendant le délai d'épreuve, celui-ci est automatiquement suspendu.

Comme l'ont expliqué à votre rapporteur les représentants de la direction des affaires criminelles et des grâces, il s'agit là d'introduire une certaine souplesse et de laisser au JAP l'opportunité d'apprécier l'intérêt de suspendre le délai d'exécution de la contrainte pénale, par exemple si le temps d'incarcération de la personne est très court.

- Sanction de l'inobservation par le condamné de ses obligations

Sanction conçue pour être totalement déconnectée de la peine d'emprisonnement, à la différence du SME, la contrainte pénale soulève la question de la façon dont le condamné doit être incité à respecter les obligations et interdictions qui lui sont imposées, faute de quoi cette nouvelle peine risquerait d'être privée d'effectivité et de crédibilité.

La solution proposée par le nouvel article 713-47 du code de procédure pénale , dont le dispositif a été simplifié par l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, propose pour cela plusieurs étapes :

- dans un premier temps, le JAP pourrait, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, modifier ou compléter par ordonnance motivée les observations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint.

A l'initiative de M. Sergio Coronado, la commission des lois de l'Assemblée nationale a également prévu que le JAP pourrait également procéder à un simple rappel aux mesures, obligations et interdictions auxquelles est astreinte la personne condamnée ;

- dans un second temps, si cette solution est insuffisante pour assurer l'effectivité de la peine, il appartiendrait au JAP de saisir, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge désigné par lui 100 ( * ) afin que soit mis à exécution contre le condamné un emprisonnement d'une durée qui ne pourrait excéder ni la moitié de la durée de la peine de contrainte pénale prononcée par le tribunal, ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue.

L'avant-projet de loi envisageait à cet égard de permettre au JAP de tirer lui-même les conséquences de la violation par le condamné de ses obligations, en prononçant un emprisonnement à l'encontre de l'intéressé. Comme il l'expose dans son rapport d'activité pour 2013, le Conseil d'Etat a toutefois estimé qu'un tel dispositif soulevait une difficulté au regard du principe de séparation des autorités de poursuite et de sanction . Sur ses conseils, le projet de loi a été modifié pour attribuer au président du tribunal de grande instance, sur saisine du JAP, le pouvoir de sanctionner l'inobservation des obligations de la contrainte pénale par un emprisonnement 101 ( * ) .

Statuant à la suite d'un débat contradictoire public, le président du TGI (ou le juge désigné par lui) fixerait, dans cette limite, la durée de l'emprisonnement à exécuter. Conformément au principe de personnalisation des peines, celle-ci serait fixée en fonction des circonstances et de la gravité du délit pour lequel la contrainte pénale a été prononcée, de la commission ou de l'absence de commission d'une nouvelle infraction depuis ce délit et de la gravité de l'inobservation des mesures, obligations et interdictions.

Dans le cas où le quantum de peine prononcé entre dans le champ de l'article 723-15 du code de procédure pénale permettant un aménagement de la peine par le JAP (voir supra - commentaire de l'article 7 du projet de loi), le président du tribunal (ou le juge désigné par lui) pourrait décider que cet emprisonnement s'exécute sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou de la surveillance électronique.

Si nécessaire, le JAP pourrait ordonner l'incarcération provisoire du condamné pour une durée maximale de 15 jours, comme il peut le faire en cas d'inobservation des obligations résultant d'un SME ou d'un suivi socio-judiciaire (article 712-19 du code de procédure pénale).

Cette procédure pourrait être renouvelée à plusieurs reprises au cours de l'exécution de la contrainte pénale, dès lors que la durée totale des emprisonnements ordonnés ne dépasse pas la moitié de la durée de la peine prononcée par le tribunal ou le maximum de la peine d'emprisonnement encourue.

Toutefois, si l'emprisonnement ordonné est égal à la moitié de la durée de la contrainte pénale ou à ce maximum ou, compte tenu le cas échéant, des précédents emprisonnements ordonnés, s'il atteint cette durée, la décision du président du tribunal ou du juge par lui désigné mettrait fin à la contrainte pénale.

Par ailleurs, un nouvel article 713-48 du code de procédure pénale prévoit que si le condamné commet, pendant la durée d'exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis, la juridiction de jugement pourrait, après avis du JAP, ordonner la mise à exécution de l'emprisonnement prévu en cas d'inobservation de la contrainte pénale.

L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur ont unanimement souligné le caractère excessivement complexe, peu lisible pour le condamné et fragile au regard du principe de légalité des délits et des peines de ce dispositif.

Ces éléments ont convaincu votre commission de la nécessité de prévoir un système de sanction plus simple des manquements aux obligations résultant d'une contrainte pénale.

A cet égard, deux systèmes peuvent se concevoir :

- le premier, déjà applicable en matière de SME ou de suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 du code pénal), consiste à prévoir que la juridiction de jugement fixe à l'avance, dans le jugement de condamnation, la durée de l'emprisonnement que le condamné effectuera s'il ne respecte pas ses obligations ;

- le second consiste à prévoir l'existence d'un délit autonome, puni de deux ans d'emprisonnement, comme cela existe en matière de non-respect de l'interdiction de séjour (art. 434-38 du code pénal), de diverses peines alternatives (art. 434-41 du code pénal) ou de TIG (art. 434-42 du code pénal).

Si la première solution a été suggérée par plusieurs intervenants au cours des auditions, elle présente toutefois l'inconvénient de rapprocher encore davantage la contrainte pénale du régime du SME.

Votre commission a donc opté pour la seconde solution et, par amendement de son rapporteur, a inséré dans le code pénal un nouvel article 434-43-1 sanctionnant de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de se soustraire volontairement aux obligations ou interdictions résultant d'une peine de contrainte pénale.

Dans un souci d'efficacité et de rapidité de la réponse pénale, elle a prévu que, dès lors que le condamné refuse sciemment de se conformer à ses obligations, le JAP transmettrait au procureur de la République toute information utile lui permettant d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites à l'encontre de l'intéressé, et que le jugement de ce délit entrerait dans les compétences du tribunal correctionnel statuant à juge unique .

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) - Exclusion de la contrainte pénale pour les mineurs

Le présent article tend à écarter la possibilité d'appliquer la contrainte pénale à des mineurs délinquants.

En l'état du droit, les mineurs délinquants, qui sont soumis en matière pénale à un droit spécifique, défini par l'ordonnance du 2 février 1945, ne peuvent se voir appliquer ni la peine d'interdiction du territoire français, ni les peines de jour-amende, d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale, d'interdiction de séjour, de fermeture d'établissement, d'exclusion des marchés publics et d'affichage ou de diffusion de la condamnation (article 20-4 de l'ordonnance du 2 février 1945).

Le présent article propose de compléter cette liste pour y ajouter la contrainte pénale.

Cette exclusion paraît justifiée par les caractéristiques du droit pénal des mineurs, qui offrent déjà de nombreuses solutions de suivi en milieu ouvert. Reposant sur l'exigence de connaissance de la personnalité du mineur et de sa situation sociale et familiale (article 5-1 de l'ordonnance du 2 février 1945), ce droit permet au juge des enfants ou à la juridiction pour mineurs de mettre en oeuvre l'ensemble des mesures éducatives, sanctions éducatives destinées à permettre « le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants » (Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002).

Un projet de refonte de l'ordonnance du 2 février 1945, actuellement entrepris par les services du ministère de la justice, sera l'occasion, le moment venu, de dresser un bilan de ce droit pénal des mineurs et, le cas échéant, d'envisager une éventuelle modification de la liste des sanctions susceptibles d'être infligées à un mineur délinquant.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .


* 84 Etude d'impact annexée au projet de loi, pages 66-67.

* 85 Rapport du jury de consensus remis au Premier ministre, 20 février 2013, page 12, §12.

* 86 « Penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale », rapport d'information n°652 déposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale et présenté par MM. Dominique Raimbourg et Sébastien Huygue, janvier 2013, pages 95-98.

* 87 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 103.

* 88 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 17.

* 89 Rapport n°1974 de M. Dominique Raimbourg, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, juin 2014, pages 240-242.

* 90 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 28.

* 91 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 27.

* 92 Statistiques trimestrielles de l'administration pénitentiaire.

* 93 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 83.

* 94 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 84.

* 95 Voir à ce sujet l'avis budgétaire de notre collègue Jean-René Lecerf sur les crédits alloués à l'administration pénitentiaire par la loi de finances pour 2014, pages 33-34 : http://www.senat.fr/rap/a13-162-12/a13-162-12.html.

* 96 Le compte rendu de l'audition est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140512/lois.html#toc7 .

* 97 La « règle européenne relative à la probation » n°66 prévoit ainsi : « Avant et pendant la mise en place du suivi d'un auteur d'infraction, ce dernier fait l'objet, le cas échéant, d'une appréciation qui analyse de façon systématique et approfondie sa situation particulière, y compris les risques, les facteurs positifs et les besoins, les interventions nécessaires pour répondre à ces besoins ainsi qu'une appréciation de la réceptivité de l'auteur d'infraction à ces interventions ».

* 98 Afin de respecter l'interdiction du travail forcé, posée par l'article 4 de la convention européenne des droits de l'homme, la peine de TIG ne peut être décidée qu'en présence et avec l'accord de l'intéressé (article 131-8 du code pénal).

* 99 L'article 744 du code de procédure pénale dispose que « si le condamné satisfait aux mesures de contrôle et d'aide et aux obligations particulières imposées en application de l'article 739 et si son reclassement paraît acquis, le juge de l'application des peines peut déclarer non avenue la condamnation prononcée à son encontre. Le juge de l'application des peines ne peut être saisi à cette fin ou se saisir d'office avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où la condamnation est devenue définitive ».

* 100 Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, il sera laissé à l'entière appréciation du président le soin de choisir le juge délégué, afin de permettre la meilleure application de cette procédure selon la taille et l'organisation des juridictions : « selon les cas, ce juge délégué pourra être un autre juge de l'application des peines, le juge des libertés et de la détention, voire le juge unique du tribunal correctionnel » (page 89).

* 101 Conseil d'Etat, rapport d'activité pour 2013, page 12.

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