CHAPITRE III BIS - DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL EN DÉTENTION

Article 14 bis (nouveau) (art. 33 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009) - Contenu de l'acte d'engagement

Adopté à l'initiative de Mme Esther Benbassa, le présent article modifie l'article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 afin de prévoir que l'acte d'engagement de travail signé par le chef d'établissement et la personne détenue doit « énoncer les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que la désignation du poste de travail, la durée du travail et les horaires applicables, ses conditions particulières de travail justifiées par la détention, le montant de sa rémunération et de ses différentes composantes . » Il s'agit ainsi d'effectuer un premier pas pour rapprocher cet acte d'engagement d'un véritable contrat de travail.

Votre commission a adopté l'article 14 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS VISANT À RENFORCER LES POUVOIRS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE EN CAS DE VIOLATION DE SES OBLIGATIONS PAR UNE PERSONNE SOUS MAIN DE JUSTICE

Article 15 (art. 63-6, 141-4, 141-5 [nouveau], 230-19, 706-53-19, 709-1[nouveau], 709-1-1 [nouveau] et 712-16-3, 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale ; art. 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Pouvoirs des forces de l'ordre pour contrôler les obligations du condamné ou de la personne sous contrôle judiciaire

L'article 15 du projet de loi renforce les pouvoirs des forces de police et de gendarmerie en leur permettant de mieux participer au suivi des obligations des personnes placées sous contrôle judiciaire, d'une part, et des personnes condamnées, d'autre part.

1. Le rôle actuellement limité des forces de l'ordre dans le contrôle des personnes placées sous main de justice

En l'état du droit, trois dispositions du code de procédure pénale précisent le rôle des forces de l'ordre dans le contrôle des personnes placées sous main de justice : les articles 712-16-3, 141-4 et 230-19.

En premier lieu, l'article 712-16-3 du code de procédure pénale, créé par la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, prévoit une procédure particulière pour la personne condamnée pour laquelle « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a manqué aux obligations qui lui incombent et spécialement à son interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignés. »

Dans ce cas, sur décision d'un officier de police judiciaire, la personne peut être retenue pour une durée n'excédant pas 24 heures. L'officier de police judiciaire informe immédiatement le juge d'application des peines ou le procureur de la République si le juge d'application des peines et le magistrat qui le remplace sont empêchés. L'officier de police judiciaire fait immédiatement part à la personne retenue de la nature de l'obligation qu'elle est soupçonnée d'avoir violée et l'informe qu'elle peut exercer les droits dont elle dispose en vertu des articles 63-2 à 63-4 du code de procédure pénale.

Ces droits sont ceux de la personne placée en garde à vue :

-  prévenir « une personne avec qui elle vit habituellement », ou l'un de ses parents en ligne directe, ou un de ses frères et soeurs, ou son curateur ou tuteur de la mesure dont elle fait l'objet, ainsi que son employeur, dans les trois heures suivant la demande, sauf circonstance insurmontable (art. 63-2) ;

-  se faire examiner par un médecin (art. 63-3) ;

-  demander d'être assisté par un avocat dès le début de la mesure (art. 63-3-1)  et droit pour l'avocat de s'entretenir confidentiellement avec son client, pour une durée de 30 minutes au plus (art. 63-4).

L'article 712-16-3 prévoit que l'article 64 du code de procédure pénale, imposant la tenue d'un procès-verbal, s'applique.

Enfin, comme l'article 712-16-3 le dispose, « à l'issue de la mesure, le juge de l'application des peines ou le magistrat du siège qui le remplace peut ordonner que la personne soit conduite devant lui, le cas échéant pour qu'il ordonne son incarcération provisoire. »

En second lieu, l'article 141-4 du code de procédure pénale prévoit un régime très proche de ce mécanisme, pour les personnes placées sous contrôle judiciaire .

Cet article a été institué par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants afin de protéger spécifiquement le conjoint et les enfants d'un conjoint ou d'un parent violent.

Il s'inspire directement de l'article 712-16-3 du code de procédure pénale précité, comme l'avait souligné notre collègue François Pillet, rapporteur de cette loi : « regrettant que les forces de police et de gendarmerie ne puissent pas, en l'état du droit, appréhender une personne qui violerait ses obligations sans cette intervention préalable du juge, les députés ont souhaité compléter le code de procédure pénale afin de permettre aux forces de l'ordre d'appréhender, d'office ou sur instruction du juge d'instruction, toute personne ne respectant pas les obligations résultant d'une mesure de contrôle judiciaire, et de la retenir dans un local de police ou de gendarmerie pour une durée de vingt-quatre heures au plus. Ces dispositions sont inspirées de l'article 712-16-3 du code de procédure pénale. »

L'article 141-4 du code de procédure pénale précise que les forces de sécurité peuvent d'office, ou sur instruction du juge d'instruction, appréhender toute personne sous contrôle judiciaire pour laquelle il existe des « raisons plausibles de soupçonner » qu'elle n'a pas respecté les obligations des 9° 109 ( * ) et 17° 110 ( * ) de l'article 138 du code de procédure pénale.

Selon la même procédure qu'à l'article 712-16-3 précité, sur décision d'un officier de police judiciaire, qui en informe le juge d'instruction, la personne peut être retenue pour une durée de 24 heures au plus afin de vérifier sa situation et être entendue sur la violation de ses obligations. L'officier de police judiciaire fait immédiatement part à la personne retenue de la nature de l'obligation qu'elle est soupçonnée d'avoir violée et l'informe qu'elle peut exercer les droits dont elle dispose en vertu des articles 63-2 à 63-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire les droits de la personne gardée à vue (voir supra .)

L'article 141-4 prévoit que l'article 64 du code de procédure pénale s'applique également et exclut que la personne retenue puisse faire l'objet « d'investigations corporelles internes au cours de sa rétention ».

À la fin de la mesure, le juge d'instruction peut ordonner que la personne soit conduite devant lui, le cas échéant pour saisir le juge des libertés et de la détention afin que la mesure de contrôle judiciaire soit révoquée .

Enfin, l'article 230-19 du code de procédure pénale prévoit que le fichier des personnes recherchées , consultables par les forces de sécurité, comporte un certain nombre de mentions, relatives notamment aux mesures judiciaires prononcées à l'égard d'une personne.

2. La consolidation par le projet de loi du rôle des forces de l'ordre dans le contrôle des personnes placées sous main de justice

L'article 15 du projet de loi procède à un renforcement du cadre juridique existant pour permettre aux forces de sécurité d'être mieux informées et de participer plus efficacement aux contrôles des obligations des personnes condamnées ou placées sous contrôle judiciaire, par trois séries de mesures.


L'extension cohérente du champ de la retenue pour les personnes placées sous contrôle judiciaire (art. 141-4)

Le mécanisme de l'article 141-4, applicable aux personnes placées sous contrôle judiciaire du code de procédure pénale est largement étendu : alors qu'il ne pouvait être mis en oeuvre qu'en cas de violation de deux obligations, l'article 15 rend applicable ce dispositif à la violation de cinq obligations supplémentaires de l'article 138 du code de procédure pénale :

-  ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (1°) ;

-  ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat (2°);

-  ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (3°) ;

-  s'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle (8°) ;

-  ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice (14°).

L'article 141-4 est complété pour préciser qu'il s'applique aussi aux personnes placées sous assignation à résidence avec surveillance électronique .

Lors de la création de l'article 141-4 du code de procédure pénale, votre commission avait été alors sensible à la réticence exprimée par un certain nombre de magistrats vis-à-vis de la transposition du mécanisme de l'article 712-16-3 du code de procédure pénale « aux personnes qui, soumises à un contrôle judiciaire, n'ont pas été condamnées et sont donc toujours présumées innocentes. ».

En conséquence, votre commission avait à l'époque étroitement encadré ce dispositif pour ne traiter en pratique que du seul cas des conjoints violents 111 ( * ) .

Toutefois, le présent article n'élargit pas le champ des infractions et ne procède qu'à une extension limitée et cohérente de la liste des obligations, dont la violation peut avoir des conséquences graves.


Une réécriture du dispositif de retenue pour les personnes condamnées (art. 712-16-3 devenu 709-1 112 ( * ) )

L'article 712-16-3 du code de procédure pénale, relatif aux personnes condamnées est quant à lui abrogé et remplacé par un article 709-1 nouveau du code de procédure pénale .

L'article 709-1 reprend globalement le mécanisme de l'article 712-16-3 du code de procédure pénale mais l'article créé présente une portée plus large : alors que l'article 712-16-3 prévoyait que le mécanisme ne pouvait jouer qu'à l'égard des personnes placées sous le contrôle du juge de l'application des peines, le nouveau mécanisme prévoit qu'il s'appliquera aussi aux personnes placées sous le contrôle du parquet, soit :

-  les personnes condamnées à titre principal à une peine alternative à l'emprisonnement 113 ( * ) (deuxième alinéa de l'article 131-9 du code pénal) ;

-  les personnes condamnées à titre principal à une peine complémentaire (deuxième alinéa de l'article 131-11 du code pénal).

Dans le cas où la juridiction a fixé elle-même la durée maximale d'emprisonnement ou le montant de l'amende que le juge d'application des peines pourra prononcer en cas de violation de l'interdiction, il n'existe pas de procédure permettant de faire respecter les interdictions prononcées à titre autonome par les juridictions de jugement, dont le parquet assure la mise en oeuvre.

L'article 709-1 introduit une différence par rapport à l'article 712-16-3 : comme à l'article 141-4 du code de procédure pénale, il n'est désormais plus possible que la personne placée en retenue fasse l'objet d'investigations corporelles internes au cours de sa rétention.


La création d'une procédure de visite domiciliaire en cas d'indices graves ou concordants qu'une personne sous main de justice détient des armes à son domicile et une extension des informations portées dans le fichier des personnes recherchées.

L'article 15 a aussi pour objet de créer une procédure de visite domiciliaire en cas d'« indices graves ou concordants » que des armes se trouvent au domicile d'une personne, en violation de cette interdiction. Cette visite est prévue au sein d'un article 141-5 pour les personnes placées sous contrôle judiciaire et au sein d'un article 709-1-2 pour une personne condamnée.

Enfin, l'article 230-19, est modifié pour faire mention au fichier des personnes recherchées d'éléments supplémentaires, comme la condamnation à une peine de contrainte pénale par exemple, ce qui la légitime, comme l'a souligné le professeur Jean Danet, lors de son audition par votre rapporteur.

3. Un article largement complété par les députés


Des précisions apportées aux dispositions du projet de loi

L'article 15 a fait l'objet de plusieurs modifications par les députés, dans le sens d'un renforcement du dispositif initialement proposé.

En premier lieu, la visite domiciliaire prévue en cas d'indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement au domicile d'une personne, condamnée ou sous main de justice, a été remplacée par une perquisition , au motif qu'elle offre « aux forces de l'ordre la possibilité de procéder à des fouilles plus poussées et plus efficaces que la simple visite domiciliaires. » 114 ( * )

En second lieu, la procédure applicable aux personnes condamnées prévues à l'article 709-1-1 115 ( * ) nouveau a été complétée par une mention selon laquelle la personne est informée de ce qui lui est reproché et de ses droits dans une langue qu'elle comprend. En outre, les droits applicables à la garde à vue sont expressément énumérés alors que le texte du projet de loi initial renvoyait aux articles 63-2 à 63-4 du code de procédure pénale.


La création d'un mécanisme de recours à la géolocalisation et à l'interception des correspondances à l'égard des personnes condamnées sortant de détention, soupçonnées de ne pas respecter une interdiction

Enfin, l'article 15 a été complété, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale par la réécriture de l'actuel article 709-2 116 ( * ) du code de procédure pénale, afin de permettre aux forces de police ou de gendarmerie, sur instruction du juge de l'application des peines, d'intercepter , d'enregistrer et de transcrire la correspondance et, ou, de géolocaliser en temps réel, à son insu et sans son consentement, une personne condamnée sortant de détention et à l'égard de laquelle il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu'elle n'a pas respecté l'une des interdictions suivantes :

-  entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime ou certaines catégories de personnes, notamment des mineurs ;

-  fréquenter certains condamnés notamment les auteurs ou les complices de l'infraction ;

-  paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignée.

4. La position de votre commission : une adoption de l'article 15 sous réserve de la suppression du dispositif relatif à la géolocalisation et à l'interception des correspondances de personnes condamnées sortant de détention

Votre rapporteur estime en premier lieu nécessaire d'opérer les précisions apportées à l'article 709-1 à l'article 141-4 du code de procédure pénale, par cohérence.

En second lieu, votre rapporteur s'interroge sur le mécanisme de géolocalisation et d'interception des communications de personnes sortant de détention, à l'égard desquelles il existerait « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu'elle n'a pas respecté une interdiction qui lui a été faite.

La finalité de ces dispositions n'est pas précisée. Il est difficile de savoir si l'utilisation de ces techniques vise à recueillir des éléments de preuves ou à localiser rapidement une personne pour éviter la commission d'une infraction.

En outre, comme l'a rappelé le président Jean-Pierre Sueur, dans son rapport sur le projet de loi relatif à la géolocalisation et sur la proposition de loi de notre collègue François Pillet et de plusieurs de ses collègues, visant à autoriser l'usage de la géolocalisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance 117 ( * ) , le cadre juridique applicable aux interceptions de communication comme celui de l'utilisation de la géolocalisation est particulièrement restrictif et s'inscrit aujourd'hui dans le seul cadre d'une enquête, comme en dispose l'article 230-32 du code de procédure pénale.

En l'occurrence, l'article a pour objet de permettre son utilisation en dehors de toute enquête .

Ce cadre juridique a été récemment révisé, pour prendre en compte des arrêts de la Cour de cassation, qui s'appuyaient sur une jurisprudence précise de la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans l'arrêt Uzun contre Allemagne du 2 septembre 2010 118 ( * ) , la Cour a vérifié que la géolocalisation ne portait pas atteinte à la vie privée en s'appuyant sur trois séries de considérations, rappelées par notre collègue Jean-Pierre Sueur dans son rapport précité : « selon la CEDH, (...), la géolocalisation n'est pas une technique contraire à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'elle est effectuée sur la base d'un texte , même insuffisamment précis, qu'elle est contrôlée par un juge à un stade ultérieur de la procédure et qu'elle intervient dans le cadre d'une enquête sur des faits graves. » 119 ( * )

Votre rapporteur observe que pour déclarer la mesure de géolocalisation conforme à la convention européenne des droits de l'homme, la Cour a souligné, d'une part, que la surveillance était justifiée par le fait que des « infractions très graves » pouvaient être commises ; surtout, la Cour a constaté que la mesure de géolocalisation n'avait pas été ordonnée « d'emblée » mais après l'échec d'autres moyens, notamment la surveillance visuelle auxquels la personne s'était soustraite avec succès. La Cour relève donc « qu'il est clair que les autres mesures d'investigation, qui étaient moins attentatoires à la vie privée du requérant que la surveillance de celui-ci par GPS, s'étaient révélées moins efficaces. » 120 ( * )

Votre rapporteur remarque que dans l'arrêt Uzun contre Allemagne précité, la CEDH a précisé que l'utilisation de la géolocalisation était une mesure moins grave en termes d'ingérence dans la vie privée que l'interception de conversations téléphoniques 121 ( * ) .

Ainsi, en créant une possibilité de recourir indifféremment à des interceptions de télécommunications ou à une géolocalisation d'une personne, en dehors de toute enquête la visant et sans que des mesures alternatives, moins attentatoires à la vie privée n'aient été tentées auparavant, pour des faits au demeurant assez imprécis et ne tenant en tout état de cause pas compte de la gravité des infractions précédemment commises, cette disposition pose, selon votre rapporteur, de très sérieuses difficultés.

A l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement réécrivant l'article 141-4 du code de procédure pénale afin de le rédiger dans les mêmes termes et avec les mêmes garanties que l'article 709-1 nouveau.

Elle a également adopté, à l'initiative conjointe de votre rapporteur, de Mme Catherine Tasca et de Mme Esther Benbassa, un amendement supprimant le dispositif relatif à la géolocalisation et aux interceptions de télécommunications .

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 15 bis (art. 41-1 du code de procédure pénale ; art. 7-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; art. 64-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; art. 23-3 de l'ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna) - Possibilité reconnue aux officiers de police judiciaire de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites de leur propre initiative

Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, M. Dominique Raimbourg, le présent article poursuit deux objectifs :

- d'une part, permettre aux agents de police judiciaire (APJ) de mettre en oeuvre, sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire (OPJ), des mesures alternatives aux poursuites ;

- d'autre part, permettre, dans certaines conditions, aux OPJ, au délégué ou au médiateur de la République de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites de leur propre initiative (sous réserve d'en informer le procureur de la République au moins une fois par an).

Libre juge de l'opportunité des poursuites, le procureur de la République a la possibilité, s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, de mettre en oeuvre une mesure alternative aux poursuites (article 41-1 du code de procédure pénale).

Ces mesures, qui sont exécutées directement par le procureur de la République ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République, peuvent prendre diverses modalités : rappel à la loi, orientation vers une structure de soins, réparation du dommage résultant de l'infraction, médiation pénale, etc.

Leur mise en oeuvre suspend la prescription de l'action publique ; en cas d'échec, le procureur de la République met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites.

Ces mesures alternatives constituent une part importante de l'activité des parquets (voir encadré).

Activité des parquets en 2009

Nombre d'affaires

En part des affaires « poursuivables »

Affaires « poursuivables » 122 ( * )

1 487 675

100 %

Nombre de procédures classées sans suite (recherches infructueuses, désistement du plaignant, victime désintéressée, préjudice ou trouble peu important, etc.)

182 552

12,3 %

Nombre de procédures alternatives aux poursuites

558 047

37,5 %

- médiations

23 451

1,5 %

- réparations mineurs

9 024

0,6 %

- injonctions thérapeutiques

4 380

0,3 %

- orientations vers structure sanitaire, sociale, professionnelle

16 414

1,1 %

- plaignant désintéressé, régularisations

101 205

6,8 %

- rappels à la loi, avertissements

273 783

16,2 %

- autres poursuites ou sanctions non pénales

129 790

8,7 %

Nombre de compositions pénales réussies

73 392

5 %

Nombre total d'affaires poursuivies

673 684

45,3 %

Source : Annuaire statistique de la justice, édition 2011-2012

Le présent article propose d'apporter deux modifications à ce dispositif :

- d'une part, le vise à permettre aux agents de police judiciaire , sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire, de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites ;

- d'autre part, le propose de permettre au procureur de la République, dans le cadre d'une convention conclue entre le ministère public, le directeur départemental de la sécurité publique et le commandant du groupement de gendarmerie du département, de confier à l'OPJ, au délégué ou au médiateur du procureur de la République, pour des faits de faible gravité compte tenu du contexte propre au ressort, l'initiative de la mise en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites - moyennant une information du procureur de la République sur les conditions de mise en oeuvre de ces mesures au moins une fois par an .

Les II et III du présent article constituent des mesures de coordination avec différents textes faisant référence à ces mesures.

Comme l'indique M. Dominique Raimbourg dans son rapport, « l'objectif poursuivi par le présent article est d'inviter localement les parquets, en fonction des circonstances propres à chaque ressort, à associer beaucoup plus étroitement qu'aujourd'hui les forces de l'ordre, en vue d'assurer une répression rapide et efficace des infractions de faible gravité » 123 ( * ) .

Si votre commission partage cet objectif d'association plus étroite des parquets et de la police judiciaire et d'une plus grande efficacité de la réponse judiciaire, elle considère néanmoins que les dispositions proposées par le présent article présentent plusieurs difficultés sérieuses qui pourraient être valablement contestées devant le Conseil constitutionnel.

En particulier, la possibilité de déléguer l'initiative de la mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites à l'OPJ, au médiateur ou au délégué du procureur soulève une difficulté sérieuse au regard du principe, réaffirmé dans la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique, selon lequel l'action publique est exercée par le ministère public (art. 31 du code de procédure pénale).

Par ailleurs, si la police judiciaire agit « sous la direction du procureur de la République » (art. 12 du code de procédure pénale), ses agents n'en sont pas moins placés sous l'autorité hiérarchique du ministère de l'intérieur 124 ( * ) : de ce point de vue, la compatibilité de cet article avec le principe de séparation des pouvoirs semble incertaine.

S'il est souhaitable que les politiques locales de sécurité et de prévention de la délinquance associent le plus grand nombre d'acteurs possibles au sein du territoire, en revanche, il ne paraît pas envisageable d'autoriser l'autorité judiciaire à se défaire de son entier pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites, y compris pour des faits de faible gravité. Le Conseil constitutionnel a jugé à cet égard qu'il découle de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée « sous la direction et sous le contrôle » de l'autorité judiciaire - ce qui paraît exclure la possibilité d'une telle délégation de pouvoir.

Au demeurant, comme l'ont observé les représentantes de l'Union syndicale des magistrats, une telle délégation soulèverait, au regard du coût de certaines de ces mesures (comme la médiation pénale) une question relative à la gestion des frais de justice.

S'agissant par ailleurs de la possibilité, prévue au 1° du I du présent article, de permettre à des APJ de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites, l'article 20 du code de procédure pénale leur donne déjà pour mission « de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire ». Si le législateur leur a donné compétence pour exercer certains actes de police judiciaire, sous la responsabilité de l'OPJ (constater les infractions pénales et en dresser procès-verbal, informer la personne en garde à vue de ses droits, exécuter une opération de surveillance, etc.), votre commission estime que la mise en oeuvre d'une mesure alternative aux poursuites requiert une certaine solennité qui justifie que cette compétence continue à relever exclusivement de l'officier de police judiciaire, du délégué ou du médiateur du procureur de la République.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté deux amendements identiques de son rapporteur et de Mme Esther Benbassa tendant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 15 bis .

Article 15 ter (art. 41-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Octroi à l'officier de police judiciaire d'un pouvoir de transaction pénale

Le présent article, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, M. Dominique Raimbourg, propose d'octroyer aux officiers de police judiciaire un pouvoir de transaction pénale.

La transaction pénale peut se définir comme « un accord entre une personne susceptible de faire l'objet de poursuites et une autorité légalement investie du droit d'engager celles-ci, aux termes duquel l'acceptation et la réalisation des mesures proposées par la seconde à la première éteint l'action publique » 125 ( * ) . Elle suppose « l'accord libre et non équivoque, avec l'assistance éventuelle d'un avocat, de l'auteur des faits » (Conseil constitutionnel, décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006). Sauf exception, elle implique l'accord préalable du procureur de la République.

En l'état du droit, un certain nombre d'administration, les maires, le Défenseur des droits et les services publics de transport terrestre se sont vus reconnaître le droit de transiger. Il en va ainsi en matière de douanes et de contributions indirectes, dans le domaine de la concurrence et de la consommation, pour un nombre important d'infractions en matière de liquidations, ventes au déballage, soldes et autres ventes en magasins d'usine, de publicité à destination du consommateur, de respect des règles relatives à la facturation ou aux délais de paiement, de pratiques commerciales trompeuses, de règles relatives à l'information des consommateurs et à la formation des contrats ou encore de conformité et sécurité des produits et des services. Le code forestier, le code de l'environnement, le code des transports et le code rural et de la pêche maritime accordent également aux administrations compétentes le droit de transiger sur la poursuite de certaines infractions pénales.

L'intérêt de cette procédure de transaction pénale, qui permet d'assurer une répression rapide et efficace de certaines infractions, a été fréquemment souligné, ce qui a conduit les commissions présidées par M. Serge Guinchard en 2008 126 ( * ) , d'une part, et par M. Jean-Louis Nadal en 2013 127 ( * ) , d'autre part, à préconiser son développement.

S'inscrivant dans la suite de ces préconisations, le présent article propose d'octroyer à l'officier de police judiciaire, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le pouvoir de transiger avec les personnes physiques ou morales sur la poursuite des infractions suivantes :

- ensemble des contraventions prévues par le code pénal, à l'exception de celles qui font l'objet d'une amende forfaitaire ;

- ensemble des délits prévus par le code pénal et punis uniquement d'une peine d'amende ;

- ensemble des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'emprisonnement d'un an maximum - à l'exception (bien légitime) du délit d'outrage ;

- délit de vol simple, dès lors que la valeur de la chose volée est inférieure à un seuil fixé par décret ;

- enfin, délit d'usage de stupéfiants.

La transaction proposée par l'OPJ et acceptée par l'auteur de l'infraction devrait être homologuée par le procureur de la République.

La proposition de transaction serait déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges.

Elle fixerait le montant de l'amende transactionnelle due par l'auteur de l'infraction, qui ne pourrait excéder en tout état de cause le tiers du montant de l'amende encourue, les éventuelles obligations imposées à l'auteur de l'infraction pour faire cesser celle-ci, éviter son renouvellement ou réparer le dommage ainsi que les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution des obligations.

L'acte par lequel le procureur de la République donne son accord à la proposition de transaction interromprait le délai de prescription. Celle-ci serait éteinte dès lors que l'auteur de l'infraction a exécuté, dans les délais impartis, l'intégralité de ses obligations. En revanche, en cas de non-exécution de celles-ci, le procureur de la République, sauf élément nouveau, serait tenu de mettre en oeuvre une composition pénale ou d'engager des poursuites.

Un décret en Conseil d'Etat préciserait les modalités d'application de ces dispositions.

Si votre commission a, à plusieurs reprises, approuvé l'extension du mécanisme de transaction pénale à des matières techniques où celui-ci paraissait de nature à accroître l'efficacité de l'action des pouvoirs publics 128 ( * ) , elle considère en revanche que les dispositions proposées par le présent article pourraient soulever plusieurs difficultés.

Placée « sous la direction du procureur de la République » (article 12 du code de procédure pénale), dotée de prérogatives de puissance publique étendues, la police judiciaire est en effet chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte ». Lorsqu'une information est ouverte, « elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions » (article 14 du code de procédure pénale). Ces missions s'opposent à la possibilité de lui octroyer un pouvoir de transaction, dès lors que son rôle consiste à rendre compte des infractions à la loi pénale à l'autorité judicaire et à se conformer à ses directives.

A cet égard, contrairement à ce que semble indiquer le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale 129 ( * ) , les rapports précités des commissions présidées respectivement par M. Serge Guinchard et Jean-Louis Nadal ne préconisent pas l'octroi aux officiers de police judiciaire d'un pouvoir de transaction pénale. Leurs propositions portent uniquement sur l'extension de ce dispositif à des matières techniques, comme l'urbanisme ou le droit fiscal 130 ( * ) .

Au demeurant, en matière de droit pénal général, le développement des mesures alternatives aux poursuites (article 41-1 du code de procédure pénale) et de la composition pénale (article 41-2 du code de procédure pénale) permet déjà largement d'apporter une réponse rapide et proportionnée à des faits de délinquance de faible gravité.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté deux amendements identiques de son rapporteur et de Mme Esther Benbassa tendant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 15 ter .

Article 15 quater (articles L. 132-5, L. 132-10-1 [nouveau], L. 132-12-1, L. 132-13 du code de la sécurité intérieure) - Possibilité de constitution d'un groupe de travail sur l'exécution des peines au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance - Consécration des conseils départementaux de prévention de la délinquance pour élaborer les grandes orientations de la politique d'exécution des peines et de prévention de la récidive

L'article 15 quater a été adopté à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi par la commission.

- La possibilité de créer un groupe de travail relatif à l'exécution des peines par les Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD)

En premier lieu, l'article 15 quater prévoit que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) et le futur conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance à Paris, peuvent constituer un groupe de travail sur l'exécution des peines , « en vue de prévenir la récidive ».

Le décret du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance a créé les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), lesquels peuvent être institués au niveau de la commune ou de l'intercommunalité 131 ( * ) . Ils sont présidés par le maire ou par le président de l'intercommunalité - ou le maire d'une des communes membres - lorsque le conseil est créé au niveau intercommunal. Ils sont composés des différents acteurs compétents en matière de prévention de la délinquance. Le préfet et le procureur de la République sont membres de droit de ces instances.

Ces conseils ont surtout une fonction de coordination des moyens pour lutter contre l'insécurité.

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a consacré le maire comme acteur central de la politique de prévention de la délinquance, dans son article 1 er , et a rendu obligatoire la création d'un CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comportant une zone urbaine sensible.

Les CLSPD, les CISPD et le conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance à Paris peuvent constituer « un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématiques ».

L'action de ces instances doit être compatible avec le plan de prévention de la délinquance , défini à l'article D. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui fixe les priorités de l'État en matière de prévention de la délinquance : ce plan décline les orientations nationales définies en matière de prévention de la délinquance, définies par le comité interministériel de prévention de la délinquance.

Le plan est arrêté par le préfet, après consultation du procureur de la République et du conseil départemental de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (CDP).

Ce conseil a été institué par le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives. Il « concourt à la mise en oeuvre, dans le département, des politiques publiques dans ces domaines [prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes]. »

En matière de prévention de la délinquance, ce conseil a notamment pour mission de « [faire] toutes propositions utiles aux institutions et organismes publics et privés du département intéressés par la prévention de la délinquance » (2°) ou de « susciter et encourager les initiatives en matière de prévention et d'aide aux victimes ainsi que la mise en oeuvre des travaux d'intérêt général dans le département » (8°).

- La reconnaissance du CDP comme acteur central dans le département pour assurer l'exécution des peines et la prévention de la récidive

En second lieu, l'article donne une base législative au CDP et renouvelle ses missions : il aurait désormais pour objet de participer « à l'élaboration et à la mise en oeuvre, dans le département, des grandes orientations de la politique d'exécution des peines et de prévention de la récidive ».

L'article L. 132-10-1 nouveau préciserait ainsi que ce conseil élabore un plan stratégique départemental d'exécution des peines et de prévention de la récidive et fait toutes propositions utiles aux institutions et organismes publics et privées concernés par l'exécution des peines et la prévention de la récidive. Il aurait aussi pour objet d'encourager les actions favorisant l'exécution des peines et la prévention de la récidive.

Enfin, au sein de chaque conseil départemental, et au sein de chaque zone de sécurité prioritaire quand elle existe, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle du partenariat auraient un rôle d'animation et de coordination des services de l'État, des collectivités territoriales ou des personnes publiques et privées pour mener des actions visant à favoriser l'exécution des peines et la prévention de la récidive.

Parmi leurs nombreuses prérogatives ces entités pourraient désigner des personnes sortant de détention devant faire l'objet « d'un contrôle soutenu » en milieu ouvert ; elles se verraient alors transmettre le bulletin n° 1 du casier judiciaire de ces personnes ainsi que la copie de leurs expertises et pourraient échanger en leur sein toutes informations utiles au suivi de ces personnes.

Les députés ont enfin renforcé, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, les conseils départementaux de prévention de la délinquance en en faisant des conseils départementaux de sécurité et de prévention de la délinquance, auxquels seraient désormais rattachés les comités départementaux de sécurité.


La position de votre commission : laisser l'initiative à l'autorité judiciaire en matière d'exécution de peines et de prévention de la récidive

En premier lieu, votre rapporteur constate que la possibilité de créer un groupe de travail dédié à la prévention de la délinquance, aussi bien au sein d'un CLSPD que d'un CISPD, existe déjà, en vertu de la formulation très générale des articles L. 132-5, L. 132-12-1 (conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance) et L. 132-13 (relatif aux CISPD) du code de la sécurité intérieure.

Il est assez contestable de créer en tant que tels des groupes de travail sur l'exécution des peines en vue de prévenir la récidive en raison des risques d'empiètements sur l'action de l'autorité judiciaire. Il semble préférable de lui laisser l'initiative et de prévoir qu'elle peut, le cas échéant, solliciter un groupe de travail thématique du CLSPD ou du CISPD sur la question de l'exécution des peines.

Votre rapporteur constate par ailleurs que la cellule de coordination opérationnelle du partenariat de la ZSP et l'état-major de sécurité du conseil départemental se verraient reconnaitre un statut législatif, alors que le conseil départemental est de nature réglementaire et que les ZSP ont été créées par une circulaire 132 ( * ) : l'insertion dans la loi d'organes de structures régies par des dispositions réglementaires ou infra-réglementaire risque de rendre l'organisation de ces structures très rigide.

En réalité, l'attribution de prérogatives très larges à ces structures nécessite de le prévoir par la loi : en effet, aux termes des dispositions adoptés par les députés, le bulletin n° 1 du casier judiciaire , dont la communication est en principe réservée aux seuls magistrats, pourrait être désormais communiqué à ces structures.

Votre rapporteur s'étonne de l'octroi d'aussi larges prérogatives à des structures administratives, dont la conformité avec le principe de séparation des pouvoirs semble incertaine. En outre, il s'inquiète des risques de diffusion d'informations confidentielles.

La plupart des personnes entendues par votre rapporteur ont fait part de leur ferme opposition à cette dernière mesure.

Ainsi, lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants de l'Association nationale des juges de l'application des peines ont fait part de leur opposition totale aux dispositions permettant de rendre accessibles aux services des forces de sécurité nationales le bulletin n° 1 et plus largement d'accorder à des instances administratives la possibilité de déterminer quels délinquants devront faire l'objet d'un suivi renforcé.

L'Union syndicale des magistrats a également fait part de son opposition à ces dispositions, y voyant « un empiètement sur les prérogatives de l'autorité judiciaire en termes d'exécution des décisions individuelles » et s'inquiétant des risques de diffusion d'informations relatives aux situations des condamnés.

À l'initiative conjointe de votre rapporteur et de Mme Catherine Tasca, votre commission a adopté un amendement tendant, d'une part, à réécrire la première partie de cet article afin que les groupes de travail traitent des questions de la récidive et d'exécution des peines à la demande de l'autorité judiciaire et, d'autre part, à supprimer les dispositions relatives au conseil départemental, en raison de leur nature réglementaire, ainsi que les dispositions relatives aux zones de sécurité prioritaires, en raison des difficultés précédemment évoquées.

La commission a adopté l'article 15 quater ainsi modifié .

Article 15 quinquies (article L. 132-16 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) - Assistance facultative des députés et sénateurs aux CLSPD ou aux CISPD constitués dans la circonscription électorale dans laquelle ils ont été élus

L'article 15 quinquies du projet de loi a été adopté à l'initiative du rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en commission du projet de loi.

Il a pour objet de créer un article L. 132-6 nouveau dans le code de la sécurité intérieure, afin de permettre aux députés et aux sénateurs d'assister aux réunions des CLSPD et des CISPD créés dans le ressort électoral dans lequel ils ont été élus. L'article prévoit que ces instances peuvent consulter les députés ou les sénateurs « sur toute question concernant la prévention de la délinquance ».

L'intervention des députés et des sénateurs serait limitée aux cas où l'instance solliciterait leur avis. Ils ne pourraient pas intervenir d'office dans les débats.

Cette mesure permettra aux députés et aux sénateurs de pouvoir disposer d'éléments sur la question de la prévention de la délinquance dans leur département, même si l'effectivité de leur présence dans ces instances risque d'être variable.

Dès lors, la formulation de l'article qui prévoit que les députés et les sénateurs « sont régulièrement informés par le président du CLSPD ou du CISPD (...) de la tenue et de l'objet des réunions de ces instances » apparaît trop rigide. Il convient plutôt de prévoir que cette information peut se faire à la demande éventuelle du député ou du sénateur.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 15 quinquies ainsi modifié .

Article 15 sexies (article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance) - Conditions d'éligibilité au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)

L'article 15 sexies du projet de loi a été adopté à l'initiative du rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en commission du projet de loi.

Il a pour objet d'élargir les conditions d'éligibilité des projets au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

L'article 5 de la loi du 5 mars 2007 a créé un fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Ce fonds est « destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance définis à l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales et dans le cadre de la contractualisation mise en oeuvre entre l'État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville définie au dernier alinéa de l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles. »

Ce fonds est alimenté par :

- la part des crédits délégués par l'État à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE) ;

- un montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation.

Outre le financement des opérations de vidéosurveillance, l'article 5 de la loi du 5 mars 2007 dispose que « les actions conduites par l'État, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les départements, les régions ainsi que les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ne sont éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance que s'ils proposent des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées ».

Afin d'élargir la portée relativement limitée du dispositif, les députés ont souhaité en outre rendre éligibles au financement du fonds « les actions d'insertion ou de réinsertion ainsi que les actions de prévention de la récidive destinées aux personnes placées sous main de justice ».

Votre commission estime que cette mesure est bienvenue, en permettant d'accroître les actions pouvant être soutenues par le FIPD.

Votre commission a adopté l'article 15 sexies sans modification .


* 109 Art. 138 9° du code pénal : « S'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit. »

* 110 Art. 138 17°du code pénal : « En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 17° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »

* 111 « Votre commission observe pour sa part que l'intervention des forces de police et de gendarmerie, préalablement à celle du juge, peut se justifier en cas d'urgence, par exemple lorsqu'un conjoint violent se soustrait à l'interdiction qui lui a été notifiée de paraître au domicile familial afin d'attenter à la sécurité de son ancienne compagne et de ses enfants. » Cf. Rapport n° 564 (2009-2010) de M. François Pillet fait au nom de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes, p. 41. Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l09-564/l09-564.html .

* 112 Devenu 709-1-1 après l'examen du texte par les députés.

* 113 L'art. 131-9 du code pénal précise que ce peut être un stage de citoyenneté, les peines privatives ou restrictives de liberté prononcées en lieu et place d'une peine d'emprisonnement, un travail d'intérêt général (voir supra - commentaire de l'article 8).

* 114 Cf. Rapport n°1974 de M. Dominique Raimbourg, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, juin 2014, pages 339.

* 115 L'article 709-1 du projet de loi initial a été renuméroté en 709-1-1.

* 116 L'article 709-2 actuel, relatif au rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines établi par le procureur de la République est intégralement réécrit au sein d'un article 709-3 nouveau.

* 117 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl13-257.html .

* 118 Arrêt Uzun c. Allemagne du 2 septembre 2010, requête n° 35623/05. Cet arrêt est consultable à l'adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-100344#{%22itemid%22:[%22001-100344%22]} .

* 119 Cf. Rapport n°284 (2013-2014) de M. Jean-Pierre Sueur fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à la géolocalisation et sur la proposition de loi de M. François Pillet et plusieurs de ses collègues, visant à autoriser l'usage de la géolocalisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance, p. 16. Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl13-257.html .

* 120 Cf. Arrêt Uzun c. Allemagne du 2 septembre 2010, requête n° 35623/05, paragraphe n° 78.

* 121 Cf. Arrêt Uzun c. Allemagne précité, paragraphe n° 66.

* 122 Sont dites « poursuivables » les affaires élucidées, dans lesquelles un ou plusieurs auteurs sont identifiés, et pour lesquels aucun motif juridique (décès de l'auteur, irresponsabilité pénale, etc.) ne s'oppose aux poursuites.

* 123 Rapport précité, page 343.

* 124 Ce qui a notamment conduit la commission de modernisation de l'action publique présidée par M. Jean-Louis Nadal à constater en novembre 2013 « que les priorités d'action des services d'enquête leur étaient trop souvent assignées par le ministère de l'intérieur, sans qu'il soit tenu compte de la politique pénale mise en oeuvre par le procureur de la République dans le ressort de sa juridiction » : http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_JLNadal_refonder_ministere_public.pdf , page 70.

* 125 « Traité de procédure pénale », Frédéric Desportes, Laurence Lazerges-Cousquer, Economica, 2 ème édition, §1051.

* 126 « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée », rapport de la commission présidée par M. Serge Guinchard, juillet 2008 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000392/ .

* 127 Rapport précité.

* 128 Voir par exemple les dispositions qu'elle a approuvées dans le cadre de l'examen de la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 129 Rapport précité, pages 344 à 347.

* 130 Voir le rapport précité de la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal, pages 56-57.

* 131 Ce sont alors des CISPD.

* 132 Circulaire NOR INTK 1229197 J du 30 juillet 2012 du ministre de l'intérieur.

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