B. L'ÉVOLUTION DU SOLDE PUBLIC EN 2014

L'ajustement structurel qui vient d'être évoqué contribue pleinement à la trajectoire d'amélioration des soldes effectif et structurel engagée par le Gouvernement depuis 2012. Ainsi que le fait apparaître le tableau figurant à l'article liminaire du présent projet de loi de finances rectificative 29 ( * ) (cf. tableau ci-après), il est prévu que le solde effectif s'élève à - 3,8 % du PIB en 2014 et le solde structurel à - 2,3 % du PIB . À ce stade, il convient de rappeler que le solde structurel - notion qui est précisée infra - constitue dorénavant la principale référence de la politique budgétaire de la France , et ce depuis la transposition du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Tableau n° 10 : Tableau de synthèse de l'article liminaire
du projet de loi de finances rectificative pour 2014

(en points de PIB)

Prévision d'exécution 2014

Solde structurel (1)

- 2,3

Solde conjoncturel (2)

- 1,5

Mesures exceptionnelles (3)

-

Solde effectif (1+2+3)

- 3,8

Source : article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2014

1. Un solde effectif de - 3,8 % du PIB, amélioré par rapport à 2013

Si le tableau présentant une comparaison des prévisions de soldes avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 (cf. supra ) montre, pour 2014, un écart de - 1,6 point de PIB entre la prévision de solde effectif (- 3,8 % du PIB) et la programmation (- 2,2 % du PIB) , il n'en demeure pas moins que le solde effectif serait substantiellement amélioré au cours de l'année 2014. En effet, celui-ci se resserrerait de près de 0,5 point de PIB par rapport à 2013 où il s'élevait, conformément aux constatations du projet de loi de règlement, à - 4,3 % du PIB.

L'écart ainsi constaté résulte d' un solde conjoncturel plus dégradé de - 0,5 point de PIB (- 1,5 % du PIB) que la prévision de la LPFP (- 1,0 % du PIB), imputable à une reprise de l'activité moins rapide qu'anticipé 30 ( * ) et d' un solde structurel inférieur de 1,2 point de PIB à l'objectif . Ce point est étudié plus en détail infra , dans l'analyse de l'évolution du solde structurel. Enfin, la révision des mesures ponctuelles et temporaires explique le reliquat de 0,1 point de PIB, le coût des contentieux fiscaux ayant été revu à la baisse, notamment en raison du décalage de la chronique du contentieux du précompte et du contentieux dit « organisme de placement collectif en valeurs mobilières » (OPCVM) 31 ( * ) .

En outre, il convient de noter que la prévision de solde effectif est plus dégradée de 0,2 point de PIB que celle retenue dans le cadre de la loi de finances pour 2014 (- 3,6 % du PIB). Ceci s'explique entièrement par un effet de base négatif pour - 0,2 point de PIB sur l'exercice 2013 ; aussi la variation du solde effectif pour l'année 2014 n'est-elle pas révisée entre le projet de loi de finances et le présent projet de loi de finances rectificative .

S'agissant du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), celui-ci a estimé, dans son avis du 5 juin 2014, qu'« une croissance inférieure à celle prévue par le Gouvernement se traduirait par un déficit effectif plus important » ; aussi y a-t-il lieu d'étudier les éventuelles incidences de la conjoncture économique sur l'évolution du solde public. Pour ce faire, trois scénarii ont été établis sur la base de la publication du Consensus Forecast du mois de juin 2014, en reprenant :

- pour le scénario optimiste , la prévision de l'organisme qui retient l'hypothèse de croissance la plus élevée en 2014, soit + 1,2 % pour une inflation de + 0,8 % ;

- pour le scénario moyen , la prévision moyenne du Consensus Forecast , soit une progression du PIB de 0,8 % et une inflation de + 0,8 % ;

- pour le scénario pessimiste , la prévision de l'organisme retenant l'hypothèse de croissance la moins élevée, soit + 0,6 % pour une inflation de + 0,8 %.

Le tableau ci-après fait apparaître qu'en cas de réalisation du scénario optimiste , le solde public serait plus favorable que la prévision du Gouvernement de 0,1 point de PIB. À l'inverse, dans le cadre du scénario moyen , le solde serait de - 3,9 % du PIB (- 0,1 point de PIB) et atteindrait même - 4,0 % du PIB (- 0,2 point de PIB) dans celui du scénario pessimiste , ce qui aurait pour conséquence d'abaisser d'autant la prévision de solde public pour 2015, compromettant le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB à cette date - à hypothèses macroéconomiques et budgétaires inchangées par rapport au programme de stabilité 2014-2017 32 ( * ) .

Tableau n° 11 : Sensibilité du solde effectif en 2014 à la conjoncture

PIB

Prix à la consommation

Solde public

(en % du PIB)

Scénario du Gouvernement

+ 1,0 %

+ 1,2 %

- 3,8

Scénario optimiste

+ 1,2 %

+ 0,8 %

- 3,7

Scénario moyen

+ 0,8 %

+ 0,8 %

- 3,9

Scénario pessimiste

+ 0,6 %

+ 0,8 %

- 4,0

Note de lecture : les calculs du présent tableau sont réalisés sur la base du PIB estimé en base 2010, mais établi sur la base des principes du SEC 95, qui trouvaient à s'appliquer lors de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017.

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, le Haut Conseil a identifié des « risques d'aggravation du solde structurel », qui sont examinés infra . Ils auraient, s'ils se réalisaient, une incidence sur le solde effectif.

2. La réduction de l'écart à la trajectoire de solde structurel

Le solde structurel en 2014 (- 2,3 % du PIB) présenterait un écart de - 1,2 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017. Ainsi, l'effort structurel de 0,8 point de PIB prévu au titre de l'exercice 2014 - auquel contribue le présent projet de loi (cf. supra ) - permettrait de réduire l'écart de solde structurel à la trajectoire pluriannuelle, qui s'élevait à - 1,5 point de PIB en 2013 .

Par suite, le Gouvernement engage la correction de l'« écart important » identifié par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013, à l'origine du déclenchement du mécanisme de correction budgétaire ; ce dernier, dont nous allons préciser les modalités de mise en oeuvre, doit garantir le respect de la trajectoire de solde structurel, qui est devenu la principale référence de la politique budgétaire de la France.

a) Solde structurel et trajectoire pluriannuelle des finances publiques

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), entré en vigueur le 1 er janvier 2013, a établi une règle d'équilibre budgétaire définie en termes de solde structurel . Cette évolution est intervenue en raison des limites inhérentes à un pilotage des finances publiques sur la seule base du solde effectif : la poursuite d'une trajectoire fondée sur le seul solde effectif peut, en effet, contraindre les États à procéder à des ajustements massifs de leurs finances publiques afin, notamment, de corriger la dégradation du solde imputable à la conjoncture, ce qui a un effet pro-cyclique et peut réduire plus encore la croissance économique.

Aussi, en dépit du maintien de la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif, les évolutions récentes du cadre budgétaire européen ont fait du solde structurel la principale référence des politiques budgétaires . En vertu du pacte de stabilité et de croissance (PSC) modifié par le « six-pack », dit « renforcé », un État faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE) ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements de solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne. De même, le volet préventif s'appuie sur une trajectoire de solde structurel.

Le choix de faire reposer le pilotage budgétaire sur le solde structurel doit permettre de mieux concilier consolidation budgétaire et croissance économique . Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires 33 ( * ) . En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel 34 ( * ) . Par conséquent, en ce qu'elle écarte les effets de la conjoncture, une cible budgétaire définie en termes de solde structurel évite qu'une dégradation de la situation économique n'appelle un ajustement des finances publiques aux conséquences pro-cycliques.

En tout état de cause, en application du TSCG, les États doivent se doter d'un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel - qui ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB - et, à cette fin, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel, appelée « trajectoire d'ajustement ».

Par suite, le TSCG impose aux États signataires - qui sont au nombre de vingt-cinq 35 ( * ) - d'instituer un mécanisme de correction ayant vocation à se déclencher automatiquement si des « écarts importants » 36 ( * ) sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme (OMT) ou à la trajectoire d'ajustement.

Le traité a été transposé dans le droit français par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Celle-ci prévoit que l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, de même que la trajectoire d'ajustement, sont définis dans une loi de programmation des finances publiques (LPFP) ; en outre, elle précise les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de correction budgétaire .

b) Le mécanisme de correction budgétaire

En application de l'article 23 de la loi organique précitée, il est prévu que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel .

Ainsi, le mécanisme de correction est déclenché lorsque le Haut Conseil identifie - dans un avis rendu public qui tient compte, au besoin, de l'existence de circonstances exceptionnelles - un écart important entre l'exécution et la trajectoire de solde structurelle précitée. L'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques précise qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

Dès lors que, dans son avis sur le projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a identifié des écarts importants entre les résultats de l'exécution de l'année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel, le Gouvernement est dans l'obligation d'exposer les raisons de ces écarts lors de l'examen du projet de loi de règlement par le Parlement .

En outre, conformément à l'article 5 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017, le Gouvernement doit proposer des mesures de correction dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques 37 ( * ) , présenté au Parlement préalablement au débat d'orientation des finances publiques (DOFP).

Par ailleurs, le Gouvernement doit tenir compte des écarts importants identifiés « au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l'année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année ». Aussi, au projet de loi de finances de l'année suivant le déclenchement du mécanisme de correction, est annexé un rapport analysant « les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l'ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques ». L'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques précise que, « le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant dans l'ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques ».

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) livre une appréciation des mesures de correction proposées dans son avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale de l'année.

L'article 5 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) précité précise que les mesures de correction - présentées par le Gouvernement dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) - doivent permettre « de retourner à la trajectoire de solde structurel [...] dans un délai de deux ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle les écarts ont été constatés ». Ceci signifie qu'un écart important constaté au titre de l'année n au cours de l'année n+1 se doit d'être corrigé avant la fin de l'année n+3 38 ( * ) .

L'estimation du solde structurel des administrations publiques

Le présent encadré vise à présenter brièvement les modalités selon lesquelles est calculée l'estimation du solde structurel , dont il a été rappelé qu'il constituait dorénavant la principale référence en matière de programmation des finances publiques. Les développements qui suivent reprennent, notamment, les principaux éléments figurant dans le document de travail publié par la direction générale du Trésor publié en décembre 2009 portant sur le solde structurel 39 ( * ) .

Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires . Ainsi, deux composantes du solde public effectif peuvent être identifiées : le solde conjoncturel , qui correspond à la part des fluctuations du solde public qui peut être expliquée par des facteurs conjoncturels ou temporaires, et le solde structurel , soit le solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel.

L'identification du solde conjoncturel et du solde structurel implique, par conséquent, l'estimation du PIB potentiel , qui représente le niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme. Si l'évaluation du PIB potentiel fait l'objet de nombreux travaux, en particulier des organisations internationales, il convient de souligner que la trajectoire pluriannuelle de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 a été construite sur la base d' hypothèses relatives au niveau du PIB potentiel et à la croissance potentielle (cf. tableau ci-après) qui doivent être retenues - pour la période de programmation - dans le calcul du solde structurel.

Le PIB potentiel permet de calculer l' écart de production (ou output gap ), qui correspond à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, exprimée en points de PIB potentiel.

Le solde structurel correspond à l'écart entre les recettes structurelles et les dépenses structurelles. Aussi est-il nécessaire de corriger les recettes et dépenses effectives des effets de la conjoncture, et ce à partir des élasticités des différentes recettes et dépenses à l'écart de production (cf. tableau ci-après). Il convient de souligner que, s'agissant des recettes, tous les prélèvements obligatoires (PO) sont supposés sensibles à la conjoncture, à la différence des autres recettes ; pour ce qui est de dépenses, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont considérées comme étant de nature conjoncturelle.

Les élasticités reprises dans le tableau précédent reposent sur une estimation économétrique réalisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant du début des années 2000 40 ( * )
- à l'exception de l'élasticité des cotisations de sécurité sociale (CSS), estimée par la direction générale du Trésor ; une nouvelle évaluation de ces élasticités par l'OCDE est actuellement en cours.

Enfin, pour ce qui est des mesures ponctuelles et temporaires, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 précise qu'elles sont exclues du solde structurel, « conformément à la méthodologie européenne » ; celles-ci correspondent, selon la Commission européenne, aux mesures qui affectent temporairement le solde public , y compris celles qui consistent en une modification pérenne de la législation. Pour autant, la définition de cette notion reste sujette à discussion, conduisant le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), à plusieurs reprises, à inviter le Gouvernement à préciser cette dernière. Les mesures ponctuelles et temporaires correspondent, pour une large part, aux dépenses résultant des contentieux fiscaux.

Une méthode simplifiée de calcul du solde conjoncturel consiste à considérer qu'en pratique ce dernier est proche de la moitié de l'écart de production pour la France . Ceci s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, en France, près de la moitié du PIB et que l'élasticité des prélèvements obligatoires est de l'ordre de 1.

À titre d'exemple, pour 2014, le solde public effectif est estimé à - 3,8 % du PIB et l'écart de production à - 2,9 points de PIB potentiel. En l'absence de mesures ponctuelles et temporaires, le solde structurel correspond à la différence entre le solde public effectif et le solde conjoncturel et s'élève ainsi à - 2,3 % du PIB :

Solde structurel = solde effectif - solde conjoncturel = - 3,8 % - (- 2,9 % / 2) = - 2,3 %

c) Les causes de l'écart à la trajectoire de solde structurel

Il convient de noter que l'écart de solde structurel à la trajectoire pluriannuelle définie par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 - de - 1,2 point de PIB - cesse de se creuser en 2014 et engage même un repli . Il en ressort, par conséquent, que cet écart est intégralement imputable aux écarts apparus dans le passé, soit au cours des années 2012 et 2013.

Graphique n° 12 : Trajectoires de solde structurel

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents mentionnés)

L'écart s'élevait à - 1,5 point de PIB en 2013. Ce dernier résultait, tout d'abord, du moindre dynamisme des recettes, et ce à hauteur de 0,5 point de PIB ; en effet, l'élasticité des prélèvements obligatoires 41 ( * ) a été inférieure à la prévision, soit de 0,2, contre une anticipation de 1 dans le cadre de la loi de programmation. À cela est venu s'ajouter le rendement plus faible qu'attendu des mesures nouvelles en recettes en 2013, pour 0,15 point de PIB . De même, l'effort structurel en dépenses a été plus faible de 0,3 point de PIB que la prévision en raison de la révision de l'inflation à la baisse.

Le reste de l'écart, soit 0,6 point de PIB, s'explique par les révisions apportées aux résultats des exercices antérieurs . Ce point, de première importance, mérite quelques approfondissements.

Avant toute chose, il convient de rappeler que, comme l'indique l'encadré supra , l'identification du solde structurel et du solde conjoncturel dépend étroitement de l'écart de production - qui correspond à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel 42 ( * ) . Par suite, toute amélioration de l'écart de production - ce qui, concrètement, signifie que le PIB s'approche de son potentiel - conduit mécaniquement, à solde effectif constant, à améliorer le solde conjoncturel et à dégrader le solde structurel .

Or, le PIB effectif peut être révisé par l'Insee, au moment de la publication des comptes nationaux annuels, sur les trois dernières années. C'est précisément ce qu'il s'est passé concernant les années 2011 à 2013 pour lesquelles le PIB a fait l'objet de réévaluations successives à la hausse. Aussi, à hypothèses de PIB potentiel et de croissance potentielle inchangées, l'écart de production pour ces années s'en est-il trouvé amélioré .

Tableau n° 13 : Évolution de l'estimation de l'écart de production entre le projet de loi de finances pour 2014 et le projet de loi de finances rectificative

2011

2012

2013

Croissance potentielle (LPFP)

1,1

1,3

1,4

Projet de loi de finances pour 2014

Croissance du PIB

2,0

0,0

0,1

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 0,4

- 1,6

- 2,9

Réalisé* (à partir des données de l'Insee de mai 2014)

Croissance du PIB

2,1

0,3

0,3

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 0,3

- 1,3

- 2,4

* L'utilisation du terme « réalisé » pour désigner les données les plus récentes n'exclue aucunement une possible révision du PIB pour les années 2012 et 2013 à l'avenir.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le Gouvernement)

Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, la révision à la hausse des prévisions de croissance pour 2011, 2012 et 2013, conséquente à la publication des comptes annuels par l'Insee en mai 2014, par rapport à celles retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 a eu pour effet une nette réduction de l'écart de production pour ces années . À titre d'exemple, la réévaluation de la progression du PIB en 2013 de 0,0 % à + 0,3% a abouti à améliorer l'écart de production de - 1,6 % du PIB potentiel à - 1,3 % du PIB potentiel.

Dès lors que le calcul du solde conjoncturel et du solde structurel résulte de l'estimation de l'écart de production, l'amélioration de l'écart de production pour les années 2011 à 2013, découlant de la réévaluation du PIB effectif pour ces dernières, a eu pour conséquence une amélioration du solde conjoncturel et une dégradation du solde structurel .

Au total, il apparaît que les révisions à la hausse du PIB effectif pour les années 2011 à 2013, ajoutées à la rectification du niveau du solde effectif, expliquent une part importante de l'écart du solde structurel à la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017. Ceci signifie que le point de départ de la trajectoire - soit le solde structurel de l'année 2012 - se situait, en réalité, à un niveau plus dégradé que celui estimé lors du vote de la loi de programmation (- 3,6%) 43 ( * ) ; aussi, l'effort structurel total à consentir pour atteindre l'équilibre structurel - qui constitue l'objectif à moyen terme (OMT) retenu par la France - est-il plus important que ce qui était prévu initialement .

Par suite, la réévaluation du PIB effectif appelait-elle une révision à la hausse du niveau de PIB potentiel et, par voie de conséquence, du solde structurel ? Il ne fait aucun doute que l'estimation du PIB potentiel, de même que de la croissance potentielle, constitue un exercice d'une difficulté toute particulière, donnant lieu à d'importants débats parmi les économistes. En outre, des divergences d'évaluation existent entre le Gouvernement, la Commission européenne et les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les hypothèses de PIB potentiel et de croissance potentielle seront étudiées avec attention lors de l'examen du prochain projet de loi de programmation des finances publiques à l'automne prochain ; en effet, celui-ci proposera des hypothèses révisées de PIB potentiel et de croissance potentielle.

En tout état de cause, la réévaluation « en cours de route » de l'estimation du PIB potentiel n'est aucunement souhaitable et n'est conforme ni à la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ni au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

En effet, la définition d'un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel et d'une trajectoire d'ajustement a pour principal finalité d' éviter le « syndrome de la cible mouvante » ; or, pour que ce principe soit effectif, il est nécessaire qu'il y ait une permanence dans les méthodes et les hypothèses fondamentales utilisées pour le calcul du solde structurel. C'est ce qui a justifié la définition d'une trajectoire de PIB potentiel dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 et que la loi organique précitée impose au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) - à la suite d'une modification apportée par le Sénat, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet - de retenir « la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé [à la loi de programmation] ».

Certes, la révision à la hausse du PIB effectif tout en maintenant inchangée l'hypothèse de PIB potentiel a conduit décaler fortement la trajectoire de solde structurel par rapport aux orientations fixées par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 ; pour autant, la prochaine loi de programmation des finances publiques sera l'occasion d'ajuster, conformément au cadre budgétaire qui a été mis en place, la trajectoire de solde structurel de même que l'estimation du PIB potentiel sur laquelle se prononcera le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) en application de l'article 13 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 44 ( * ) .

d) Les appréciations du Haut Conseil des finances publiques

Dans son avis du 5 juin 2014 relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a relevé que « tout en reposant désormais sur des hypothèses de finances publiques plus réalistes qu'au stade du projet de loi de finances, le déficit structurel pour 2014 risque néanmoins d'être supérieur à la prévision de 2,3 % du PIB ». Les risques d'aggravation du solde structurel identifiés concernent :

- « l'évolution à législation constante des recettes des impôts sur le revenu et sur les sociétés, qui paraît encore surestimée » ;

- « les prélèvements sociaux, qui pourraient pâtir d'une croissance moins dynamique de la masse salariale » ;

- « les dépenses de personnel des collectivités locales et de prestations sociales versées par elles, dont le ralentissement est loin d'être acquis ».

Le Haut Conseil a également noté que, « par rapport à la loi de programmation, l'ajustement supplémentaire prévu par le Gouvernement dans le collectif (0,2 point de PIB) corrige peu l'écart à la trajectoire inscrite dans cette loi (1,5 point de PIB en 2013) » et « que l'amélioration du solde structurel prévue dans le collectif (0,8 point de PIB) est inférieure à celle qui était prévue dans le projet de loi de finances initiale (0,9 point de PIB) » ; pour autant, cette situation se justifie par les circonstances conjoncturelles et par le fait que la reprise de la croissance en 2014 demeure fragile.

Enfin, il convient de rappeler que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013, a formulé des observations sur la trajectoire pluriannuelle du Gouvernement, qui a été réactualisée dans le programme de stabilité pour les années 2014 à 2017 45 ( * ) . À ce titre, le président du Haut Conseil Didier Migaud a noté, lors de son audition par la commission des finances, que « cette nouvelle trajectoire ne répond[ait] pas aux dispositions de l'article 5 de la loi de programmation, aux termes de laquelle les mesures de correction doivent assurer un retour à la trajectoire de solde structurel dans un délai de deux ans » 46 ( * ) ; en application de l'article 5 susmentionné, en effet, l'« écart important » identifié au titre de l'exercice 2013 devrait être corrigé en 2016, comme l'illustre le graphique précédent, qui retrace les trajectoires de solde structurel.

Néanmoins, la trajectoire proposée dans le cadre du programme de stabilité ne permettrait pas de répondre à cette exigence, celle-ci devant conduire à un solde structurel plus dégradé que la trajectoire de 0,8 point de PIB en 2016 - à supposer que l'écart supplémentaire de 0,2 point de PIB constaté entre le programme de stabilité et le présent projet de loi finances rectificative soit résorbé d'ici là. Par ailleurs, cette trajectoire reporte d'une année, soit à 2017, l'atteinte de l'objectif à moyen (OMT), soit l'équilibre structurel, à ¼ de point de PIB près .

Quoi qu'il en soit, la question de l'écart à la trajectoire de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 devient quelque peu théorique dès lors qu' un nouveau projet de loi de programmation sera présenté au Parlement à l'automne prochain .


* 29 Conformément à l'article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale doivent, à l'instar des lois de finances de l'année, comprendre un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elles portent, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre ».

* 30 Alors que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 prévoyait une croissance du PIB de 0,8 % en 2013, la croissance constatée n'a été que de 0,4 %, selon les données les plus récentes publiées par l'Insee ; de même, alors que la prévision d'évolution du PIB était de + 2,0 % pour 2014 dans le cadre de la programmation, les hypothèses macroéconomiques du présent projet de loi tablent sur une croissance de 1,0 %.

* 31 Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017, le coût des contentieux fiscaux était estimé à 1,8 milliard d'euros au titre de l'année 2014 ; celui-ci serait, finalement, plus faible de 1,4 milliard d'euros.

* 32 Cf. rapport d'information n° 483 (2013-2014) sur le projet de programme de stabilité fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 33 La méthode de calcul du solde structurel est précisée dans l'encadré infra .

* 34 Le PIB potentiel correspond au niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme.

* 35 Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a été signé par l'ensemble des États membres de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni, de la République tchèque et de la Croatie - cette dernière ayant intégré l'Union le 30 juin 2013.

* 36 Le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaire ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques précise qu'un écart est important si celui-ci « représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 37 La présentation, chaque année, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, d'un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques par le Gouvernement, est prévue par l'article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Ce rapport a vocation à préparer l'examen et le vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement.

* 38 Cf. rapport n° 96 (2012-2013) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 39 Thibault Guyon et Stéphane Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », Documents de travail de la DGTPE , n° 2009/13, décembre 2009.

* 40 Nathalie Girouard et Christophe André, « Measuring Cyclically-Adjusted Budget Balances for OECD Countries », OECD Economics Department Working Papers No. 434 , juillet 2005.

* 41 L'élasticité des prélèvements obligatoires correspond au rapport entre la croissance des prélèvements à législation de l'année n-1 et la croissance du PIB de l'année n. Par conséquent, une élasticité égale à l'unité signifie qu'une hausse de 2,5 % du PIB en valeur s'accompagnera d'une augmentation spontanée - soit hors mesures nouvelles - des recettes fiscales de 2,5 %. Aussi, si l'élasticité est inférieure à l'unité, les recettes progressent spontanément moins vite que le PIB en valeur.

* 42 D'ailleurs, une méthode simplifiée de calcul du solde conjoncturel consiste à considérer qu'en pratique ce dernier est proche de la moitié de l'écart de production pour la France.

* 43 Selon les calculs de votre rapporteur général, le solde structurel s'élevait en 2012, au regard des données récemment publiées par l'Insee, à - 4,2 % du PIB environ, pour un solde public de - 4,9 % du PIB et un solde conjoncturel de - 0,7 % du PIB.

* 44 L'article 13 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose que le « Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l'estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques ».

* 45 Cf. rapport d'information n° 483 (2013-2014) sur le projet de programme de stabilité fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 46 Cf. audition de Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, le 3 juin 2014 par la commission des finances du Sénat.

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