Rapport n° 9 (2014-2015) de MM. Jean-Jacques HYEST et Alain RICHARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 octobre 2014

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N° 9

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 octobre 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ,

Par MM. Jean-Jacques HYEST et Alain RICHARD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Anziani, Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Christophe Béchu, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François Bonhomme, François-Noël Buffet, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Mathieu Darnaud, Michel Delebarre, Mme Jacky Deromedi, MM. Félix Desplan, Yves Détraigne, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Christophe-André Frassa, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mlle Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2110 , 2173 et T.A. 406

Sénat :

807 (2013-2014) et 10 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le jeudi 9 octobre 2014 sous la présidence de M. Philippe Bas, la commission des lois a adopté, sur le rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et Alain Richard, le projet de loi n° 807 (2013-2014) relatif à la lutte contre le terrorisme .

La commission a adopté 47 amendements (46 de la commission et 1 du Gouvernement)

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a tout d'abord conforté les mesures conférant à l'administration de nouvelles prérogatives afin de prévenir les actes de terrorisme.

Elle a ainsi prévu que la personne faisant l'objet d'une interdiction de sortie du territoire (article 1 er )serait invitée à présenter ses observations à l'administration dans un délai de huit jours et non de quinze jours comme le prévoyait le texte du projet de loi. En outre, les décisions de renouvellement de la mesure devront être motivées. Enfin, la non-restitution à l'administration du passeport et de la carte d'identité, par la personne interdite de sortie du territoire, constituera un délit puni de deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende.

Concernant les délits d'apologie et de provocation au terrorisme (article 4), la commission des lois a modifié de manière substantielle le projet de loi. En effet, afin de ne pas extraire de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse l'ensemble de ces délits, elle a adopté un amendement de ses rapporteurs afin de n'incriminer ces faits au sein du code pénal que lorsqu'ils sont commis par la voie d'internet. Elle a, en effet, estimé que ce moyen de communication présentait des caractéristiques objectives nécessitant l'usage de moyens d'enquête plus performants, alors que le régime spécial de la loi de 1881 devait continuer à s'appliquer à la commission des mêmes infractions sur les supports de presse traditionnels.

La commission des lois a approuvé la création du nouveau délit d'entreprise individuelle terroriste (article 5) tout en définissant de manière plus précise ses éléments constitutifs.

Elle a, par ailleurs, approuvé les dispositions relatives au blocage des sites internet (article 9) et a amélioré la rédaction du dispositif de contrôle par une personnalité qualifiée désignée par la CNIL. Parallèlement, elle a porté à quarante-huit heures le délai laissé aux hébergeurs ou aux éditeurs pour retirer les contenus litigieux, avant le déclenchement du blocage administratif.

Enfin, à l'article 15, elle a limité les cas dans lesquels le délai de conservation des interceptions de sécurité pourra être porté de dix à trente jours, afin de permettre à l'administration de surmonter des difficultés techniques sans porter une atteinte excessive au secret des correspondances.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission est saisie, en première lecture, du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2014 et transmis au Sénat le 18 septembre 2014.

Le dépôt de ce projet de loi s'inscrit dans une action menée par le Gouvernement en deux volets pour lutter contre le terrorisme.

En premier lieu, le plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes a été présenté le 23 avril 2014 en conseil des ministres. Il comprend notamment des mesures de prévention destinées à repérer et empêcher certaines personnes de se rendre sur les théâtres d'opérations de groupe terroristes, en particulier en Syrie.

En second lieu, le présent projet de loi comprend une série de dispositions visant à adapter l'action des pouvoirs publics - services de la lutte anti-terroriste et autorité judiciaire - aux nouvelles formes prises par le terrorisme. Il s'agit notamment de prévenir et de sanctionner les départs à l'étranger ayant pour but de participer à des activités terroristes, de pouvoir réprimer pénalement la préparation d'actes terroristes par des individus isolés, de doter l'autorité administrative de nouveaux instruments pour entraver l'apologie et la provocation au terrorisme, en particulier sur des sites internet et sur des réseaux sociaux, de mettre à niveau les moyens des services enquêteurs en matière de nouvelles technologies.

Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont entendu de nombreuses personnes engagées dans la lutte anti-terroriste, fonctionnaires de police ou magistrats, ainsi que des spécialistes de la question. Ces auditions leur ont permis de faire le point sur l'efficacité de notre dispositif administratif et pénal de lutte contre le terrorisme, moins de deux ans après l'adoption de la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, et les ont convaincus de la nécessité d'apporter certaines modifications à ce dispositif.

Ces modifications sont d'ailleurs d'ampleur limitée tant notre législation, dont les deux pivots sont, d'un point de vue procédural, la compétence concurrente de la juridiction de Paris et, sur le fond, l'incrimination d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, est construite sur des bases solides.

Après les améliorations apportées par l'Assemblée nationale, votre commission a toutefois effectué des modifications supplémentaires afin de renforcer un dispositif qui, d'une part, confère à l'autorité administrative des prérogatives proportionnées au danger que fait courir le terrorisme à la sécurité publique, d'autre part, permet la répression judiciaire en respectant les principes de légalité et de nécessité des peines.

I. UNE MENACE TERRORISTE QUI PREND DE NOUVELLES FORMES

La France dispose d'une législation anti-terroriste progressivement élaborée depuis une trentaine d'années et qui a fait la preuve de son efficacité (A). Toutefois, les évolutions récentes - et en grande partie inédites - de la menace terroriste conduisent le Gouvernement à proposer un nouvel ajustement de cette législation (B).

A. UNE LÉGISLATION ANTI-TERRORISTE PROGRESSIVEMENT MISE EN PLACE DEPUIS 1986 EN RÉACTION AUX ACTES TERRORISTES PERPÉTRÉS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

La prise en compte spécifique par le législateur des faits de terrorisme a débuté par le vote de la loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État . Adoptée à la suite d'une série d'attentats intervenus en 1985 et 1986 à Paris, cette loi définissait l'intention terroriste comme « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Cette intention devait s'ajouter à certains crimes et délits déjà prévus par le code pénal pour constituer les infractions terroristes.

La même loi prévoyait, parallèlement aux règles de compétence de droit commun des juridictions locales, la compétence concurrente nationale des juridictions pénales parisiennes en matière de terrorisme avec des magistrats spécialisés (juges d'instruction, tribunal correctionnel, cour d'assises et cour d'appel), la possibilité de prolonger la garde à vue de 48 heures et d'effectuer des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction sans l'assentiment de la personne chez laquelle elles ont lieu. Par la suite, le nouveau code pénal a repris dans son article 421-1 le principe d'une série d'infractions de droit commun (atteintes aux personnes, aux biens, blanchiment, etc.) qui deviennent terroristes dès lors que l'intention terroriste leur est associée.

S'y sont ensuite ajoutées des infractions terroristes définies de manière autonome : l'acte dit de « terrorisme écologique » prévu par l'article 421-2 ainsi que le délit de financement d'une entreprise terroriste prévu par l'article 421-2-2. Surtout, faisant suite aux attentats terroristes commis sur le sol français pendant l'été 1995, la loi du 22 juillet 1996 1 ( * ) a instauré la répression de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste , considérée en elle-même comme un acte de terrorisme 2 ( * ) . Cette infraction est largement utilisée dans la mesure où elle permet à l'autorité judiciaire de connaître de la préparation des actes terroristes , avant même, par conséquent, que de tels actes soient commis.

Les règles procédurales en matière de terrorisme ont également évolué. Outre la centralisation dans les juridictions parisiennes déjà citée, qui constitue la dimension la plus importante de cette spécificité procédurale, la durée de la garde à vue en matière d'infractions terroristes a été portée à 144 heures (soit six jours) par la loi du 23 janvier 2006 3 ( * ) , tandis que l'intervention de l'avocat peut être reportée à la 72 ème heure en vertu de la loi du 14 avril 2011 4 ( * ) . En outre, la prescription de l'action publique est de vingt ans pour les délits et de trente ans pour les crimes, au lieu de trois et dix ans dans le droit commun. Enfin, la cour d'assises est composée uniquement de magistrats professionnels.

La loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme 5 ( * ) a complété ce dispositif en permettant la poursuite des délits 6 ( * ) terroristes commis à l'étranger par des Français même en l'absence de réciprocité d'incrimination, de dépôt d'une plainte ou de dénonciation préalable par les autorités de l'État où les faits ont été commis, seule demeurant la condition de nationalité française du mis en cause.

Enfin, rappelons que la lutte contre le terrorisme dispose également de moyens juridiques communs à l'ensemble de la criminalité organisée : opérations de surveillance et d'infiltration, mesures conservatoires permettant au juge des libertés et de la détention d'ordonner le gel des avoirs de la personne suspecte, écoutes téléphoniques au cours de l'enquête et opérations de sonorisation au cours de l'instruction, captation des données informatiques.

Outre les infractions spécifiques et les règles de procédure pénale, le législateur a également conféré aux services d'enquête chargés de la lutte contre le terrorisme et de la prévention des actes terroristes des prérogatives particulières . Ainsi, la loi du 23 janvier 2006 précitée a ouvert à ces services, pour une période de trois ans, un accès à des données techniques relatives aux communications téléphoniques et électroniques ainsi qu'aux principaux fichiers administratifs. Elle leur a également permis d'effectuer des contrôles d'identité dans les trains circulant entre la France et les pays limitrophes. Ces dispositions ont été prorogées par la loi n° 2008-1245 du 1 er décembre 2008 jusqu'au 31 décembre 2012 puis par la loi du 21 décembre 2012 précitée 7 ( * ) jusqu'au 31 décembre 2015.

B. UNE MENACE INÉDITE APPELANT UNE NOUVELLE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR

Dans son rapport sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme 8 ( * ) , notre collègue M. Jacques Mézard estimait que : « le dispositif juridique français de lutte contre le terrorisme est efficace et couvre la grande majorité des situations rencontrées. La compétence spécialisée de la juridiction parisienne, la création de l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, l'allongement de la prescription des crimes et délits de terrorisme, l'extension des prérogatives des services de police et de gendarmerie compétents dans ce domaine : les dispositions législatives adoptées entre 1986 et 2011 permettent aux pouvoirs publics et aux tribunaux de réprimer le terrorisme et de prévenir les attentats, sans que la France ait pour autant instauré une justice d'exception ».

Pourtant, dix-huit mois après la promulgation de cette loi, une évolution inédite de la menace terroriste a amené le Gouvernement à présenter un nouveau texte. Cette évolution revêt un double aspect : d'une part, les départs de plusieurs centaines de Français vers des zones de combat, essentiellement en Syrie, d'autre part, le développement intensif de la propagande terroriste sur le réseau internet, qui contribue de manière décisive à ces départs.

Il convient par ailleurs de rappeler que le présent projet de loi vient en complément du plan de lutte contre les filières djihadistes, présenté le 23 avril 2014 en conseil des ministres par le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve. Ce plan comporte une série de mesures destinées à limiter les départs vers la Syrie, au premier rang desquelles la création d'une plateforme internet et d'un numéro vert permettant aux familles de signaler un proche présentant des risques de rupture ou de radicalisation ainsi que la mise en place d'un dispositif expérimental de réinsertion individualisée destiné à resocialiser les jeunes radicalisés.

1. Le départ de ressortissants ou de résidents français sur les théâtres d'opérations de groupes terroristes

Si les principaux éléments de la construction législative rappelée ci-dessus entendaient répondre à une série d'attentats terroristes qui ont frappé soit notre pays, soit d'autres démocraties au cours des trois dernières décennies, le présent projet de loi vise une nouvelle menace liée aux événements qui se déroulent depuis 2011 en Syrie. En effet, si le phénomène des jeunes Français ou ressortissants français se rendant dans des pays en guerre pour participer aux combats n'est pas nouveau - ce fut par exemple le cas en Afghanistan ou en Irak -, il a pris une ampleur tout à fait inédite au cours des derniers mois avec le départ de centaines de jeunes, hommes et femmes, en Syrie, pour rallier des groupes de combattants dont la plupart sont des groupes terroristes : principalement le soi-disant « État islamique » et dans une moindre mesure le Jabhat al nusra, affilié à Al Quaïda, ainsi que d'autres groupes moins importants en nombre et en force.

Or, certaines de ces personnes reviennent en France ou dans d'autres pays européens avec l'intention de commettre des actes terroristes. Ainsi Mehdi Nemmouche, qui a combattu dans les rangs de l' « État islamique », a commis l'attentat de Bruxelles du 24 mai 2014, tandis que d'autres combattants revenus de Syrie et interceptés par les services français entendaient préparer un attentat sur notre sol.

Le caractère dangereux de ces personnes de retour sur notre territoire est également lié à l'entrainement militaire de niveau professionnel qu'ils reçoivent en Syrie, notamment au sein de l'organisation de l' « État islamique », phénomène qui ne peut se comparer qu'avec la situation en Bosnie lors de la guerre de Yougoslavie. Il est également à craindre que ces jeunes, dont beaucoup de spécialistes s'accordent à reconnaître la fréquente fragilité psychologique, reviennent sur notre territoire avec des pathologies mentales lourdes liées aux événements traumatiques vécus sur les théâtres d'opérations en Syrie.

Les éléments statistiques fournis par l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), entendue par vos rapporteurs, permettent d'actualiser les données fournies par l'étude d'impact sur le nombre de personnes concernées.

Ainsi, à la date du 11 septembre 2014, 351 Français ou résidents en France étaient présents au sein des organisations islamistes sur le territoire syrien, dont 63 femmes. Sur ce nombre, 275 sont identifiés par l'administration. Par ailleurs, 171 Français ou résidents étaient en transit vers ce pays, 184 en étaient repartis. Parmi ces derniers, 120 sont revenus en France après un séjour en Syrie, pour des raisons très diverses, dont certains avec l'intention de commettre des attentats sur le sol français. Enfin, 36 sont morts en Syrie dans les combats et 2 sont détenus par le régime syrien.

Parmi ces personnes, environ les deux tiers sont de nationalité Française pour un tiers d'étrangers résidant en France.

En ce qui concerne les organisations terroristes rejointes par ces personnes en Syrie, il s'agit actuellement, au premier chef, de l' « État islamique », l'organisation terroriste Jabhat al-Nusra étant actuellement moins attractive. Selon les services de la lutte anti-terroriste, quasiment aucun de ces combattants ne rejoint l'armée syrienne libre.

De nombreuses mesures judiciaires et administratives ont déjà été mises en oeuvre à l'encontre de ces personnes.

Au plan judiciaire, 72 dossiers sont en cours d'instruction, visant 356 individus. 114 individus ont été arrêtés, 78 mis en examen et 53 écroués.

Au plan administratif, 489 individus ont été inscrits au fichier des personnes recherchées (FPR) après avoir fait l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement de passeport et 10 demandes de retrait de passeport ont été transmises à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, qui en a validé 3. Enfin, la DGSI et la direction du renseignement territorial ont mené 291 entretiens administratifs préventifs, dont très peu ont permis de dissuader une personne de partir, ce qui montre la force de l'endoctrinement idéologique, réalisé en grande partie via internet.

2. L'utilisation intensive d'internet comme moyen de propagande et de recrutement

Les responsables des services chargés de la lutte anti-terroriste ont unanimement souligné, lors de leur audition par vos rapporteurs, la très bonne maîtrise d'internet par les groupes terroristes et le rôle important joué par cet outil dans l'endoctrinement et le recrutement des « djihadistes » qui se rendent en Syrie.

En effet, des messages, des textes et des vidéos sont diffusés sur internet mettant en scène des actes terroristes ou des victimes de la guerre civile syrienne soit sur des sites spécialisés, soit sur les grands réseaux sociaux (Twitter, Facebook). Par ailleurs, d'autres sites, en plus petit nombre, permettent de motiver et de recruter des personnes susceptibles de partir ensuite pour se rendre sur des théâtres d'opérations. En outre, ces sites peuvent fournir des conseils pratiques tels que la manière de fabriquer un engin explosif à partir de matières en vente libre, des méthodes de cryptage des données ou encore des conseils de comportement pour ne pas être repéré au sein de sa famille ou par les autorités.

En 2013, 122 sites ont fait l'objet d'un signalement à l'autorité administrative pour apologie du terrorisme.

Selon les responsables des services, il existe ainsi, indépendamment de tout contact réel avec des personnes tenant un discours incitant au terrorisme, des cas d'« autoradicalisation » par internet en un temps très réduit (quelques semaines), ce qui les rend d'autant plus difficile à repérer. Il faut ainsi noter que, sur les 380 personnes signalées à ce jour à la plate-forme mise en place dans le cadre du plan anti-terroriste présenté en mars 2014 (parmi lesquelles 24 % de mineurs et 44 % de femmes), beaucoup n'étaient pas connues auparavant des services chargés de la lutte anti-terroriste.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

A. CONFIER À L'ADMINISTRATION DES POUVOIRS LUI PERMETTANT DE CONTRER LES NOUVELLES FORMES DE TERRORISME

Le projet de loi comporte une série de dispositions devant permettre à l'administration d'agir en urgence pour prévenir des dérives pouvant mener à des actes terroristes.

Ainsi, l 'article 1 er vise directement à contrer le phénomène des départs de jeunes Français en Syrie. Il tend en effet à permettre au ministre de l'intérieur de prononcer une interdiction de sortie de territoire à l'encontre d'un ressortissant français, dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de croire qu'il projette des déplacements à l'étranger afin de participer à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, ou afin de se rendre sur un théâtre d'opérations de groupement terroristes dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. La personne faisant l'objet d'une interdiction de quitter le territoire se verrait en outre confisquer son passeport.

La violation de cette interdiction de sortie constituerait une infraction punie d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Enfin, l'article 1 er prévoit que lorsqu'un transporteur aérien, dans le cadre des obligations qui lui sont fixés par le code de la sécurité intérieure, transmet à l'administration une liste de passagers parmi lesquels figure une personne faisant l'objet d'une interdiction de sortie, l'administration lui notifie une décision d'interdiction de transport de cette personne.

Par ailleurs, l' article 2 du projet de loi permet à l'autorité administrative qui a prononcé l'assignation à résidence d'un étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou à l'encontre d'un étranger à l'égard duquel un arrêté d'expulsion a été prononcé en raison d'un « comportement lié à des activités à caractère terroriste », de prononcer également une interdiction d'être en relation avec certaines personnes nommément désignées. Les articles 16 et 17 du projet de loi prévoient l'application de l'article 2 pour certains territoires outre-mer.

Enfin, l 'article 9 vise à lutter contre l'usage d'intérêt par les groupes terroristes à des fins d'endoctrinement. Il prévoit d'abord que l'apologie et la provocation au terrorisme sur internet rejoindront l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale, la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, la pornographie enfantine, l'incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences faites aux femmes, ainsi que les atteintes à la dignité humaine, au sein de l'ensemble des infractions graves pour lesquelles les hébergeurs et les fournisseurs d'accès à internet ont une obligation de vigilance particulière. En outre, comme c'est déjà le cas pour la pédopornographie depuis la loi du 11 mars 2011 (LOPPSI), l'administration pourra exiger des fournisseurs d'accès le blocage des sites dont les contenus relèvent d'apologie du terrorisme ou de la provocation au terrorisme . Un magistrat sera chargé de contrôler la régularité des décisions de blocage.

B. INSTAURER DE NOUVELLES INFRACTIONS OU RENFORCER LES INFRACTIONS EXISTANTES EN MATIÈRE DE TERRORISME

Parallèlement aux mesures administratives qu'il instaure, le projet de loi entend renforcer le traitement judiciaire du terrorisme.

Ainsi, l' article 3 du projet de loi a pour objet d'inclure les infractions relatives aux produits explosifs (articles 322-6-1 et 322-11-1 du code pénal) dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification terroriste dès lors qu'elles sont accomplies avec cette intention.

L' article 4 du projet de loi transfère les délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse vers le code pénal. Ce transfert, effectué au motif que ces actes ne constituent plus essentiellement un abus de la liberté d'expression mais plutôt, en particulier sur internet, un maillon dans la chaîne des activités des groupes terroristes, permettrait de les poursuivre en dehors du régime procédural contraignant, car protecteur de la liberté d'expression, de la loi du 29 juillet 1881. En outre, dès lors que l'incrimination de l'apologie et la provocation au terrorisme seraient insérées au sein du chapitre du code pénal consacré aux infractions terroristes, elles pourraient faire l'objet des techniques spéciales d'enquête prévues par le code de procédure pénale ainsi que de la compétence nationale concurrente de la juridiction de Paris en matière de terrorisme.

Par ailleurs, le phénomène croissant de l'autoradicalisation et de la préparation d'attentats par des personnes isolées a amené le Gouvernement à proposer la création d'une infraction d'entreprise individuelle de terrorisme (article 5) , qui se rangerait aux côtés de l'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, actuellement largement utilisée par les juges d'instruction mais qui ne semble plus suffisante, pour resserrer les mailles du filet judiciaire autour des personnes préparant la commission d'actes terroristes.

Bien qu'il existe déjà en droit pénal des infractions qui visent, non pas la tentative d'accomplir un acte dommageable - c'est-à-dire le commencement d'exécution - mais, en amont de cette tentative, la préparation d'un tel acte (ainsi les menaces, le complot, le port d'armes ou encore, précisément, l'association de malfaiteurs), il convient toujours de définir le plus précisément possible ces infractions afin de ne pas incriminer la simple intention criminelle. C'est pourquoi l'article 5 du projet de loi définit la nouvelle infraction par trois éléments complémentaires qui doivent être articulés : premièrement, le fait, comme pour les autres infractions terroristes, d'être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » ; deuxièmement le fait de « rechercher de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui » , en vue de préparer, troisièmement, la commission des actes de terrorisme les plus graves déjà définis par le 1°de l'article 421-1 du code pénal 9 ( * ) , par le 2° du même article 10 ( * ) lorsqu'il s'agit d'actes visant les personnes ou par l'article 421-2 du même code 11 ( * ) .

L' article 6 concerne le régime procédural applicable pour les deux nouvelles infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme créées par l'article 4. Il prévoit ainsi, d'une part, que le juge des référés pourra ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne lorsqu'il sert de support pour ces deux infractions, d'autre part, que la garde à vue de 4 jours, les perquisitions nocturnes et la prescription de 20 ans ne pourront pas, à la différence des autres techniques spéciales d'enquête, s'appliquer en la matière.

L' article 12 crée une circonstance aggravante en cas de commission d'un délit d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD) en bande organisée. Cet article a aussi pour objet de permettre l'utilisation de certaines procédures applicables en matière de criminalité organisée lorsque le STAD, objet de l'atteinte commise en bande organisée, est mis en oeuvre par l'État. La garde à vue de quatre-vingt-seize heures et les perquisitions de nuit sont toutefois exclues.

C. ADAPTER LES MOYENS D'ENQUÊTE AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES

Certains articles du projet de loi, dont la portée va d'ailleurs au-delà de la seule lutte contre le terrorisme, visent à doter les enquêteurs des moyens juridiques nécessaires pour pouvoir davantage utiliser les nouvelles technologies dans le cadre des enquêtes.

L' article 10 vise à permettre la mise en oeuvre de perquisitions informatiques à distance depuis les locaux des enquêteurs, en préservant l'ensemble des garanties associées au régime des perquisitions « physiques ».

L' article 11 permet aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de requérir toute personne qualifiée pour décrypter des données chiffrées saisies ou obtenues au cours d'une enquête ou d'une instruction. En effet, seuls les magistrats peuvent actuellement requérir une personne qualifiée pour décrypter des données.

L' article 13 généralise la technique d'enquête sous pseudonyme - les cyberpatrouilles -, actuellement ponctuellement autorisée pour quelques crimes et délits, à l'ensemble des délits et crimes relevant de la criminalité organisée, lorsqu'ils ont été commis par un moyen de communication informatique.

L' article 14 étend le dispositif de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale permettant de capter des données informatiques à l'insu de la personne en prévoyant la possibilité de capter les données reçues ou émises par des périphériques audiovisuels, afin de prendre en compte l'utilisation de logiciels de téléphonie par ordinateur, du type de Skype, par exemple.

D. DISPOSITIONS DIVERSES

L' article 7 du projet de loi étend le champ d'application de la compétence concurrente de la juridiction parisienne à toutes les infractions commises en détention par les personnes incarcérées pour actes de terrorisme, mais également aux infractions d'évasion, de non-respect d'une assignation à résidence ou de violation d'interdiction de sortie du territoire par des personnes prévenues, condamnées ou recherchées pour des actes de terrorisme.

L' article 8 vise à partager la compétence du ministre chargé de l'économie en matière de décision de gel des avoirs avec le ministère de l'intérieur.

L'article 15 propose de modifier l'article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure afin d'étendre de 10 à 30 jours le délai de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité.

L' article 18 opère les coordinations nécessaires pour certains articles du texte afin de les rendre applicables dans certains territoires d'outre-mer et prévoit, plus globalement, l'application des dispositions du projet de loi aux territoires d'outre-mer.

III. LES MODIFICATIONS EFFECTUÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE RENFORCEMENT DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE

La commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié de manière importante les dispositions relatives aux mesures de police administrative du projet de loi.

Ainsi, à l' article 1 er , à l'initiative de son rapporteur, elle a renforcé les droits de la personne concernée par l'interdiction de sortie du territoire en lui permettant d'être assistée par un avocat ou un conseil lors de l'audition par le ministre ou son représentant. Au même article, dans le but de renforcer l'effectivité de la mesure, elle a prévu que la personne concernée se voit retirer non seulement son passeport, comme le prévoyait déjà le projet de loi initial, mais aussi sa carte d'identité. En échange, elle se verra remettre un récépissé lui permettant de justifier de son identité. En effet, certains pays, parmi lesquels la Turquie, n'exigent que la carte d'identité pour l'entrée sur leur territoire. En séance publique, à l'initiative de Mme Marie-Françoise Bechtel, les députés ont adopté un amendement précisant que ce récépissé « ouvre, sur le seul territoire national, l'ensemble des droits garantis par la détention d'une carte d'identité ».

Par ailleurs, en séance publique, les députés ont adopté un amendement de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues prévoyant que la décision d'interdiction de sortie du territoire est écrite et motivée, ainsi qu'un amendement du Gouvernement limitant la durée totale de la mesure d'interdiction de sortie, renouvellements compris, à deux ans.

À l' article 2 , à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a abaissé la peine encourue en cas de violation de l'interdiction d'être en relation avec une personne nommément désignée de trois à un an d'emprisonnement, en considérant qu'il était disproportionné de sanctionner le manquement d'une des modalités de l'assignation à résidence par la peine prévue pour le manquement à la mesure d'assignation à résidence elle-même. En séance publique, les députés ont adopté un amendement de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues prévoyant que l'interdiction d'être en relation avec une personne est levée quand la mesure n'est plus justifiée ou quand l'assignation à résidence est levée.

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a également substantiellement modifié le dispositif du blocage administratif des sites internet prévu par l' article 9 en faisant du blocage une mesure subsidiaire par rapport au retrait du contenu par l'éditeur ou, à défaut, par l'hébergeur. Toutefois, les députés ont adopté en séance publique un amendement du rapporteur supprimant le caractère préalable obligatoire de la demande de retrait adressée à l'éditeur, afin que l'autorité administrative apprécie librement les cas dans lesquels elle devra adresser sa demande de retrait aux éditeurs et les cas dans lesquelles cette demande devra être adressée aux hébergeurs.

En outre, alors que texte initial prévoyait qu'un magistrat de l'ordre judiciaire, désigné par le ministre de la Justice, serait chargé du contrôle de la régularité des décisions de l'administration en matière de blocage des sites, la commission des lois de l'Assemblée nationale a confié cette mission à une personnalité qualifiée, désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour une durée de trois ans non renouvelable. Cette personnalité aura un pouvoir de recommandation vis-à-vis de l'autorité administrative et aura compétence pour saisir la juridiction administrative des manquements constatés.

En séance publique, les députés ont en outre adopté un amendement de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues prévoyant que cette personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité. Enfin, ils ont adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel prévoyant que la compensation des coûts résultant pour l'opérateur des mesures demandées par l'administration devra se faire sur une base objective à partir des justifications données par les opérateurs des éléments composant ces surcoûts.

Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs de ses collègues créant l' article 15 quater qui permet à l'administration pénitentiaire, en cas de « prosélytisme avéré », de retenir la correspondance écrite d'un détenu ou de refuser la délivrance, de suspendre ou de retirer un permis de visite.

B. DES PRÉCISIONS APPORTÉES AUX DISPOSITIONS RELATIVES AUX NOUVEAUX DÉLITS CRÉÉS PAR LE PROJET DE LOI

À l' article 4 , à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a étendu le champ d'application de l'incrimination de provocation au terrorisme aux propos non publics (qui seraient ainsi désormais punis de 3 ans d'emprisonnement) tout en maintenant l'exigence d'une expression publique pour l'apologie, au motif que celle-ci présente une dangerosité moindre. Par coordination, à l'article 6 , elle a exclu l'application de toutes les règles dérogatoires prévues en matière terroriste pour le nouveau délit de provocation non publique au terrorisme. L'application des règles dérogatoires prévues en matière terroriste (à l'exception de la garde à vue de 6 jours et des perquisitions de nuit) ne serait ainsi prévue que pour les délits de provocation et d'apologie publiques, punis de cinq ans d'emprisonnement.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a également modifié de façon substantielle l'article 5 , relatif à l'entreprise individuelle terroriste, notamment afin de mieux garantir sa conformité aux principes de légalité et de nécessité des peines. Elle a ainsi, d'une part, complété la définition proposée par le projet de loi par le fait de « détenir » des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui, afin d'appréhender la situation des personnes qui s'engagent dans la préparation d'un projet terroriste alors qu'elles détiennent déjà des armes ou des explosifs, y compris de manière légale. Elle a, d'autre part, exigé que le projet terroriste préparé soit caractérisé, non seulement par la recherche ou l'obtention de produits ou de substances dangereux pour la personne, mais aussi par un second fait matériel, consistant soit en des repérages ou surveillances de lieux ou de personnes, soit en une formation au maniement des armes, à la fabrication d'engins explosifs ou au pilotage, soit dans la consultation habituelle de sites internet incitant au terrorisme. En séance publique, les députés ont complété ces dispositions en ajoutant notamment à la liste des éléments constitutifs du second fait matériel le fait de se rendre à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupes terroristes.

Enfin, en séance publique, les députés ont adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs de ses collègues créant un article 5 bis qui tend à ajouter les messages relatifs à « un acte terroriste réel ou simulé » parmi les messages qu'il est interdit de diffuser auprès des mineurs en vertu de l'article 224-27 du code pénal.

C. DES MODIFICATIONS VISANT À CONFORTER LA CENTRALISATION AU SEIN DE LA JURIDICTION PARISIENNE DE LA POURSUITE, DE L'INSTRUCTION ET DU JUGEMENT DES AFFAIRES DE TERRORISME

À l' article 7, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements élargissant le champ d'application de la compétence concurrente de la juridiction parisienne. En cohérence avec le projet de loi qui étendait celle-ci aux délits d'évasion, elle a ainsi prévu que les délits de facilitation et de tentative d'évasion seraient inclus dans son champ ainsi que les infractions d'association de malfaiteurs visant à la préparation des délits d'évasion précités.

L' article 7 bis , issu d'un amendement de son rapporteur adopté par la commission des lois, tend à consacrer la compétence concurrente de la cour d'appel de Paris pour l'examen des demandes d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et des demandes d'extradition, lorsqu'elles concernent des auteurs d'actes de terrorisme.

D. UN RENFORCEMENT DES PEINES ENCOURUES EN MATIÈRE D'ATTEINTES AUX SYSTÈMES DE TRAITEMENT AUTOMATISÉS DE DONNÉES

À l'initiative de son président et de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un article 11 bis , visant, d'une part, à aggraver les peines d'amendes encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD) et, d'autre part, à réprimer spécifiquement l'extraction, la détention, la reproduction et la transmission de données informatiques, quand celle-ci a été commise à l'occasion de l'accès ou du maintien frauduleux dans un STAD (article 323-1 du code pénal) ou lorsqu'elle a été commise à titre principal (article 323-3 du code pénal).

À l' article 12 du projet de loi, la commission des lois a précisé que la circonstance aggravante de commission d'une atteinte à un STAD en bande organisée s'appliquait également pour l'infraction de l'article 323-3-1 du code pénal, qui incrimine « le fait, sans motif légitime, notamment de recherche ou de sécurité informatique, d'importer, de détenir, d'offrir, de céder ou de mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour commettre une ou plusieurs des infractions prévues par les articles 323-1 à 323-3 » du code pénal. À l'initiative de son président et de son rapporteur, la commission des lois a également aggravé la peine d'amende encourue dans ce cas, en la portant de 150 000 à 1 000 000 euros, en s'inspirant de la peine applicable pour l'escroquerie en bande organisée.

En séance publique, la portée de cet article a été restreinte, puisqu'à l'initiative de M. Christian Paul, de Mme Marie-Françoise Bechtel et de plusieurs de leurs collègues, un amendement a limité la circonstance aggravante aux seuls STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État.

E. DE NOUVELLES PRÉROGATIVES ACCORDÉES AUX SERVICES ENQUÊTEURS

À l' article 10 , la commission des lois a adopté un amendement de M. Guillaume Larrivé complétant l'article 57-1 du code de procédure pénale, afin de reconnaître aux officiers de police judiciaire le droit de requérir, lors d'une perquisition informatique, toute personne susceptible d'avoir connaissance du fonctionnement du système informatique ou des mesures appliquées pour protéger les données informatiques qui s'y trouvent. Le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition constituerait un délit puni d'une amende de 3 750 euros.

À l' article 13 , à l'initiative de son rapporteur, elle a précisé que dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme, des contenus illicites pouvaient être transmis en réponse à une demande expresse, sans que l'enquêteur qui réalise cette opération soit pénalement responsable.

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, les députés ont adopté un article 15 ter visant à prévoir que l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) peut financer sur ses recettes propres des actions en matière de lutte contre la délinquance et contre la criminalité.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission a approuvé la majeure partie des dispositions du projet de loi dans leur rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Elle a toutefois effectué des modifications afin de mieux encadrer les dispositifs administratifs, d'améliorer la définition de certaines incriminations et de préciser les mesures relatives au numérique.

A. UN RENFORCEMENT DES GARANTIES PERMETTANT DE CONSOLIDER LES MESURES ADMINISTRATIVES

À l'article 1 er , à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a précisé les éléments qui permettront à l'administration de prononcer une interdiction administrative de territoire. Ainsi elle a supprimé les notions de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre qui lui ont semblé introduire de la confusion, la mesure visant avant tout les personnes qui ont l'intention de participer à des actes terroristes.

Par ailleurs, elle a réduit le délai dans lequel la personne concernée devra être entendue par le ministre de l'intérieur ou son représentant à 8 jours au lieu de 15 jours dans le texte transmis par l'Assemblée nationale. Elle a également prévu la motivation des décisions de renouvellement de la mesure. Concernant le recours juridictionnel contre l'interdiction de sortie du territoire, votre commission en a précisé la nature : la personne concernée pourra ainsi le présenter devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois, le tribunal devant se prononcer dans un délai maximal de 4 mois .

En outre, votre commission a précisé que le récépissé qui serait donné à la personne dont la carte d'identité est retenue vaudrait justification de son identité dans les conditions prévues par la loi du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.

Enfin, afin d'améliorer l'effectivité de cette mesure, votre commission a prévu une sanction pénale pour la non-restitution à l'administration des titres d'identité, de deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende.

À l'article 2 , à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a précisé la rédaction du nouvel article L. 563-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permettant à l'administration d'interdire à un étranger assigné à résidence de communiquer avec des personnes nommément désignées, en raison de leurs liens avec un mouvement terroriste. D'autre part, pour des raisons de clarté et d'intelligibilité, votre commission a renuméroté cet article pour l'intégrer dans le titre du (CESEDA consacré à l'assignation à résidence.

La commission a globalement approuvé la procédure de blocage des sites internet prévue par l'article 9 du projet de loi. Outre d'importantes modifications rédactionnelles, elle a cependant adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, trois amendements ayant pour objet :

- de porter de 24 heures à 48 heures, en cas de demande de retrait d'un contenu litigieux, le délai dans lequel ce retrait doit être effectif avant que l'administration n'impose le blocage de l'accès au site. En effet, un retrait en 24 heures semble difficilement réalisable ;

- de prévoir que les fournisseurs d'accès doivent immédiatement procéder aux mesures de blocage, et non immédiatement « bloquer l'accès » comme indiqué dans le texte du projet de loi. En effet, le blocage ne peut pas, techniquement, être immédiat, compte-tenu notamment de délais de mise à jour dans les réseaux ;

- de porter à cinq ans le mandat de la personnalité qualifiée désignée par la CNIL pour contrôler les opérations de blocage.

À l'article 8 , à l'initiative de vous rapporteurs, votre commission a adopté un amendement ayant pour objet de différer l'entrée en vigueur de l'article de trois mois. Dans l'attente de l'adaptation du décret d'application, ce délai permettra au ministère de l'économie de conserver la possibilité de prononcer une mesure administrative de gel d'avoirs terroristes.

B. UNE AMÉLIORATION DE LA DÉFINITION DES NOUVELLES INCRIMINATIONS TERRORISTES PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI

Vos rapporteurs ont estimé qu'extraire de la loi du 29 juillet 1881 l'apologie et la provocation au terrorisme comme le prévoit l'article 4 présentait certains inconvénients.

En effet, certaines manifestations de l'apologie et la provocation au terrorisme restent bien des abus de la liberté d'expression. En outre, la modification proposée risque de constituer un précédent qui s'étendra à d'autres cas que l'on peut considérer comme également graves (provocation à l'assassinat, aux crimes racistes). De plus, le fait de placer la nouvelle infraction dans les dispositions relatives aux actes terroristes dans le code pénal implique la possibilité de recourir aux techniques spéciales d'enquête, dont le conseil constitutionnel a rappelé qu'elles ne devaient être mises en oeuvre que pour des infractions très graves et complexes.

Dès lors, vos rapporteurs ont estimé qu'il était préférable de mieux délimiter les faits d'apologie et de provocation au terrorisme qui doivent relever du code pénal. Ils ont donc proposé un amendement , adopté par votre commission, ayant pour objet de n'introduire dans le code pénal que l'apologie publique et la provocation au terrorisme utilisant internet . L'utilisation du réseau web présente en effet des caractéristiques objectives qui rendent des moyens d'enquête plus intrusifs légitimes : accessibilité et possibilité d'ajouter des contenus universelles, possibilité de messages plus complexes (vidéos, modes d'emplois d'engins explosifs, etc), possibilité d'une prise de contact interactive avec des personnes, etc.

Une telle incrimination engloberait notamment l'administration ou l'animation d'un site internet comportant des messages d'apologie ou de provocation au terrorisme, ce qui correspond aux besoins actuels de l'autorité judiciaire.

Enfin, ces faits resteraient punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende comme dans le projet de loi initial.

Par coordination, votre commission a adopté un amendement modifiant l'article 6 afin d'exclure la garde à vue prolongée, la prescription de vingt ans et les perquisitions nocturnes des dispositions procédurales qui s'appliqueront au nouveau délit d'apologie publique et de provocation au terrorisme sur internet.

Votre commission a également adopté des amendements de vos rapporteurs ayant pour objet de préciser la définition de la nouvelle infraction d'entreprise individuelle terroriste prévue par l'article 5 . Elle a ainsi prévu que les renseignements recueillis sur des personnes ou des lieux 12 ( * ) devraient avoir une dimension opérationnelle. En outre, parmi les faits matériels alternatifs pouvant contribuer à la constitution de l'infraction, elle a ajouté le fait d'effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en oeuvre les moyens de destruction évoqués par le même article 5. En revanche, elle a supprimé la mention des déplacements dans une zone où sont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. En effet, selon vos rapporteurs, une telle mention introduit une certaine confusion dans la définition d'une infraction qui est censée viser des faits de nature terroriste.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement supprimant l'article 5 bis . En effet, l'article 227-24 du code pénal, qui réprime la diffusion de certains types de messages lorsqu'ils sont susceptibles d'être vus ou perçus par des mineurs, mentionne déjà les messages « violents » comme relevant de ce délit, ce qui répond à l'intention de l'amendement dont est issu cet article (incriminer les messages « relatifs à un acte terroriste réel ou simulé »).

De même, votre commission a adopté un amendement supprimant l'article 15 quater. En effet, les articles 35 et 40, qui permettent à l'administration pénitentiaire de retirer des permis de visite ou de contrôler le courrier des détenus, prévoit déjà des motifs de « prévention des infractions » et de « maintien du bon ordre » . Ceux-ci sont suffisants pour appréhender les phénomènes mentionnés par l'article 15 quater , à savoir « le prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d'actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme ».

C. DES PRÉCISIONS APPORTÉES AUX INFRACTIONS RÉPRIMANT LES ATTEINTES AUX SYSTÈMES DE TRAITEMENT AUTOMATISÉ DE DONNÉES

À l'article 11 bis , visant à aggraver les peines d'amendes encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD) et à incriminer spécifiquement l'extraction, la détention, la reproduction et la transmission de données informatiques, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a rétabli les plafonds d'amende initiaux applicables aux atteintes aux STAD en considérant qu'il était souhaitable de maintenir une cohérence entre les plafonds d'amendes et les peines d'emprisonnement encourues. En outre, dans la mesure où les atteintes aux STAD n'ont pas pour objet exclusif un but d'enrichissement, il serait disproportionné de les sanctionner au même titre que les infractions d'escroquerie.

Par ailleurs, si votre commission a conservé l'incrimination créée par les députés d'extraction, de détention, de reproduction et de transmission frauduleuses de données informatiques à l'article 323-3 du code pénal, elle a en revanche supprimé la circonstance aggravante portant sur les mêmes agissements, insérée par les députés à l'article 323-1, en estimant qu'il serait en tout état de cause toujours possible de cumuler les infraction d'accès ou de maintien frauduleux dans un STAD, réprimées à l'article 323-1 du code pénal, avec l'infraction nouvelle d'extraction, de détention, de reproduction et de transmission frauduleuses de données informatiques, réprimée à l'article 323-3 de ce même code.

Par cohérence avec le rétablissement des plafonds d'amende opéré à l'article 11 bis, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a modifié l'article 12 afin de rétablir le plafond d'amende prévu par le projet de loi initial en cas d'atteinte à un STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État, soit 150 000 euros, au lieu de 1 000 000 d'euros. Au même article, votre commission a également prévu la possibilité d'étendre, pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement de ce délit, la compétence du tribunal de grande instance au ressort de plusieurs cours d'appel en modifiant l'article 704 du code de procédure pénale en ce sens.

Pour des raisons d'intelligibilité, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a également scindé l'article 12 du projet de loi pour distinguer les dispositions relatives au code pénal de celles du code de procédure pénale, en créant un article 12 bis reprenant les dispositions créant un nouvel article 706-72 du code de procédure pénale et opérant, à cette occasion, quelques modifications de forme.

D. UNE SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES POUVANT ÊTRE MISES EN oeUVRE PAR LES ENQUÊTEURS

À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté une série de modifications aux articles relatifs aux procédures pouvant être mises en oeuvre par les enquêteurs.

À l'article 11 , la commission a élargi les possibilités de décryptage offertes par le Centre technique d'assistance en lui permettant d'être également saisi afin de pouvoir accéder à des données protégées par un système d'authentification. Par ailleurs, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a également supprimé la saisine intermédiaire du service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information pour pouvoir bénéficier des prestations du centre technique précité. Vos rapporteurs se sont appuyés sur l'une des recommandations formulées par le rapport « Protéger les internautes, rapport sur la cybercriminalité » issu des travaux du groupe de travail dirigé par M. Marc Robert.

À l'article 13 , votre commission a, d'une part, précisé que le dispositif d'enquête sous pseudonyme créé par cet article était également applicable à l'atteinte à un STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État. D'autre part, elle a adopté un amendement de forme visant à simplifier l'article 706-87-1 nouveau instituant un dispositif d'enquête sous pseudonyme applicable aux infractions relevant de la criminalité organisée.

Par cohérence, votre commission a adopté un article additionnel 13 bis , opérant les coordinations de conséquence au sein des articles du code de procédure pénale prévoyant déjà la possibilité de recourir pour certaines infractions déterminées à un dispositif d'enquête sous pseudonyme, afin d'unifier cette procédure d'enquête. À cette occasion, certaines infractions du code pénal, relevant de la criminalité organisée, ont été retirées du champ d'application de l'article 706-35-1 dans la mesure où elles seront désormais incluses dans le champ plus large du nouvel article 706-87-1 du code de procédure pénale.

Votre commission a adopté à l'article 14 un amendement visant à supprimer l'autorisation administrative préalable à la mise en oeuvre d'un dispositif technique dans le cadre de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, qui permet au juge d'instruction, sous conditions, de requérir un prestataire afin de développer un dispositif permettant d'accéder aux données contenues dans un ordinateur, en temps réel.

E. UN ENCADREMENT STRICT DE LA POSSIBILITÉ DE CONSERVER DES ENREGISTREMENTS D'INTERCEPTIONS DE SÉCURITÉ JUSQU'À 30 JOURS

À l'article 15 , qui prévoyait la possibilité d'étendre de dix à trente jours la durée de conservation des interceptions de sécurité, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a considéré qu'il convenait d'accorder à la seule Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) le choix d'accepter ou non l'allongement de la durée de conservation jusqu'à trente jours, au regard des difficultés objectives soulevées par l'exploitation de l'enregistrement par les services utilisateurs.

En effet, une extension générale de la durée de conservation des enregistrements d'interception de sécurité aurait eu pour effet de fragiliser le contrôle opéré par la CNCIS sans apporter de réels avantages. En outre, les interceptions de sécurité ne concernent aujourd'hui que marginalement des affaires relevant du terrorisme.

F. DISPOSITIONS DIVERSES

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, votre commission a adopté un article 15 quinquies ratifiant les ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l'outre-mer ayant créé la partie législative du code de la sécurité intérieure.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - CRÉATION D'UN DISPOSITIF D'INTERDICTION DE SORTIE DU TERRITOIRE

Article 1er (Chapitre IV [nouveau] du titre II du livre II, art. L. 224-1 et L. 232-8 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) - Création d'un dispositif d'interdiction de sortie du territoire

Le présent article tend à créer une nouvelle modalité d'interdiction de sortie du territoire.

Un dispositif précisé par l'Assemblée nationale

Actuellement, lorsque le déplacement d'une personne à l'étranger est de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, l'autorité administrative peut lui retirer son passeport ou bien refuser de lui en délivrer un ou de le renouveler, en vertu du décret de la convention nationale du 7 décembre 1792 et de l'interprétation de celui-ci par le Conseil d'État dans son avis n°350924 du 12 décembre 1991.

Le présent article crée donc, au sein du code de la sécurité intérieure, un article L. 224-1 prévoyant que l'autorité administrative pourra prononcer une interdiction de sortie du territoire à l'encontre d'un ressortissant français « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire 13 ( * ) qu'il projette des déplacements à l'étranger :

- ayant pour objet la participation à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité ;

- ou sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français . »

La décision d'interdiction de sortie du territoire serait prononcée par le ministre de l'intérieur pour une durée de six mois au maximum 14 ( * ) . La personne concernée devrait être entendue par le ministre ou son représentant au plus tard quinze jours après la notification de la décision.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur permettant à la personne concernée d'être assistée d'un avocat, d'un conseil ou d'un mandataire lors de l'audition par le ministre de l'intérieur ou son représentant . Cette disposition s'inspire de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 15 ( * ) relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui dispose que lorsque l'administration s'apprête à prendre une décision individuelle, la personne concernée peut demander à être entendue et « se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ».

En outre, en séance publique, les députés ont adopté un amendement de M. François Rugy et plusieurs de ses collègues du groupe écologiste prévoyant que la décision devra être écrite et motivée . Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur complétant ces dispositions en prévoyant également la motivation de la décision de renouvellement . L'assemblée nationale a également adopté un amendement du Gouvernement limitant la durée totale de la mesure d'interdiction de sortie, renouvellements compris, à deux ans .

Par ailleurs, l'interdiction de sortie du territoire serait assortie de retrait du passeport de la personne concernée ou, le cas échéant, ferait obstacle à sa délivrance ou à son renouvellement. Il s'agit ainsi de renforcer la mesure dans le cas où les fichiers utiles ne seraient pas consultés (cf. ci-dessous).

Notons qu'en application du 7° de l'article 138 du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent actuellement imposer à une personne de remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie, tous documents justificatifs de l'identité et notamment le passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité. Par ailleurs, l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'autorité administrative peut retirer le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. L'autorité administrative remet, en échange, un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu.

Enfin, le présent article prévoit que la violation de l'interdiction de quitter le territoire constituerait une infraction punie de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende .

Pour compléter la disposition relative au retrait du passeport, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que l'interdiction de sortie du territoire emportera également le retrait de la carte nationale d'identité (CNI) . L'amendement précise également que, dans le cas où la personne concernée demande la délivrance ou le renouvellement d'une carte d'identité, l'interdiction de sortie du territoire empêche cette délivrance ou ce renouvellement.

En effet, la carte d'identité peut être utilisée pour voyager dans les pays de l'Union européenne ou de l'Espace Schengen en application du principe de libre circulation ainsi que dans certains pays tiers qui acceptent l'entrée des ressortissants français sur leur territoire, en particulier la Turquie, qui constitue actuellement la principale étape du voyage vers la Syrie . Or, selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « il paraît illusoire que la France - ou même l'Union européenne - puisse obtenir de ces pays qu'ils exigent dorénavant la présentation d'un passeport pour admettre des Français sur leur sol. Outre la dimension vexatoire d'une telle demande qui leur serait adressée, il est vraisemblable qu'elle ne soit pas acceptée puisque ces pays font de la simple présentation d'une carte d'identité un atout pour attirer les touristes français ». Dès lors, le retrait de la carte nationale d'identité constitue la seule mesure envisageable.

L'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale propose également que la personne dont le passeport ou la carte nationale d'identité a été retiré, ou qui sollicite la délivrance d'un tel document, se voit remettre un récépissé lui permettant de justifier de son identité .

Il complète enfin le nouvel article L. 232-8, introduit par le 2° du présent article et relatif aux obligations des transporteurs (cf. ci-dessous), afin de prévoir qu'un décret en Conseil d'État précisera les conditions de mise en oeuvre de cet article, en particulier les modalités d'établissement du récépissé et les mentions qui devront figurer sur ce document. Votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ayant pour objet d'intégrer cette disposition au sein même du nouvel article L. 224-1 relatif à l'interdiction de sortie du territoire et non au sein du nouvel article L. 232-8.

En séance publique, les députés ont adopté un amendement de M. Pierre Lellouche précisant que le retrait des deux documents d'identité serait « immédiat » pour tenir compte de l'urgence qui prévaudra fréquemment s'agissant de la nécessité de stopper le départ d'une personne.

À l'initiative de Mme Marie-Françoise Bechtel, ils ont également précisé que le récépissé ouvrirait sur le seul territoire national l'ensemble des droits garantis par la carte nationale d'identité . Bien que vos rapporteurs partagent la préoccupation de l'auteure de l'amendement, qui est aussi celle de plusieurs des personnes qu'ils ont entendues 16 ( * ) , ils soulignent cependant que la CNI n'ouvre pas à proprement parler de droits. En revanche, elle permet de justifier de son identité comme le prévoit l'article 1 er de la loi n°2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité : « L'identité d'une personne se prouve par tout moyen. La présentation d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport français en cours de validité suffit à en justifier. » Le récépissé doit permettre à la personne concernée de justifier de son identité dans les conditions ainsi fixées. Votre commission a donc adopté un amendement de vos rapporteurs renvoyant à ces dispositions de la loi du 27 mars 2012.

Par ailleurs, le 2° du présent article insère un article L. 232-8 dans le code de la sécurité intérieure prévoyant que, lorsque l'autorité administrative constate qu'une personne faisant l'objet d'une interdiction de sortie du territoire figure sur « une des listes transmises en application du présent chapitre », c'est-à-dire une liste extraite d'un des traitements automatisés de données prévus par ce chapitre, elle notifie à l'entreprise de transport concernée une décision d'interdiction de transport de cette personne. L'entreprise qui ignorerait cette notification serait passible d'une amende de 50 000 euros.

L'étude d'impact précise que l'utilisation de certains fichiers permettra de rendre plus effective l'interdiction de sortie du territoire . Les personnes faisant l'objet d'une telle interdiction seront en effet inscrites au fichier des personnes recherchées (FPR). Or, seront prochainement mis en oeuvre deux traitements de données automatisés qui permettront de rendre automatique la collecte d'informations sur les passagers à partir des agences de voyage et des compagnies aériennes : le système européen de traitement des données d'enregistrement et de réservation (SETRADER) 17 ( * ) et le système « API-PNR France » 18 ( * ) . Les données issues de ces deux fichiers pourront être croisées au moment des départs avec le fichier FPR afin de détecter automatiquement les personnes faisant l'objet d'une interdiction de sortie du territoire.

La position de votre commission

Le dispositif proposé par le présent article ne semble pas être contraire aux principes dégagés par le juge constitutionnel.

Tout d'abord, l'interdiction de sortie du territoire constitue une atteinte à la liberté d'aller et venir. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, que la liberté d'aller et venir « n'est pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter ».

Or, le Conseil constitutionnel a fait évoluer le statut de la liberté d'aller et venir au début des années 2000 . Autrefois composante de la liberté individuelle (cf. la décision du 13 août 1993 précitée), la liberté d'aller et venir est désormais rattachée par le juge constitutionnel aux droits fondamentaux.

Ainsi, dans sa décision du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure 19 ( * ) , le Conseil a indiqué : « Considérant qu'au nombre des libertés constitutionnellement garanties figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l'autorité judiciaire ».

Cette nouvelle distinction équivaut à une application stricte de l'article 66 de la Constitution, la protection de l'autorité judiciaire ne concernant plus que la sûreté, c'est-à-dire la détention arbitraire, excluant la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du domicile ou le respect de la vie privée.

Ainsi, à propos des restrictions à la liberté d'aller et venir à l'encontre des supporters définies par l'article 60 de la loi sur la sécurité (LOPPSI) du 13 mars 2011, le Conseil a estimé « qu'elles peuvent être contestées par les intéressés devant le juge administratif, notamment dans le cadre d'un référé-liberté » 20 ( * ) , ce qui devrait également être le cas pour l'interdiction de sortie du territoire.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel considère qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre « d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties » parmi lesquelles figure donc la liberté d'aller et venir 21 ( * ) .

Enfin, afin d'assurer cette conciliation, le législateur doit prévoir des mesures de police « proportionnées » à l'objectif d'ordre public qu'elles visent 22 ( * ) , ce qui semble être le cas en l'espèce compte tenu du risque terroriste actuel.

Se pose également la question de la conformité de cette nouvelle interdiction de sortie du territoire avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH).

L'article 2 du Protocole n° 4 à la convention européenne des droits de l'homme énonce certes que « toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien ». Dans sa décision « Baumann c. France » du 22 mai 2001, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en a déduit que le droit de quitter le territoire implique celui de se rendre dans le pays de son choix.

Des restrictions sont toutefois possibles lorsqu'elles sont prévues par la loi et nécessaires pour la sécurité nationale, le maintien de l'ordre public, la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale ou la protection des droits et libertés d'autrui.

Au vu de la jurisprudence de la CEDH, l'étude d'impact estime qu'une ingérence dans la liberté de circulation peut être jugée conforme à la convention européenne des droits de l'homme si elle est prévue par la loi, si elle poursuit un but légitime, enfin si l'ingérence dans la liberté d'aller et venir est proportionnée aux buts poursuivis. Est ainsi citée une décision « Bartik c. Russie » du 21 décembre 2006, dans laquelle la Cour admet la conventionalité d'un retrait de passeport d'un ressortissant russe en raison de sa connaissance de « secrets d'État ».

Dans les autres cas cités, l'étude d'impact souligne, toutefois, que les affaires où la CEDH a eu à se prononcer sur des mesures de retrait de passeport n'ont pas trait à des mesures de police préventives mais visent plutôt à « garantir la présence d'un individu dans le contexte d'une procédure pénale pendante, de l'exécution d'une peine en matière pénale, d'une procédure de faillite pendante, du refus de payer une amende douanière, du manquement à acquitter un impôt, à rembourser un créancier privé une dette établie par décision judiciaire, etc ». Ainsi, en général, la CEDH valide des restrictions à la liberté d'aller et venir consécutives à des décisions judiciaires. En outre, dans l'affaire Bartik, seule affaire citée à l'appui des dispositions de l'article 1 er , il était avéré que la personne concernée possédait des secrets d'État.

La conformité du présent dispositif à la jurisprudence de la CEDH semble donc moins évidente. Toutefois, le renforcement de la procédure juridictionnelle introduit par votre commission (cf. ci-dessous) est sans doute de nature à diminuer le risque de contrariété avec la CESDH.

Enfin, au regard du droit de l'Union européenne, l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) consacre la liberté de circulation des travailleurs sous réserve des « limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ». Ces notions sont précisées par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L'article 27 prévoit ainsi que « les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné (...) Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) exige également une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, ce qui semble bien être le cas en l'espèce.

Sur le plan de l'efficacité du dispositif , il convient de souligner que les mesures d'interdiction de sortie du territoire, de retrait de passeport et/ou de la carte d'identité ne permettent pas par elles-mêmes d'empêcher certains ressortissants français de prendre l'avion lorsqu'ils disposent, comme c'est fréquemment le cas, d'une autre nationalité et, par conséquent, d'une ou plusieurs autres pièces d'identités valables . Les services entendus par votre rapporteur ont d'ailleurs indiqué qu'une grande partie des personnes potentiellement concernées se trouvaient dans cette situation. Toutefois, l'incrimination du non-respect de l'interdiction de sortie permettra éventuellement d'appréhender ces personnes lors de leur retour en France.

Se pose par ailleurs la question des éléments de preuve qui pourront être mobilisés par l'administration en cas de recours administratif contre la mesure d'interdiction de sortie du territoire . En effet, certains de ces éléments seront des notes dites « blanches » en provenance des services de renseignement (direction générale de la sécurité intérieure ou service départemental du renseignement territorial), c'est-à-dire des fiches sans en-tête, sans signature et sans élément permettant d'identifier les sources et la manière dont le renseignement a été recueilli.

Selon le ministère de l'Intérieur, interrogé par vos rapporteurs à ce sujet, la situation sera comparable à celle qui prévaut en matière d'expulsion d'étrangers non-européens vivant régulièrement en France et qui représentent une menace grave ou très grave pour l'ordre public (articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Dans ce domaine, le juge administratif a reconnu une valeur probantes aux notes blanches, dès lors qu'elles sont précises, circonstanciées et rapportent des éléments concordants 23 ( * ) . Si ces conditions sont réunies, la personne concernée par la mesure d'expulsion ne peut se contenter de nier ce qui lui est reproché et doit apporter des éléments précis pour répondre aux éléments recueillis par les services. De nombreux arrêts de tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel montrent ainsi que le juge prend en compte les notes blanches, soit pour en reconnaître la valeur probante, soit au contraire pour en décréter l'insuffisance au regard des éléments contraires fournis par la personne concernée par l'arrêté d'expulsion.

Au total, compte tenu, d'une part, du caractère réel et sérieux du danger que représente pour l'ordre public les centaines de départs actuellement constatés vers des zones où agissent des groupes terroristes, d'autre part, des garanties procédurales prévues par le présent article, votre commission a approuvé les dispositions du présent article .

Toutefois, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs supprimant la mention des « crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité » s'agissant des faits auxquels la personne concernée serait susceptible de participer à l'étranger. En effet, ces notions constituent des infractions qui ne sont parfois avérées que longtemps après leur commission, et ne seront probablement pas un élément utile à l'administration lorsqu'elle cherchera à déterminer si une personne qui a l'intention de quitter le territoire est dangereuse ou non.

En outre, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ramenant le délai maximal dans lequel la personne concernée doit pouvoir faire ses observations à huit jours, afin de lui permettre de faire valoir ses observations plus rapidement. La décision serait renouvelable aussi longtemps que les conditions fixées par la loi sont réunies.

Par ailleurs, dans la mesure où la garantie principale contre les abus potentiels de l'usage d'une telle mesure réside dans la possibilité du recours juridictionnel à son encontre, elle a considéré que ce recours devait être prévu de manière explicite par le législateur. Elle a également estimé qu'il était nécessaire de fixer un délai maximal pour la décision de la juridiction, afin qu'un tel recours puisse s'exercer utilement. Par conséquent, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs prévoyant que « la personne qui fait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai de deux mois suivant sa notification et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine ».

Ainsi, deux hypothèses peuvent être envisagées :

- soit le recours présente un caractère d'urgence évident (par exemple si la personne concernée a déjà son billet d'avion) et il pourra consister en un référé-liberté ;

- soit il présente une moindre urgence et il fera l'objet du recours explicitement prévu par la loi, avec un délai de jugement raisonnable compte tenu de la durée de validité de la mesure d'interdiction de sortie du territoire.

Concernant les décisions renouvelant une mesure d'interdiction de sortie du territoire, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs prévoyant qu'elles devront être motivées, à l'instar de la décision initiale.

Votre commission a également prévu que le décret d'application des dispositions relatives à l'interdiction de sortie du territoire préciserait les modalités de mise en oeuvre de l'interdiction de transport qui pourra être notifiée par l'administration aux entreprises de transport.

Enfin, afin de renforcer l'effectivité de l'obligation de restitution du passeport et de la carte d'identité, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs instaurant une infraction de soustraction à cette obligation, punie de deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

CHAPITRE II
RENFORCEMENT DES MESURES
D'ASSIGNATION À RÉSIDENCE

Article 2 (art. L. 563-1 [nouveau], L. 624-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France) - Interdiction pour un étranger assigné à résidence de se trouver en relation avec certaines personnes

L'article 2 du projet de loi complète le chapitre unique du titre VII du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) par un article L. 571-4 nouveau.

Cet article permet à l'autorité administrative qui a prononcé l'assignation à résidence d'un étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou à l'encontre d'un étranger à l'égard duquel un arrêté d'expulsion a été prononcé en raison d'un « comportement lié à des activités à caractère terroriste », de prononcer également une interdiction d'être en relation avec certaines personnes nommément désignées, dont le comportement est également « lié à des activités à caractère terroriste ».

Dans certains cas, l'étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou condamné à une interdiction du territoire peut avoir été assigné à résidence, comme le prévoient les articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 541-3 du CESEDA :

- art. L. 523-3 : l'étranger a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion mais « il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français » dans la mesure où il ne peut pas se rendre dans son pays d'origine ou dans un autre pays ;

- art. L. 523-4 : l'étranger a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion mais son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- art. L. 541-3 : l'étranger a fait l'objet d'une interdiction du territoire mais il se trouve dans une des situations suivantes :

o il est menacé de mort ou de traitements inhumains et dégradants, il a le statut de réfugié ou il n'a pas été encore statué sur sa demande d'asile ;

o il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, dans la mesure où il ne peut pas se rendre dans son pays d'origine ou dans un autre pays.

Le nouvel article L. 571-4 que le présent article tend à insérer dans le CESEDA s'inspire de l'article L. 571-3 du même code qui permet de placer sous surveillance électronique mobile l'étranger, condamné à une interdiction du territoire ou faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion pour des actes de terrorisme ou pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, assigné à résidence en vertu des articles précités L. 523-3, L. 523-4 et L. 541-3 du CESEDA.

La décision d'interdiction d'être en relation avec certaines personnes, nommément désignées, serait prise par l'administration, par une décision motivée, pour une durée de six mois , renouvelable une fois pour la même période.

La violation des obligations résultant de l'assignation à résidence est sanctionnée à l'article L. 624-4 du CESEDA. Les conséquences de la violation de l'interdiction d'être en relation avec une personne désignée par l'administration seraient également précisées à l'article L. 624-4, complété en ce sens par le présent article.

Dans le projet de loi initial, la violation de l'interdiction d'être en contact avec les personnes désignées était ainsi sanctionnée d'une peine d'emprisonnement de trois ans , soit la peine applicable aux étrangers n'ayant pas rejoint la résidence qui leur a été assignée ou ayant quitté cette résidence sans autorisation.

À l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette peine a été ramenée à un an d'emprisonnement, ce qui correspond à la peine encourue pour l'étranger qui n'a pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique ou qui n'a pas respecté les obligations de présentation aux services de la police ou de la gendarmerie.

Lors de l'examen du texte en séance publique, les députés ont adopté un amendement prévoyant que l'interdiction administrative est levée, d'une part « si les conditions de cette interdiction ne sont plus satisfaites », ou, d'autre part si l'assignation à résidence a été levée.

En droit des étrangers, l'autorité administrative dispose d'un large pouvoir de réglementation, sous le contrôle du juge administratif, comme l'a reconnu depuis longtemps le Conseil constitutionnel et comme il l'a rappelé à l'occasion de la décision n° 2011-631 du 9 juin 2011 sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : « 64. Considérant qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques (...) ».

Ainsi, l'interdiction d'être en contact avec certaines personnes nommément désignées est semblable à une mesure de contrôle judiciaire. Il semble légitime que l'administration puisse la prononcer à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, dans la mesure où elle peut déjà le placer sous surveillance électronique.

Vos rapporteurs soulignent que la notion de « comportement lié à des activités terroristes » est utilisée depuis plusieurs années pour justifier des expulsions du territoire : elle correspond à la situation d'une personne impliquée dans des mouvances à caractère terroriste, sans avoir été nécessairement condamnée pénalement pour ces faits. Le juge administratif exerce un contrôle normal, voire de proportionnalité - lorsqu'une atteinte à la vie familiale de l'étranger est en cause - des motifs d'une expulsion sur ce motif et vérifie ainsi que les éléments avancés par l'administration sont suffisamment précis, étayés et actualisés 24 ( * ) .

Vos rapporteurs souscrivent par ailleurs à la première modification apportée par les députés : il est en effet plus logique, au regard de l'échelle des peines, de prévoir une peine semblable à celle qui est encourue en cas de non-respect des prescriptions liées au placement sous surveillance électronique, soit une peine d'emprisonnement d' un an . En effet, les deux mesures sont assez comparables : ce sont des modalités de l'assignation à résidence. Vos rapporteurs estiment également justifiée la seconde modification consistant à prévoir que la mesure d'interdiction d'être en relation avec une personne est levée automatiquement lorsque prend fin la mesure d'assignation à résidence.

À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement visant à renuméroter l'article créé en un article L. 563-1 nouveau, pour l'intégrer dans le titre VI du livre V du CESEDA, relatif à l'assignation à résidence et non dans les dispositions diverses de ce même livre V, ainsi que deux amendements rédactionnels. Le premier vise à remplacer l'interdiction « d'être en relation » par une interdiction de « se trouver en relation », l'expression « être en relation » pouvant laisser supposer une certaine continuité dans les relations avant de pouvoir prononcer une mesure d'interdiction. Le second amendement précise que la mesure d'interdiction doit être « exigée pour la préservation de la sécurité publique » et non pas simplement « nécessaire » pour le maintien de l'ordre public.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

CHAPITRE III
RENFORCEMENT DES DISPOSITIONS
DE NATURE RÉPRESSIVE

Article 3 (art. 421-1 du code pénal) - Ajout d'infractions en matière d'explosifs à la liste des infractions pouvant recevoir la qualification d'infractions terroristes

Le présent article complète l'article 421-1 du code pénal relatif aux infractions pouvant recevoir la qualification terroriste afin d'y inclure, d'une part, les infractions de diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction et, d'autre part, la détention de produits incendiaires ou explosifs ou d'éléments entrant dans la composition de produits ou engins explosifs.

Rappelons que le code pénal distingue deux catégories d'infractions terroristes :

- l'article 421-1 énumère les infractions de droit commun qui deviennent terroristes lorsque leur auteur poursuit un but terroriste, c'est-à-dire lorsqu'elles sont « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». La qualification terroriste a pour conséquence une aggravation des peines encourues par rapport aux infractions de base ;

- les articles 421-2 à 421-2-3 définissent des infractions terroristes autonomes, criminelles ou délictuelles : terrorisme écologique, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme, impossibilité pour une personne habituellement en relation avec des terroristes de justifier ses ressources.

Par ailleurs, indépendamment de tout but terroriste, l'article 322-6-1 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la diffusion à destination de non professionnels de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction. Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis par le biais d'un réseau de communication électronique à destination d'un public non déterminé.

De la même manière, l'article 322-11-1 du code pénal punit :

- de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs et d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions prévues par l'article 322-6 du code pénal (destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes) ;

- d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende la détention ou le transport, sans motif légitime, de substances ou produits explosifs permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 précité, dès lors que ces substances ou produits ne sont pas soumises, pour la détention ou le transport, à un régime particulier, ainsi que la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 et d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs, lorsque leur détention ou leur transport a été interdit par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public.

Le présent article complète ainsi l'article 421-1 du code pénal afin d'inclure ces délits en matière de produits explosifs dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification terroriste en raison du but poursuivi (1 ère catégorie de délits terroristes) .

Cette inclusion semble logique au regard de l'intention terroriste qui peut être associé à ces délits.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4 - (art. 421-2-5 [nouveau] du code pénal ; art. 24, 24 bis, 48-1, 48-4 à 48-6, 52 et 65-3 de la loi du 29 juillet 1881) - Transfert des délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dans le code pénal

Le présent article a pour objet de transférer les délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse vers le code pénal.

Actuellement, l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit notamment de cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende le fait de provoquer 25 ( * ) directement aux actes de terrorisme définis par le titre II du livre IV du code pénal ou d'en faire l'apologie, dès lors que cette provocation ou cette apologie est faite par l'un des moyens énumérés à l'article 23 : discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics ; écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics ; placards ou affiches exposés au regard du public ; enfin tout moyen de communication au public par voie électronique.

L'article 24 de la loi du 29 juillet 1881

« Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre I er du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1 er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;

2° l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

De manière générale, la spécificité du régime des infractions de presse correspond à la volonté de mettre la liberté de la presse, éléments essentiels du régime démocratique, « à l'abri des excès de la répression 26 ( * ) ». Ainsi, l'exercice des poursuites en matière de presse est soumis aux règles de procédure suivantes :

- l'action publique en matière de presse se prescrit par trois mois (au lieu de un an - contraventions -, trois ans - délits - ou dix ans - crimes - selon le droit commun). Par exception, la prescription a été portée à un an pour la provocation à la discrimination, la haine ou la violence raciale, les injures et diffamations raciales, en raison de la difficulté d'en identifier les auteurs, en particulier sur internet ;

- la comparution immédiate est impossible ;

- dans de nombreux cas, le procureur de la République ne peut mettre en mouvement l'action publique qu'au vu d'une plainte préalable de la victime de l'infraction tandis que le désistement du plaignant ou de la partie poursuivante arrête les poursuites ;

- la détention provisoire est impossible sauf exceptions ;

- selon la jurisprudence, ni la juridiction de jugement ni le juge d'instruction ne peuvent modifier la qualification des faits telle que fixée par l'acte de saisine sauf à substituer une qualification de droit commun à une qualification prévue par la loi de 1881.

Toutefois, la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme a modifié la loi du 29 juillet 1881 afin d'allonger la prescription à un an en matière de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme, dans le but, dans la même logique que pour les délits racistes, de pouvoir appréhender l'activité des sites internet pendant une durée suffisante pour rassembler les preuves de l'infraction. La même loi a ajouté les délits précités à la liste des exceptions pour lesquelles la détention provisoire est possible.

Enfin, la loi du 14 mars 2011 (LOPPSI) a ouvert aux enquêteurs la possibilité d'employer une technique spéciale d'enquête pour le constat et la poursuite de ces infractions dès lors qu'elles sont commises par un moyen de communication électronique : l'enquête sous pseudonyme sur internet.

Afin de justifier ce transfert, l'étude d'impact énonce tout d'abord qu'« internet constitue aujourd'hui le vecteur principal de la propagande, du recrutement et de l'incitation au terrorisme », analyse confirmée par les personnes entendues par vos rapporteurs dans le cadre de la préparation du présent rapport.

Comme le souligne également l'étude d'impact, les principaux sites concernés par les signalements sont les réseaux sociaux (Facebook et Twitter au premier chef), pour 54 % du total, devant les blogs (14 %), les sites internet thématiques (13 %), Youtube (6 %), divers forums (6 %).

Or, selon l'étude d'impact, l'utilisation d'internet à des fins de provocation au terrorisme ou d'apologie du terrorisme ne constitue pas à proprement parler des délits relevant des abus de la liberté d'expression, mais plutôt de la participation à une entreprise terroriste . Pour autant, selon la jurisprudence actuelle, l'incitation à commettre des actes de terrorisme, perpétrée par exemple par un modérateur de site internet promouvant le jihad et utilisé par des personnes participant à une association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes, ne peut pas elle-même être qualifiée d'association de malfaiteurs mais relève de la provocation ou de l'apologie réprimées par la loi de 1881 (chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris, 17 décembre 2010). Dès lors, les enquêteurs et les juges ne peuvent pas poursuivre les personnes concernées sur le fondement du délit d'association de malfaiteurs.

Or, le régime procédural propre à la loi sur la liberté de la presse (cf. ci-dessus) serait de nature à « entraver ou à rendre moins efficace l'action des services d'enquête et des autorités judiciaires dans un contexte de lutte contre le terrorisme ».

Dès lors, le présent article propose de faire « sortir » la provocation au terrorisme et l'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 afin d'en faire des infractions réprimées par le code pénal, avec des règles procédurales plus favorables aux enquêteurs.

Le I de l'article 4 crée ainsi un article 421-2-5 au sein du code pénal, qui prévoit que « le fait, publiquement, par quelque moyen que ce soit, de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Cette définition de l'incrimination reprend celle qui figure actuellement dans l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 (« Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1 er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie. »). Toutefois, le renvoi aux moyens de commettre l'infraction prévus par l'article 23 de la loi de 1881 (cf . la liste de ces moyens ci-dessus) est remplacé par une formule générale : « publiquement, par quelque moyen que ce soit ».

Notons qu'il existe déjà au sein du code pénal des infractions du type de l'apologie ou de la provocation : ainsi la provocation au suicide et la propagande ou la publicité en faveur de produits, d'objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort (articles 223-13 et 223-14) ou la provocation à s'armer contre l'autorité de l'État ou contre une partie de la population (article 412-8).

La peine de cinq ans d'emprisonnement serait la même que celle prévue par la loi sur la liberté de la presse, mais la peine d'amende serait portée, par un souci d'harmonisation, de 45 000 euros actuellement à 75 000 euros : la majorité des délits punis de cinq ans dans le code pénal sont en effet punis d'une amende de ce montant. En revanche, le deuxième alinéa du nouvel article 421-2-5 prévoit une nouvelle  circonstance aggravante: la peine sera portée à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne . Il existe déjà plusieurs exemples de ce type d'aggravation des peines dans le code pénal 27 ( * ) .

Par ailleurs, le choix d'insertion du nouvel article 421-2-5 au sein du chapitre II du titre II du livre IV du code pénal, intitulé « Des actes de terrorisme », a pour but de rendre applicables aux infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme les procédures dérogatoires prévues par le code de procédure pénale en matière de terrorisme. En effet, l'article 706-16 du code de procédure pénale prévoit que « les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ainsi que les infractions connexes sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent titre [titre XV du livre IV] », celles-ci prévoyant une série de règles de procédures spéciales destinées à permettre aux enquêteurs et à la justice de disposer de moyens juridiques à la hauteur de la gravité et de la complexité des affaires de terrorisme.

Les règles spécifiques en matière de poursuite, d'instruction
et de jugement des actes de terrorisme

La répression des infractions terroristes obéit à un régime de droit commun adapté. D'une part, les infractions terroristes sont soumises à la procédure dérogatoire applicable en matière de délinquance et de criminalité organisée, mise en place par la loi du 9 mars 2004. D'autre part, ces règles de procédure s'appliquent sous réserve des dispositions du titre XV du livre IV du code de procédure pénale, intitulé « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme ».

Cette procédure particulière prévue par ces dernières dispositions se caractérise d'abord par l'exercice d'une compétence concurrente entre les juridictions territorialement compétentes et les juridictions spécialisées de Paris pour la poursuite, l'instruction et le jugement de ces infractions (article 706-17 du code de procédure pénale). Les juridictions locales sont invitées à se dessaisir au profit de Paris qui centralise l'ensemble du contentieux terroriste. En cas de désaccord entre les juridictions concernées, il est prévu un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. En outre, depuis la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, le contentieux de l'application des peines pour les condamnés terroristes est exclusivement centralisé à Paris, la juridiction parisienne prenant ses décisions après l'avis du juge territorialement compétent.

Des règles particulières sont également prévues pour la poursuite et la conduite des investigations. Ainsi, l'article 706-24 prévoit la possibilité pour les officiers et agents de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, de s'identifier par leur numéro d'immatriculation administrative dans leurs actes de procédure, leurs dépositions ou leur comparution devant une juridiction en qualité de témoin. En outre, selon l'article 706-24-3, la durée maximale de la détention provisoire pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en matière terroriste est portée à trois ans. Elle est de quatre ans pour les infractions criminelles en matière terroriste. Aussi, l'article 706-25-2 prévoit que, dans le but de constater les infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire peuvent procéder à plusieurs actes d'infiltration policière par la voie du réseau internet sans en être pénalement responsables. In fine , l'article prévoit qu'à peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. Enfin, l'article 706-88-1 prévoit la possibilité de prolonger une mesure de garde à vue au-delà de 96 heures, à la condition qu'il ressorte des premiers éléments de l'enquête qu'existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger.

Concernant le jugement des infractions terroristes, l'article 706-17-1 permet de délocaliser à titre exceptionnel les audiences dans tout autre lieu du ressort de la cour d'appel. Par renvoi de l'article 706-25, l'article 698-6 prévoit que la cour d'assises compétente en la matière est exclusivement composée de magistrats professionnels.

Enfin, au titre de l'article 706-25-1, l'action publique pour les crimes et les délits terroristes se prescrit respectivement de trente et vingt ans.

Toutefois, notons que l'article 6 du présent projet de loi exclut l'application à ces nouveaux délits de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme de trois de ces règles procédurales dérogatoires : la prescription de vingt ans, les perquisitions de nuit et la garde à vue de quatre jours (cf. le commentaire de l'article 6), ceci afin de se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle les techniques spéciales d'enquête doivent être réservées aux délits graves et complexes 28 ( * ) . S'appliqueront donc la prescription de trois ans, la garde à vue de quarante-huit heures et les perquisitions ordinaires.

Enfin, le dernier alinéa du nouvel article 421-2-5 prévoit que, lorsque les faits de provocation ou d'apologie sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, la détermination des personnes responsables se fait selon les règles spécifiques qui s'appliquent à ces matières :

- pour la presse écrite , la responsabilité dite « en cascade » prévue par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 : sont d'abord poursuivis les directeurs de publication ou les éditeurs, puis, à défaut, les auteurs, ensuite les imprimeurs, enfin les vendeurs, distributeurs et afficheurs ; les auteurs étant poursuivis comme complices des directeurs de publication ou éditeurs ;

- pour la voie audiovisuelle , l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui prévoit également une responsabilité en cascade : directeur de la publication, à défaut l'auteur, à défaut de celui-ci le producteur. L'auteur est également complice du directeur de la publication si celui-ci est mis en cause ;

- pour les services de communication au public en ligne , il convient de se reporter à l'article 6 de la loi n° 2004-575 de confiance dans l'économie numérique, qui, d'une part, renvoie lui-même au régime en cascade défini par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, d'autre part, prévoit une responsabilité des hébergeurs sauf exception de non connaissance de l'existence des données illicites hébergées.

Par ailleurs, par coordination, le 1° du II du présent article supprime le 6 ème alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relatif à la provocation au terrorisme et à l'apologie du terrorisme et effectue une série de corrections au sein de plusieurs articles de cette loi pour tenir compte de cette suppression.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur ayant pour objet d'étendre le champ d'application de l'incrimination de provocation au terrorisme aux propos non publics , alors que le projet de loi conservait la notion de publicité présente dans la loi du 29 juillet 1881, afin de pouvoir sanctionner des propos tenus dans des lieux privés, comme des prêches dans des lieux de culte « clandestins », ou sur des forums. En effet, la jurisprudence considère que, lorsque des propos sont tenus sur un compte de réseau social accessible à un nombre restreint de personnes agréées qui forment une communauté d'intérêt, ces propos sont privés.

En revanche, seule l'apologie publique du terrorisme serait réprimée car il s'agit, selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de l'expression d'une opinion qui n'incite pas directement à commettre une infraction.

Par ailleurs, afin de souligner la plus grande gravité des faits de provocation et d'apologie tenus en public, l'amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit que la provocation commise de manière non publique ne sera punie que de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (cinq ans et 75 000 euros pour la provocation publique et pour la provocation privée sur un réseau de communication au public en ligne et sept ans et 100 000 euros pour la provocation publique sur un réseau de communication au public en ligne).

La position de votre commission

Vos rapporteurs ont estimé qu'extraire de la loi du 29 juillet 1881 l'apologie et la provocation au terrorisme présentait certains inconvénients :

- certaines manifestations de l'apologie et la provocation au terrorisme restent bien des abus de la liberté d'expression. La modification proposée risque de constituer un précédent qui s'étendra à d'autres cas considérés comme également graves (provocation à l'assassinat, aux crimes racistes, etc.) ;

- le fait de placer cette nouvelle infraction dans les dispositions relatives aux actes terroristes dans le code pénal implique la possibilité de recourir aux techniques spéciales d'enquête , dont le Conseil constitutionnel a rappelé qu'elles ne devaient être mises en oeuvre que pour des infractions très graves et complexes (cf. la censure par le Conseil de l'utilisation de la garde à vue de quatre jours pour la corruption et de trafic d'influence ainsi que la fraude fiscale et douanière dans la loi sur la lutte contre la fraude fiscale) : compétence de la juridiction parisienne, surveillance, infiltration, interceptions de correspondances, sonorisations, captation de données informatiques, mesures conservatoires sur les biens saisis. Rappelons que la loi sur la presse permet déjà la détention provisoire et prévoit une prescription d'un an pour l'apologie et la provocation au terrorisme : on peut se demander si les autres techniques spéciales sont souvent nécessaires pour enquêter sur les faits d'apologie ou de provocation ;

- ainsi, le Gouvernement, afin de diminuer le risque de censure constitutionnelle, a écarté l'application de la prescription de vingt ans, de la garde à vue de quatre jours et des perquisitions de nuit, ce qui rend complexe le régime procédural applicable aux nouvelles infractions et montre la difficulté de concilier moyens d'investigations et garanties procédurales dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle ;

- il est déjà possible de poursuivre ceux qui tiennent des propos provoquant au terrorisme sous le chef de l'association de malfaiteurs, dès lors que cette infraction s'insère dans une véritable organisation terroriste. Toutefois, la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris a annulé la mise en examen d'une personne poursuivie pour association de malfaiteurs alors qu'elle était animatrice d'un site internet promouvant le jihad (arrêt du 17 décembre 2010).

Dès lors, vos rapporteurs ont estimé qu'il était préférable de mieux délimiter ceux des faits d'apologie et de provocation au terrorisme qui doivent relever du code pénal plutôt que de la loi sur la liberté de la presse .

À leur initiative, votre commission adopté un amendement ayant pour objet d'introduire dans le code pénal l'incrimination d'apologie publique du terrorisme et de provocation au terrorisme par la voie d'un service de communication au public en ligne .

L'utilisation du réseau internet présente en effet des caractéristiques objectives qui rendent des moyens d'enquête plus intrusifs légitimes : accessibilité et possibilité d'ajouter des contenus universelles, possibilité de messages plus complexes (vidéos, modes d'emplois d'engins explosifs), possibilité d'une prise de contact interactive avec des personnes, etc.

Une telle incrimination engloberait notamment l'administration ou l'animation d'un site internet comportant des messages d'apologie ou de provocation au terrorisme.

Les faits resteraient punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende comme dans le projet de loi initial.

Enfin, votre commission a adopté un amendement de coordination .

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 421-2-6 [nouveau] et 421-5 du code pénal) - Création d'un délit d'entreprise terroriste individuelle

Le présent article tend à créer un délit d'entreprise terroriste individuelle afin d'étendre la répression judiciaire à la préparation, par un auteur unique, d'actes terroristes.

Il propose ainsi la création d'une nouvelle « infraction-obstacle 29 ( * ) » devant permettre aux services de police ou aux services de renseignement de « judiciariser » le suivi d'un individu en train de préparer un acte terroriste.

Selon l'étude d'impact, la principale infraction-obstacle existant actuellement en matière de terrorisme, l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste (article 421-2-1 du code pénal), n'est pas suffisante pour prévenir l'action d'individus auto-radicalisés.

L'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme

Cette infraction est définie par l'article 421-2-1 du code pénal comme « le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme ».

Elle est punie de dix ans d'emprisonnement et 225 000 euros d'amende pour les participants et vingt ans de réclusion criminelle et 500 000 euros d'amende pour les personnes qui dirigent ou organisent le groupement ou l'entente. Lorsqu'elle a pour objet la préparation des actes terroristes les plus graves (assassinat, destruction par substance explosive ou incendiaire et terrorisme écologique dès lors qu'ils sont susceptibles d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes), l'association de malfaiteurs est punie de vingt ans de réclusion criminelle et 350 000 euros d'amende pour la participation et trente ans de réclusion criminelle pour la direction ou l'organisation.

Cette infraction est très largement utilisée par les services de l'État en charge de la lutte contre le terrorisme et par la justice pour traiter dans un cadre judiciaire la préparation d'actes terroristes. En effet, d'une part cette infraction est constituée dès la présence de deux personnes dans le groupement ou l'entente, d'autre part il était rare, au moins jusqu'à une période récente, qu'une personne ayant l'intention de perpétrer un acte terroriste ne reçoive pas l'aide d'au moins une personne.

En effet, l'étude d'impact relève que « les cas d'individus isolés décidant de commettre une action violente, comme l'agression à l'arme blanche commise en mai 2013 à La Défense, sont de plus en plus nombreux. Ainsi les services de la police nationale ont-ils procédé au cours des derniers mois à l'interpellation de plusieurs individus caractérisés par une réelle propension à la violence pour des motifs généralement directement ou indirectement liés au Jihad ».

En outre, si la détention illégale d'armes ou d'explosifs constitue également une infraction-obstacle, les personnes détentrices légales d'armes aves lesquelles elles ont l'intention de commettre un acte de terrorisme ne peuvent pas être poursuivies, même si elles font des repérages, achètent des livres ou consultent des sites expliquant comment fabriquer des explosifs, suivent des formations idéologiques à l'étranger ou une formation au maniement des armes à l'étranger sans connexion avec la France. Dès lors, les services de police ou de renseignement ne peuvent que poursuivre leur surveillance en espérant que la commission d'une infraction-obstacle précède la tentative d'acte terroriste.

La nouvelle infraction serait définie par référence à trois éléments :

- d'abord, comme pour la définition des actes terroristes à l'article 421-1 du code pénal, l'acte incriminé devra être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Il s'agit du « dol spécial » qui permet de distinguer les actes terroristes des autres actes de violence ;

- en second lieu, devra exister un élément matériel de préparation : sera incriminé le fait de « rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Cette formulation, plus restrictive que celle de l'association de malfaiteurs qui évoque mais ne définit pas les « éléments matériels » nécessaires à la constitution de l'infraction, permet d'incriminer les personnes détenant des armes ou des substances de manière légale  (les substances permettant de fabriquer certains explosifs étant accessibles dans le commerce);

- en troisième lieu, ces actes à visée terroriste devront constituer une préparation à la commission de certaines parmi les infractions terroristes définies par les articles 421-1 et suivants du code, à savoir celles que l'on peut considérer comme les plus graves : les atteintes aux personnes prévues par le 1° de l'article 421-1 et les atteintes aux biens les plus graves prévues par le 2° du même article, ainsi que le terrorisme écologique prévu à l'article 421-2.

Par ailleurs, le II de l'article 5 complète l'article 421-5 du code pénal pour préciser que le nouveau délit d'entreprise terroriste individuelle sera puni de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. La durée d'emprisonnement prévue est ainsi équivalente à celle prévue pour la participation à l'association de malfaiteurs tandis que le montant de l'amende prévu est inférieur à celui prévu pour cette même infraction (225 000 euros).

Les modifications introduites par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté d'importantes modifications à la définition de la nouvelle infraction d'entreprise individuelle terroriste .

En effet, le rapporteur a estimé que l'élément matériel du délit n'était ni assez étoffé ni assez précisément défini pour « compenser » le passage de l'association de malfaiteurs à l'entreprise individuelle, de sorte que le Conseil constitutionnel aurait pu considérer que la nouvelle infraction ne respecte pas les principes de nécessité et de légalité des délits et des peines.

Les modifications apportées par le principal amendement du rapporteur sont les suivantes :

- concernant la nature des infractions terroristes préparées, les actes de terrorisme écologique concernés ne seraient que ceux qui sont « susceptibles d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes », afin d'éviter que ne puissent être incriminées des personnes qui auraient causé une pollution sans conséquence directe pour des personnes (pollution d'un étang avec un produit toxique pour les poissons mais sans effet sur l'homme) ;

- l'élément matériel de l'infraction comprendrait également la détention des objets ou substances dangereux, afin d'appréhender la situation des personnes qui, ayant un projet terroriste, détiennent déjà des armes ou des explosifs ;

- afin d'éviter de pénaliser la seule intention criminelle, le projet terroriste devrait se caractériser non seulement par la détention, la recherche ou l'obtention de produits ou de substances dangereux pour la personne, mais aussi par un second élément matériel parmi les suivants : repérages ; formation au maniement des armes, à la fabrication d'engins explosifs ou au pilotage ; consultation habituelle de site internet provoquant au terrorisme (sauf en cas de motif légitime lié à l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, à des recherches scientifiques ou si la consultation est réalisée afin de servir de preuve en justice).

L'article a également été modifié en séance publique. Les députés ont ainsi adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de préciser le second élément matériel de la nouvelle infraction. Cet amendement :

- remplace les termes « recevoir un entraînement ou une formation », qui impliquent nécessairement l'intervention d'un tiers, par l'expression « s'entraîner ou se former », qui permet d'inclure les personnes qui, dans un processus d'auto-radicalisation, s'entraînent ou se forment elles-mêmes ;

- ajoute à la formation, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives ou incendiaires, la formation à la fabrication de substances nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques ;

- ajoute à la consultation de sites Internet provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie ;

- complète cette liste par le fait d'avoir séjourné à l'étranger dans une zone où sont commis des actes terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.

La position de votre commission

Lors des travaux de votre commission ayant précédé l'examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, en décembre 2012, les acteurs de la lutte anti-terroriste entendus par notre collègue Jacques Mézard n'avaient pas préconisé la création d'un délit d'entreprise individuelle terroriste , bien que la question ait déjà été soulevée en raison des actes perpétrés par Mohammed Mérah en mars 2012. En effet, ils avaient considéré que l'incrimination d'association de malfaiteurs était suffisante pour traiter la plupart des affaires, la jurisprudence permettant notamment que cette incrimination soit mise en oeuvre même en l'absence de deuxième auteur présumé identifié .

A l'issue des auditions qu'ils ont menées en vue de l'examen du présent texte, vos rapporteurs ne peuvent que constater l'évolution de cette situation . Dans plusieurs affaires récentes en effet, une information judiciaire sur le chef de l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'infractions terroristes a dû être abandonnée ou a été annulée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris pour la raison qu'elle ne visait qu'un seul auteur présumé. En outre, compte tenu du phénomène actuel de l'auto-radicalisation par la consultation de messages et de sites internet alimentés par des groupes terroristes, de tels cas risquent de se produire plus fréquemment à l'avenir.

Par ailleurs, la définition de l'infraction d'entreprise individuelle de préparation d'un acte terroriste a été utilement précisée et complétée par les députés . La présence de deux faits matériels, qui, bien entendu, doivent toujours être combinés avec l'intention terroriste dont la définition n'évolue pas (« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes ... »), semble de nature à garantir le respect du principe de légalité et de nécessité des peines.

Dès lors, vos rapporteurs ont approuvé la création de cette infraction, tout en souhaitant lui apporter de nouvelles précisions.

A leur initiative, la commission a d'abord adopté un amendement complétant la liste des faits pouvant constituer le second élément matériel de l'infraction par l'hypothèse où une personne effectue des préparatifs logistiques permettant de mettre en oeuvre les moyens de destruction évoqués par le a) (objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui), tels l'achat ou la location d'un boxe ou d'un ou plusieurs véhicules.

Par ailleurs, elle a également adopté un amendement tendant à préciser l'expression « recueillir des renseignements relatifs à un lieu, à une ou plusieurs personnes ou à la surveillance de ces personnes », afin d'écarter les cas où un tel recueil de renseignements est effectué sans aucune visée concrète (renseignements recueillis sur une personnalité, sur un monument, etc., dans une démarche purement informative ou culturelle). La formulation proposée vise ainsi à prévoir que ces renseignements devront avoir une dimension opérationnelle : « recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ce lieu ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes. »

Concernant le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie », votre commission a adopté un amendement ayant pour objet de supprimer la mention « sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice ». En effet, il n'est pas nécessaire de préciser que ces actions ne font pas partie des faits matériels constitutifs de l'infraction : d'une part, l'intention terroriste est toujours exigée, d'autre part, cette exception était mentionnée, il faudrait ajouter une mention similaire dans les autres hypothèses pour exclure, par exemple, le fait pour un policier de se former au maniement des armes.

S'agissant des formations éventuellement suivies par les personnes concernées et qui peuvent constituer un élément d'appréciation de l'infraction, votre commission a adopté un amendement complétant la mention du « pilotage des aéronefs » par celle de la « conduite des navires », plusieurs attentats ayant été commis à l'aide de bateaux (par exemple les attaques de Bombay en 2008).

Enfin, elle a supprimé la mention des déplacements « dans une zone où sont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité ». En effet, selon vos rapporteurs, une telle mention introduit une certaine confusion dans la définition d'une infraction qui est censée viser des faits de nature terroriste .

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 5 bis (art. 227-24 du code pénal) - Incrimination des messages à caractère terroriste

Actuellement, l'article 227-24 du code pénal réprime le fait « soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message », lorsque ce message est susceptible d'être vu par un mineur . La peine prévue est de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Issu d'un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs de ses collègues adopté par les députés en séance publique, le présent article tend à ajouter les messages relatifs à « un acte terroriste réel ou simulé » parmi les messages qu'il est interdit de montrer à un mineur.

Il s'agirait ainsi, selon les auteurs de l'amendement, de « renforcer la protection des mineurs vis-à-vis de messages attentatoires à leur sécurité psychique qui leur sont soit proposés en lecture (cas de vidéos montrées sur des écrans de portable dans une cour de récréation ou tout autre lieu où se réunissent des mineurs) soit procurés par toute autre voie ».

Votre commission a adopté un amendement de suppression du présent article . En effet, outre que seuls des messages qui présenteraient les actes de terrorisme sous un jour positif, et non de manière informative, pourraient être légitimement réprimés, l'article 227-24 mentionne déjà les messages « violents », ce qui semble satisfaire l'intention des auteurs de l'amendement dont est issu le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 5 bis .

Article 6 (art. 706-23, 706-24-1, 706-25-1 et 706-25-2 du code de procédure pénale) - Possibilité pour le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne en cas de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme - Exclusion de l'application de certaines règles dérogatoires applicables en matière terroriste pour ces délits


• La possibilité pour le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne en cas de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme

Le 1° de l'article 6 rétablit dans le code de procédure pénale un article 706-23 prévoyant que le juge des référés peut prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne pour les faits visés par le 2 ème alinéa de l'article 421-2-5 du code pénal, en ce qu'ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public et de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

Cette disposition constitue une conséquence de la transformation, par l'article 4 du projet de loi, des délits de provocation au terrorisme et d'apologie des actes de terrorisme (article 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) en délits terroristes prévus par le code pénal. En effet, la possibilité pour le juge des référés de prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne lorsque certains contenus illicites constituent un trouble manifeste est actuellement prévue à l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881. Le présent article tend ainsi à transférer ces dispositions au sein des dispositions du code de procédure pénale relatives à la procédure suivie en matière d'infractions terroristes.

Toutefois, les députés ont adopté en séance publique un amendement prévoyant que la décision du juge des référés est prononcée à l'encontre du seul éditeur du contenu concerné.

Votre commission a adopté un amendement de ses rapporteurs supprimant cette mention des éditeurs : l'arrêt du service peut en effet concerner aussi bien un hébergeur ou un fournisseur d'accès.

L'exclusion de l'application de certaines règles dérogatoires applicables en matière terroriste pour ces délits

Les 2° et 3° de l'article 6 tendent à exclure, pour les nouveaux délits de provocation au terrorisme et d'apologie des faits de terrorisme introduits dans le code pénal, l'application de trois des règles dérogatoires prévues en matière terroriste : la garde à vue prolongée à six jours, le recours aux perquisitions de nuit et l'allongement des délais de prescription de l'action publique et des peines à vingt ans.

Le Gouvernement a sans doute considéré que l'application de ces trois règles à ces délits était susceptible de poser des difficultés au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel .

Rappelons en effet que, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, celui-ci avait indiqué que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigations spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que (...) les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées ». En outre, le Conseil constitutionnel a récemment 30 ( * ) déclaré contraire à la constitution le fait de prévoir la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu'à quatre jours et de différer l'intervention de l'avocat jusqu'à la soixante-douzième heure pour des délits qui n'étaient « pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » (délits de corruption, de trafic d'influence et de fraude fiscale aggravée).

Votre commission a adopté un amendement de coordination avec celui qu'elle a adopté à l'article 4 et qui instaure le délit d'apologie publique et de provocation au terrorisme en ligne : ainsi, la garde à vue prolongée, la prescription de vingt ans et les perquisitions nocturnes ne s'appliqueront pas à ce nouveau délit.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

CHAPITRE IV - RENFORCEMENT DES MOYENS DE PRÉVENTION ET D'INVESTIGATIONS

Article 7 (art. 706-16 du code de procédure pénale) - Extension de la compétence concurrente de la juridiction de Paris

Le présent article vise à étendre le champ matériel de la compétence concurrente de la juridiction parisienne relative aux actes de terrorisme.

En l'état du droit, la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État a organisé, en complément des règles de compétence territoriale de droit commun, une compétence concurrente au profit des juridictions parisiennes, étendue au territoire national. Par la suite, la compétence du pôle spécialisé de Paris a été progressivement élargi par le législateur, notamment avec l'ajout du délit de participation à une association de malfaiteurs lorsqu'il a pour objet de préparer aux infractions incriminées comme actes de terrorisme par la loi du 16 décembre 1992. Ainsi, l'article 706-17 du même code permet la poursuite, l'instruction et le jugement par le procureur de la République, le pôle de l'instruction, le tribunal correctionnel et la cour d'assises de Paris des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du code de procédure pénale, à savoir :

- les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ainsi que leurs infractions connexes (voir supra - commentaire de l'article 3) ;

- les actes de terrorisme commis à l'étranger lorsque la loi française est applicable en vertu des dispositions de la section 2 du chapitre III du titre I er du livre 1 er du code pénal depuis la loi du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme 31 ( * ) ;

- ainsi que les actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par ou à l'encontre de membres des forces armées françaises, depuis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux.

Modalités d'application du principe de concurrence

La circulaire d'application du 10 octobre 1986 (circulaire ministérielle Justice, 86-21 F.I) définit les modalités d'application du principe de concurrence en matière terroriste, posé à l'article 706-17 du code de procédure pénale. Celle-ci invite les juridictions à dialoguer le plus en amont possible. Lorsque le procureur de la République localement compétent constate que les investigations dont il a la direction sont susceptibles de concerner des infractions terroristes, il en informe sans délai le procureur de la République de Paris. Les services spécialisés de Paris évalue alors les faits avec les officiers de police judiciaire territorialement compétents. De même, lorsque la section anti-terroriste du Parquet de Paris diligente une enquête, elle prend l'attache par téléphone des juridictions locales.

Il est suggéré que les autorités judiciaires locales se dessaisissent au profit de la juridiction parisienne, qui exerce ses attributions « sur toute l'étendue du territoire national » , quand les investigations mettent en cause des organisations étrangères ou des groupes terroristes susceptibles d'agir en tout point du territoire national. Ainsi, les autorités judiciaires locales sont amenées à se concentrer sur le terrorisme « purement local ou régional, dépourvu de tout lien avec un réseau national ou étranger ».

Les articles 706-18 à 706-22 du code de procédure pénale organisent les conditions d'un dessaisissement consensuel. Son initiative appartient au seul procureur de la République localement compétent, qui peut requérir le juge d'instruction localement compétent de se dessaisir. Après les observations des parties, le juge d'instruction rend son ordonnance entre huit jours et un mois plus tard. Celle-ci ne prend effet que cinq jours après, sans conséquence sur les titres de détentions et les mandats décernés. Le ministère public, la partie civile et la défense disposent de cinq jours pour former un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui dispose de huit jours pour statuer.

La juridiction parisienne a l'obligation de se déclarer incompétente quand les faits ne constituent pas des actes de terrorisme, comme l'a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2006. 32 ( * ) Selon la même procédure applicable au dessaisissement, le ministère public peut se pourvoir auprès de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Enfin, l'article 706-21 du code de procédure pénale précise que l'ensemble des actes de procédure (mandat de dépôt ou d'arrêt, actes de poursuite ou d'instruction) antérieurs à la décision de dessaisissement ou d'incompétence conservent leur force exécutoire ou leur validité et n'ont pas à être renouvelés.

Cette organisation se justifie par la volonté de confier le traitement des affaires de terrorisme à des services spécialisés et centralisés. Elle permet une bonne communication entre les instances, une synergie des moyens et la définition d'une stratégie sur une politique pénale. La compétence non exclusive de la juridiction parisienne lui permet d'être informée de l'évolution de la situation judiciaire des individus impliqués dans des actes de terrorisme, sans pour autant induire une saisie systématique sur l'ensemble des infractions concernées. Dans les faits, la quasi-totalité des actes de terrorisme sont confiés à la juridiction parisienne. Cette centralisation des informations par une unité spécialisée permet un recoupement et une exploitation optimale des informations. Selon M. François Molins, procureur de la République de Paris, « Dès que le caractère terroriste apparaît, personne ne songe à contester la compétence du parquet de Paris » 33 ( * ) .

Enfin, depuis la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, le nouvel article 706-22-1 du code de procédure pénale prévoit la compétence exclusive des juridictions parisiennes de l'application des peines pour les condamnés terroristes. Cette centralisation des décisions à l'égard de cette catégorie de détenus permet une jurisprudence homogène en la matière. Néanmoins, jusqu'à présent, c'est la juridiction locale qui est compétente en cas de commission de nouvelles infractions telles que l'évasion ou l'association de malfaiteurs en vue de préparer une évasion. Le pôle anti-terroriste de Paris ne peut retenir sa compétence que dans l'hypothèse restrictive de faits constitutifs d'une association de malfaiteurs en vue de préparer un acte terroriste. Ainsi, les faits de remises ou sorties irrégulières de correspondances, de sommes d'argent ou d'objets illicites, notamment de téléphones portables ou de clés USB, échappent à la compétence du pôle parisien.

Le présent article, complété par la commission des lois de l'Assemblée nationale, propose d'élargir le champ d'application de cette compétence concurrente à cinq infractions ou catégories d'infractions lorsqu'elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen ou réclamée dans le cadre d'une extradition pour des actes de terrorisme, incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal :

- les infractions commises en détention,

- les infractions d'évasion prévues à l'article 434-27 du code pénal ;

- les infractions prévues à l'article L.624-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (voir supra - commentaire de l'article 2),

o le non-respect de l'assignation à résidence,

o le non-respect des prescriptions liées au placement sous surveillance électronique,

o le non-respect des obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie pour les étrangers astreints à résidence,

o le non-respect de l'interdiction d'être en relation avec certaines personnes (dernier alinéa) ;

- le non-respect de l'interdiction de sortie du territoire (article L.224-1 [nouveau] du code de sécurité intérieure créé par l'article 1 du présent projet de loi) ;

- ainsi que, à la suite de deux amendements adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, les différentes infractions d'évasion, de facilitation d'évasion ou de tentative d'évasion d'un détenu, prévues par les articles 434-28 à 434-37 34 ( * ) et les infractions d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450-1 du même code lorsqu'elles ont pour objet la préparation de l'une des infractions d'évasion précitées.

Il vise ainsi à une meilleure appréhension des infractions commises par la population carcérale. Ces nouvelles attributions permettraient un traitement de ces faits par la juridiction spécialisée, disposant d'une bonne connaissance des mis en cause et de leur environnement. Cette mesure participe également d'une volonté de traiter au sein du même parquet les mêmes faits à la fois dans leur dimension disciplinaire, qui relèvent de la compétence des juridictions d'application des peines de Paris, et éventuellement dans leur aspect pénal. Enfin, l'étude d'impact souligne que les phénomènes de radicalisation violente en détention seraient mieux évalués par une centralisation des informations. 35 ( * )

Votre commission a adopté, à l'initiative de vos rapporteurs, un amendement rédactionnel clarifiant les dispositions de la loi et précisant explicitement les références des articles du code pénal.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 7 bis - (art. 706-22-2 [nouveau] du code de procédure pénale) - Compétence concurrente de la cour d'appel de Paris pour l'examen des demandes d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et des demandes d'extradition

Le présent article, issu d'un amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, tend à insérer un nouvel article 706-22-2 du code de procédure pénale qui prévoit la compétence concurrente de la cour d'appel de Paris en matière de demandes d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et des demandes d'extradition concernant les auteurs d'actes de terrorisme. Il s'agirait ainsi d'une procédure dérogatoire à celles des articles 695-26, 695-27, 696-9, 696-10 et 696-23 du code de procédure pénale qui prévoient que ces demandes sont examinées exclusivement par la cour d'appel territorialement compétente.

En l'état du droit, les demandes d'extradition, après examen par le ministre des affaires étrangères, et les demandes d'exécution d'un mandat d'arrêt européen sont transmises au procureur général territorialement compétent, puis au procureur de la République territorialement compétent pour exécution. Elles sont ensuite présentées au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui. Bien que la juridiction parisienne dispose d'une expertise particulière et reconnue dans le suivi judiciaire des auteurs d'actes de terrorisme, il lui est impossible d'être en charge de ces dossiers quand elle n'est pas territorialement compétente. Ainsi, la demande d'exécution du mandat d'arrêt européen émis par la Belgique à l'encontre de Medhi Nemmouche a été examinée par le parquet de Versailles, territorialement compétent, et non le parquet de Paris.

Rappelons qu'en l'état actuel du droit, la cour d'appel de Paris dispose déjà, en application de l'article 706-17 du code de procédure pénale, d'une compétence concurrente pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions terroristes. De plus, depuis la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, l'article 706-22-1 du code de procédure pénale prévoit également la compétence exclusive des juridictions de l'application des peines de Paris pour les condamnés terroristes . Les décisions du tribunal de l'application des peines et de la chambre de l'application des peines de Paris interviennent après avis du juge de l'application des peines territorialement compétent selon les dispositions de l'article 712-10 du code de procédure pénale. Ainsi, les dispositions du présent article visent à poursuivre l'harmonisation du traitement judiciaire des condamnés pour actes de terrorisme.

Dans la mesure où, contrairement au dispositif en matière d'application des peines, le dispositif créé par le présent article prévoit une compétence concurrente entre la juridiction parisienne et la juridiction territorialement compétente , il importe de prévenir d'éventuels conflits de compétence par la mise en place de mécanismes de dessaisissement et de déclaration d'incompétence . Ces derniers doivent respecter l'exigence de célérité de l'article 695-43 du code de procédure pénale qui prévoit une décision dans un délai maximal de soixante jours.

En conséquence, votre commission a adopté, à l'initiative de vos rapporteurs, un amendement qui, d'une part, déplace ces dispositions dans le titre X du code de procédure pénale relatif à l'entraide judiciaire internationale et qui, d'autre part, prévoit un mécanisme de dessaisissement et de déclaration d'incompétence selon les modalités prévues par les articles 706-18 et 706-19.

Votre commission a adopté l'article 7 bis ainsi modifié .

Article 8 (art. L. 562-1, art. L. 562-5 et art. L.562-6 du code monétaire et financier) - Codécision du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'économie en matière de gels des avoirs

Le ministre chargé de l'économie est actuellement seul compétent pour prononcer les mesures administratives de gels des avoirs et d'interdiction des transferts de fonds. Le présent article a pour objet de partager cette compétence avec le ministre de l'intérieur.

En l'état actuel du droit, l'article L. 562-1 du code monétaire et financier permet au ministre chargé de l'économie de décider le gel, pour une durée de six mois renouvelable, de tout ou partie des fonds appartenant à des personnes physiques ou morales qui incitent, commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme .

En vertu de l'article L. 562-5, le ministre chargé de l'économie peut également décider d'interdire, pour la même durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds , instruments financiers et ressources économiques au bénéfice des personnes physiques ou morales, organismes ou entités auxquels ces fonds, instruments financiers et ressources économiques appartiennent, et qui sont mentionnées à l'article L. 562-1 ou à l'article L. 562-2.

Le présent article modifie ainsi les articles L. 562-1 et L. 562-5 afin que le ministre de l'Intérieur, conjointement avec le ministre chargé de l'économie, puisse désormais décider de mesures administratives de gels des avoirs ou d'interdiction des transferts de fonds. En conséquence, l'article L. 562-6, qui prévoit la publication des décisions « du ministre » a été modifié, par un amendement de coordination adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin de prendre en compte la pluralité des ministres dans la prise de décision.

Par ailleurs, l'article L. 562-2 du même code s'applique en cas de sanctions financières internationales. Il prévoit que le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois renouvelable, de tout ou partie des fonds appartenant à des personnes physiques ou morales qui commettent, sont susceptibles de commettre, facilitent ou participent à des actes sanctionnés par des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne. En pratique, ces mesures administratives sont prises à la suite de décisions des comités des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies. Toutefois, le présent article ne prévoit pas d'étendre la codécision aux mesures administratives qui font suite aux sanctions financières internationales.

Actuellement, le ministère chargé de l'économie décide seul des mesures de gel ou de renouvellement de gel, sur le fondement des demandes de l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) du ministère de l'intérieur. Cette dernière est chargée de centraliser et de transmettre l'ensemble des demandes de gel ou de renouvellement de gel pour le compte des services du ministère de l'intérieur. Les propositions de gels sont communiquées à la direction générale du trésor du ministère chargé de l'économie dans un délai habituellement inférieur à dix jours, le temps de procéder aux consultations nécessaires. Les notes de renseignement sont transmises à la fois à la direction générale du trésor et à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

Selon l'étude d'impact, rendre le ministère de l'intérieur décisionnaire en matière de décision de gels des avoirs ou d'interdiction de transfert de fonds permettra à son administration d'être représentée en cas de recours contentieux et de présenter devant les juridictions administratives les éléments légitimant les mesures administratives. Le juge administratif admet que les « notes blanches » - c'est-à-dire les fiches banalisées des services de renseignement contenant des extraits de rapports de police expurgés de toute précision quant à la nature et à l'identité des sources utilisées - peuvent constituer un mode de preuve admissible dans le cadre de son contrôle, à la condition qu'elles fassent état de faits suffisamment précis et circonstanciés 36 ( * ) , comme l'a rappelé récemment le tribunal administratif de Paris 37 ( * ) . Aussi, le partage de la compétence en matière de gels des avoirs permettra de définir une stratégie commune dans le traitement des recours contentieux, notamment concernant l'utilisation des notes de services de renseignements. À noter qu'en 2014, sur treize mesures de gel des avoirs, et qu'en 2013, sur quatorze mesures, il y a eu, respectivement, quatre et trois recours.

Certes, une signature supplémentaire étant nécessaire, il existe un risque de ralentir le processus administratif. Néanmoins, le ministère de l'intérieur est d'ores et déjà associé dans le processus de décision. De plus, pour les décisions de renouvellement de gel des avoirs, l'UCLAT et la direction générale du trésor s'échangent régulièrement des informations et parviennent à respecter les délais mentionnés dans l'arrêté de gel initial pour la signature des nouveaux arrêtés. Dans le cadre d'une coordination renforcée par la codécision, le dialogue en amont entre l'UCLAT et la direction générale du trésor devrait permettre de maîtriser les délais.

Par ailleurs, ces nouvelles dispositions demandent une adaptation du décret d'application. Afin de ne pas empêcher le prononcé de gel d'avoirs terroristes dans l'attente de cette adaptation, votre commission a adopté, à l'initiative de vos rapporteurs, un amendement ayant pour objet de différer l'entrée en vigueur du présent article.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique) - Lutte contre la provocation au terrorisme et l'apologie des faits de terrorisme sur internet

Le 1° du présent article prévoit de compléter la procédure de signalement des contenus illicites sur internet s'agissant des sites incitant au terrorisme ou en faisant l'apologie. Le 2° tend à instaurer la possibilité d'un blocage sur décision administrative de ces mêmes sites.


• L'extension de la procédure de signalement / retrait des contenus illicites d'internet à l'incitation et à l'apologie du terrorisme

Le 1° de l'article 9 prévoit de compléter la liste des faits délictueux pour lesquels les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs sont soumis aux obligations prévues au paragraphe 7 du I de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN), en y ajoutant les faits de provocation au terrorisme et d'apologie des faits de terrorisme qui seront désormais réprimés par l'article 421-2-5 du code pénal.

Actuellement, le premier alinéa du 7 du I de l'article 6 de la LCEN prévoit que les fournisseurs d'accès à internet (FAI) et les hébergeurs de sites internet ne sont pas soumis « à une obligation générale de surveiller les informations [qu'ils] transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». L'article 6 prévoit néanmoins deux procédures qui peuvent aboutir au retrait de contenus illicites sur des sites internet :

- la procédure de l'alinéa 5 du I de l'article 6, qui concerne les hébergeurs

Les hébergeurs de sites internet ne peuvent pas voir leur responsabilité pénale engagée s'ils stockent des informations illicites sans en avoir connaissance. Toutefois, l'alinéa 5 du I de l'article 6 prévoit que, si un signalement précis est fait à un hébergeur, sa connaissance du caractère illicite du contenu illicite est présumée. Il doit alors retirer les données concernées ou en rendre l'accès impossible. Il s'agit d'une procédure assez lourde dans la mesure où le signalement justifiant que l'hébergeur est présumé avoir connaissance des données illégales doit être très complet. Ce signalement doit en effet comprendre :

- la date de la notification ;

- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

- les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

- la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté ;

- la procédure de l'alinéa 7 du I de l'article 6, qui concerne tant les hébergeurs que les fournisseurs d'accès, et qui fait l'objet du 1°du présent article

Pour des infractions considérées comme particulièrement graves (crimes contre l'humanité, incitation à la haine raciale, pornographie enfantine, incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences faites aux femmes, atteintes à la dignité humaine), le 7 ème alinéa du même I de l'article 6 prévoit des obligations supplémentaires pour les FAI et les hébergeurs de sites internet. En effet, ils sont soumis à une obligation de vigilance vis-à-vis de ces infractions et doivent « concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux 5 ème et 8 ème alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal [diffusion d'images pédopornographiques] ».

Ces obligations supplémentaires à la charge des FAI et des hébergeurs sont les suivantes :

- mettre en place un dispositif permettant à toute personne de signaler ces infractions ;

- informer promptement les autorités publiques compétentes des signalements qu'ils reçoivent via l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) ;

- rendre publics les moyens qu'ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

En matière d'application de la procédure de l'alinéa 7 du I de l'article 6, les pratiques sont hétérogènes selon les prestataires. Les représentants de l'association des fournisseurs d'accès à internet (AFA), entendus par vos rapporteurs, mettent en oeuvre un dispositif de signalement appelé « Pointdecontact ». Facebook et Twitter ont mis en place un dispositif basique.


• Le blocage administratif des sites incitant au terrorisme ou en faisant l'apologie

Pour prendre en compte le cas où la procédure de retrait / signalement est insuffisante, notamment parce que l'hébergeur se trouve à l'étranger, le présent article prévoit une procédure de blocage par l'intermédiaire du fournisseur d'accès.

Le 2° du présent article complète ainsi le 7 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 précitée en insérant un 5 ème alinéa prévoyant, dans des termes identiques à ceux de la loi du 14 mars 2011 (LOPPSI) pour les sites pédopornographiques, la possibilité pour l'administration d'exiger des FAI le blocage de l'accès à certains sites pour les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes.

Le blocage des sites internet illégaux existe dans plusieurs pays européens et est notamment préconisé par la directive du 4 novembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie. L'article 25 de cette directive prévoit en effet que : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire rapidement supprimer les pages internet contenant ou diffusant de la pédopornographie qui sont hébergées sur leur territoire et s'efforcent d'obtenir la suppression des pages hébergées en dehors de celui-ci » et « les États membres peuvent prendre des mesures pour bloquer l'accès par les internautes sur leur territoire aux pages internet contenant ou diffusant de la pédopornographie. Ces mesures doivent être établies par le biais de procédures transparentes et fournir des garanties suffisantes, en particulier pour veiller à ce que les restrictions soient limitées à ce qui est nécessaire et proportionné, et que les utilisateurs soient informés de la raison de ces restrictions. Ces garanties incluent aussi la possibilité d'un recours judiciaire ».

Le blocage judiciaire des sites

L'article 6.I.8 de la loi du 21 juin 2004 prévoit déjà une telle possibilité de blocage, mais ordonnée en référé par le juge civil saisi par toute personne qui s'estime lésée par un contenu. Ce référé civil se fonde alors sur l'article 809 du code de procédure civile, ou sur l'article 145 du même code lorsqu'il s'agit d'un fournisseur d'accès étranger, ce dernier article permettant par exception l'application de la loi française à un litige en cas de « motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ». La loi relative aux jeux en ligne du 12 mai 2010 prévoit de la même manière que le président de l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner aux fournisseurs d'accès le blocage de l'accès à un site de jeux en ligne. Selon le rapport de M. Marc Robert, l'ARJEL a déjà mis en oeuvre cette disposition à quarante-neuf reprises.

Estimant que le blocage judiciaire (cf. l'encadré ci-dessus) ne permet pas toujours d'agir assez rapidement et efficacement, le législateur a instauré la possibilité d'un blocage administratif des sites.

D'abord, l'article 18 de la loi du 21 juin 2004 précitée, modifiée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, permet à l'administration de prendre des « mesures restreignant, au cas par cas, le libre exercice [d'une activité de commerce électronique] (...) lorsqu'il est porté atteinte ou qu'il existe un risque sérieux et grave d'atteinte au maintien de l'ordre et de la sécurité publique, à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique (...) à la préservation des intérêts de la défense nationale ». Toutefois, le décret d'application de cette disposition est toujours au stade de l'avant-projet. Le Conseil national du numérique, consulté sur cet avant-projet, a rendu un avis réservé, demandant qu'il soit notifié pour avis à la commission européenne et clarifié.

Par ailleurs, la LOPPSI a instauré une seconde possibilité de blocage administratif, à l'encontre des sites pédopornographiques, afin de s'adapter au fait que la majorité des images en cause, bien qu'accessibles en France, sont stockées par des hébergeurs situés à l'étranger, ce qui rend inefficace les procédures de signalement/retrait du dispositif de l'article 6-I (cf. ci-dessus). Dès lors, seuls les fournisseurs d'accès peuvent donner prise à une action de l'administration. Ainsi, l'article 6-I 7 tel que modifié par la loi du 14 mars 2011 prévoit que l'administration peut ordonner à ces FAI d'empêcher sans délai l'accès aux sites en cause. Cette disposition a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel 38 ( * ) .

Toutefois, le décret d'application de ces dispositions est également toujours attendu. En effet, les négociations entre l'administration et les fournisseurs d'accès n'ont pas encore abouti, notamment sur la compensation financière liée à la mise en oeuvre des blocages.

Par ailleurs, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, les députés ont supprimé, en adoptant deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Sergio Coronado, les dispositions de l'article 1 er prévoyant la possibilité d'un blocage administratif des sites internet abritant à l'étranger des activités liées à la traite des êtres humains ou au proxénétisme. En effet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, a indiqué qu'un groupe de travail réfléchissait à la question du blocage des sites internet, certaines difficultés techniques n'ayant pu être résolues à ce jour, difficultés expliquant également la non-adoption du décret d'application sur le blocage des sites pédopornographiques prévu par la LOPPSI. Le conseil national du numérique avait également donné un avis défavorable à ces dispositions, notamment du fait de l'absence d'intervention de l'autorité judiciaire.

Enfin, selon le rapport de M. Marc Robert précité, la possibilité de bloquer certains contenus d'internet est nécessaire du fait de l'inefficacité totale des dispositifs de retrait dans le domaine de la délinquance organisée. En outre, s'il existe des possibilités de contournement, le blocage permet de « diminuer l'impact de l'action criminelle en prévenant l'accès involontaire du plus grand nombre ». Le rapport conclut ainsi qu' « en résumé, si la technique du blocage n'est pas la panacée - mais celle-ci n'existe que rarement dans le domaine de la lutte contre la criminalité - elle constitue un outil, parmi d'autres, dont on aurait tort de se priver à condition de le cantonner strictement ». Il souligne ensuite les points de difficulté qui persistent : risques de « surblocage », existence de pratiques de contournement, enfin obligation d'aboutir à un accord sur la question de la compensation financière.

In fine , le rapport de M. Marc Robert estime que la décision de blocage d'un site doit venir du juge judiciaire saisi par l'administration (juge civil saisi en référé ou sur le fond ou juge des libertés et de la détention) eu égard aux effets sur les libertés individuelles , exception faite pour la pédopornographie, cette dernière infraction étant avérée par nature et le dispositif légal de blocage administratif sans intervention judiciaire ayant été validé par le Conseil constitutionnel.

Malgré ces éléments, l'étude d'impact justifie l'instauration d'un blocage administratif et non judiciaire par les arguments suivants :

- compte tenu du nombre croissant de sites mis en cause, les juges des référés ne seraient pas en mesure d'intervenir utilement dans des délais restreints ;

- le recours n'appartiendrait qu'aux seules personnes ayant un intérêt à agir, et non à l'autorité administrative (mais cet argument est contestable, un blocage mixte pouvant être institué, comme dans le cas de jeux de hasard en ligne) ;

- seuls les sites visés dans la procédure judiciaire et non les sites miroirs pourraient être bloqués.

Entendue par vos rapporteurs, Mme Catherine Chambon, sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité à la direction centrale de la police judiciaire, a estimé que la procédure de blocage administratif des sites constituerait un moyen supplémentaire à la disposition de l'autorité administrative, et non une solution parfaitement efficace au problème de la provocation au terrorisme sur internet . D'un point de vue technique, l'architecture très décentralisée du réseau internet en France rendrait les opérations de blocage plus complexes à mettre en oeuvre que dans d'autres pays européens, ce qui explique une partie du retard pris dans l'élaboration des décrets précités. Concernant les risques de surblocage souvent invoqués, ils dépendent de la technique employée, chacune comportant des avantages et des inconvénients :

- le blocage de l'adresse IP est techniquement simple mais à écarter car il supprime l'accès à tout le contenu, licite ou illicite, d'un serveur. Le risque de « surblocage » est ici dirimant. En outre son efficacité est finalement faible ;

- le blocage du nom de domaine est très efficace et le risque de surblocage est faible. En revanche il ne peut être utilisé pour bloquer les contenus d'un réseau social sous peine de bloquer complètement l'accès à celui-ci ;

- le blocage de l'URL lié au contenu en cause est relativement efficace et présente un risque de surblocage qui serait acceptable, mais semble techniquement plus compliqué et plus coûteux à mettre en oeuvre pour les opérateurs.

Le 3° dispose que le décret d'application relatif au blocage des sites pédopornographiques prévoira également l'application des dispositions relatives à la provocation et à l'apologie du terrorisme.

En outre, de manière inédite, ce décret devra également prévoir les modalités « selon lesquelles un magistrat de l'ordre judiciaire, désigné par le ministre de la justice, s'assure de la régularité des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne concernés ».

Enfin, le 4° procède à une coordination au sein de l'article 6 de la loi de la LCEN afin de tenir compte de l'ajout de l'alinéa introduit par le 2°.


• Le renforcement des garanties du dispositif par l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives au blocage administratif des sites, afin de tenir compte des objections émises par la commission de réflexion et de proposition de l'Assemblée nationale sur le droit et les libertés à l'âge numérique, co-présidée par le député M. Christian Paul et Mme Christiane Féral-Schuhl 39 ( * ) et de celles formulées de manière encore plus nettes par le conseil national du numérique dans un avis rendu le 15 juillet 2014.

Elle a ainsi adopté un amendement de son rapporteur tendant à faire du blocage une mesure subsidiaire par rapport au retrait du contenu par l'éditeur ou l'hébergeur . Ainsi, le blocage ne pourrait être demandé au fournisseur d'accès qu'après avoir demandé à l'éditeur ou, « à défaut », à l'hébergeur de retirer le contenu, et après leur avoir laissé vingt-quatre heures pour y procéder. Ce préalable obligatoire de la demande de retrait serait toutefois écarté pour les sites dont l'éditeur et l'hébergeur ne pourront pas être identifiés à partir des informations figurant sur le site incriminé.

En outre, estimant que la possibilité d'un recours devant le juge administratif contre la décision de blocage ne pourrait pas toujours être mis en oeuvre, par exemple lorsque l'éditeur du site bloqué sera à l'étranger ou ne sera pas en capacité financière de contester cette décision, la commission des lois de l'Assemblée nationale a également adopté un amendement de son rapporteur confiant à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), pour une durée de trois ans non renouvelable, la mission de vérifier que les contenus dont l'autorité administrative demande le retrait ou que les sites dont elle ordonne le blocage sont bien contraires aux dispositions du code pénal sanctionnant la provocation au terrorisme, l'apologie du terrorisme ou la diffusion d'images pédopornographiques. Cette personnalité aurait un pouvoir de recommandation vis-à-vis de l'autorité administrative et aurait, si l'autorité administrative ne suit pas sa recommandation, compétence pour saisir la juridiction administrative.

En séance publique, les députés ont par ailleurs adopté un amendement du rapporteur supprimant le caractère préalable obligatoire de la demande de retrait adressée à l'éditeur, afin que l'autorité administrative apprécie librement les cas dans lesquels elle devra adresser sa demande de retrait aux éditeurs et les cas dans lesquels cette demande devra être adressée aux hébergeurs.

Les députés ont en outre adopté un amendement de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues prévoyant que la personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité , précisant notamment le nombre de demandes de retraits, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l'autorité administrative.

Enfin, ils ont adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel prévoyant que la compensation des coûts résultant pour l'opérateur des mesures demandées par l'administration se fasse sur une base objective à partir des justifications données par celui-ci sur les éléments composant ces surcoûts.


• La position de votre commission

Le blocage des sites internet par les fournisseurs d'accès constitue l'une des possibilités à la disposition des pouvoirs publics pour entraver la diffusion de contenus illégaux et dangereux sur internet.

Vos rapporteurs sont bien conscients, comme l'ensemble des personnes entendues, y compris les services de la lutte anti-terroriste, de l'efficacité limitée du blocage des sites . La possibilité de contourner un tel blocage et de créer un « site miroir », ou de diffuser ailleurs un message d'apologie du terrorisme, est une réalité.

Toutefois, il serait excessif de dénier toute forme d'efficacité à un tel mécanisme . En effet, il peut réduire ponctuellement l'exposition des personnes qui auront eu accès fortuitement à ces contenus 40 ( * ) . En revanche, le blocage sera moins efficace pour empêcher une personne déjà engagée dans un processus de radicalisation de se connecter à un site administré par un groupe terroriste.

En outre, lorsque le retrait du contenu litigieux est de toute façon impossible, par exemple quand l'hébergeur se trouve dans un pays étranger qui ne souhaite pas coopérer avec les fournisseurs d'accès ou les autorités françaises, le blocage reste la seule solution.

Du point de vue du risque d'atteinte à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a considéré, à propos du blocage des sites pédopornographiques, que « ces dispositions assurent une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ». Si le risque de surblocage est réel, il dépend directement de la technique de blocage utilisée. À cet égard, le Gouvernement semble s'orienter vers un blocage par noms de domaine, ce qui réduit fortement le risque de surblocage (mais rend également quasi impossible, il est vrai, le blocage de messages individuels sur des réseaux sociaux).

Enfin, le contrôle effectué par la personnalité qualifiée nommée par la CNIL devrait permettre d'éviter des blocages abusifs . Bien que le champ de compétences actuel de cette autorité administrative indépendante (AAI) n'englobe pas ce sujet, ainsi que l'a rappelé Mme Isabelle Falque-Pierrotin lors de son audition par vos rapporteurs, la CNIL dispose tout de même d'une bonne appréhension des sujets liés au numérique et sa compétence en matière de protection des libertés publiques est reconnue. À cet égard, il serait sans doute souhaitable que la personnalité qualifiée soit nommée parmi les membres de la CNIL, par exemple ceux qui sont issus des hautes juridictions, et non en dehors de l'institution, afin que cette personnalité puisse s'appuyer sur toutes les ressources de l'AAI.

Au total, votre commission a approuvé la création de ce dispositif , tout en y apportant à l'initiative de vos rapporteurs, outre d'importantes modifications rédactionnelles, quelques précisions :

- un premier amendement vise à modifier le délai dans lequel l'éditeur ou l'hébergeur du contenu litigieux devra le retirer avant que l'administration ne déclenche la procédure de blocage auprès du fournisseur d'accès. En effet, un délai de vingt-quatre heures ne semble pas réaliste au regard des mesures nécessaires pour retirer le contenu illicite, en particulier si, cas fréquent, il est hébergé à l'étranger. L'amendement fixe donc un délai de quarante-huit heures ;

- le blocage de l'accès aux sites internet ne peut pas être immédiat : il existe des délais techniquement incompressibles de mise à jour dans les réseaux. Un autre amendement de vos rapporteurs tend donc à préciser que les fournisseurs d'accès à internet doivent immédiatement « procéder aux opérations nécessaires pour empêcher » l'accès aux sites et non immédiatement « empêcher l'accès aux sites » ;

- un troisième amendement fixe la durée du mandat de la personnalité qualifiée à cinq ans au lieu des trois ans prévus par le texte de l'Assemblée nationale, afin de lui permettre d'acquérir davantage d'expérience dans cette fonction.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 57-1 du code de procédure pénale) - Perquisition de données stockées à distance ou sur des terminaux mobiles à partir d'un système informatique implanté dans les services de police ou unités de gendarmerie - Faculté pour l'officier de police judiciaire de requérir toute personne ayant les codes d'accès d'un système informatique faisant l'objet d'une perquisition

Le présent article tend à modifier l'article 57-1 du code de procédure pénale, relatif à l'accès des officiers de police judiciaire (OPJ) et des agents de police judiciaire (APJ), lors d'une perquisition, aux données contenues dans un système informatique implanté dans les lieux où se déroule la perquisition, ou dans un autre système informatique accessible depuis le système initial. Il tend ainsi à ajouter un alinéa ouvrant aux enquêteurs la possibilité d'accéder au système informatique « distant » et accessible depuis les locaux perquisitionnés, non plus à partir de celui-ci mais depuis les locaux de leurs propres services.

Selon l'étude d'impact, cette disposition vise à permettre à l'enquêteur d'agir dans son espace de travail habituel, en disposant des conditions optimales pour recueillir et exploiter les données utiles dans le cadre de sa procédure.

Cette nouvelle possibilité ouverte aux enquêteurs ne constitue pas un nouveau régime juridique des perquisitions mais s'insère au sein du régime juridique existant, fixé par les articles 56 à 49 du code de procédure pénale. L'ensemble des règles procédurales de ce régime restent donc applicables (présence de la personne ou de deux témoins dans les locaux de la police, exclusion de certaines professions protégées, etc.).

À l'initiative de M. Guillaume Larrivé, la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété cet article par un 2° complétant l'article 57-1 du code de procédure pénale afin de reconnaitre aux OPJ la faculté de requérir toute personne ayant les codes d'accès d'un système informatique faisant l'objet d'une mesure de perquisition. Le fait de refuser de répondre à cette réquisition serait puni d'une amende de 3 750 euros.

Votre commission a approuvé ces dispositions. Vos rapporteurs ont toutefois relevé que le régime de la saisie des données informatiques présentait trop de spécificité par rapport à une saisie de documents pour pouvoir être sans dommage transposé du régime des perquisitions. Ils ont donc appelé de leurs voeux une réflexion approfondie sur ce sujet afin d'aboutir à une législation plus adaptée.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. 230-1, 230-2, 230-3 et 230-4 du code de procédure pénale) - Réquisition par un officier de police judiciaire de toute personne qualifiée pour le décryptage de données chiffrées

Cet article a pour objet de permettre aux officiers de police judiciaire , sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de requérir toute personne qualifiée pour décrypter des données chiffrées saisies ou obtenues au cours d'une enquête ou d'une instruction.

Actuellement, cette possibilité n'est offerte qu'au procureur de la République, à la juridiction d'instruction ou à la juridiction de jugement, dans le cadre des articles 230-1 à 230-5 du code de procédure pénale, créés par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 pour la sécurité quotidienne.

L'article 230-1 prévoit que « lorsque des données saisies ou obtenues au cours de l'enquête ou de l'instruction ont fait l'objet d'opérations de transformation empêchant d'accéder aux informations en clair qu'elles contiennent ou de les comprendre », le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peuvent requérir toute personne qualifiée pour obtenir le décryptage de ces données. Les personnes désignées prêtent serment par écrit, selon les modalités de l'article 160 du code de procédure pénale, « si elles ne sont pas inscrites sur une liste prévue à l'article 157 », c'est-à-dire dans le cas où ces personnes ne figurent pas sur la liste nationale d'experts établie par la Cour de cassation ou sur une liste établie par une cour d'appel.

Si, d'une part, les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent et si, d'autre part, la peine encourue est supérieure ou égale à deux ans, cet article autorise également les magistrats à solliciter un service technique de l'État couvert par le secret de la défense nationale, le centre technique d'assistance 41 ( * ) .

L'article 230-2 précise les modalités du recours à ce service. La juridiction doit adresser sa réquisition, qui doit mentionner le délai dans lequel les opérations de décryptage doivent être réalisées, accompagnée du support physique contenant les données, au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information, l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui remet lui-même la demande et le support à l'organisme technique soumis au secret de la défense nationale.

L'article 230-3 du code de procédure pénale précise les modalités de restitution des éléments par le service technique couvert par le secret de la défense nationale : celui-ci adresse les éléments à l'OCLCTIC, qui les remet immédiatement à l'autorité judiciaire.

Enfin, l'article 230-4 précise que les mesures prises dans le cadre de ce chapitre n'ont pas de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de recours.

Le Gouvernement justifie l'élargissement de cette procédure aux officiers de police judiciaire par un impératif de simplification 42 ( * ) .

L'article 11 du projet de loi complète donc l'article 230-1 du code de procédure pénale, pour ajouter aux autorités compétentes pour réquisitionner une personne afin de décrypter des données chiffrées, l'officier de police judiciaire, qui agira sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction. L'officier de police judiciaire pourra également requérir l'organisme technique soumis au secret de la défense nationale, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction et par l'intermédiaire de l'OCLCTIC.

Par coordination, le présent article prévoit aussi la possibilité pour l'officier de police judiciaire de faire prêter serment, en application de l'article 60 du code de procédure pénale, à une personne requise qui ne figurerait pas sur la liste nationale d'experts ou sur une liste d'experts établie par une cour d'appel.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que cette mesure était cohérente au regard des pouvoirs de l'officier de police judiciaire définis au 1 er alinéa de l'article 60 du code de procédure pénale qui dispose que « s'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées ».

En conséquence, les députés ont adopté le présent article sans modification.

La simplification opérée par le présent article est conforme aux conclusions du rapport sur la cybercriminalité du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par M. Marc Robert, « Protéger les internautes », rendu en février 2014 43 ( * ) , dont la recommandation n° 43 préconise d'autoriser l'officier de police judiciaire à requérir toute personne qualifiée, y compris le centre technique d'assistance, via l'OCLCTIC 44 ( * ) .

Vos rapporteurs partagent une proposition complémentaire du rapport précité de M. Marc Robert, consistant à supprimer la saisine intermédiaire de l'OCLCTIC 45 ( * ) pour solliciter le centre technique d'assistance. En effet, il semble plus efficace pour la conduite des enquêtes de dispenser les magistrats - et désormais les officiers de police judiciaire, sur autorisation d'un juge -, de cet échelon intermédiaire. À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement modifiant les articles 230-2 et 230-3 en ce sens.

En outre, sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement élargissant les possibilités de saisine du centre technique d'assistance afin d'accéder à des données protégées par un mécanisme d'authentification.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement rédactionnel visant à modifier la rédaction de l'article 230-1 du code de procédure pénale en ce qu'il fait référence au 1 er alinéa de l'article 160 de ce code, alors que cet article ne comporte qu'un seul alinéa, ainsi qu'un amendement rédactionnel opérant des coordinations manquantes aux articles 230-2 et 230-3 du code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (art. 323-1, 323-2 et 323-3 du code pénal) - Répression de l'extraction, de la reproduction et de la transmission frauduleuses de données informatiques et peines d'amendes encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD)

Cet article, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son président et de son rapporteur, poursuit deux objets distincts.

D'une part, il vise à incriminer spécifiquement le vol de données informatiques , qui ne fait pas aujourd'hui l'objet d'une infraction en tant que telle. D'autre part, l'article aggrave les peines d'amende encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD).

Actuellement, il existe trois incriminations principales liées à l'atteinte à un système de traitement automatisé de données :

- l' accès ou le maintien frauduleux à un système (article 323-1 du code pénal), puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, ces peines étant portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende si l'accès ou le maintien frauduleux au système s'est accompagné de la suppression ou de la modification de données de ce système ;

- le fait d'en fausser ou d'en entraver le fonctionnement (article 323-2), puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ;

- le fait d' introduire , de supprimer ou de modifier frauduleusement des données y étant contenues (article 323-3), également puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Les peines prévues pour ces infractions sont aggravées lorsque l'atteinte a été commise à l'égard d'un système de traitement automatisé de données mis en oeuvre par l'État, respectivement à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour l'infraction de l'article 323-1 et sept ans et 100 000 euros d'amende pour les infractions des articles 323-2 et 323-3.


• La création d'une incrimination spécifique : le vol de données informatiques.

Comme le souligne le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il n'existe effectivement pas d'infraction spécifique sanctionnant le vol de données informatiques. En effet, dans la mesure où le vol se définit comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui » 46 ( * ) , il est difficile de qualifier de vol la copie frauduleuse de données informatiques, dans la mesure où la victime n'est pas formellement dépossédée des données copiées.

Sans doute la Cour de cassation a admis dès 1989 le vol de « contenu informationnel » de disquettes car l'appropriation, au moins temporaire du support physique sur lequel figuraient les données, afin de les copier, permettait de caractériser le vol 47 ( * ) .

Mais aujourd'hui, le vol de données informatiques s'effectue de manière totalement dématérialisée, via l'ordinateur ou les serveurs de la victime. Il n'y a donc, à aucun moment, une dépossession physique, même temporaire, d'un élément appartenant à la victime.

Toutefois, des cours d'appels ont pu retenir la qualification de vol de fichiers informatiques dans cette situation. La cour d'appel de Paris a ainsi estimé récemment que la copie informatique de fichiers pouvait être qualifiée de vol de fichiers lorsque ceux-ci sont « inaccessibles au public » et que la copie a été réalisée « à des fins personnelles à l'insu et contre le gré de leur propriétaire » 48 ( * ) .

La Cour de cassation n'a cependant jamais confirmé explicitement cette interprétation 49 ( * ) .

À l'initiative conjointe de son président et de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a donc adopté un amendement incriminant « l'extraction, la détention, la reproduction et la transmission de données contenues dans un système de traitement automatisé de données ».

Les députés ont fait le choix d'en faire à la fois une circonstance aggravante au délit constitué par l'accès ou le maintien frauduleux dans un STAD (article 323-1 du code pénal) et un délit en tant que tel à l'article 323-3 du même code, qui réprime l'introduction, la suppression et la modification frauduleuses de données contenues dans un STAD.

Ces faits ne sont pas punis des mêmes peines, puisque l'article 323-1 les punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, tandis que l'article 323-3 les punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.


• La position de votre commission : maintenir la seule incrimination de vol de données informatiques

La proposition de l'Assemblée nationale d'incriminer spécifiquement le vol de données informatiques, à l'article 323-3 du code pénal, est justifiée. Le texte initial de la proposition de loi de M. Jacques Godfrain, qui a créé les premières incriminations réprimant les atteintes aux STAD, en 1988, prévoyait ainsi à son article 4 une incrimination spécifique de vol de données informatiques, puisqu'était réprimée « la captation sans droit de données ou programmes enregistrés ». Votre commission avait alors constaté que « cette incrimination s'analyse en fait en une transposition des dispositions relatives au vol » 50 ( * ) .

Toutefois, la création à l'article 323-1 d'une circonstance aggravante en cas d' « extraction, de détention, de reproduction et de transmission de données contenues dans un système de traitement automatisé de données » à l'occasion de l'accès ou du maintien frauduleux dans un STAD, qui correspondrait au cas où ces infractions seraient involontairement commises, complique sans utilité le mécanisme créé.

En effet, si à l'occasion de l'accès ou du maintien frauduleux dans un STAD, réprimé à l'article 323-1, un vol de données est commis (réprimé à l'article 323-3), les deux infractions pourront se cumuler et la peine applicable sera celle de l'article 323-3, plus sévère.

En tout état de cause, il est difficile de concevoir que les opérations d' « extraction, de détention, de reproduction et de transmission de données contenues dans un système de traitement automatisé de données » puissent être commises de manière involontaire.

À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement supprimant la circonstance aggravante créée à l'article 323-1 et conservant l'incrimination créée à l'article 323-3.


• Le choix par l'Assemblée nationale d'une aggravation des seules peines d'amende encourues en cas d'atteinte à un STAD.

L'article 11 bis a également pour objet d'aggraver les peines d'amende encourues en cas d'atteinte à un STAD.

À l'initiative du président et du rapporteur de la commission des lois, les députés ont fait le choix de n'aggraver que les peines d'amende encourues, en laissant inchangés les quantum de peine d'emprisonnement encourus.

Le rapporteur indique qu'il s'est inspiré de l'échelle des peines applicable au délit d'escroquerie défini aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal 51 ( * ) .

Ainsi, les peines d'amendes ont été portées :

Pour l'article 323-1 à :

- 100 000 euros pour l'accès ou le maintien frauduleux, contre 30 000 euros actuellement ;

- 375 000 euros pour l'accès ou le maintien frauduleux s'il s'est accompagné de suppression ou de modification de données du système, contre 45 000 euros actuellement ;

Pour l'article 323-2 à :

- 500 000 euros pour le fait de fausser ou d'entraver le fonctionnement d'un système, contre 75 000 euros actuellement ;

Pour l'article 323-3 à :

- 500 000 euros pour le fait d'introduire, supprimer et modifier frauduleusement les données d'un système, contre 75 000 euros actuellement ;

Les peines d'amende encourues ont été également augmentées substantiellement lorsque le système mis en cause est mis en oeuvre par l'État, l'amende étant portée de 75 000 à 500 000 euros pour l'accès ou le maintien frauduleux (article 323-1), de 100 000 euros à 750 000 euros pour le fait de fausser ou d'entraver le fonctionnement d'un système (article 323-2) ou pour y avoir introduit, supprimé ou modifié frauduleusement des données (article 323-3).


• La position de votre commission : maintenir les plafonds d'amende actuels applicables pour les atteintes aux systèmes de traitements automatisés de données

Dans son rapport précité, « Protéger les internautes, rapport sur la cybercriminalité », le groupe de travail dirigé par M. Marc Robert, constate que les atteintes à un STAD ne concernent que 2 % des faits relevant de la cybercriminalité. Ces atteintes sont cependant en forte progression, notamment en ce qui concerne les accès et les maintiens frauduleux au sein d'un système, puisque l'on recense 419 faits en 2009, 626 en 2010, 1105 en 2011, et 1427 en 2012.

En conséquence, le groupe de travail a recommandé d'accroître les quantum des peines sanctionnant les atteintes à un STAD 52 ( * ) .

Toutefois, vos rapporteurs observent que la loi du 21 juin 2004 53 ( * ) et la loi du 27 mars 2012 54 ( * ) ont déjà aggravé les infractions relatives aux atteintes aux traitements automatisés de données, en augmentant les quantum des peines encourues, comme le montre le tableau ci-dessous :

Aggravation des peines encourues
en cas d'atteinte à un STAD depuis 1988

/ Objet

Articles

Peines encourues avant la loi du 21 juin 2004 (seuils modernisés de la loi n° 88-19 du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique ayant institué ces articles).

Peines encourues depuis la loi du 21 juin 2004

Ajouts opérés par la loi du 27 mars 2012

323-1
Accès ou maintien frauduleux

quand suppression ou modification de données du système


un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende


deux ans d'emprison-nement et 30 000 euros


deux ans d'emprison-nement et 30 000 euros d'amende

trois ans d'emprison-nement et 45 000 euros d'amende

323-2
fausser ou entraver le fonctionnement d'un STAD


trois ans d'emprison-nement et de 45 000 euros d'amende


cinq ans d'emprison-nement et 75 000 euros d'amende


Si le système de traitement automatisé de données à caractère personnel est mis en oeuvre par l'État : sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende

323-3
introduire, supprimer ou modifier frauduleusement des données contenues dans un STAD


trois ans d'emprison-nement et 45 000 euros d'amende


cinq ans d'emprison-nement et 75 000 euros d'amende


Si le système de traitement automatisé de données à caractère personnel est mis en oeuvre par l'État : sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende

Lors de l'examen de l'article 7 de la proposition de loi relative à la protection de l'identité 55 ( * ) , qui modifiait le seul montant des amendes encourues aux articles 323-1, 323-2 et 323-3, votre commission, afin de maintenir une cohérence entre la peine d'emprisonnement et la peine d'amende encourus en matière d'atteinte à un système de traitement de données s'était alors opposée à l'augmentation des seules amendes 56 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel vérifie l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. Il vérifie notamment qu'il existe un lien entre l'enrichissement illicite et l'amende encourue, en vertu de sa jurisprudence sur la proportionnalité des peines, comme l'illustre la décision n° 2013-280 QPC du 12 octobre 2012 Société Groupe Canal Plus et autre , à propos de l'Autorité de la concurrence mais surtout la décision 2013-679 DC du 4 décembre 2013 Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière .

Sans doute, ne contrôle-t-il que la disproportion manifeste, caractérisée dans les deux décisions précitées par des dispositions instituant des peines d'amende en proportion du chiffre d'affaires pour sanctionner des infractions sans lien avec un quelconque enrichissement.

Toutefois, les délits d'atteintes aux STAD ne semblent pas principalement motivés par une volonté d'enrichissement, ce qui ne justifie donc probablement pas des plafonds d'amende aussi élevés, inspirés aux députés par les plafonds d'amende applicables aux délits d'escroquerie 57 ( * ) .

Il a donc paru nécessaire à vos rapporteurs de maintenir la cohérence des quantum actuels qui semblent adaptés, étant observé d'ailleurs que les montants moyens des amendes prononcées par les juridictions sont de l'ordre de 1 500 euros depuis 2008.

En conséquence, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement rétablissant les seuils actuels des amendes encourues en cas d'atteinte à un STAD.

Votre commission a adopté l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 12 (art. 323-4-1 [nouveau] du code pénal) - Création d'une circonstance aggravante lorsque l'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD) à caractère personnel mis en oeuvre par l'État a été commise en bande organisée

Cet article a pour objet, d'une part, d'aggraver les peines encourues lorsque l'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD) à caractère personnel mis en oeuvre par l'État a été commise en bande organisée , et, d'autre part, de prévoir l'extension de certaines procédures applicables à la criminalité organisée pour lutter contre cette infraction.


• La création d'une circonstance aggravante pour les infractions relatives aux atteintes à un STAD lorsqu'elles ont été commises en bande organisée réduite aux seuls STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État

En premier lieu, dans la version initiale du projet de loi, l'article 12 crée une circonstance aggravante lorsque l'atteinte au STAD a été commise en bande organisée 58 ( * ) . Dans ce cas, la sanction des infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3 est portée à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende.

Sur ce point, les députés ont substantiellement modifié le présent article.

Lors de l'examen en commission, à l'initiative du rapporteur et du président de la commission des lois, ils ont aggravé la peine d'amende encourue en la portant de 150 000 à 1 000 000 d'euros. Ils ont ainsi aligné le dispositif sur celui de l'escroquerie commise en bande organisée, prévu à l'article 313-2 du code pénal 59 ( * ) .

Les députés ont également ajouté aux infractions pouvant faire l'objet d'une circonstance aggravante de bande organisée l'infraction définie à l'article 323-3-1 du code pénal, c'est-à-dire l'importation,  la détention, l'offre, la vente ou la mise à disposition d'un équipement, d'un instrument ou d'un programme informatique permettant de commettre les infractions des articles 323-1 à 323-3.

Enfin, lors de l'examen du texte en séance publique, à l'initiative de M. Christian Paul, de Mme Marie-Françoise Bechtel et de plusieurs de leurs collègues, les députés ont fortement restreint le champ d'application de la circonstance aggravante en prévoyant que celle-ci n'est constituée que si le STAD attaqué est, d'une part, un STAD à caractère personnel et, d'autre part, s'il est mis en oeuvre par l'État.

Créer une circonstance aggravante lorsque l'atteinte à un STAD est commise en bande organisée semble justifié. Une telle mesure est d'ailleurs préconisée par le rapport précité du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par M. Marc Robert 60 ( * ) .

En effet, l'article 323-4 existant sanctionne l'association de malfaiteurs formée en vue de commettre une des infractions réprimée aux articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal mais qui ne s'est manifestée par aucun passage à l'acte.

La justification première de cette modification est d'ailleurs moins de créer une nouvelle circonstance aggravante que de permettre l'application des procédures applicables en matière de criminalité organisée ( cf. infra).

Toutefois, l'aggravation de la peine d'amende encourue opérée par les députés présente d'abord le risque, comme à l'article 11 bis , d'introduire une incohérence entre le quantum de la peine d'emprisonnement et celui de l'amende, pour des infractions qui ne justifient pas une telle distorsion. À la différence de l'escroquerie, en effet, la finalité poursuivie par l'atteinte à un STAD n'est pas toujours un but d'enrichissement.

Une telle augmentation de l'amende aboutirait à faire de l'atteinte à un STAD, certes commise en bande organisée, une infraction punie aussi sévèrement que la corruption active 61 ( * ) .

Comme à l'article 11 bis , la question se pose de la compatibilité d'une telle peine d'amende avec le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, fondé sur l'article 8 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le Conseil constitutionnel vérifie cependant l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, en vertu de sa jurisprudence sur la proportionnalité des peines 62 ( * ) .

La commission ayant rétabli les plafonds initiaux des amendes encourues à l'article 11 bis , par cohérence, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a donc adopté un amendement ramenant l'amende encourue au seuil initial prévu dans le projet de loi, soit 150 000 euros.


• L'extension de certaines procédures applicables en matière de criminalité organisée pour les atteintes commises en bande organisée à l'encontre d'un STAD mis en oeuvre par l'État

Le présent article étend également la procédure applicable en matière de criminalité organisée à la circonstance aggravante créée par le présent article.

Toutefois, pour des raisons de clarté et d'intelligibilité, votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a adopté un amendement supprimant ces dispositions du présent article, pour les intégrer au sein d'un article 12 bis nouveau.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 12 bis (nouveau) (art. 704 et 706-72 [nouveau] du code de procédure pénale) - Extension de certaines dispositions de la procédure applicable à la délinquance organisée lorsque l'atteinte porte sur un système de traitement automatisé de données (STAD) à caractère personnel mis en oeuvre par l'État

Le présent article, inséré par votre commission sur proposition de vos rapporteurs, correspond à la deuxième partie de l'article 12, légèrement modifiée par votre commission sur des aspects de forme. Il vise à étendre certaines procédures applicables en matière de criminalité organisée aux atteintes à un système de traitement automatisé de données (STAD) à caractère personnel mis en oeuvre par l'État.

L'article 12 du projet de loi réunissait en effet, d'une part, la création d'une circonstance aggravante de bande organisée lorsque le STAD attaqué est à caractère personnel et qu'il est mis en oeuvre par l'État et, d'autre part, l'extension de certaines procédures applicables à la délinquance organisée dans cette situation.

Vos rapporteurs ont estimé, en effet, qu'il était plus intelligible de distinguer ces deux éléments au sein de deux articles différents.

Une procédure particulière est applicable aux enquêtes liées à la criminalité organisée, définies par l'article 706-73 du code de procédure pénale, en raison de la gravité des atteintes et de la complexité des investigations. Dans ce cas, les services d'enquête disposent d'outils particuliers et bénéficient de délais étendus.

Dans sa décision du 4 décembre 2013 63 ( * ) , le Conseil constitutionnel a reconnu la possibilité d'appliquer certaines procédures applicables aux crimes et délits relevant de la criminalité organisée à des délits n'en relevant pas. Dans ce cas, il a toutefois exclu la possibilité de recourir à une garde à vue de quatre-vingt-seize heures et aux perquisitions de nuit.

Dans la lignée de cette jurisprudence, le présent article rend applicables aux délits d'atteinte en bande organisée à un STAD à caractère personnel, lorsqu'il est mis en oeuvre par l'État, certaines procédures applicables en matière de délinquance organisée, en excluant toutefois la possibilité de recourir à une garde à vue de quatre-vingt-seize heures ainsi que la possibilité de recourir à des perquisitions de nuit.

Parmi les mécanismes qui seraient applicables, peuvent être notamment cités la possibilité de mener des infiltrations (articles 706-81 à 706-87), des écoutes téléphoniques sur autorisation du juge des libertés et de la détention (article 706-95), de sonoriser et de fixer des images au sein de certains lieux ou véhicules (articles 706-96 à 706-102), de capter des données informatiques à l'insu de la personne (articles 706-102-1 à 706-102-9), d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen par le juge des libertés et de la détention (article 706-103), ainsi que le recours à l'enquête sous pseudonyme, comme le permet le nouvel article 706-87-1 créé par l'article 13 du projet de loi.

L'application de ces dispositions procédurales se justifie à la fois par la gravité des atteintes mais aussi par la complexité des enquêtes pour retrouver les auteurs de l'attaque d'un STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État. Le champ de ce délit apparaît par ailleurs circonscrit.

Enfin, cette disposition s'inspire également d'une recommandation du rapport précité du groupe de travail dirigé par M. Marc Robert 64 ( * ) .

Vos rapporteurs observent que l'article 704 du code de procédure pénale prévoit que la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort de plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement, notamment pour les délits d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données. Il est donc cohérent de prévoir également cette possibilité pour l'infraction définie au nouvel article 323-4-1, instituée par l'article 12 du projet de loi.

Les députés ont cependant opéré des modifications rédactionnelles pour viser les sections du code de procédure pénale et non plus les articles applicables. Pour des raisons de clarté et d'intelligibilité, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a rétabli sur ce point le texte du projet de loi initial.

La limitation de la circonstance aggravante au cas où le STAD, objet de l'atteinte, est à caractère personnel et mis en oeuvre par l'État a nécessité en outre une coordination de conséquence dans le corps du nouvel article 706-72 : la précision selon laquelle l'application des procédures d'enquête de la délinquance organisée pour les délits prévus à l'article 323-4-1 est possible « lorsqu'ils [les délits prévus à l'article 323-4-1] ont été commis à l'encontre d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État » est en effet désormais inutile.

Votre commission a adopté l'article 12 bis ainsi rédigé .

Article 13 (art. 706-87-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Enquête sous pseudonyme

Cet article crée un nouvel article 706-87-1 qui étend le dispositif d'enquête sous pseudonyme à l'ensemble des délits et crimes relevant de la criminalité organisée, sous réserve que ces infractions aient été préparées, facilitées ou commises par un moyen de communication électronique.


• Depuis 2007, l'extension progressive de la technique d'enquête sous pseudonyme, pour certains délits, selon des modalités variables

La technique des enquêtes sous pseudonyme, ou « cyberpatrouilles », est apparue avec le développement d'internet, utilisé comme vecteur pour préparer ou commettre diverses infractions.

Sur le modèle de l'infiltration 65 ( * ) , le législateur a dès lors ponctuellement permis à des agents affectés dans certaines formations spécifiques et habilités, d'enquêter en ligne, sous pseudonyme, afin de recueillir des preuves d'infractions. Pour ce faire, le législateur leur a accordé une irresponsabilité pénale en leur permettant d'effectuer un certain nombre d'actes constitutifs de délits, consistant par exemple à acquérir ou à conserver un contenu illicite.

Toutefois, les enquêteurs ne doivent pas inciter à la commission d'un délit ou d'un crime.

L'article 35 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a, la première, institué cette procédure, pour les infractions relatives à la traite des êtres humains, au proxénétisme et aux atteintes aux mineurs, aux articles 706-35-1 et 706-47-3 du code de procédure pénale.

L'article 59 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a ensuite étendu cette possibilité aux infractions commises en matière de jeux d'argent et de hasard.

À la suite d'un amendement de notre collègue M. Jacques Legendre et de plusieurs de ses collègues, lors de l'examen de la loi n° 2011-267 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure 2 du 14 mars 2011, cette possibilité a été élargie au délit de provocation à la commission d'un acte de terrorisme ou d'apologie de tels actes 66 ( * ) , à l'article 706-25-2 du code de procédure pénale.

Enfin, l'ordonnance n° 2013-1183 du 19 décembre 2013 a étendu cette technique pour les infractions relatives aux produits de santé, à l'article 706-2-2 du code de procédure pénale.

Les dispositifs précités des articles 706-35-1, 706-47-3, 706-2-2, 706-25-2 et l'article 59 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 ont tous en commun d'accorder une irresponsabilité pénale pour les faits suivants :

- participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

- être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions.

En revanche, la rédaction diffère, sans que cela semble justifié par l'objet des délits qu'ils répriment, en ce qui concerne les possibilités de conservation, d'échange et de transmission de données illicites.

En effet, alors que dans certains cas les enquêteurs peuvent « extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions. » (articles 706-25-2 et 59 de la loi du 12 mai 2010 67 ( * ) ), les articles 706-35-2 et 706-47-3 ne le prévoient pas. En revanche ces deux derniers articles accordent une irresponsabilité pénale aux agents pour « extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ».

La rédaction est en réalité voisine : les éléments de preuve et les données collectées sur les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions sont le plus souvent des contenus illicites, mais la deuxième rédaction permet cependant de « transmettre en réponse à une demande expresse » des contenus illicites, ce que ne prévoient pas les articles 706-25-2 et 59 de la loi du 12 mai 2010.


• La généralisation de cette technique
à l'ensemble des délits et des crimes relevant de la criminalité organisée lorsque ceux-ci ont été commis par un moyen de communication électronique

L'article 706-87-1 créé par le présent article étend très largement cette technique, qui serait désormais applicable aux infractions de l'article 706-73 du code de procédure pénale, c'est-à-dire à l'ensemble des délits et des crimes relevant de la criminalité organisée , lorsque ceux-ci ont été commis par un moyen de communication électronique.

La procédure est calquée sur les procédures existantes : les agents qui procèdent à ces mesures doivent être à la fois affectés dans un service spécifique et habilités personnellement pour le faire.

Dans le texte initial de l'article 13 du projet de loi, les possibilités des agents étaient toutefois calquées sur les articles 706-25-2 du code de procédure pénale et 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, dont la rédaction, comme on l'a vu, ne permet pas aux agents de transmettre des contenus illicites en réponse à une demande expresse.

Toutefois, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé la rédaction de l'article 706-87-1 pour y inclure la transmission en réponse à une demande expresse ainsi que l'acquisition ou la conservation de contenus illicites. La rédaction adoptée est donc une synthèse de la rédaction des articles 706-25-2 et 706-35-1 puisqu'elle permet désormais d' « e xtraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver par ce même moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions, ainsi que des contenus illicites, dans des conditions fixées par décret ».

Notons que, en cohérence avec l'extension opérée par le présent article, l'article 6 du projet de loi supprime l'article 706-25-2 du code de procédure pénale : en effet, les délits d'apologie et d'incitation à commettre un acte terroriste ne sont plus un délit de presse mais une infraction terroriste, pour lesquelles les enquêtes sous pseudonyme deviendraient applicables.

En séance publique, les députés ont adopté cet article sans modification.


• La position de votre commission : préciser la rédaction de l'article 706-87-1 nouveau

Sans doute, l'extension du procédé de cybersurveillance à l'ensemble des délits et des crimes relevant de la criminalité organisée dépasse en partie l'objet du texte, dans la mesure où le terrorisme ne représente qu'une partie de ces délits et de ces crimes.

Toutefois, l'extension progressive de cette technique, depuis son instauration en 2007, peut justifier que cette technique d'investigation soit étendue à la criminalité organisée, qui a tendance à utiliser de plus en plus fréquemment les réseaux de télécommunications. En effet, certains délits et crimes relevant de la criminalité organisée permettent déjà l'utilisation de la technique de cybersurveillance, pour lutter contre la traite d'êtres humains ou le proxénétisme 68 ( * ) .

Le rapport du groupe de travail présidé par M. Marc Robert sur la cybercriminalité, « mieux protéger les internautes », a constaté qu' « en France, le caractère extrêmement restrictif [du] champ d'application de [l'enquête sous pseudonyme] pose problème. » 69 ( * ) . Il est d'ailleurs constaté que cette restriction se justifie d'autant moins que le champ de l'infiltration, qui est une technique très proche de l'enquête sous pseudonyme, est beaucoup plus large 70 ( * ) .

Ainsi, le rapport a recommandé de généraliser l'enquête sous pseudonyme, mais selon des modalités légèrement différentes puisqu'il préconise que la durée de l'enquête soit limitée à une certaine durée, son renouvellement étant soumis à l'autorisation préalable du procureur 71 ( * ) .

Le dispositif voté par les députés pose cependant deux difficultés .

En premier lieu, la rédaction du 3° de l'article 706-87-1 nouveau permet désormais de transmettre , d'extraire, d'acquérir et de conserver les « éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions », alors que seuls parmi ceux-ci les contenus illicites justifieraient qu'ils puissent être transmis , en réponse à une demande expresse.

Il est préférable de dissocier au sein de deux alinéas distincts l'extraction, l'acquisition ou la conservation d' « éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions » et l'extraction, l'acquisition ou la conservation de « contenus illicites », en autorisant les enquêteurs à transmettre ces derniers, en cas de demande expresse. À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement en ce sens.

En outre, le nouveau dispositif ne s'applique pas en l'état aux atteintes à un STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État puisque l'article 706-87-1 nouveau ne vise que les infractions de l'article 706-73. Il convient donc d'opérer une coordination pour viser l'article 706-72 créé par le présent article. À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a donc également adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 13 bis (nouveau) (art. 706-25-2, 706-35-1, 706-47-3 du code de procédure pénale, art. 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouvertureà la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ) - Coordination des mécanismes ponctuels permettant une enquête sous pseudonyme

Le présent article, inséré par votre commission à la suite d'un amendement de vos rapporteurs, a pour objet d'opérer les coordinations résultant de la création d'un mécanisme général d'enquête sous pseudonyme à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale par l'article 13 du présent projet de loi.

À l'article 13 du projet de loi, votre commission a fait le choix, à l'initiative de ses rapporteurs, de distinguer au sein de deux alinéas distincts :

- l'extraction, l'acquisition ou la conservation d' « éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions » ,

- l'extraction, l'acquisition ou la conservation de « contenus illicites », en autorisant les enquêteurs à transmettre ces derniers en cas de demande expresse.

Dans la mesure où il existe d'autres mécanismes d'enquête sous pseudonyme, il a semblé nécessaire à vos rapporteurs d'opérer ces mêmes modifications au sein de ces articles, afin d'unifier le régime de cette procédure.

Le présent amendement modifie donc en ce sens les articles 706-35-1, 706-47-3 du code de procédure pénale et l'article 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010.

Vos rapporteurs estiment cependant nécessaire de ne pas modifier le régime applicable aux enquêtes sous pseudonyme en matière sanitaire prévues à l'article 706-2-2 du code de procédure pénale, en raison du caractère spécifique des infractions poursuivies.

En second lieu, le présent amendement opère les modifications de conséquence liées à la création d'un article 706-87-1 applicable aux crimes et délits visés par l'article 706-73 du code de procédure pénale, c'est-à-dire à la criminalité organisée. Il supprime, d'une part, l'article 706-25-2 du code de procédure pénale qui n'a plus d'objet - et dont la suppression était initialement opérée à l'article 6 du présent projet de loi - et il opère, d'autre part, les coordinations nécessaires à l'article 706-35-1 du code de procédure pénale afin d'en retirer la mention de délits et de crimes visés par l'article 706-73 du code de procédure pénale : en effet ces délits et crimes sont pris en compte par l'article 706-87-1 nouveau.

Votre commission a adopté l'article 13 bis ainsi rédigé .

Article 14 (art. 706-102-1 du code de procédure pénale) - Captation de données par le biais de périphériques audiovisuels

Le présent article a pour objet de compléter l'article 706-102-1 du code de procédure pénale qui permet actuellement, au juge d'instruction, après avis du procureur de la République, dans le cas d'un crime ou d'un délit relevant de la criminalité organisée, d'autoriser les officiers ou agents de police judiciaire à mettre en place un dispositif technique permettant d'accéder et d'enregistrer des données informatiques, telles qu'elles s'affichent ou telles qu'elles ont été introduites par frappe de caractère , en temps réel.

Actuellement, les dispositions de cet article ne permettent pas de capter les sons et les images reçus ou émis par l'ordinateur, par exemple, en cas d'utilisation d'un logiciel de conversation (du type de Skype ).

L'article 706-102-1 du code de procédure pénale a été créé par l'article 23 de la loi n° 2011-267 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure 2 du 14 mars 2011 72 ( * ) .

Comme l'avait alors rappelé notre collègue M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur du texte, le dispositif de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale s'inspire du dispositif de sonorisation et de fixation d'image de l'article 706-96 du code de procédure pénale.

Ce dispositif est très encadré :

- il ne peut être mis en oeuvre que dans le cadre d'une information judiciaire ;

- il ne concerne que les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale, c'est-à-dire la criminalité organisée ;

- il est temporaire : le juge d'instruction autorise le recours à cette mesure pour une durée de quatre mois , renouvelable une fois.

Cette disposition avait été créée par la loi du 14 mars 2011 en raison de l'insuffisance des articles 57-1, 76-3 et 97-1 du code de procédure pénale qui ne permettait la captation de données informatiques que dans le cadre d'une perquisition .

Comme l'indiquait notre collègue M. Jean-Patrick Courtois, la captation en temps réel des données informatiques a pour effet de « mettre l'enquêteur dans la situation de quelqu'un qui observerait derrière lui l'utilisateur d'un ordinateur » et de savoir, grâce à la lecture de l'écran, avec qui un suspect est en contact par l'intermédiaire d'internet ou, « grâce à un logiciel de reconnaissance de frappe, de lire à distance un message destiné à être envoyé crypté et auquel il serait impossible ou très long d'accéder au moyen d'une interception puis de décrypter » 73 ( * ) .

L'article 706-102-1 s'avère cependant encore insuffisant , au regard des évolutions technologiques. En effet, il ne permet de recueillir que les données telles qu'elles s'affichent ou telles qu'elles ont été introduites par frappe de caractères. L'utilisation d'un logiciel de téléphonie par internet permet de contourner ces mesures : les données reçues et émises par un périphérique audiovisuel de l'ordinateur ne peuvent être captées.

L'article 14 du projet de loi a été entièrement réécrit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais uniquement pour effectuer des modifications rédactionnelles.

En séance publique, l'article 14 a été adopté sans modification.

En premier lieu, il est difficile d'établir un bilan du dispositif de l'article 706-102-1, dans la mesure, où, comme le constataient nos collègues députés MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, « cette procédure judiciaire ne peut aujourd'hui être mise en oeuvre par les magistrats, l'arrêté destiné à homologuer les entreprises fournissant ces logiciels n'ayant jamais été pris » 74 ( * ) .

Toutefois, comme le précise la direction des affaires criminelles et des grâces, la commission consultative instituée à l'article R. 226-2 du code pénal qui rend un avis au Premier ministre avant que celui-ci n'autorise un logiciel utilisé dans le cadre de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, a donné son accord pour un premier dispositif, le 5 octobre 2013.

L'effectivité du dispositif juridique dépend donc de l'homologation des logiciels, opérée par le pouvoir règlementaire. Le dispositif actuel d'autorisation administrative préalable semble donc particulièrement lourd et inadapté aux situations dans lesquelles de tels procédés sont nécessaires.

Aussi, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a-t-elle adopté un amendement ayant pour objet de prévoir à l'article 226-3 du code pénal que le régime d'autorisation ne s'applique pas « aux prestataires ou experts requis ou missionnés spécialement par un magistrat instructeur aux fins de développer ou mettre en oeuvre un dispositif technique ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l'article 706-102-1 ».

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. L. 242-6 du code de la sécurité intérieure) - Extension de la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité

Cet article a pour objet d'étendre la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité, pour la porter de dix à trente jours.


• Une durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité limitée à dix jours depuis la loi du 10 juillet 1991

Les interceptions de sécurité sont régies par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 241-1 à L. 246-5 du code de la sécurité intérieure par l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure.

L'article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité d'autoriser à titre exceptionnel des « interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques » pour rechercher les seuls renseignements intéressant « la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ».

Le Premier ministre « organise la centralisation de l'exécution des interceptions autorisées » 75 ( * ) : l'autorisation de procéder aux interceptions est accordée par le Premier ministre sur décision écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou de celui chargé des douanes.

Le nombre d'interceptions pouvant être menées simultanément est contingenté (article 242-2 du code de la sécurité intérieure) et l'autorisation est accordée pour une durée de 4 mois, renouvelable une fois (article 242-3).

Enfin, l'enregistrement est détruit dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation (article L. 242-6). Lors de l'examen en première lecture de la loi du 10 juillet 1991 à l'Assemblée nationale, ce délai, initialement fixé à quatre mois, a été ramené à dix jours par un amendement déposé par plusieurs députés. Les députés avaient alors considéré qu'il était nécessaire, pour garantir les droits des personnes écoutées, d'imposer un délai de conservation réduit des interceptions réalisées.

Une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), assure un contrôle a priori de la décision d'autorisation, en vertu d'une pratique qui s'est établie, plus protectrice que la lettre de l'article L. 243-8 du code de la sécurité intérieure qui dispose seulement que la décision du Premier ministre lui est adressée dans un délai de quarante-huit heures. Cette pratique s'est imposée dès les débuts du fonctionnement de la CNCIS 76 ( * ) .

Elle contrôle également les interceptions de sécurité pendant leur réalisation et peut recommander au Premier ministre, le cas échéant, d'interrompre l'interception 77 ( * ) . Pour mener ce contrôle, la CNCIS est aujourd'hui déjà destinataire des transcriptions des interceptions de sécurité : la disposition votée par les députés prévoyant dans la loi que la CNCIS est destinataire des transcriptions des interceptions de sécurité a donc une portée pratique limitée.

C'est le groupement interministériel de contrôle 78 ( * ) (GIC), placé sous l'autorité du Premier ministre, qui assure concrètement l'enregistrement des communications.

Dans son étude d'impact, le Gouvernement justifie la mesure proposée par le présent article par les évolutions techniques survenues depuis 1990, par les difficultés à disposer d'interprètes pour certaines langues utilisées et par l'augmentation massive des enregistrements à traiter.

En séance publique, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, les députés ont adopté un amendement complétant l'article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure, visant à préciser que la transmission à la CNCIS des transcriptions des interceptions de sécurité en cours est systématiquement faite.


• La position de votre commission : donner à la CNCIS le choix d'étendre discrétionnairement la durée d'enregistrement à trente jours

L'extension de la durée de conservation des enregistrements, présentée comme une simple mesure technique permettant de s'adapter aux évolutions technologiques et à l'évolution des menaces, pose, selon vos rapporteurs, plusieurs difficultés.

En premier lieu, l'extension de la durée de conservation des enregistrements serait applicable à tous les enregistrements, alors même que les enregistrements réalisés au titre de la lutte contre le terrorisme sont encore assez minoritaires, l'essentiel des demandes étant lié à la lutte contre la criminalité organisée.

Il convient ensuite d'observer que l'étude d'impact ne fournit pas une évaluation précise des difficultés posées par une durée d'enregistrement limitée à dix jours.

Les difficultés liées au recours à un interprète ou liées à l'utilisation de procédés de cryptage ne sont pas davantage développées. L'augmentation du volume d'interceptions devant être traitées n'est pas non plus chiffrée précisément, même s'il peut être observé que le contingent des écoutes a été relevé.

Enfin, la facturation détaillée des communications - « les fadettes » - est disponible en quatre jours et non en dix, comme l'avance l'étude d'impact du projet de loi 79 ( * ) , ce qui laisse encore six jours pour exploiter l'enregistrement.

L'extension de ce délai de conservation pourrait aussi conduire les services à traiter plus tardivement une interception de sécurité réalisée, alors même que cette interception aurait nécessité un traitement urgent.

En outre, cette mesure entraîne deux séries de conséquences négatives.

En premier lieu, cette extension accroît le risque de diffusion accidentelle de ces enregistrements.

Au-delà, une telle réforme affaiblit surtout durablement la CNCIS en rendant son contrôle sur les interceptions plus compliqué et parfois même impossible.

En effet, dans la mesure où le délai maximum de conservation serait de trente jours, la transcription de la conversation pourrait être reculée d'autant, ce qui signifie que pendant près d'un mois l'interception de communication serait effectuée sans que la CNCIS puisse opérer un véritable contrôle sur le contenu et donc le bien-fondé de cette interception.

Par ailleurs, l'extension du délai de conservation des enregistrements ouvre la voie à des extensions ultérieures de cette durée.

Lors de son audition par vos rapporteurs, M. Jean-Marie Delarue, président de la CNCIS, a estimé que le contrôle de la commission serait substantiellement altéré par une telle mesure.

S'il semble nécessaire à vos rapporteurs d'autoriser de manière très ponctuelle une durée d'enregistrement plus longue, en raison de difficultés liées à la traduction d'une langue utilisée, ils relèvent que M. Jean-Marie Delarue, président de la CNCIS, a estimé que ces difficultés d'interprétariat se posaient dans un nombre de cas très limités.

Dès lors, afin de préserver les capacités de contrôle de la CNCIS, celle-ci doit être seule maître de la décision autorisant, ponctuellement, et sur demande justifiée des services, une extension de la durée d'enregistrement, pour une durée n'excédant pas trente jours. À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

Article 15 bis (art. L. 244-2 du code de la sécurité intérieure) - Interception de sécurité concernant une personne détenue dans un établissement pénitentiaire

Cet article, supprimé en séance publique par l'Assemblée nationale, résultait d'un amendement présenté conjointement par le rapporteur et le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et complétait l'article L. 244-2 du code de la sécurité intérieure, afin de permettre aux services de l'administration pénitentiaire de recueillir « directement » et « par tout moyen technique » tous les éléments nécessaires pour la réalisation et l'exploitation des interceptions, c'est-à-dire les données techniques des communications, ou « fadettes » des téléphones portables illégalement utilisés par les détenus.

La CNCIS aurait été chargée de surveiller les modalités de recueil de ces éléments, en veillant à ce que ces données ne concernent que les personnes détenues. La commission aurait disposé de la possibilité de signaler un manquement au ministre chargé de l'administration pénitentiaire qui aurait disposé de quinze jours pour répondre.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale précise que cet article « vise à permettre à l'administration pénitentiaire de disposer d'outils juridiques pour lutter contre l'usage de téléphones clandestins en prison » 80 ( * ) .

Comme l'a rappelé le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette disposition s'inspirait des recommandations de la commission d'enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés 81 ( * ) qui a estimé que la prison est « un facteur déterminant de radicalisation » 82 ( * ) mais qui a aussi constaté que « la loi ne donne pas à l'administration pénitentiaire la possibilité de localiser ou surveiller les correspondances qui s'opèrent illégalement : les détenus qui disposent d'un téléphone portable, d'internet, ou de tout autre moyen de communication interdit en prison, peuvent ainsi communiquer sans risquer l'interception de leur conversation par l'administration pénitentiaire. Aussi, dès lors que les conversations téléphoniques organisées par l'établissement pénitentiaire peuvent être écoutées, il serait logique que les conversations interdites puissent répondre au même régime juridique » 83 ( * ) .

L'article 15 bis a toutefois été supprimé lors de l'examen du texte en séance publique, par l'adoption d'un amendement déposé par le Gouvernement, qui a estimé que la réflexion sur le sujet nécessitait d'être approfondie.

En premier lieu, le lien de ce dispositif avec le texte était ténu, dans la mesure où, comme l'indique le rapporteur de l'Assemblée nationale, il visait en fait à lutter contre la détention de téléphones portables en prison.

En second lieu, la rédaction de cette disposition aurait eu pour effet de conférer à l'administration pénitentiaire des prérogatives beaucoup plus fortes que celles conférées aux autres services de renseignement. En effet, l'administration pénitentiaire aurait eu la possibilité d'opérer elle-même et directement des interceptions de communication et d'en effectuer la transcription, alors que pour les écoutes administratives, c'est le Groupement interministériel de contrôle, placé auprès du Premier ministre, qui effectue seul les enregistrements. Cela aurait donné alors à l'administration pénitentiaire un rôle très dérogatoire du droit commun, en contradiction avec les dispositions existantes du code de la sécurité intérieure, alors même que cette administration n'est pas la mieux armée pour assurer cette mission : elle ne dispose pas d'officiers de police judiciaire, par exemple.

Enfin, dans le cadre juridique de droit commun des interceptions de sécurité, il est parfaitement possible de mener une interception de sécurité d'une communication émise à partir ou vers un établissement pénitentiaire.

En conséquence, la commission a maintenu la suppression de l'article 15 bis .

Article 15 ter (art. 706-161 du code de procédure pénale) - Contribution de l'AGRASC au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité

Cet article a été introduit par un amendement du Gouvernement lors de l'examen du texte en séance publique. Il vise à compléter l'article 706-161 du code de procédure pénale relatif aux missions de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) pour préciser que les dépenses de l'agence peuvent être constituées de « contributions versées à l'État » ayant pour objet de « contribuer au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité ».

Rappelons que l'AGRASC, créée par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la justice et du ministre chargé du budget.

L'AGRASC a pour mission principale d'assurer une gestion centralisée des sommes saisies lors des procédures pénales, qui sont versées sur un compte tenu à la Caisse des dépôts et consignations. L'article 706-143 du code de procédure pénale accorde également à l'AGRASC un monopole pour aliéner les biens saisis et confisqués. Le produit de ces ventes est également versé sur ce compte.

L'agence abonde régulièrement le budget de l'État ainsi que le fonds de concours « stupéfiants », géré par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives (MILDECA).

L'AGRASC présente la particularité de s'autofinancer, par trois recettes propres :

- les intérêts du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations ;

- une fraction du produit des confiscations dans la limite d'un plafond de 1,806 million d'euros 84 ( * ) ;

- le reversement de la taxe domaniale perçue par les services de France Domaine lors des ventes réalisées.

L'innovation du présent article est de prévoir la possibilité pour l'agence de financer certaines actions sur ses recettes propres .

Comme le précise le ministre de l'intérieur, il s'agirait par exemple de financer de cette manière le dispositif relatif à la protection des collaborateurs de justice 85 ( * ) , qui depuis sa création par l'article 12 de la loi du 9 mars 2004, n'a pas été mis en oeuvre, faute de financement.

Le Conseil constitutionnel a censuré 86 ( * ) une disposition semblable au présent article, introduite à l'article 3 de la loi relative à la géolocalisation par un amendement du Gouvernement lors de la lecture du texte au Sénat, au motif que cette disposition ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte.

En l'occurrence, le lien de cette disposition avec l'objet du texte est au moins indirect, dans la mesure où elle prévoit que l'AGRASC pourra effectuer des versements, affectés à des actions en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité, donc en matière de lutte contre le terrorisme.

À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission a adopté l'article 15 ter ainsi modifié .

Article 15 quater (art. 35 et 40 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) - Mesures de l'administration pénitentiaire pour lutter contre le prosélytisme avéré tendant à favoriser le terrorisme

Cet article a été introduit par un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs de ses collègues lors de l'examen du texte en séance publique. Il vise à permettre à l'administration pénitentiaire, en cas de prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d'actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme, de refuser ou de retirer un permis de visite ainsi que de contrôler et retenir le courrier d'un détenu.

Rappelons que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège le droit des détenus au maintien des liens avec l'extérieur et au respect de la correspondance au titre de la protection de la vie privée et familiale. Les limitations à ce droit par l'administration pénitentiaire sont particulièrement encadrées et suivent les règles pénitentiaires européennes établies par le Conseil de l'Europe 87 ( * ) .

Le droit des détenus au maintien des liens avec l'extérieur a été également consacré par les articles 35 et 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. La loi précise que le principe du droit aux visites pour les condamnés peut être limité par l'administration pénitentiaire pour des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Lorsque les permis de visites concernent d'autres personnes que les membres de la famille, l'administration pénitentiaire peut également les refuser, les suspendre ou les retirer s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné.

En outre, l'article 40 de la loi pénitentiaire de 2009 encadre le droit des personnes détenues à la correspondance écrite . Il prévoit la possibilité d'un contrôle et d'une éventuelle rétention pour les correspondances échangées qui ne sont pas protégées par la loi. La circulaire du 9 juin 2011 d'application des articles 4, 39 et 40 de la loi pénitentiaire de 2009 précise que la correspondance écrite contrôlable reçue et envoyée « est systématiquement ouverte par les services du vaguemestre de l'établissement avant remise » 88 ( * ) . L'autorité pénitentiaire peut ainsi décider de la rétention de toute correspondance qui compromettrait « gravement » la réinsertion des personnes détenues ou « le maintien du bon ordre et de la sécurité ».

En conséquence, le présent article ne semble pas présenter d'innovation par rapport aux dispositions actuelles de la loi pénitentiaire de 2009. Les phénomènes de « prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d'actions tendant à favorisant la violence ou le terrorisme » peuvent d'ores et déjà être appréhendés à travers les motifs liés au maintien du bon ordre et à la prévention des infractions.

Par ailleurs, il apparaît peu pertinent de faire référence à la notion imprécise de « prosélytisme » plutôt qu'à des phénomènes de « radicalisation », terme retenu par les travaux du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe.

À l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'article 15 quater .

Article 15 quinquies (nouveau) Ratification des ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l'outre-mer

Le présent article, inséré par votre commission à la suite d'un amendement du Gouvernement, a pour objet de ratifier les ordonnances suivantes :

- l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure ;

- l'ordonnance n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions ;

- l'ordonnance n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l'outre-mer.

L'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure a été prise sur le fondement de l'article 102 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), qui a autorisé le Gouvernement à adopter par ordonnances la partie législative du code de la sécurité intérieure.

Cette habilitation précisait que l'ordonnance devait être prise dans un délai maximum d'un an après la promulgation de la loi, le projet de loi de ratification devant être déposé trois mois après la publication de l'ordonnance. Le projet de loi n° 351 ratifiant l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure a été déposé au Sénat le 9 mai 2012 89 ( * ) .

Ce projet de loi de ratification comporte près d'une dizaine d'articles et opère un certain nombre de coordinations formelles ainsi que la refonte complète du titre I er du livre III du code de la sécurité intérieure, afin d'intégrer les modifications liées à l'adoption de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 90 ( * ) .

Les deux ordonnances du 20 juin 2013, quant à elles, ont ensuite été prises sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui a autorisé le Gouvernement à modifier les dispositions législatives du code de la sécurité intérieure et du code de la défense afin d'inclure dans le code de la sécurité intérieure certaines dispositions de la loi du 6 mars 2012 précitée et à modifier les dispositions du code de la sécurité intérieure afin de remédier aux éventuelles erreurs de codification dans les dispositions relatives à l'outre-mer et d'étendre - en modifiant certaines dispositions, le cas échéant -, une partie des dispositions du code de la sécurité intérieure à la Polynésie française, aux terres australes et antarctiques françaises, aux iles Wallis et Futuna, à la Nouvelle Calédonie et à l'adapter pour son application à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'habilitation précisait que les ordonnances devaient être prises au plus tard le 1 er septembre 2013, un projet de loi de ratification devant être déposé trois mois après la publication de chaque ordonnance.

Ces deux ordonnances ont été publiées le 20 juin 2013 ; elles intègrent l'ensemble des modifications figurant dans le projet de loi de ratification de la première ordonnance déposé au Sénat le 9 mai 2012.

Le projet de loi n° 1378 ratifiant diverses ordonnances relatives à la partie législative du code de la sécurité intérieure déposé à l'Assemblée nationale le 18 septembre 2013 91 ( * ) , a pour objet de ratifier ces deux ordonnances ainsi que l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure. Ce projet de loi, composé de plusieurs articles, effectue également plusieurs modifications et coordinations supplémentaires.

En effet, le premier projet de loi de ratification de cette ordonnance, déposé au Sénat, n'avait pas été examiné à cette date. En outre, si le projet de loi initial relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme 92 ( * ) comportait un article 5 ratifiant expressément cette ordonnance, votre commission avait, à l'initiative du rapporteur, notre collègue M. Jacques Mézard, supprimé cet article, afin d'effectuer un examen préalable des articles du code de la sécurité intérieure.

Votre commission a adopté l'article 15 quinquies ainsi rédigé .

CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 16 - Application de la loi outre-mer

Dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, l'article 16 propose d'autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires en vue d'appliquer et d'adapter les dispositions du présent projet de loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna et à permettre l'assignation à résidence sur l'ensemble du territoire national d'un étranger expulsé ou interdit du territoire, quel que soit le lieu où ces décisions ont été prononcées.

L'habilitation serait valable pour un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi. Le Gouvernement devrait alors déposer un projet de loi de ratification au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication.

Les règles relatives au droit pénal, à la procédure pénale et à l'entrée et au séjour des étrangers relèvent de la compétence de l'État sur l'ensemble du territoire national, y compris pour les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Aussi le Gouvernement souhaite-t-il assurer l'adaptation des dispositions introduites par le présent projet de loi aux collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité législative (les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française) et en Nouvelle-Calédonie.

En outre, le Gouvernement souhaite, par voie d'ordonnance, permettre l'assignation à résidence sur l'ensemble du territoire national d'un étranger expulsé ou interdit du territoire, ce que ne permet pas le droit actuel.

En effet, le CESEDA s'applique sur l'ensemble du territoire national à l'exception des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises régies par des textes spécifiques :

- l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna ;

- l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française ;

- l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 71-569 du 15 juillet 1971 relative au territoire des Terres australes et antarctiques françaises.

L'assignation à résidence prévue à l'article L. 561-1 du CESEDA existe aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, par le biais de dispositions équivalentes au sein de textes qui leur sont spécifiques, mais non dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

La dissociation formelle de ces règles au sein de plusieurs textes a cependant une incidence que le Gouvernement expose dans l'étude d'impact annexée au projet de loi. L'assignation à résidence depuis un point du territoire régi par le CESEDA ne peut s'effectuer dans un territoire qui n'entre pas dans son champ d'application. À l'inverse, de manière implicite, l'assignation à résidence, lorsqu'elle est décidée par une autorité administrative des collectivités ultramarines du Pacifique Sud, ne peut porter que sur un étranger présent sur le territoire de la collectivité au moment où la mesure d'assignation est prise.

Le Gouvernement justifie le recours à une ordonnance « compte-tenu des nécessaires consultations des collectivités concernées ».

En application de l'article 74 de la Constitution, les statuts fixés au niveau de la loi organique des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie imposent effectivement la consultation des assemblées délibérantes sur les dispositions particulières à ces collectivités. En revanche, s'agissant des TAAF, régies par le dernier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution qui donne compétence à la loi pour fixer le « régime » de ce territoire, aucune disposition législative ne prévoit la consultation du conseil consultatif des TAAF sur les dispositions particulières à ce territoire.

La commission des lois de l'Assemblée nationale s'est limitée à adopter un amendement de son rapporteur prévoyant que le Gouvernement puisse prendre, s'il le souhaite, plusieurs ordonnances et non une seule, « compte tenu de la complexité des mesures législatives à prendre en vertu de cette habilitation ».

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 - Application de l'article 2 du projet de loi à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin

L'article 17 étend à Saint-Barthélemy et Saint-Martin l'application de l'article 2 du présent projet de loi permettant d'imposer aux personnes assignées à résidence une mesure administrative d'interdiction d'être en relation avec des personnes nommément désignées, assortie le cas échéant de sanctions pénales.

Si ces deux collectivités d'outre-mer sont régies par le principe d'identité législative en application des articles L.O. 6213-1 et L.O. 6313-1 du code général des collectivités territoriales, ce principe connaît une exception pour les dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, ce qui est le cas de l'article 2. Une mention expresse est donc requise pour assurer leur application.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification .

Article 18 (art. L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 et L. 224-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) - Application de la loi outre-mer

L'article 18 assure l'application du présent projet de loi et de dispositions relatives à la sécurité dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative.

Les I, III et IV du présent article assurent l'application du présent projet de loi puisque les dispositions qu'elle introduit relève de la compétence de l'État dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative.

Outre une coordination, le II du présent article rend applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises le dispositif du nouveau traitement relatif aux données des transporteurs aériens, prévu à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2017 par l'article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Cette disposition répare l'omission du législateur lors de l'adoption de ce dispositif.

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement assurant l'application de l'article 15 ter du présent projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. En outre, cet amendement supprime la mention expresse d'application du présent projet de loi pour les Terres australes et antarctiques françaises qui s'avère inutile, ces dispositions s'y appliquant de plein droit. En effet, l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton prévoit une applicabilité de plein droit dans ce territoire des dispositions législatives relatives « au droit pénal et à la procédure pénale » et à « la lutte contre le financement du terrorisme ».

Votre commission adopté l'article 18 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

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JEUDI 9 OCTOBRE 2014

EXAMEN DU RAPPORT

M. Alain Richard , rapporteur . - Des dispositions donnant à la République les moyens de protéger les citoyens contre le terrorisme ont été votées depuis une vingtaine d'années ; elles ont prouvé leur efficacité. Elles sont préventives -donc administratives- ou bien pénales, c'est-à-dire créant de nouvelles infractions, ou modifient la procédure pénale pour donner au juge d'instruction et au parquet de nouveaux moyens d'investigation. Elles n'appellent pas de critique sur le plan des libertés fondamentales, ce que reconnaissent le Conseil constitutionnel comme la Cour européenne des droits de l'homme. Les terroristes s'internationalisent et mettent en réseau leur activités, grâce à internet ; c'est pourquoi les gouvernements successifs - celui de François Fillon avait déposé un texte...

M. Michel Mercier . - Tout à fait !

M. Alain Richard , rapporteur . - ...dans ses toutes dernières semaines - sont conduits à proposer de nouvelles mesures.

Je rapporterai sur les mesures administratives et sur une partie des modifications de la procédure pénale. Les premières sont les suivantes : l'interdiction de sortie du territoire, l'interdiction de contact pour les personnes déjà mises en cause pour terrorisme et assignées à résidence ; le blocage, après mise en demeure, de l'expression favorable au terrorisme sur internet ; davantage sujet à discussion, l'allongement à trente jours du délai de conservation des enregistrements des interceptions téléphoniques pour faire face aux difficultés de traduction et de décryptage. Quant à la procédure pénale, la saisine des juridictions spécialisées est étendue et l'application des procédures spécifiques - prolongation de la garde à vue et droit d'enquêter sous pseudonyme - devient applicable à d'autres délits. Contrairement à des épisodes passés, le projet de loi n'a pas fait l'objet de grandes controverses opposant efficacité des poursuites et droits de la défense. L'Assemblée nationale l'a d'ailleurs voté à une large majorité.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Le terrorisme évolue : il y a dix ans, nous ne pouvions pas imaginer le terrorisme individuel, tel qu'il s'est manifesté en France ou en Grande-Bretagne. Les magistrats que nous avons consultés nous l'ont dit, ils n'ont pas les bons outils pour le réprimer, car le droit actuel les expose à des erreurs de procédure. Contre le terrorisme - comme contre la criminalité organisée - à l'âge d'internet, de nouvelles mesures sont nécessaires, pour éviter par exemple la diffusion des incitations à partir vers les zones de combat.

L'article 3 introduit logiquement les infractions relatives aux explosifs dans la liste des infractions terroristes dès lors qu'elles sont commises dans cette intention. L'article 4 transfère dans le code pénal les infractions d'apologie et de provocation au terrorisme pour lutter contre le jihad médiatique, alors qu'elles relevaient jusqu'à présent de la loi sur la presse. Nous cherchons cependant à rééquilibrer cet article. Après tout, même l'apologie des crimes contre l'humanité relève de la loi sur la presse. Après en avoir bien débattu, nous proposons de cantonner le délit spécifique à la propagande sur internet ; la nouveauté est là. Marc Robert, aujourd'hui procureur général de Versailles, montre également dans son important rapport Protéger les internautes, rapport sur la cybercriminalité que la loi sur la presse n'est plus adaptée à internet. Attention à ne pas vider totalement la loi de 1881 de sa substance ! En outre, l'avis des praticiens, le dispositif voté par l'Assemblée nationale est très complexe.

Le projet de loi crée également dans son article 5 un délit d'entreprise individuelle de préparation d'un acte de terrorisme : l'association de malfaiteurs ne suffit plus à appréhender l'auto-radicalisation. C'est l'exemple du militaire poignardé à la Défense l'année dernière ou de ce qui s'est passé en Grande-Bretagne. Ce délit est soumis à trois conditions, renforcées par les députés : avoir la volonté de commettre un des actes terroristes prévus par le code pénal, rechercher ou détenir des substances dangereuses ; enfin, autre fait matériel : rechercher des renseignements, s'entraîner au maniement des armes ou encore consulter habituellement des sites jihadistes... Nous approuvons cette mesure, mais y apporterons des précisions.

Enfin, les amendements que nous proposerons aux articles 7 et 7 bis ne remettent pas en cause leur dispositif, et nous reviendrons sur les autres articles en présentant les amendements.

M. Philippe Bas , président . - Le Sénat, qui est traditionnellement très prudent dans ces domaines, cherche à ne pas réagir en fonction de l'actualité. Le texte constate des insuffisances dans l'arsenal juridique actuel et vous proposez de préciser la définition des infractions tout en vous assurant de la proportionnalité entre les limitations apportées aux libertés et les objectifs recherchés.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'horreur du terrorisme en France et dans le monde nous oblige à souscrire aux mesures nécessaires pour lutter contre ce fléau, qui porte atteinte à tout ce à quoi nous croyons, à tout ce qui, en définitive, fonde l'humanité. La tâche des rapporteurs a été très utile : nous devons prendre toutes les mesures qui s'imposent sans que les atteintes aux libertés publiques qui en résultent soient disproportionnées ou inutiles. Vous préconisez ainsi de ne toucher à cette grande loi de notre patrimoine juridique qu'est la loi sur la presse que lorsque c'est strictement nécessaire. Il est également très important de veiller à la situation des jeunes qui se laissent embrigader. L'activité des sites internet qui font la propagande du terrorisme en en donnant toutes les recettes est aussi grave que l'incitation au racisme, à l'antisémitisme ou à l'homophobie. Il est sage d'agir contre eux, à condition que les textes d'application soient pris rapidement, contrairement à ce qui s'est passé pour des dispositions similaires contre la pédopornographie - vous ne manquerez pas, j'en suis sûr, d'interroger le Gouvernement sur ce point, car il y va de l'efficacité du texte.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Absolument !

M. François Pillet . - Je vois comme un heureux présage que le premier rapport après le renouvellement privilégie un consensus pragmatique à une opposition idéologique. La création d'une infraction n'est pas forcément horrifiante. Sur le fond, l'amélioration de l'efficacité des poursuites est essentielle, tant qu'elle respecte ce sur quoi le Sénat et sa commission des lois veillent : les libertés publiques. Les rapporteurs ont trouvé un équilibre qu'il convient de saluer.

M. Michel Mercier . - Les esprits ont bien évolué sur ce sujet. Le texte que j'avais présenté en 2012 et qui a ensuite été repris par Manuel Valls, avait été accueilli différemment, même s'il a été voté intégralement trois mois après. Il est normal que le Gouvernement réagisse après des événements. Je relisais le compte-rendu de la réunion de la commission des lois de l'époque. Certaines positions ont évolué. Je suis sensible à l'équilibre entre efficacité de l'action publique et respect des libertés publiques. Votre proposition de conserver dans le périmètre de la loi de 1881 une part importante des situations ne me convainc toutefois pas complètement parce que cette grande loi, à laquelle je suis attaché comme vous tous, n'est pas faite pour répondre à l'apologie du terrorisme. Si l'État lance une action dans le cadre de la loi 1881, il est sûr de la perdre ! Pour avoir vu les ravages d'internet, notamment en prison, je suis cependant sensible à la proposition des rapporteurs de le mettre en dehors du champ d'application de cette loi. C'est un moyen de radicalisation des individus qui permet, contrairement au caractère collectif de la presse, une relation individuelle avec une machine qui débite des vérités toutes faites, sans critique possible, s'imprimant immédiatement dans les cerveaux généralement plutôt faibles des terroristes. Je voterai ce texte bienvenu qui n'est pas le dernier : le terrorisme évolue et ses ressources sont inépuisables ; la République doit s'armer contre lui.

M. Jean-Yves Leconte . - Rendons hommage aux rapporteurs, qui ont passé de nombreuses journées en auditions. Des articles méritent discussion, à commencer par l'article premier, qui crée une interdiction administrative de sortie du territoire pour les Français. Il est utile d'envisager ce type de mesure, que ce soit pour la protection du territoire ou des familles ; mais pour que Schengen reste un espace de liberté de circulation, il serait préférable de les prendre à ce niveau, sous peine d'avoir à les multiplier sans efficacité. Assurons-nous également qu'il ne s'agira pas d'une course contre la montre avec la Cour européenne des droits de l'homme ; enfin, que fait-on pour les étrangers, communautaires ou non ? Deux frères, l'un Français, l'autre non, seraient pour les mêmes faits, l'un interdit de sortie et l'autre expulsé. Pourquoi réserver cette nouvelle mesure aux Français ?

Sur l'article 4 concernant la loi sur la presse, avec la même préoccupation que Jean-Jacques Hyest, je ne fixe pas la même frontière. Je retiens les avertissements de la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur l'article 5 : ne pas introduire un principe de précaution dans le code pénal et veiller à ce que la nouvelle infraction ne soit ni floue ni purement intentionnelle. Pourquoi ne pas avoir profité des articles 10 et 13, qui adaptent la procédure pénale aux nouvelles technologies, pour faire les modifications demandées en audition concernant la saisie à distance de données informatiques ? Je salue enfin votre proposition sur l'article 15.

Mme Esther Benbassa . - Il est, bien sûr, légitime de réfléchir sur le terrorisme, qui continue et continuera de toucher les populations. Des lois telles que « Loppsi 2 » répriment déjà ces faits, mais sans succès, comme l'a montré l'histoire, amusante si elle n'était si inquiétante, de ces trois jeunes attendus à Orly et qui se promenaient sur la Canebière. Les affaires Merah et Nemmouche illustrent aussi toutes les difficultés qu'il y a à cerner le terrorisme.

Nous ne pouvons pas, au nom de la sécurité, brader nos libertés individuelles. Nous aurions pu mieux appliquer les lois existantes et revoir les règles de sécurité. Je me rangerai aux avis de la présidente de la CNCDH et de la commission numérique de l'Assemblée nationale. L'interdiction de sortie est une grave atteinte à nos libertés, comme l'infraction d'entreprise individuelle terroriste. Le blocage administratif des sites internet est gravissime et totalement illusoire à l'ère du numérique ! L'inclusion de l'apologie du terrorisme dans le code pénal, le glissement vers des régimes procéduraux dérogatoires, l'extension du délai de conservation des interceptions de sécurité me préoccupent aussi. Mon groupe est très dubitatif sur ce projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'horreur ne dispense pas de réfléchir et d'envisager le terrorisme dans sa globalité, au lieu de se contenter de réagir, comme c'est, reconnaissons-le, le cas de ce projet de loi. D'après nos rapporteurs, les dispositions déjà adoptées ont montré leur efficacité et ne posent pas de problème : l'affaire de Tarnac montre pourtant que la procédure peut être passablement élastique... Ce qui justifie ces dispositions, c'est qu'elles s'attaquent pour la première fois à un problème particulier, à la frontière entre l'association de malfaiteurs et des problèmes socio-psychologiques. L'envie des jeunes d'aller faire le coup de feu au Moyen-Orient naît dans un terreau ; aborder ce problème uniquement sous l'angle pénal ne permet pas de le prévenir. Les problèmes socio-psychologiques se traitent par des mesures du même ordre et la propagande par de la propagande, et non par le code pénal.

Ce texte recherche un équilibre. J'apprécie l'effort de définition de l'acte terroriste et les dispositions facilitant les perquisitions informatiques sont bienvenues. Mais pourquoi est-ce le ministre de l'Intérieur qui prononce l'interdiction de sortie du territoire ? Pourquoi un délit sur internet est-il plus grave qu'ailleurs ? Si les dispositions du texte ne sont pas critiquables par leur objet, je regrette qu'une fois encore, la réponse à un problème de fond passe par des mesures ponctuelles.

Mme Cécile Cukierman . - Chacun condamne les actes de barbarie dont nous parlons et en particulier l'utilisation des mineurs par les mouvements terroristes. Nous nous interrogeons pourtant sur l'utilité du texte. Le terrorisme est divers ; même si nous les déplorons unanimement, certains conflits seraient qualifiés ici-mêmes différemment par les uns et les autres. Nous pouvons craindre un amalgame entre certains conflits locaux et ce qui se passe en Irak ou en Syrie.

Le terrorisme ne peut être abordé seulement à travers le prisme sécuritaire. Nous sommes face à une situation d'urgence dramatique. Nous regrettons que les mesures contre le terrorisme soient toujours prises dans ces situations ! Il faudrait y réfléchir sans pression. L'équilibre entre libertés publiques et sécurité n'est pas facile à trouver, et l'on n'y est pas parvenu ici : nous y voyons en effet des restrictions non justifiées aux libertés, des mesures qui concernent la délinquance en général ou la gestion des migrations et qui pourraient concerner, avec une interprétation large, des mouvements sociaux contestataires. Les libertés publiques sont un des fondements d'une sécurité durable, et non un obstacle. Sans idéalisme ni angélisme, refusons les lois prises dans l'urgence, s'ajoutant les unes aux autres et qui oublient des aspects du problème aussi importants que le financement du terrorisme.

M. Jean-René Lecerf . - J'ai toute confiance dans nos deux rapporteurs pour que les limitations aux libertés soient proportionnées et frappées au coin de l'utilité. Il y a, pour s'opposer au terrorisme, bien des mesures à prendre et de comportements à adopter, sans parler des moyens financiers. Le général commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris me disait ce matin que pour répondre à des menaces toujours plus importantes, il disposait de moyens toujours plus limités : nous touchons à un seuil de crédibilité. Parmi les 8 700 personnes placées sous son autorité, l'immense majorité réside, faute de logement en région parisienne, à 300, 400, 600 kilomètres, ce qui rendrait difficile leur rassemblement d'urgence en cas d'événement grave. N'éludons pas le problème des moyens.

M. André Reichardt . - Ce projet intéressant ne fait pas le tour de la question. Tout alsacien est tombé de sa chaise en découvrant qu'un réseau de djihadistes s'était créé il y a quelques mois à Strasbourg. La question des flux financiers n'est pas traitée. Où en est-on sur le sujet de la commission d'enquête demandée par certains de nos collègues ? Elle pourrait nous aider à ne pas nous limiter au renforcement de l'arsenal pénal.

Mme Catherine Tasca . - Nos deux rapporteurs ont abordé le texte avec un égal souci de la lutte contre le terrorisme et du respect de nos libertés fondamentales, parvenant ainsi à un certain équilibre. Ce texte marque un stade de la réflexion collective ; il faudra y revenir. Mais il arrive au bon moment. Sur un sujet aussi sensible, il convient de cadrer autant que possible la coopération entre services de sécurité et justice. Le projet a au moins cette utilité. Même s'il ne traite pas le terrain qui produit les terroristes, il permettra à l'État de mieux régler ces problèmes. Comme l'a dit Jean-Pierre Sueur, il faudra insister auprès du Gouvernement pour qu'il prenne le plus vite possible les textes d'application - comme pour tous les projets de loi, au demeurant.

Mme Catherine Troendlé . - Oui !

Mme Catherine Tasca . - Dans ce domaine, l'État a une responsabilité particulière.

M. Philippe Bas , président . - Je gage que le Gouvernement sera motivé pour publier ces textes très vite.

M. François Pillet . - Nous ne pouvons pas reprocher à ce texte d'être attaché à l'actualité. Dans le domaine du droit pénal, si une infraction n'est pas caractérisée, il est impossible de la poursuivre. Nous devrons donc adapter souvent notre droit pénal à des infractions qu'il ne connaît pas encore car l'imagination ne les avait pas encore portées au pouvoir. L'État de droit est indissociable de cette interprétation stricte du droit pénal.

M. Alain Richard , rapporteur . - Les collègues qui voteront contre ce texte doivent savoir qu'il n'est pris ni dans l'émotion ni dans la précipitation : les faits qu'il vise remontent à plusieurs années ; les dispositions qu'il introduit ont été mises à l'étude et débattues depuis au moins trois ans.

Dans un État de droit, le juge ne peut prononcer de condamnation que pour des actes définis par la loi sous le contrôle du juge constitutionnel, et après que l'infraction a été prouvée. Le texte respecte scrupuleusement ces principes. Si des collègues ne veulent pas que tel comportement soit considéré comme un crime ou un délit, libre à eux : ils en prendront la pleine responsabilité. Les réseaux sont de mieux en mieux organisés par des personnes qui connaissent très bien les procédures : il faut donc donner aux enquêteurs et à ceux qui conduisent ces procédures au nom du peuple français les moyens d'empêcher les manoeuvres les plus habiles pour les contourner.

Des phénomènes transnationaux nécessitent une coopération policière et judiciaire. Pour autant, penser que les 190 États membres des Nations unies doivent renoncer à légiférer en matière pénale en attendant une loi mondiale, thèse éminemment respectable, signerait une volonté d'impuissance. Nous parlons d'une coopération volontaire et organisée entre États souverains, y compris dans l'Union européenne, qui ne se substitue pas à eux dans ces domaines de la justice et des affaires intérieures, mais organise leur coopération. Cette coopération et les services peuvent connaître des défaillances ; cela devrait d'autant plus nous inciter à la renforcer.

Comme c'est son rôle selon la Constitution, la loi établit des procédures administratives limitant certaines activités, ainsi qu'il y en a en matière de conduite automobile. Elle prévoit également des infractions pénales et des améliorations de la procédure pénale. Cela ne veut pas dire que la France soit démunie pour agir sur les facteurs sociaux en jeu. Croyez-vous que l'Éducation nationale s'en désintéresse ? Pensez-vous que les travailleurs sociaux négligent les situations de dérive personnelle ? N'avez-vous pas, en tant qu'élus locaux, participé à des réunions autour du directeur de la sécurité publique ou du préfet pour améliorer la circulation de l'information et mieux identifier les facteurs de radicalisation ? Conscients des difficultés et des efforts continus à fournir, n'ayons pas de doute sur le bon équilibre entre droit et sécurité publique.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Les mesures de police administrative relèvent de la prévention. Interdire à des jeunes de sortir du territoire pour éviter qu'ils aillent se perdre dans le jihad est une mesure de prévention. Il n'est pas horrible de préserver leur avenir. Nous aborderons ce débat à propos de l'amendement n° 18 que nous présentons à l'article 4, et à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Alain Richard , rapporteur . - L'article 1 er donne aux préfets la possibilité d'émettre une interdiction de sortie de territoire, sur des fondements que la justice examinera en cas de contestation, afin d'éviter que des jeunes, victimes d'un endoctrinement qui peut les conduire à des actes sanguinaires, se joignent à un mouvement de jihad international avant, peut-être, de revenir sur le territoire national. L'amendement n° 2 substitue au verbe « croire » le verbe « penser », utilisé dans ce contexte par les textes existants.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 21 rectifié permet d'éviter d'étendre à l'excès les motivations de l'acte d'interdiction : la préparation d'un déplacement à l'étranger en vue de se joindre à des activités terroristes suffit.

L'amendement n° 21 rectifié est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 1 améliore les possibilités de défense de la personne concernée. Comme le Gouvernement et l'Assemblée nationale, nous estimons que pour des raisons évidentes d'urgence, les droits de la défense ne doivent s'exercer qu'une fois la décision prise. Nous estimons néanmoins que l'administration doit inviter la personne à venir présenter ses observations dans les huit jours suivant l'acte d'interdiction, et non dans les quinze jours. Il importe surtout de marquer les obligations de l'administration.

M. Yves Détraigne . - Que signifie, au juste, l'expression « met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations » ?

M. Alain Richard , rapporteur . - L'acte doit exprimer sans ambigüité que la personne est conviée à venir présenter ses observations devant un représentant qu'il désigne.

M. Yves Détraigne . - Ils ne comportent pas l'idée d'obligation, et sont à peine une invitation !

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Seule l'administration à une obligation : entendre la personne.

M. Alain Richard , rapporteur . - Dès la notification de la mesure, le délai de recours contentieux court : la personne concernée peut saisir directement le tribunal administratif.

M. Philippe Bas , président . - L'administration doit prouver qu'elle a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que la personne soit en mesure de recevoir des explications sur la décision prise.

Mme Cécile Cukierman . - La rédaction que vous proposez donne l'impression que c'est facultatif.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'indicatif, dans un texte de loi, crée une obligation.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - Une interdiction de sortie du territoire est prononcée pour six mois, et peut être renouvelée dans la limite de deux ans. L'amendement n° 4 prévoit que la décision de renouvellement soit elle-même motivée, comme la décision initiale.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - La décision d'interdiction de sortie peut être contestée immédiatement devant le tribunal administratif. Compte tenu de la durée de cette interdiction, l'amendement n° 5 impose à celui-ci de se prononcer dans les quatre mois. Une disposition semblable existe en matière de droit de séjour - et ce contentieux ne sera pas massif.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - Une personne à qui l'on a retiré sa carte d'identité doit se voir confier un récépissé pour justifier son identité. L'Assemblée nationale a prévu que ce récépissé « ouvre les mêmes droits » que la carte nationale d'identité. Or celle-ci n'en ouvre aucun : c'est simplement un moyen légal de justifier de son identité. L'amendement n° 3 propose une meilleure formulation.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - En cas de contrôle d'identité, la présentation de ce récépissé sera révélatrice : n'est-ce pas une double sanction ? Un tel récépissé est déjà délivré en cas de contrôle judiciaire, ou pendant une enquête, à la demande expresse du juge. L'amendement n° 6 renvoie donc à un décret en Conseil d'État la définition de l'aspect du récépissé. Nous recommanderons qu'il soit le moins stigmatisant possible, afin qu'il soit difficile de discerner pour laquelle des trois causes il a été émis. L'amendement renvoie également au décret la définition des modalités de la nouvelle interdiction de transport.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 43 fait du refus de restituer ses papiers un délit pénalement sanctionné.

Mmes Cécile Cukierman et Esther Benbassa . - Nous sommes opposées à cette mesure.

L'amendement n° 43 est adopté.

Article 2

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 27 insère dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers les dispositions prévoyant l'interdiction de contact entre une personne assignée à résidence pour terrorisme et d'autres personnes soupçonnées d'y être aussi liées.

L'amendement n° 27 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 25 est de précision.

L'amendement n° 25 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 26.

Article 4

M. Jean-Yves Leconte . - Tout en prenant en compte des observations du pôle antiterroriste, il convient de sanctuariser la loi de 1881 sur la presse. L'Assemblée nationale a placé l'ensemble de l'apologie et de la provocation au terrorisme hors du champ de cette loi et en a fait un délit spécifique. Dès lors, ce qui pourrait n'être considéré que comme un abus de la liberté d'expression entre dans le code pénal sous la qualification de terrorisme. Cela risque de créer un précédent, et d'engorger le pôle antiterroriste. C'est pourquoi l'amendement n° 47, inspiré par l'audition du juge Trévidic, crée un délit spécifique d'organisation de médias à vocation terroriste, afin que la loi de 1881 ne puisse être invoquée, quel que soit le média concerné. L'amendement présenté par les rapporteurs se concentre sur les abus de la liberté d'expression sur internet. Où placer la frontière ?

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - La loi sur la presse ne suffit pas à prévenir l'apologie organisée du terrorisme. Mais l'apologie des crimes contre l'humanité en relève...

M. Michel Mercier . - Ce n'est pas une loi prévue pour condamner !

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Des condamnations ont déjà été prononcées, sur la base de cette loi, en matière d'apologie du terrorisme. Ce qui préoccupe les juges antiterroristes, c'est l'internet. Le Gouvernement lui-même reconnaît que notre amendement a le mérite de l'efficacité.

Le projet de loi a pour effet de ne plus considérer comme des abus de la liberté d'expression l'ensemble des faits d'apologie et de provocation au terrorisme, y compris sur les supports traditionnels. Créer une nouvelle infraction à cet emplacement dans le code pénal implique le recours aux techniques spéciales d'enquête dont le Conseil constitutionnel a rappelé qu'elles ne devaient être mises en oeuvre que pour des infractions graves et complexes. La loi de 1881 sur la presse permet déjà la détention provisoire. Extraire l'apologie du terrorisme du ressort de la loi sur la presse pourrait conduire à en extraire d'autres délits d'expression très graves, comme l'apologie du racisme ou des crimes contre l'humanité. Aussi proposons-nous de n'introduire dans le code pénal que l'apologie et la provocation au terrorisme utilisant internet. L'accessibilité universelle de ce réseau, la possibilité d'y ajouter du contenu, celle d'une prise de contact interactif entre les personnes justifient des moyens d'enquête plus intrusifs. L'administration ou l'animation d'un site internet comportant des messages d'apologie ou de provocation au terrorisme seraient punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, peine cohérente avec l'échelle des peines : l'essentiel est que les peines soient prononcées et exécutées.

M. Michel Mercier . - Exécutées, surtout !

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Bref, je suggère à M. Leconte de retirer son amendement au profit du nôtre, plus complet.

M. Jean-Yves Leconte . - Nos préoccupations sont similaires. Toutefois, la frontière est ténue entre l'organisation et l'animation d'un média et la simple contribution à l'apologie du terrorisme. Tout en défendant la loi de 1881, vous en sortez. Je maintiens mon amendement, qui établit précisément le fait générateur sans se référer à un média particulier.

M. Michel Mercier . - Je comprends les raisonnements philosophiques et juridiques des uns et des autres. Mais la loi de 1881 est datée : votée à l'époque des grands attentats anarchistes, elle ne répond évidemment pas aux besoins de la lutte contre le terrorisme du XXI e siècle. Si elle suffit à réprimer l'apologie des crimes contre l'humanité, c'est qu'ils sont déjà perpétrés. Or nous voulons lutter contre le terrorisme de demain. Exposer les méthodes pour construire des bombes, c'est préparer des actes terroristes, et ce quel que soit le média utilisé. Nous devons armer l'État contre ces entreprises terroristes, et la loi de 1881 est faite pour protéger les individus contre les attaques de la presse. L'amendement n° 18 me paraît donc le meilleur, mais nous devrons y revenir bientôt : la loi de 1881 n'est pas le bon support.

M. Jean-Yves Leconte . - D'où mon amendement !

M. Alain Richard , rapporteur . - La position de M. Mercier est aussi celle du Gouvernement. Basculer de la loi de 1881 au code pénal modifie les procédures, ce qui nous expose à un risque constitutionnel : le Conseil constitutionnel ne manquera pas de vérifier que ce changement répond à une nécessité de sécurité publique. Le Gouvernement, suivi par l'Assemblée nationale, souhaiterait placer l'ensemble des actes d'apologie ou de provocation au terrorisme dans le code pénal. Il revient au législateur de cantonner autant que possible l'application des procédures antiterroristes à des actes qui les justifient. Or l'incitation à entrer dans des réseaux est diffusée de manière beaucoup plus large et difficile à atteindre sur internet que dans les journaux, notamment parce que l'internet rend la prise de contact très facile. C'est un critère objectif.

L'amendement n° 18 est adopté ; l'amendement n° 47 tombe.

L'amendement de coordination n° 42 est adopté.

Article 5

L'amendement rédactionnel n° 45 est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 7 est de précision : les renseignements recueillis devront avoir une visée opérationnelle.

L'amendement n° 7 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - J'ai été avisé hier après une réunion interministérielle que le mot « pilotage » n'avait pas le même sens sur un navire que dans un avion : dans le transport maritime, il se réfère à la mise à la disposition d'un pilote lors de l'entrée au port. Nous devons donc écrire, dans l'amendement n° 10 : « pilotage d'avion ou conduite de navire ».

M. Michel Mercier . - Il importe surtout que l'entreprise individuelle de terrorisme soit poursuivie.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - C'est indispensable : cette nouvelle incrimination compte parmi les grands apports du texte.

L'amendement n° 10 rectifié est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 11 ajoute un fait matériel supplémentaire alternatif : les préparatifs logistiques.

L'amendement n° 11 est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 9 est rédactionnel.

Mme Esther Benbassa . - Contre !

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 22 supprime une mention inutile. L'incrimination concernée est bien une incrimination terroriste, et non de crimes de guerre ou contre l'humanité : ces dernières infractions sont complexes et généralement prouvées longtemps après les faits. Leur mention ne ferait donc que compliquer la tâche des enquêteurs et des juges.

L'amendement n° 22 est adopté.

Article 5 bis (nouveau)

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 17 supprime l'article 5 bis (nouveau), par lequel les députés ont ajouté à un article du code pénal réprimant la diffusion de messages susceptibles de nuire à la jeunesse - et dont la rédaction laisse déjà à désirer - la mention de messages « relatifs à un acte terroriste réel ou simulé », alors que cet article mentionne déjà les messages « violents ».

M. Philippe Bas , président . - Il n'est que de lire cet article 227-24 pour percevoir le bien fondé de votre remarque...

L'amendement n° 17 est adopté.

Article 6

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 44 rétablit le texte initial du Gouvernement : l'on n'édite pas par erreur ou inadvertance des messages terroristes.

L'amendement n° 44 est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 19 précise les moyens d'enquête utilisables pour la poursuite de la nouvelle incrimination prévue par l'article 4 dans la rédaction que nous venons d'adopter : il s'agit des moyens d'enquête prévus en matière d'infractions terroristes, sauf la garde à vue prolongée, la prescription de 20 ans et les perquisitions nocturnes. Ainsi, nous nous conformons à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L'amendement n° 19 est adopté.

Article 7

L'amendement rédactionnel n° 20 est adopté.

Article 7 bis (nouveau)

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - L'amendement n° 23 déplace dans le chapitre premier du titre X ce nouvel article prévoyant une compétence concurrente de la juridiction parisienne en matière d'examen des demandes d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et des demandes d'extradition concernant les auteurs d'actes de terrorisme.

M. Michel Mercier . - On garde l'article et on le met...

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - ... à la bonne place !

L'amendement n° 23 est adopté.

Article 8

M. Alain Richard , rapporteur . - Le code monétaire et financier comporte déjà des dispositions pour lutter contre le financement du terrorisme, madame Cukierman. Il est possible en particulier de prononcer le gel des avoirs d'une organisation terroriste. Avec l'article 8, ce gel devra être prononcé par décision conjointe du ministre de l'intérieur et du ministre des finances. Pour ne pas retarder des enquêtes en cours, il importe de prévoir un délai de trois mois après la promulgation de la loi pendant lequel cette disposition n'entrera pas en vigueur.

L'amendement n° 49 est adopté.

Article 9

L'amendement rédactionnel n° 12 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'article 9 organise le combat contre les messages terroristes sur internet. La mise en demeure de l'éditeur du message et de l'hébergeur, suivie d'une décision administrative de blocage du site, semble la bonne solution. Faut-il donner un délai de 24 ou de 48 heures ? Nous en débattons avec le Gouvernement. S'il est possible d'obtenir la coopération de l'hébergeur, il nous semble préférable de laisser 48 heures. La crainte que ce délai ne soit utilisé pour faire migrer les messages sur d'autres supports à l'étranger est vaine : ceux qui sont décidés à le faire n'auront pas besoin de 24 heures supplémentaires. La procédure administrative de blocage requiert elle-même un certain délai : il faut obtenir la coopération du fournisseur d'accès internet. L'adjonction à l'autorité administrative d'une personne issue de la CNIL, qui pourra saisir par elle-même le tribunal si elle considère que la mesure n'est pas suffisamment justifiée, établit un bon équilibre. Le Défenseur des droits propose également ses services. Le Gouvernement avait pensé à un magistrat judiciaire. Mieux vaut un membre de la CNIL.

M. Jean-Yves Leconte . - Mon amendement supprimait tous ces alinéas. N'aurait-il pas dû être examiné d'abord ?

M. Philippe Bas , président . - L'usage est de présenter d'abord les amendements des rapporteurs.

Mme Catherine Troendlé . - Ajouter des délais enverra un message de laxisme. Pourquoi évoquer la coopération de l'hébergeur, dès lors que nous sommes dans un dispositif de blocage ? Il n'a pas à collaborer mais obtempérer !

M. Jean-Pierre Sueur . - Ces sites expliquent comment égorger, décapiter, pulvériser, détruire... Vous évoquez des difficultés techniques, je le comprends. Mais le passage de 24 à 48 heures ne risque-t-il pas d'envoyer un message de laxisme ?

L'amendement n° 13 est adopté.

L'amendement rédactionnel n° 14 est adopté, ainsi que l'amendement de précision n° 16.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 15 précise comment l'autorité administrative prend la décision de blocage en cas de non-coopération. Outre quelques clarifications, nous modifions la durée du mandat de la personnalité désignée par la CNIL, qui passe de 3 à 5 ans.

Pourquoi adopter un délai techniquement peu crédible ? Une objection que nous aurons à affronter en séance est qu'il ne sert à rien de chercher à réguler internet. Nous croyons pourtant que cette mesure entravera la diffusion de messages terroristes.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il est peut-être difficile de réguler internet mais si nous reconnaissons implicitement ou explicitement que le droit ne s'y applique pas, autant démissionner ! Nous devons inlassablement chercher à y faire régner le droit.

Mme Esther Benbassa . - Bon courage !

M. Jean-Yves Leconte . - Le législateur ne doit pas s'empêcher lui-même d'avoir une influence constructive sur l'évolution d'internet, si nous ne voulons pas transformer les internautes en consommateurs plutôt qu'en citoyens. Ne nous laissons pas arrêter par les difficultés techniques !

Mme Esther Benbassa . - Je m'abstiendrai.

L'amendement n° 15 est adopté.

L'amendement de coordination n° 46 est adopté.

M. Jean-Yves Leconte . - Des applications donnent accès partout dans le monde au contenu d'un site même bloqué. Les blocages administratifs déjà prévus n'ont jamais été mis en oeuvre. Tout blocage peut facilement être contourné : voyez comme il était facile d'accéder à Netflix ! Une loi qui accuserait un tel décalage avec les techniques existantes perdrait toute crédibilité. Mieux vaut continuer à suivre ce qui se passe sur internet. De plus, si le législateur et l'État ne sont pas crédibles dans leur manière d'appréhender internet, nous risquons de voir partir les compétences à l'étranger, et nous n'aurons plus les moyens de nous protéger. Les usagers d'internet doivent être des citoyens et non des consommateurs. Sachons conserver la maîtrise du suivi technique d'internet et nous assurer à la bonne coopération des fournisseurs d'accès.

M. Philippe Bas , président . - Bien que votre amendement soit devenu sans objet, ce débat est intéressant, même si je n'en vois pas découler toutes les conséquences que vous avez énumérées : la lutte contre le terrorisme n'est pas forcément une porte d'entrée vers une régulation excessive de l'internet.

M. Alain Richard , rapporteur . - J'ai partagé un temps les doutes dont M. Leconte fait des certitudes. Certains des sites à qui nous imposerons de cesser d'émettre poursuivront leur activité, c'est vrai. Faut-il en conclure, avec M. Leconte, que cette mesure est inefficace ? Non. La logique est la même que pour les alarmes protégeant les maisons individuelles ou les commerces : il est toujours possible de passer outre, si l'on a le degré de sophistication nécessaire. Pour autant, elles éliminent 60 à 80 % des risques d'intrusion, ce qui n'est pas négligeable. De même, les jeunes à la dérive qui forment le gibier de ces sites ne sont pas tous des geeks , loin de là. Le Gouvernement a l'honnêteté de reconnaître que cette mesure n'est pas entièrement efficace, mais pouvons-nous faire obstacle à la propagation sans limite des appels au terrorisme ? De plus, notre action sera plus efficace concentrée sur les quelques dizaines de sites qui auront révélé leur acharnement. Je ne crois pas, enfin, que des entrepreneurs d'Internet quitteront la France parce que nous essayons de faire obstacle à des messages terroristes.

M. Jean-Yves Leconte . - Vous simplifiez mon propos.

M. Michel Delebarre . - La démarche de nos rapporteurs me paraît réaliste, mais M. Leconte soulève un vrai problème, plus vaste, qu'il faudra bien traiter un jour.

L'amendement n° 48 est devenu sans objet, de même que les amendements n° s 50 et 51.

Article 11

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 28 donne à l'ensemble des acteurs judiciaires, ainsi qu'à l'OPJ, sur autorisation du juge d'instruction ou du procureur de la République, la possibilité de saisir le centre technique d'assistance pour accéder à des données protégées par un mécanisme d'authentification.

Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi . - Contre !

L'amendement n° 28 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 29 permet à ces mêmes acteurs de saisir directement le centre technique d'assistance, sans passer par l'intermédiaire d'un service de police judiciaire.

L'amendement n° 29 est adopté.

Article 11 bis (nouveau)

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 30 rétablit les plafonds d'amende applicables aux infractions d'atteintes aux systèmes de traitement de données que les députés ont modifiés dans des proportions que le Conseil constitutionnel n'autorise que pour la délinquance financière.

L'amendement n° 30 est adopté.

Article 12

L'amendement n° 31 est adopté.

L'amendement de coordination n° 32 est adopté, ainsi que l'amendement n° 33.

Article additionnel après l'article 12

L'amendement n° 34 est adopté.

Article 13

L'amendement de coordination n° 35 est adopté, ainsi que l'amendement n° 36.

Article additionnel après l'article 13

L'amendement n° 37 est adopté.

Article 14

M. Alain Richard , rapporteur . - Les juges d'instruction du pôle antiterroriste ont souvent besoin de requérir l'expertise d'un organisme privé spécialisé pour développer des dispositifs techniques leur permettant d'accéder à un ordinateur, comme le leur permet l'article 706-102-1 du code de procédure pénale. Les dispositifs développés doivent faire l'objet d'une autorisation administrative, alors que pour toutes les autres opérations auxquelles ils recourent, les juges n'ont pas besoin d'une telle autorisation. L'amendement n° 38 supprime cette incohérence.

L'amendement n° 38 est adopté.

Article 15

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 39 concerne les interceptions téléphoniques de sécurité. M. Hyest a participé à la mise en place du dispositif qui les contrôle, qui a fait ses preuves. Combien de temps les enregistrements doivent-ils être conservés ? Si une écoute n'a pas été transcrite sur papier dans les 10 jours, l'enregistrement doit être détruit. Le Gouvernement nous signale qu'il est parfois difficile de faire traduire un enregistrement dans les délais impartis. Il manque de traducteurs pour les langues de l'Asie centrale et, surtout, pour le tchétchène ainsi que pour certains dialectes arabes. Il réclame donc une extension à 30 jours du délai de conservation des enregistrements. Nous n'y sommes pas favorables : les enquêtes s'en trouveront retardées et le risque de fuites sera accru. Mieux vaut maintenir la pression d'une transcription rapide. Dans certains cas de cryptages complexes ou de langues rares, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) pourra autoriser une extension du délai.

M. Jean-Pierre Sueur . - Malgré la grande qualité des deux parlementaires qui siègent à la CNCIS, l'arrivée d'un nouveau président me paraît un heureux événement dans la situation actuelle.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Ce n'est pas très aimable pour le précédent !

M. Jean-Pierre Sueur . - Pour accomplir sa tâche, la CNCIS a besoin de moyens supplémentaires.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Faisons appel à la mémoire du Parlement : ce n'est pas la première fois, loin de là, que le Gouvernement réclame cette extension des délais. Les écoutes liées au terrorisme ne représentent que 17 % du total. Plus de la moitié des écoutes concernent le grand banditisme, le reste relevant de la sécurité nationale, notion assez élastique.

M. Jean-Pierre Sueur . - Pouvez-vous nous donner des chiffres ?

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Le nombre d'écoutes annuelles tourne autour de 6 000. La prolongation à 30 jours pourra-t-elle servir aux enquêtes judiciaires ? Non ! Il n'est pas possible d'utiliser ces enregistrements pour des enquêtes judiciaires. De plus, la CNCIS ne pourrait assurer aucun contrôle avant la fin des 30 jours. Or ce contrôle est fort utile pour éviter des interceptions de sécurité injustifiées.

M. Philippe Bas , président . - Et la modification vaudrait pour toutes les interceptions...

L'amendement n° 39 est adopté.

Article 15 ter (nouveau)

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 40 montre notre compréhension pour l'agence chargée de gérer les biens confisqués et les produits saisis (AGRASC). Ceux-ci peuvent produire des recettes, mais entraînent aussi des charges, comme les frais de maintenance d'un avion confisqué. Si cette agence, opérateur utile de l'État, dégage des résultats financiers positifs, ils retombent dans le budget général, ce qui réduit l'intérêt d'une telle construction. Le ministère veut pérenniser le système d'affectation de dépenses de l'agence pour qu'il finance, dans la lutte contre la délinquance et la criminalité, des petites dépenses qui peuvent être fort utiles à la manifestation de la vérité.

M. Michel Mercier . - Malgré les frais importants qu'elle encourt, l'agence dégage des résultats non négligeables. Nous devrions veiller à ce que la Justice en ait un peu, et que tout n'aille pas à l'Intérieur.

M. Michel Delebarre . - De quel pourcentage parlez-vous ?

M. Michel Mercier . - Il existait en effet des critères de répartition.

M. Alain Richard , rapporteur . - Cela ne relève pas du domaine législatif.

M. Michel Mercier . - La brigade de gendarmerie de Saint-Laurent du Maroni est remarquablement équipée : elle n'utilise que des équipements qui relèvent de l'agence.

M. Philippe Bas , président . - Il ne s'agit que d'une faculté. Nous verrons quels en seront les effets.

L'amendement n° 40 est adopté.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 24 supprime un ajout inutile de l'Assemblée nationale : la faculté de s'opposer au droit de visite de personnages signalés comme prosélytes du terrorisme est en effet déjà possible dans le cadre de la loi pénitentiaire.

M. Philippe Bas , président . - Voilà une illustration éclatante de l'utilité du bicamérisme !

L'amendement n° 24 est adopté.

Article 18

M. Alain Richard , rapporteur . - Nous vous proposerons sans doute de nouvelles modifications des articles 16 à 18 portant sur l'application en outre-mer. Le pilotage en est de plus en plus délicat, du fait de la diversité de la situation juridique des collectivités concernées. L'article 16 habilite le Gouvernement à adapter l'ensemble du texte par ordonnance aux trois collectivités du Pacifique. Ce n'est pas nécessaire : le principe général est que les lois de souveraineté sont d'application sur l'ensemble du territoire de la République. Le seul motif de cette demande d'habilitation semble être l'adaptation des conditions de l'assignation à résidence. L'amendement n° 41, quant à lui procède à une extension.

M. Jean-Yves Leconte . - Dans certains territoires, nos concitoyens peuvent être amenés à partir à l'étranger pour raisons de santé : certains opérations, par exemple, ne sont pas pratiquées en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement devra réfléchir à une adaptation de l'article premier. Tout ne relève sans doute pas du domaine législatif.

M. Alain Richard , rapporteur . - Le Haut-Commissaire aura le sens de l'opportunité pour traiter ces affaires.

L'amendement n° 41 est adopté.

Article additionnel après l'article 15 quater (nouveau)

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 53 a été présenté par le Gouvernement parce que le projet de loi de ratification de la codification par ordonnance du code de sécurité intérieure (CSI), déposé depuis longtemps, n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. Le CSI est en vigueur ; autant que sa codification soit ratifiée.

Mme Cécile Cukierman . - Nous nous opposons à cet amendement.

M. Pierre-Yves Collombat . - Pourquoi cette ratification n'a-t-elle pas eu lieu ?

M. Alain Richard , rapporteur . - C'est souvent le cas. L'obligation formelle de dépôt est respectée, mais personne ne propose de mettre à l'ordre du jour le projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest . - Nous pouvons ratifier des ordonnances à condition qu'aucune nouveauté ne soit introduite. Il est arrivé que nous procédions à des rectifications à la demande du Gouvernement lors de la ratification. Sur le code civil par exemple, nous devons procéder à un examen au fond.

M. Philippe Bas , président . - L'habilitation sur ce sujet a eu lieu il y a longtemps.

M. Jean-Jacques Hyest . - Certes. La Constitution prévoit une ratification explicite : cela signifie bien que le Parlement doit contrôler.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je ferais une différence entre une codification, qui appelle naturellement des vérifications techniques, et une habilitation à modifier par ordonnance un cinquième du code civil, à laquelle nous nous étions opposés à l'unanimité moins une voix, sans être suivis par l'Assemblée nationale. J'espère que nous persisterons sur ce sujet. C'est très différent de la codification, qui est l'affaire d'une commission de spécialistes.

L'amendement n° 53 est adopté.

Article additionnel après l'article 18

L'amendement n° 52 devient sans objet.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Création d'un dispositif d'interdiction de sortie du territoire

M. HYEST, rapporteur

2

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

21

Suppression de « crimes de guerres ou contre l'humanité »

Adopté

M. HYEST, rapporteur

1

Délai d'audition réduit à 8 jours

Adopté

M. HYEST, rapporteur

4

Motivation du renouvellement

Adopté

M. HYEST, rapporteur

5

Recours administratif

Adopté

M. HYEST, rapporteur

3

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

6

Coordination

Adopté

M. HYEST, rapporteur

43

Infraction de non-restitution de la carte nationale d'identité

Adopté

Article 2
Interdiction pour un étranger assigné à résidence
de se trouver en relation avec certaines personnes

M. HYEST, rapporteur

25

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

26

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

27

Coordination

Adopté

Article 4
Transfert des délits de provocation à la commission d'actes terroristes
et d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dans le code pénal

M. LECONTE

47

Nouveau délit d'apologie/provocation

Tombe

M. HYEST, rapporteur

18

Nouveau délit d'apologie/provocation

Adopté

M. HYEST, rapporteur

42

Coordination

Adopté

Article 5
Création d'un délit d'entreprise terroriste individuelle

M. HYEST, rapporteur

45

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

7

Précision de la notion de surveillance

Adopté

M. HYEST, rapporteur

10

Conduite des navires

Adopté

M. HYEST, rapporteur

11

Préparatifs logistiques

Adopté

M. HYEST, rapporteur

9

Suppression d'une mention inutile

Adopté

M. HYEST, rapporteur

22

Suppression de « crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité »

Adopté

Article 5 bis (nouveau)
Incrimination des messages à caractère terroriste

M. HYEST, rapporteur

17

Suppression de l'article

Adopté

Article 6
Possibilité pour le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne en cas de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme -
Exclusion de l'application de certaines règles dérogatoires applicables en matière terroriste pour ces délits

M. HYEST, rapporteur

44

Suppression de la restriction à l'éditeur

Adopté

M. HYEST, rapporteur

19

Exclusion de certaines règles de procédures spéciales pour le nouveau délit de l'article 4

Adopté

Article 7
Extension de la compétence concurrente de la juridiction de Paris

M. HYEST, rapporteur

20

Rédactionnel

Adopté

Article 7 bis (nouveau)
Compétence concurrente de la cour d'appel de Paris pour l'examen des demandes d'exécution
d'un mandat d'arrêt européen et des demandes d'extradition

M. HYEST, rapporteur

23

Déplacement de l'article dans le code

Adopté

Article 8
Codécision du ministre de l'Intérieur et du ministre
chargé de l'économie en matière de gels des avoirs

M. HYEST, rapporteur

49

Entrée en vigueur différée

Adopté

Article 9
Lutte contre la provocation au terrorisme et l'apologie des faits de terrorisme sur internet

M. GORCE

50

Suppression du blocage

Tombe

M. GORCE

51

Suppression personnalité qualifiée CNIL

Tombe

M. HYEST, rapporteur

12

Coordination

Adopté

M. LECONTE

48

Suppression du blocage

Tombe

M. HYEST, rapporteur

13

Délai de 48 heures avant blocage

Adopté

M. HYEST, rapporteur

14

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

16

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

15

Rédactionnel ; mandat porté à 5 ans pour
la personnalité qualifiée

Adopté

M. HYEST, rapporteur

46

Coordination

Adopté

Article 11
Réquisition par un officier de police judiciaire
de toute personne qualifiée pour le décryptage de données chiffrées

M. HYEST, rapporteur

28

Extension des missions du centre technique d'assistance

Adopté

M. HYEST, rapporteur

29

Saisine directe du centre technique d'assistance

Adopté

Article 11 bis (nouveau)
Répression de l'extraction, de la reproduction et de la transmission frauduleuses de données informatiques
et peines d'amendes encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD)

M. HYEST, rapporteur

30

Rétablissement du plafond des amendes en cours
en cas d'atteinte à un STAD

Adopté

Article 12
Création d'une circonstance aggravante lorsque l'atteinte à un système de traitement automatisé
de données (STAD) à caractère personnel mis en oeuvre par l'État a été commise en bande organisée
et extension de certaines dispositions de la procédure applicable à la criminalité organisée à cette infraction

M. HYEST, rapporteur

31

Coordination

Adopté

M. HYEST, rapporteur

32

Extension de la compétence du TGI en cas d'atteinte en bande organisée à un STAD à caractère personnel mis en oeuvre par l'État

Adopté

M. HYEST, rapporteur

33

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 12
Extension de certaines dispositions de la procédure applicable à la délinquance organisée en la matière
lorsque le système de traitement automatisé de données (STAD) à caractère personnel
objet de l'atteinte est mis en oeuvre par l'État

M. HYEST, rapporteur

34

Rédactionnel

Adopté

Article 13
Enquête sous pseudonyme

M. HYEST, rapporteur

35

Rédactionnel

Adopté

M. HYEST, rapporteur

36

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 13
Coordination des mécanismes ponctuels permettant une enquête sous pseudonyme

M. HYEST, rapporteur

37

Rédactionnel

Adopté

Article 14
Captation de données par le biais de périphériques audiovisuels

M. HYEST, rapporteur

38

Suppression de l'autorisation administrative préalable pour mettre en oeuvre le dispositif institué par l'article 706-102-1 du CPP

Adopté

Article 15
Extension de la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité

M. HYEST, rapporteur

39

Attribution à la CNCIS de l'initiative de décider
ou non de proroger jusqu'à 30 jours la durée
de consultation des enregistrements,
en cas de difficulté avérée

Adopté

Article 15 ter (nouveau)
Contribution de l'AGRASC au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité

M. HYEST, rapporteur

40

Rédactionnel

Adopté

Article 15 quater (nouveau)
Mesures de l'administration pénitentiaire pour lutter
contre le prosélytisme avéré tendant à favoriser le terrorisme

M. HYEST, rapporteur

24

Suppression

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 15 quater (nouveau)
Ratification des ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative
du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions
du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives)
relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions
du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l'outre-mer

Le Gouvernement

53

Ratification des ordonnances ayant créé la partie législative du code de la sécurité intérieure

Adopté

Article 18
Application de la loi outre-mer

M. HYEST, rapporteur

41

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 18

Le Gouvernement

52

Entrée en vigueur différée de l'article 8

Tombe

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Tribunal de grande instance de Paris - Parquet anti-terroriste

M. François Molins , procureur de la République

Mme Camille Hennetier , vice-procureur

Pôle anti-terroriste du TGI de Paris - Instruction

Mme Laurence Le-Vert , première vice-présidente

Mmes Nathalie Poux, Jeanne Duyé , Isabelle Couzy , MM. David Bénichou, Marc Trévidic et Christophe Tessier , vice-présidents chargés de l'instruction

17 ème chambre du tribunal de grande instance de Paris

Mme Anne-Marie Sauteraud , vice-présidente

Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

Mme Christine Lazerges , présidente

M. Hervé Henrion , magistrat, conseiller juridique

M. Pierre Lyon-Caen , avocat général honoraire de la Cour de Cassation, membre de la CNCDH

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

M. Olivier Christen , sous-directeur de la justice pénale spécialisée

M. Thomas Fiquet , rédacteur au sein du bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

M. Thomas Andrieu , directeur

M. Huges Courtial , chef du bureau des questions pénales à la sous-direction des libertés publiques

Direction centrale de la police judiciaire (SDAT)

M. Philippe Chadrys , commissaire divisionnaire, sous-directeur chargé de la lutte anti-terroriste

Mr Frédéric Joram , chef du pôle juridique au cabinet du directeur général de la police nationale

Mme Stéphanie Cherbonnier , chef du cabinet judiciaire au cabinet du directeur général de la police nationale

Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT)

M. Loïc Garnier , contrôleur général, chef de l'Unité

Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC)

Mme Catherine Chambon, sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité

Mr Frédéric Joram, chef du pôle juridique au cabinet du directeur général de la police nationale

Mme Stéphanie Cherbonnier, chef du cabinet judiciaire au cabinet du directeur général de la police nationale

Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

M. Jean-Marie Delarue , président

M. Loïc Abrial , chargé de mission

Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)

M. Patrick Calvar , directeur général

M. François Septours , sous-directeur chargé des affaires judiciaires

M. Yves Joannesse , adjoint à la sous-directrice de la lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents

Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

M. Bernard Bajolet , directeur général

Personnalité qualifiée

M. Marc Robert , procureur général près la cour d'appel de Versailles, auteur du rapport : « Protéger les internautes »

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Mme Isabelle Falque-Pierrotin , présidente

M. Edouard Geffray , secrétaire général

Mme Tiphaine Inglebert , conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

Conseil national du numérique (CNNum)

M. Benoît Thieulin , président

M. Godefroy Beauvallet , vice-président

M. Yann Bonnet , rapporteur général

Mme Judith Herzog Bufalo , rapporteur

M. Charly Berthet , rapporteur

Bureau du renseignement pénitentiaire (Ministère de la justice)

M. Olivier Reillon , directeur des services pénitentiaires, chef du bureau du renseignement pénitentiaire

Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI)

M. Guillaume Poupard , directeur général

M. Marc Antoine , conseiller juridique au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN)

Service du traitement du renseignement et action contre les circuits Financiers clandestins (TRACFIN)

M. Jean-Baptiste Carpentier , Directeur

Union syndicale de la magistrature (USM)

Mme Virginie Valton , vice-présidente

Mme Céline Parisot , secrétaire nationale

Syndicat de la magistrature (SM)

Mmes Laurence Blisson et Sophie Combes , secrétaires nationales

Fondation pour la recherche stratégique

M. François Heisbourg , conseiller spécial

Association des fournisseurs d'accès et de services Internet (AFA)

Mme Carole Gay , responsable des affaires juridiques et réglementaires

Fédération française des télécoms (FFT)

M. Yves Le Mouël , directeur général

M. Pierre-Yves Lavallade , directeur général adjoint

M. Alexandre Galdin , chargé de mission et rapporteur de la commission sécurité

M. Thomas Puijalon , responsable des affaires publiques de SFR

M. Jacques Vanbaelinghem , directeur général « domaine gouvernemental » d'Orange

Conseil national des barreaux (CNB)

M. Philippe Chaudon , président de la commission Libertés et droits de l'homme, avocat au barreau de Marseille

M. David Lévy , directeur du pôle juridique


* 1 Loi n°96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.

* 2 Auparavant, les mêmes faits pouvaient tomber sous le coup de l'association de malfaiteurs, qui existait déjà, mais n'étaient pas qualifiés comme tels, le législateur ayant voulu éviter qu'elle soit punie de peines criminelles pour ne pas nuire à l'efficacité de la répression.

* 3 Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, adoptée à la suite des attentats de Madrid et de Londres.

* 4 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

* 5 Loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012.

* 6 Cette possibilité existait déjà pour les crimes.

* 7 Le régime des interceptions de données de connexion a été unifié avec les dispositions issues de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques au sein du code la sécurité intérieure par la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 8 Rapport n° 35 (2012-2013) de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 octobre 2012 : http://www.senat.fr/rap/l12-035/l12-035.html

* 9 Atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l'intégrité physique de la personne, enlèvement et séquestration ainsi que détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport définis par le livre II du code pénal.

* 10 Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III code pénal.

* 11 Le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.

* 12 Ce recueil de renseignements constitue l'un des éléments alternatifs qui doivent s'ajouter à la recherche ou la détention de substances dangereuses et à l'intention terroriste pour constituer le nouveau délit.

* 13 Votre commission a adopté un amendement substituant le terme « penser », qui semble moins subjectif et qui est déjà utilisé dans ce contexte par de nombreux textes législatifs, au terme « croire ».

* 14 Conformément à la jurisprudence de la CEDH selon laquelle les autorités ne peuvent prolonger indéfiniment des mesures restrictives de la liberté de circulation sans un réexamen périodique de leur nécessité (CEDH, 23 août 2006 , Riener c/Bulgarie).

* 15 Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

* 16 Ainsi la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ou l'union syndicale des magistrats (USM).

* 17 Créé par l'arrêté du 11 avril 2013 en application des articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de la sécurité intérieure.

* 18 Créé par l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi de programmation militaire n°20163-1168 du 18 décembre 2013.

* 19 Décision n°2003-467 DC.

* 20 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011.

* 21 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.

* 22 Décision n° 2010-13 QPC du 09 juillet 2010, M. Orient O. et autres.

* 23 CE, Ass., 11 octobre 1991, Diouri n°128128, et CE, 3 mars 2003, Ministre de l'Intérieur c/ M. Rakhimov, n°238662.

* 24 CE, 4 octobre 2004, M. Abdelkader Bouziane, n°266948. Voir également CE, 27 juin 2007, M. Chouhir Cherif, n°300261.

* 25 Dès lors que la provocation est suivie d'effets, l'auteur de la provocation est poursuivi en qualité de complice du crime ou du délit perpétré (article 23).

* 26 Droit pénal général, Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Economica, 2008, page 104. Toutefois, des spécificités découlent également de la volonté d'éviter l'impunité des auteurs d'infractions de presse : ainsi, la responsabilité pénale « en cascade » organisée par l'article 42 permet de déterminer les personnes pénalement responsables.

* 27 Il en est ainsi par exemple du viol et des agressions sexuelles, de la traite des êtres humains, de la corruption de mineurs, etc. Cette répression plus forte est justifiée par les caractéristiques de la communication électronique qui permet de faciliter et d'aggraver la portée de ces infractions.

* 28 Décision n° 2004-492 DC du 02 mars 2004 sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 29 « Comme les infractions formelles, les infractions-obstacles s'analysent en un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable ou d'être suivi d'autres comportements susceptibles de produire un tel résultat et incriminé à titre principal, indépendamment de la réalisation de ce résultat. Elles diffèrent cependant des infractions formelles (exemple : l'empoisonnement) par le fait que le résultat, s'il se produit, caractérise une autre infraction. En réprimant le comportement initial, le législateur entend en effet faire obstacle à la commission de cette seconde infraction ». Droit pénal général, op.cit., page 415.

* 30 Dans sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 31 C'est-à-dire principalement dans les hypothèses suivantes :

- lorsqu'un Français commet un crime ou un délit dans l'hypothèse où celui-ci correspond à des faits punis dans la législation du pays où il a été commis;

- lorsque la victime d'un crime ou d'un délit puni d'emprisonnement est de nationalité française au moment de l'infraction ;

- ou lors d'un crime ou d'un délit réprimé d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis par un étranger dont l'extradition a été refusée par les autorités françaises.

* 32 Cour de cassation, chambre criminelle, audience publique du 15 novembre 2006, n°06-85275

* 33 Auditions devant la commission des lois du Sénat, mercredi 26 juin 2013. Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Le compte-rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-738/l12-73818.html

* 34 Selon les articles 434-28 et 434-29 du code pénal, la définition de « détenu » pour l'application de ces infractions comprend les personnes qui exécutent une peine privative de liberté ou qui ont été arrêtées pour exécuter cette peine à l'intérieur ou à l'extérieur d'un établissement pénitentiaire, sanitaire ou hospitalier, mais également les placés en garde à vue, les personnes en instance ou en cours de présentation à l'autorité judiciaire à l'issue d'une garde à vue ou en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt, celles qui se sont vu notifier un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt continuant de produire effet et celles qui sont placées sous écrou extraditionnel.

* 35 Étude d'impact du 8 juillet 2014, page 40.

* 36 CE, Ass., 11 octobre 1991, Diouri, n°128128

* 37 TA de Paris, 21 octobre 2013, M. X et association Y, n° 1216525/7-1

* 38 Décision n° 3011-625 DC du 10 octobre 2011.

* 39 Recommandation émise le 21 juillet 2014.

* 40 Par exemple lorsqu'un spam est envoyé avec un lien vers des contenus faisant l'apologie du terrorisme, le blocage permettra de désactiver ce lien.

* 41 Créé par le décret modifié n° 2002-1073 du 7 août 2002 d'application de l'article 30 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et portant création du centre technique d'assistance.

* 42 Cf. étude d'impact, p. 55.

* 43 http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/lutte-contre-la-cybercriminalite-27255.html.

* 44 Recommandation n° 43 relative au cryptage et au chiffrement des données : « 1 - Autoriser l'officier de police judiciaire, s'agissant des données chiffrées et lorsque la convention de chiffrement ne peut être obtenue du maître du système ou du tiers dont l'assistance est requis, à requérir toute personne qualifiée, y compris, par le biais de l'OCLCTIC. ou de l'IRCGN, le Centre technique d'assistance. », p. 231.

* 45 Recommandation n° 43 relative au cryptage et au chiffrement des données : « 2 - Compte-tenu des compétences de ce centre et de l'assistance précieuse qu'il peut fournir, gratuitement, aux autorités judiciaires, mieux faire connaître ce service, en accroître les capacités afin d'accélérer son expertise et en faciliter l'accès en prévoyant la possibilité pour les magistrats de le saisir directement, sans devoir passer par l'intermédiaire de l'OCLCTIC », p. 231.

* 46 Art. 311-1 du code pénal.

* 47 Crim., 12 janvier 1989, Bull. crim., n° 14.

* 48 Cour d'appel de Paris, 5 février 2014, Olivier L. c/ MP.

* 49 Par exemple, Cass. crim., n° 07-84.002, 4 mars 2008.

* 50 Rapport de M. Jacques Thyraud, au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi relative à la fraude informatique, n° 3 (1987-1988), p. 45.

* 51 Rapport de l'Assemblée nationale, p. 142.

* 52 Recommandation n° 15.

* 53 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

* 54 Loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.

* 55 Loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.

* 56 Rapport n° 432 (2010-2011) sur la proposition de loi relative à la protection de l'identité, p. 50. http://www.senat.fr/rap/l10-432/l10-4321.pdf

* 57 Cf. supra.

* 58 L'article 132-71 du code pénal définit ainsi la bande organisée : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ». Henri Angevin et Didier Guérin précisent que « la bande organisée suppose, à la différence de la réunion, que les auteurs de l'infraction ont préparé, par des moyens matériels qui sous-entendent l'existence d'une certaine organisation, la commission du crime ou du délit » : JCL droit pénal, fascicule 20, n° 29.

* 59 Art. 313-2 du code pénal : « (...) Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 1 000 000 d'euros d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée. »

* 60 Recommandation n° 15-1 : «- Accroître le quantum des peines applicables, notamment sous la forme de la création d'une circonstance aggravante de commission en bande organisée, punie de peines aggravées, le délit de l'article 323-4 relatif à l'association de malfaiteurs paraissant insuffisant ; au surplus, cette incrimination est cohérente avec les propositions organisationnelles tendant à reconnaître une compétence spécifique aux juridictions inter-régionales spécialisées. »

* 61 Réprimée par l'article 433-1 du code pénal.

* 62 Conseil constitutionnel, décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987.

* 63 Décision n° 2013-679 DC du 04 décembre 2013, loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 64 Recommandation n° 49 : « 1 - Autoriser le recours aux moyens de procédure exceptionnels relevant de la lutte contre la délinquance organisée s'agissant des atteintes aux systèmes de traitements automatisés de données, aux motifs que de telles atteintes peuvent revêtir un degré de gravité particulièrement important dans certaines circonstances et que, par nature, la complexité des enquêtes à mener en ce domaine nécessite de pouvoir disposer de l'ensemble des moyens d'investigation existants ».

* 65 Prévu aux articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale.

* 66 Définis au 6 ème alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

* 67 « Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ainsi que sur les comptes bancaires utilisés. »

* 68 C'est l'objet de l'article 706-35-1 du code de procédure pénale.

* 69 Rapport, p. 238.

* 70 Rapport, p. 237.

* 71 Recommandation n° 47 : « Généraliser la possibilité de réaliser des enquêtes sous pseudonyme à tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par le biais d'un réseau de communications électroniques, lorsque l'enquêteur est confronté à une difficulté d'identification de la personne susceptible d'en être l'auteur, et à la triple condition que - l'officier ou agent de police judiciaire appartienne à un service spécialisé désigné et soit spécialement habilité à cette fin - l'enquête soit limitée à une certaine durée, avec une possibilité de renouvellement soumise à l`autorisation préalable du procureur de la République - la traçabilité des opérations soit assurée. », p. 240.

* 72 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl09-292.html.

* 73 Rapport n° 517 (2009-2010) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 juin 2010, p. 104 : http://www.senat.fr/rap/l09-517/l09-5171.pdf.

* 74 Rapport d'information n° 1022 (2013-2014) de MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, p. 48.

* 75 Article L. 242-1 du code de la sécurité intérieure.

* 76 Comme le précise la CNCIS dans son rapport pour l'année 2011-2012, p. 48 : « La loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques avait prévu un contrôle a posteriori . Toutefois, dès les premiers mois de son fonctionnement, la commission a instauré, avec l'accord du Premier ministre, la pratique du contrôle préalable à la décision d'autorisation, allant ainsi au-delà de la lettre de l'article L. 243-8 du Code de la sécurité intérieure (ancien article 14 de la loi du 10 juillet 1991). Ce contrôle a priori renforce les modalités de la protection de la correspondance privée. Il constitue une garantie importante en ce que l'avis de la commission portant sur la légalité et sur la protection du secret des correspondances intervient avant la décision et la mise en oeuvre de la mesure d'interception. »

* 77 Article 243-9 du code de la sécurité intérieure.

* 78 Décret n° 2002-497 du 12 avril 2002.

* 79 p. 67 de l'étude d'impact.

* 80 Rapport n° 2173 de notre collègue Sébastien Pietrasanta, au nom de la commission des lois de l'AN, p. 164.

* 81 http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-enq/r1056.pdf

* 82 Rapport d'information n° 1022 de nos collègues Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, au nom de la commission des lois de l'AN, p. 41.

* 83 Rapport d'information préc., p. 43.

* 84 Ce plafond est fixé par la loi de finances initiale.

* 85 C'est-à-dire les « repentis ».

* 86 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014.

* 87 Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes, 2006.

« 24.1 Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d'autres moyens de communication - avec leur famille, des tiers et des représentants d'organismes extérieurs, ainsi qu'à recevoir des visites desdites personnes.

24.2. Toute restriction ou surveillance des communications et des visites nécessaire à la poursuite et aux enquêtes pénales, au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté, ainsi qu'à la prévention d'infractions pénales et à la protection des victimes - y compris à la suite d'une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire - doit néanmoins autoriser un niveau minimal acceptable de contact. (...)

24.4 Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible.

24.5 Les autorités pénitentiaires doivent aider les détenus à maintenir un contact adéquat avec le monde extérieur et leur fournir l'assistance sociale appropriée pour ce faire (...)»

* 88 Circulaire du 9 juin 2011 d'application des articles 4, 39 et 40 de la loi n°2009-1439 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, relatifs à la correspondance téléphonique et à la correspondance écrite des personnes détenues. NOR : JUSK1140028C.

* 89 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl11-531.html .

* 90 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html.

* 91 http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl1378.asp.

* 92 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl12-006.html.

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