B. UN CADRE DES RELATIONS AÉRIENNES FRANCO-JORDANIENNES PLUS CONCURRENTIEL ET SÉCURISÉ

Le présent accord pose le cadre économique et juridique devant permettre le développement du transport aérien, dans le respect des normes de sûreté les plus rigoureuses.

1. Une volonté politique européenne de mise en oeuvre d'un cadre plus concurrentiel

S'agissant de la portée stratégique de l'accord dans le cadre des relations franco-jordaniennes , elle est double. En premier lieu, votre rapporteure tient à souligner que l'accord bilatéral de 1966 ne concernait que les services aériens entre la France et la Jordanie . Il abordait la question de l'ouverture du marché sous l'approche qui prévalait alors dans la plupart des accords bilatéraux. En effet, s'il posait le principe d'un équilibre des capacités entre transporteurs aériens, celui-ci ne concernait, cependant, qu'un nombre restreint de routes.

En conséquence, cet accord limitait les possibilités d'exploitation des transporteurs européens établis sur le territoire français, à la desserte d'Amman. Quant à celles de leurs homologues jordaniens, elles étaient réduites à la desserte de Paris et d'un autre point en France.

Dans le cadre du présent accord, l'approche devient désormais globale au niveau de l'Union européenne . L'accès au marché est désormais libre de toute limitation. Les transporteurs aériens, européens ou jordaniens, pourront proposer des services entre tout aéroport européen et tout aéroport jordanien , sans contrainte en termes de fréquences, de capacité ou de fixation des tarifs, et sans obligation d'être établis dans l'ensemble des Etats membres concernés.

Seules les considérations commerciales du marché détermineront les routes à exploiter, les fréquences et la capacité des services ainsi que le niveau des tarifs.

Cette ouverture du marché est d'application immédiate. Seule demeure, jusqu'au 1 er janvier 2016, une restriction sur les services d'auto-assistance à l'aéroport international d'Amman.

Toutefois, les transporteurs aériens doivent bénéficier entre-temps d'un accès aux services d'assistance en escale fournis par les prestataires présents sur la plateforme, dans des conditions équitables et non discriminatoires.

En réponse aux interrogations de votre rapporteure sur les perspectives commerciales de cette ouverture , il lui a été précisé que si le marché entre l'Union européenne et la Jordanie s'est avéré relativement stable en 2010, 2011 et 2012 25 ( * ) , avec un peu plus d'un million de passagers transportés, l'année 2013 a été marquée par un léger repli en termes d'offres de sièges, selon la Commission européenne.

Selon Eurostat, le marché français s'est contracté de 2010 à 2012 , passant de 196 000 à 153 000 passagers, exclusivement entre Paris et Amman, le trafic étant partagé entre Air France (53 % de parts de marché) et la compagnie jordanienne Royal Jordanian 26 ( * ) (47 %). A titre d'illustration, la compagnie Easyjet qui avait ouvert dès 2011 une route, entre Londres et Amman, y a renoncé en 2014.

Cette contraction tend à contrarier les prévisions de croissance précédemment avancées 27 ( * ) . Le recul est encore plus significatif s'agissant du nombre de routes entre la Jordanie et l'Union européenne qui est passé de 20 en 2012 à 15 en 2013.

Toutefois, il convient de relever la légère progression du volume de fret transporté. Ce dernier était d'environ 30 000 tonnes en 2012, contre 27 000 tonnes pour les années 2010 et 2011. Ce trafic ne concernait essentiellement que quatre Etats membres : les Pays-Bas avec 35 % de parts de marché, le Royaume-Uni à hauteur de 23 %, le Luxembourg pour 14 % et l'Autriche pour 7 %.

Il a été également précisé à votre rapporteure  qu'« en avril 2014, les autorités jordaniennes de l'aviation civile reconnaissaient que la situation générale n'est pas favorable à un développement du nombre de liaisons avec l'Union européenne ni à un accroissement du trafic, ces autorités évoquant la crise économique, les Printemps Arabes et la crise en Syrie, cette dernière ayant, par ailleurs, des effets négatifs particulièrement sensibles sur les redevances perçues par les services jordaniens chargés du contrôle de la navigation aérienne en raison de la modification des itinéraires de survol de la région » .

2. La sécurisation des opérations de transport aérien

En second lieu, le présent accord constitue une avancée certaine en matière de sécurité. Il intègre les préoccupations les plus récentes en ce domaine alors que l'accord bilatéral originel ne comporte aucune disposition relative à la sûreté aérienne ou encore à la gestion du trafic aérien.

En effet, l'accès au marché européen s'accompagne de l'harmonisation des réglementations jordaniennes avec certaines normes européennes plus strictes que les pratiques recommandées par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). En conséquence, cette harmonisation réglementaire contribue à assurer la mise en place d'un cadre concurrentiel équitable aux entreprises de transport aérien.

A titre d'illustration, s'agissant des personnels navigants des transporteurs jordaniens, l'accord prévoit d'harmoniser certaines des règles relatives à l'aménagement du temps de travail, contribuant ainsi à améliorer la sécurité.

Par ailleurs, les organismes jordaniens de formation de personnels navigants et de personnels chargés du contrôle de la navigation aérienne, une fois certifiés par les autorités européennes, délivreront des certificats et licences reconnus par les instances européennes. Les personnels ainsi formés pourront, sous réserve des dispositions nationales applicables en matière d'immigration, travailler pour des entreprises européennes. Positionner le pays comme centre de référence au Moyen-Orient pour la formation des personnels navigants constitue un objectif affiché par la Jordanie 28 ( * ) .

Toutefois, votre rapporteure tient à souligner que la Jordanie devra bénéficier d'une attention et aide toutes spécifiques afin de permettre ces avancées normatives. En effet, la difficulté principale pour l'ensemble des accords de voisinage déjà conclus réside dans le processus d'harmonisation réglementaire qui requiert des ressources particulièrement qualifiées.

A titre d'illustration, on notera que l'accord marocain demeure à ce jour dans sa phase transitoire . L'ensemble des règles européennes prévues par le texte de 2006 n'est toujours pas mis en oeuvre dans leur totalité par défaut de transposition en droit marocain.

Au titre des dispositifs d'aide à l'harmonisation figure la création, par l'accord, d' un comité mixte qui est responsable de l'administration et de la mise en oeuvre du texte. Constitué de représentants des différentes parties, il se tient « en fonction des besoins » . En l'espèce, il s'est réuni à deux reprises, sur une base informelle dans l'attente de l'entrée en vigueur de l'accord.

En outre, l'Union européenne a mis en place différents programmes d'assistance technique dont bénéficie la Jordanie . Ainsi, un projet de jumelage a débuté en 2013 pour une durée de dix-huit mois. Il a pour objectif de renforcer la capacité institutionnelle de l'administration jordanienne ainsi que de l'accompagner dans sa démarche de transposition des normes européennes.

Enfin, en tant qu'acteur du projet « Euromed Aviation II » 29 ( * ) , la Jordanie a accès à une assistance technique pour la mise en oeuvre des normes européennes. Le volet du projet dédié à la sécurité est ainsi mis en oeuvre par l'Agence Européenne de Sécurité Aérienne (AESA).


* 25 En 2012, ce trafic se concentrait à plus de 95 % sur dix Etats membres : le Royaume-Uni avec 25 % du trafic global, l'Allemagne 18 %, la France 15 %, l'Italie 10 %, l'Autriche 8 % et l'Espagne 6 %, ainsi que les Pays-Bas, Chypre, la Belgique et la Grèce.

* 26 En 2013, la compagnie Royal Jordanian, compagnie nationale jordanienne, a conservé sa place d'acteur dominant du marché européen, contrôlant 59 % de l'offre en sièges. Elle exploite une trentaine d'appareils, essentiellement de la famille Airbus. Elle était alors en concurrence directe avec deux transporteurs sur le seul marché britannique, Bristish Airways et easyJet, cette dernière compagnie ayant mis fin à ses services entre Londres et Amman en mai 2014. La compagnie jordanienne est en concurrence avec une seule compagnie sur la plupart des autres marchés nationaux d'importance (Lufthansa, Air France, Alitalia et Austrian), alors qu'elle est l'unique transporteur sur les marchés espagnol, néerlandais et grec.

* 27 L'étude d'impact du projet de loi précisait alors, en effet que « Le marché jordanien est en évolution positive compte tenu notamment des efforts déployés par les autorités jordaniennes pour développer le tourisme. Le trafic avec la France a, par exemple, cru de 17 % en 2008 après une augmentation de 8 % en 2006 et de 15 % en 2007 (les données de 2009 montrent un léger recul de 2 % lié aux difficultés économiques). Entre Paris et Amman, le trafic 2010 (196 000 passagers dont la moitié était en provenance ou à destination de pays tiers) bénéficiait très légèrement à la compagnie française Air France (46 %), la compagnie Royal Jordanian détenant 42 % de parts de marché et 11 % des passagers étant acheminés par des services non réguliers . »

* 28 Cf . réunion du comité mixte en avril 2014.

* 29 Ce projet vise à promouvoir l'émergence d'un espace aérien commun euro-méditerranéen et de soutenir la mise en place d'un marché ouvert et sûr de l'aviation dans les pays méditerranéens. Ce projet a une dimension régionale, contrairement au jumelage qui ne s'adresse qu'à un seul bénéficiaire.

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