TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT
CHAPITRE PREMIER - REVUES DE DÉPENSES ET ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES ET NICHES SOCIALES

ARTICLE 22 - Mise en place de revues annuelles de dépenses

Commentaire : le présent article instaure des revues de dépenses annuelles, qui portent sur l'ensemble des moyens et des dépenses, y compris les niches fiscales et sociales, de toutes les administrations publiques, et visent à identifier des sources d'économies. Les revues menées et leurs conclusions font l'objet d'une communication au Parlement.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'ÉVALUATION DES DÉPENSES : DES OBJECTIFS PLURIELS, DES DISPOSITIFS DÉJÀ NOMBREUX

1. L'évaluation des dépenses, un instrument d'identification d'économies potentielles

Depuis la rationalisation des choix budgétaires (RCB) menée dans les années 1970, nombreux ont été les exercices visant à évaluer et rationaliser les dépenses publiques . Ils procèdent par audits de politiques publiques, qui font intervenir les corps d'inspection interministérielle ou, plus rarement, des consultants privés.

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances a formalisé une approche de la dépense par la performance : les crédits doivent désormais être justifiés « dès le premier euro » et figurent dans un programme « auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ».

Le périmètre des évaluations tend à s'élargir, en lien avec l'approche communautaire qui considère le solde des administrations publiques dans leur ensemble, et non le seul déficit de l'État.

Les dépenses fiscales ont également fait l'objet d'une attention accrue , par exemple avec les travaux du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales qui a procédé en 2011 à l'évaluation d'un nombre important de ces dispositifs 242 ( * ) .

Enfin, au-delà du cadre étatique, les organismes internationaux produisent eux aussi des documents comparatifs entre États mettant en évidence les différentiels de financement et de « résultat » des politiques publiques menées 243 ( * ) .

2. Des dispositifs déjà nombreux

Au niveau de l'exécutif, de nombreuses instances visant à améliorer le rapport entre coût et efficacité des dépenses publiques ont vu le jour au cours des dernières années :

- le CIMAP (comité interministériel de modernisation de l'action publique) créé en octobre 2012 244 ( * ) ;

- le conseil stratégique de la dépense publique créé en janvier 2014 245 ( * ) ;

- le secrétariat d'État de la réforme de l'État et de la simplification dont les attributions ont été précisées en juin 2014 246 ( * ) .

L'État dispose en outre de corps d'inspection interministérielle qui peuvent assurer, à sa demande, des audits d'efficience de la dépense publique.

B. DES LACUNES IMPORTANTS DANS LA COORDINATION AVEC LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE ET L'INFORMATION DU PARLEMENT

Malgré la pluralité des dispositifs d'évaluation des dépenses publiques, la mise en oeuvre effective des économies identifiées s'avère souvent difficile.

Il convient tout d'abord de noter que les dispositifs d'évaluation des dépenses existants ne sont pas nécessairement organisés de façon cohérente avec le calendrier de la procédure budgétaire. De ce fait, il peut se révéler difficile de prendre en compte dans le projet de loi de finances de l'année des recommandations trop tardives. Celles-ci, de plus, ne pourront pas toujours être intégrées dans le projet de loi de finances de l'année suivante, en raison par exemple de leur obsolescence.

En outre, l'information du Parlement demeure souvent imparfaite, en dépit des engagements, y compris de nature législative, en ce sens. On relèvera notamment les difficultés récurrentes pour obtenir communication des rapports de l'inspection générale des finances (IGF) ou la faiblesse des éléments transmis dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. DES REVUES PERMETTANT DE DOCUMENTER LES ÉCONOMIES NÉCESSAIRES À L'ASSAINISSEMENT DES COMPTES PUBLICS

Le présent article prévoit de joindre au projet de loi de finances une annexe qui dresse la liste des revues de dépenses que le Gouvernement prévoit de mener avant la fin du mois de février qui suit l'adoption de la loi de finances.

Ces revues de dépenses sont définies uniquement par leur objectif, qui est d'identifier « des sources d'économies potentielles » dont le rapport annexé précise qu'elles sont « nécessaires au respect de la trajectoire notamment à partir de 2016 ». La comparaison de ces revues de dépense avec les méthodes d'évaluation des dépenses qui leur préexistent (MAP 247 ( * ) et RGPP 248 ( * ) notamment) est rendue difficile du fait que la méthode suivie et les acteurs sollicités ne sont pas précisés dans le présent article ni dans le rapport qui est annexé au présent projet de loi. L'évaluation préalable précise que ces revues devraient être faites par les corps d'inspection interministérielle. D'après les informations transmises à votre rapporteur, l'instance de pilotage devrait être la direction du budget.

Le champ potentiel des revues de dépenses est très large : bien que l'annexe en dressant la liste soit jointe au projet de loi de finances, elles peuvent porter sur l'ensemble des dépenses et des moyens, y compris les dépenses fiscales et niches sociales, de toutes les administrations publiques . Les administrations locales et de sécurité sociale sont donc concernées. Sont également incluses toutes « les entités bénéficiant de concours publics ».

B. L'ASSOCIATION DU PARLEMENT AUX REVUES DE DÉPENSES

Le Parlement est associé à la mise en oeuvre des revues de dépenses selon deux modalités.

D'une part, l'annexe jointe au projet de loi de finances (PLF) l'informe des thèmes retenus pour l'année à venir, qui « seront discutés avec le Parlement » selon le rapport annexé au présent projet de loi. Le II du présent article précise que cette annexe récapitulera également les thèmes des revues de dépense menées au cours de l'année écoulée et en retracera les principales conclusions. L'annexe s'attachera aussi à préciser les mesures envisagées pour la mise en oeuvre de ces propositions ainsi que les économies attendues pour chacune d'entre elles .

D'autre part, le Gouvernement devra transmettre au Parlement les « constats et propositions » formulés par les revues de dépenses qui étaient prévues à l'annexe jointe au projet de loi de finances. Cette transmission interviendra au plus tard le 1 er mars de l'année suivant l'adoption de la loi de finances.

Le calendrier des revues de dépenses

tel que prévu par l'article 22 de la LPFP 2014-2019

3

2

1

4

Source : commission des finances du Sénat

N.B. : les étapes encadrées sont celles qui font intervenir le Parlement.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale 249 ( * ) dispose que l'annexe au projet de loi de finances prévoyant les thèmes des revues de dépense à venir dresse également la liste des crédits d'impôts et présente leurs montants exécutés, déclinés pour chacun des crédits d'impôt pour les deux dernières années , en arguant du fait que cette information n'est pas disponible dans d'autres documents budgétaires.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La création des « revues de dépense » est rendue nécessaire par l'échec des précédentes initiatives du Gouvernement pour réformer la dépense publique.

La modernisation de l'action publique (MAP) a en effet échoué dans sa méthode comme dans ses résultats.

Tout d'abord, l'association du Parlement, présentée au départ comme une innovation majeure par rapport à la RGPP, n'a pas été respectée . Sans même parler d'une « association » du Parlement, la simple information du législateur a fait défaut : si l'article 92 de la loi de finances pour 2013 250 ( * ) prévoyait plusieurs modalités d'information des chambres parlementaires au sujet de la MAP, en pratique les informations transmises ont été très rares et irrégulières . La MAP est largement, pour le Parlement, une « boîte noire » qu'il est impossible de contre-expertiser ou même d'analyser.

De plus, la MAP n'a pas permis d'identifier des mesures d'économies crédibles et durables . Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques, « les économies identifiées à ce jour dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP) ne sont pas à la hauteur de l'enjeu ». La révision générale des politiques publiques (RGPP) avait été rejetée par la majorité gouvernementale au motif que la réforme de l'État ne pouvait avoir pour principale ambition de réduire ses dépenses, mais quel est l'intérêt d'une « modernisation de l'action publique » déconnectée des enjeux réels des finances publiques ? Certes, la RGPP présentait quelques faiblesses : elle était sans doute trop exclusivement ciblée sur les processus de l'État et ses travaux faisaient l'objet d'une publicité limitée, qui n'a pas favorisé l'essor du débat public sur les pistes d'économies identifiées. Mais la RGPP a permis de réaliser 12 milliards d'euros d'économies 251 ( * ) , là où le dernier CIMAP 252 ( * ) n'évoque que 3 milliards d'euros d'économies liées aux évaluations de politiques publiques (EPP) déjà menées. Quant aux programmes ministériels de modernisation et de simplification (PMMS), d'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, « aucun chiffrage des coûts et bénéfices de ces réformes n'est disponible ».

Enfin, la MAP a été construire sur un calendrier inadapté , au point qu'un dispositif entièrement nouveau apparaît nécessaire pour assurer le chaînage des recommandations à la construction budgétaire.

Votre rapporteur se félicite que soit mis en place un dispositif visant à identifier et réaliser des économies réelles et durables , par des réformes structurelles et non seulement des « rabots » au cas par cas. Il ne peut cependant éviter de relever qu'au bout de deux ans, le Gouvernement découvre, enfin, la nécessité d'identifier en amont des pistes crédibles d'économies structurelles et de les documenter.

Si votre rapporteur ne souhaite pas rejeter par avance ce dispositif , il ne peut manquer de s'interroger au sujet de sa mise en oeuvre effective et de ses résultats . Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas été en mesure de lui préciser les revues de dépenses qui seront menées avant février 2015, indiquant seulement que leurs thèmes seraient annoncés « prochainement » 253 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission a amendé le présent article afin que l'annexe comportant la liste des thèmes retenus pour les prochaines revues de dépenses comporte également un bilan des précédentes revues de dépenses , qui devrait préciser les modalités de mise en oeuvre des recommandations identifiées ainsi que les économies effectivement réalisées grâce au dispositif, en les confrontant aux objectifs initiaux.

La commission considère également que l'information relative au montant exécuté des crédits d'impôts, bien qu'utile dans son principe, n'a pas sa place dans une annexe consacrée aux revues de dépenses , dont l'objet n'est pas de présenter des dépenses mais d'identifier des pistes pour les réduire. Elle a donc adopté un amendement (article 23) consistant à conserver ce dispositif, mais en le faisant figurer dans une annexe distincte au projet de loi de finances.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 23 - Information du Parlement sur les dépenses fiscales et niches sociales

Commentaire : le présent article prévoit que les dépenses fiscales ou niches sociales créées à partir du 1 er janvier 2015 feront l'objet d'une évaluation présentée par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES OUTILS DE RECENSEMENT DES DÉPENSES FISCALES ET NICHES SOCIALES

1. Les dépenses fiscales

Le premier rapport français évoquant le concept de dépenses fiscales a été publié en 1979 par le Conseil des impôts 254 ( * ) . Le recensement des dispositifs et de leur coût est aujourd'hui effectué dans des annexes au projet de loi de finances de l'année : depuis 1980, le projet de loi de finances comprend chaque année un rapport sur les dépenses fiscales 255 ( * ) , et, depuis le projet de loi de finances pour 2006, chaque projet annuel de performances présente les dépenses fiscales rattachées à la mission concernée 256 ( * ) , de manière à rendre compte de l'ensemble des moyens financiers dont il dispose. Depuis la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, est joint au projet de loi de règlement le montant des dépenses fiscales qui sont donc connues dès le printemps.

Pour 2015, sont recensées 453 dépenses fiscales pour un coût total estimé à 81,9 milliards d'euros en 2015 et à 71,9 milliards d'euros hors crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) 257 ( * ) .

2. Les niches sociales

Les niches sociales sont quant à elles recensées dans l'annexe V 258 ( * ) au projet de loi de financement de la sécurité sociale , prévue au III-5° de l'article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale qui dispose qu'est jointe au projet de loi de financement de l'année une annexe « énumérant l'ensemble des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l'assiette de ces cotisations et contributions », présentant les mesures nouvelles introduites au cours de l'année précédente et de l'année en cours ainsi que celles envisagées pour l'année à venir ». Les « niches sociales » doivent donner lieu à une compensation 259 ( * ) que présente aussi l'annexe, qui évalue « l'impact financier de l'ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu, les moyens permettant d'assurer la neutralité de cette compensation pour la trésorerie desdits régimes et organismes ainsi que l'état des créances ».

Pour 2014, ces exonérations et exclusions d'assiette représentent sur le champ des revenus d'activité du secteur privé un coût estimé à 34,7 milliards d'euros 260 ( * ) (après 34,4 milliards d'euros en 2013), y compris la réduction générale de cotisations de sécurité sociale 261 ( * ) dite allégements généraux « Fillon ».

B. DES OUTILS D'ÉVALUATION D'UN USAGE PLUS PONCTUEL

1. Le rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales

L'article 13 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 prévoyait que, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur d'une niche sociale ou fiscale, le Gouvernement présenterait au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût.

En application de l'article 12 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 , un Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales , piloté par l'Inspection générale des finances, et mobilisant des expertises tant administratives que scientifiques, a procédé à un examen de 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales, représentant près de 104 milliards d'euros . Son rapport a été remis en juin 2011 et communiqué au Parlement au mois d'août 2011 262 ( * ) . D'autres évaluations ont pu être menées de façon plus ciblée , par exemple par le Conseil des prélèvements obligatoires 263 ( * ) .

2. Les évaluations annuelles prévues par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017

L'article 18 de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 a repris le principe d'une évaluation et l'a étendu au stock (alors que la disposition précédemment en vigueur ne concernait que les créations de dépenses fiscales ou de niches sociales). Il prévoyait ainsi que « les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.

« Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette et sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois ». Ces évaluations devaient être transmises au Parlement.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent projet d'article prévoit que toute création ou extension de niche fiscale ou sociale fasse l'objet d'une évaluation transmise par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée . Le maintien de la niche au-delà de la durée initialement prévue doit être justifié.

Il est également précisé que « cette évaluation présente notamment les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et apporte des précisions sur son efficacité et son coût ».

Le schéma ci-dessous récapitule les différentes étapes du dispositif proposé.

L'évaluation des niches sociales ou fiscales telle que prévue par l'article 23 du projet de LPFP 2014-2019

2

Évaluation de la mesure :

- Principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure

- Efficacité et coût

- Justification d'un éventuel maintien

3

1

T-6 mois : transmission au Parlement de l'évaluation de la mesure.

Création ou extension de niche fiscale ou sociale pour un temps T

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de LPFP

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que l'évaluation porte non seulement sur l'efficacité mais aussi sur l'impact sur « l'emploi, l'investissement et la transition écologique et énergétique ».

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que l'évaluation des niches fiscales et sociales est le pendant nécessaire à leur limitation dans la durée : pour que celle-ci puisse être suivie d'effets et que les dispositifs ne soient pas automatiquement maintenus, il faut que le législateur soit en mesure de faire un choix informé par des évaluations ad hoc .

S'il a cherché à intégrer la problématique des dépenses fiscales dans le processus de construction budgétaire à travers les « conférences fiscales », le Gouvernement n'a en revanche pas tenu ses engagements en matière d'évaluation des dépenses fiscales . Après avoir exprimé le souhait d'engager « une démarche partenariale » avec le Parlement lors de son audition relative à loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2012 264 ( * ) , le ministre délégué chargé du budget, M. Bernard Cazeneuve, a ensuite déclaré lors de son audition au sujet du projet de loi de finances pour 2014 265 ( * ) : « nous nous livrons à un travail d'évaluation permanent. Les évaluations seront transmises à la commission et leurs résultats seront connus au plus tard à la fin de l'année ».

En réalité, aucune évaluation n'a été transmise à la commission des finances du Sénat.

En effet, s'il apparaît, d'après les informations transmises à votre rapporteur, qu'en 2013, 111 dépenses fiscales ont fait l'objet d'une évaluation , l'inventaire retenu constitue cependant un « inventaire à la Prévert » et se base sur des rapports et publications disparates, qui n'ont pas fait l'objet d'une transmission spécifique au Parlement : rapports de l'Inspection générale des finances, de la Cour des comptes, travaux de la CIMAP, évaluations préalables des articles initiaux des projets de loi de finances pour 2014 et de finances rectificative pour 2013...

Ainsi les évaluations dont le Gouvernement a fait état pour la précédente période de programmation ne sont pas des documents élaborés spécifiquement dans la perspective de l'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, mais un assemblage de bric et de broc associant diverses publications évoquant, de façon plus ou moins elliptique, le coût et les effets d'une dépense fiscale. Le principe d'une évaluation systématique des dépenses fiscales n'a donc aucunement été respecté.

Comme le notait déjà notre collègue François Marc, alors rapporteur général, dans son rapport relatif à la loi de règlement pour 2013 266 ( * ) : « la Cour des comptes observe à juste titre, dans son analyse de l'exécution budgétaire 2013, que ces processus d'évaluation ne correspondent pas à la démarche prévue par l'article 18 de la LPFP - laquelle correspond en effet à une évaluation systématique de l'efficacité et de l'efficience suivant des critères homogènes ».

En matière de niches sociales, l'annexe V au projet de loi de financement de la sécurité sociale indique, dispositif par dispositif, si une évaluation a été ou non réalisée. Dans de nombreux cas, l'évaluation n'existe pas ou renvoie aux travaux précités du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales en 2011.

L'absence de transmission d'un document synthétique et concernant l'ensemble des dépenses fiscales et niches sociales au Parlement empêche le législateur de contrôler l'efficacité de ces dispositifs , et partant vide de son sens le principe selon lequel ils seraient bornés dans le temps, puisqu'à défaut de données permettant de nourrir le débat public c'est une pérennisation de facto qui prévaut. Il est donc souhaitable que l'évaluation des niches fiscales et sociales devienne davantage qu'un exercice de style et prenne un caractère plus systématique et homogène.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 242 Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales présidé par M. Henri Guillaume et remis au Parlement en juin 2011.

* 243 Voir par exemple les tests PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) menés par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et le rapport du même organisme « Perspectives des politiques de l'éducation en France », avril 2014.

* 244 Décret n° 2012-1199 du 30 octobre 2012 portant création du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique.

* 245 Décret n° 2014-46 du 22 janvier 2014 relatif au Conseil stratégique de la dépense publique.

* 246 Décret n° 2014-633 du 19 juin 2014 relatif aux attributions déléguées au secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification.

* 247 Modernisation de l'action publique.

* 248 Révision générale des politiques publiques.

* 249 Amendement n° 33 présenté par Mme Berger, M. Bachelay, M. Galut et Mme Rabault.

* 250 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 251 Inspection générale des finances (IGF), « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'État » n° 2012-M-058-01, p. 3.

* 252 Relevé de décisions du CIMAP du 18 décembre 2013.

* 253 Réponse au questionnaire du rapporteur.

* 254 Conseil des impôts, IV e rapport au président de la République relatif à l'impôt sur le revenu, 1979.

* 255 Une « annexe explicative analysant les prévisions de chaque recette budgétaire et présentant les dépenses fiscales » est prévue à l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 256 L'article 51 de la loi précitée prévoit également que chaque projet annuel de performance présente une évaluation des dépenses fiscales.

* 257 Tome II de l'annexe « Voies et moyens » annexée au PLF 2015, p. 15.

* 258 Annexe « Présentation des mesures d'exonération de cotisations et contributions et de leurs compensations ».

* 259 La loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a instauré l'obligation d'une compensation financière par l'État des mesures d'exonération de cotisations sociales instituées à compter de son entrée en vigueur. Ce principe de compensation a été codifié à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. La loi du 13 août 2004 l'étend aux réductions de cotisations sociales, aux réductions et exonérations de contributions sociales et aux réductions ou abattements d'assiette. La loi de financement pour 2009 a fixé une liste d'exceptions au principe de compensation de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

* 260 Annexe V au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

* 261 Art. L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

* 262 Rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales dit « Guillaume », publié en juin 2011 sous la présidence d'Henri Guillaume, inspecteur général des finances honoraire.

* 263 Voir par exemple le rapport « Entreprises et ?niches? fiscales et sociales » d'octobre 2010.

* 264 Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi n° 1083 (AN-XIV e législature) de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 par la commission des finances du Sénat le mercredi 12 juin 2013. Disponible en ligne sur le site du Sénat.

* 265 Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour l'année 2014 par la commission des finances du Sénat le mardi 1 er octobre 2013. Disponible en ligne sur le site du Sénat.

* 266 Rapport n° 716 (2013-2014) de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances, déposé le 10 juillet 2014.

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