CHAPITRE III - DISPOSITIONS TENDANT À TRANSPOSER LA DÉCISION-CADRE 2008/947/JAI DU CONSEIL DU 27 NOVEMBRE 2008 CONCERNANT L'APPLICATION DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE AUX JUGEMENTS ET AUX DÉCISIONS DE PROBATION AUX FINS DE LA SURVEILLANCE DES MESURES DE PROBATION ET DES PEINES DE SUBSTITUTION

Article 3 (Titre VII quater [nouveau] du livre V du code de procédure pénale : art. 764-1 à 764-43 [nouveaux]) - Dispositions tendant à transposer la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution

Le présent article propose d'insérer, après le titre VII ter du livre V du code de procédure pénale, un titre VII quater intitulé : « De l'exécution des condamnations et des décisions de probation en application de la décision-cadre du conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008 », comprenant trois chapitres et des articles 764-1 à 764-43 . Il vise ainsi à transposer la décision-cadre « peines de substitution et décisions de probation » du 27 novembre 2008 précitée, qui a pour objet d'appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle au suivi et à l'exécution des peines comportant des mesures de probation ou le respect de certaines obligations particulières (obligation de se soumettre à des soins, obligation d'éviter tout contact avec certaines personnes, etc.) en permettant leur transfert à l'État membre de la résidence habituelle du condamné.

Actuellement, les seules dispositions permettant la reconnaissance et l'exécution de peines de probation entre pays européens figurent au sein d'une convention du Conseil de l'Europe du 30 novembre 1964 pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous caution, mais elles sont très peu utilisées.

En favorisant le prononcé de ce type de peines à l'encontre de personnes qui ne résident pas dans l'État de condamnation, le présent dispositif augmentera les chances de réinsertion sociale de certains condamnés. En ce sens, il apparaît cohérent avec les dispositions de la récente loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

Par ailleurs, les dispositions proposées par le présent article complètent celles introduites par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Celle-ci a en effet introduit des dispositions relatives à l'exécution des décisions de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté en application de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne. Tandis que cette dernière directive concerne la reconnaissance mutuelle des condamnations infligeant des peines de privations de liberté , les dispositions introduites par le présent article concernent les décisions prévoyant des peines de probation, qui s'appliquent à des personnes non écrouées .

S'agissant du nombre de personnes concernées par ce nouveau dispositif , l'étude d'impact estime que le nombre d'étrangers communautaires non-résidents exécutant en France une peine de probation est d'environ 1500 et que le nombre de résidents français condamnés à une peine de probation à l'étranger est également d'environ 1 500 personnes. Au maximum, l'étude d'impact estime que le coût induit ne devrait pas dépasser 400 000 euros et le nombre d'emplois de conseillers d'insertion et de probation supplémentaires nécessaires, 6 ETP.


Dispositions générales

Le nouveau titre VII quater comprendrait d'abord un chapitre I er intitulé « Dispositions générales » et comprenant les dispositions s'appliquant tant à l'exécution en France de mesures de probation décidées dans un autre pays de l'UE qu'aux mesures décidées par les juridictions de notre pays et s'exécutant dans un autre pays membre.

Après un article 764-1 décrivant l'objet du nouveau titre, ce chapitre I er comprend un article 764-2 énumérant les condamnations et les décisions pouvant donner lieu à une exécution transfrontalière.

Ainsi, le 1° mentionne les « condamnations à une peine privative de liberté assortie en tout ou en partie d'un sursis conditionné au respect de mesures de probation ». Il s'agit en France du sursis avec mise à l'épreuve (SME), qui permet de dispenser le condamné d'exécuter tout ou partie de la peine d'emprisonnement prononcée en le soumettant à certaines obligations ( articles 132-40 à 132-53 du code pénal et 734 et 739 à 747 du code de procédure pénale ) et de la peine de travail d'intérêt général (TIG) ( articles 132-54 à 132-57 du code pénal, 734 et 747-1 à 747-2 du code de procédure pénale ).

Le 2° mentionne les « condamnations assorties d'un ajournement du prononcé de la peine et imposant des mesures de probation », correspondant en France :

- aux articles 132-58 et 132-63 à 132-65 du code pénal et 747-3 du code de procédure pénale (ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve) ;

- aux articles 132-58 et 132-66 à 132-70 du code pénal (ajournement du prononcé de la peine avec injonction).

Le 3° mentionne les « condamnations à une peine de substitution à une peine privative de liberté, imposant une obligation ou une injonction, à l'exclusion des sanctions pécuniaires et des confiscations ». En France, cette disposition s'applique aux peines alternatives que le juge peut prononcer en lieu et place de l'emprisonnement : travail d'intérêt général ( articles 131-8 et 131-22 du code pénal ), sanction-réparation ( article 131-8-1 ), stage de citoyenneté ( article 131-5-1 ).

Le 4° mentionne les « décisions imposant des mesures de probation, prononcées dans le cadre de l'exécution de condamnations définitives, notamment en cas de libération conditionnelle ». En France, ceci correspond à la libération conditionnelle visée aux articles 729 à 733 du code de procédure pénale. Les autres types d'aménagements de peine (placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, semi-liberté) se rattachent quant à elles à la privation de liberté et relèvent donc des dispositions introduites par la loi de transposition du 5 août 2013, et non de celles du présent article.

Le présent article tend ensuite à créer un article 764-3 établissant la liste des peines de substitution et les mesures de probation dont le suivi peut être transféré à l'État d'exécution . Les « mesures de probation » visées au paragraphe 7 de la directive et transposées par l'article 764-3 sont ainsi incluses dans les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal (cf. encadré ci-dessous).

Article 132-44 du code pénal

« Les mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :

1° Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;

2° Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

3° Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;

5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence . »

Article 132-45 du code pénal

« La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations suivantes :

1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;

2° Établir sa résidence en un lieu déterminé ;

3° Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ;

4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;

5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;

6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;

7° S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;

8° Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

9° S'abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ;

10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;

11° Ne pas fréquenter les débits de boissons ;

12° Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;

14° Ne pas détenir ou porter une arme ;

15° En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

16° S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;

17° Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;

18° Accomplir un stage de citoyenneté ;

19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 19° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »

En particulier, le 12° de l' article 764-3 est ainsi formulé : « 12° Le cas échéant, les autres obligations et injonctions, notifiées au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, dont l'État d'exécution est disposé à assurer le suivi ». Comme indiqué dans un nouvel article 764-4 , le projet de loi est fondé sur l'hypothèse que la France fera une déclaration indiquant qu'elle accepte de suivre, en plus des mesures déjà évoquées, les trois mesures de probation ou peines complémentaires suivantes :

- interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

- interdiction de conduire ;

- interdiction de détenir ou de porter une arme.

En revanche, dans notre législation, le placement sous surveillance électronique n'est pas une mesure de probation ou une mesure alternative à la détention, mais une modalité d'exécution d'une peine privative de liberté. Il n'entre donc pas dans les mesures de probation visées par la transposition effectuée par le présent article.

L' article 764-5 établit ensuite, conformément à l'article 5 de la décision-cadre, les deux hypothèses dans lesquelles une condamnation ou une décision de probation peut être transmise à l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne :

- la personne concernée réside de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire de cet État et y est retournée ou souhaite y retourner ;

- la personne concernée ne réside pas de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire de cet État, mais demande à y exécuter sa peine ou mesure de probation, à condition que l'autorité compétente de celui-ci consente à la transmission de la décision de condamnation ou de probation la concernant .

Les État membres doivent faire des déclarations au secrétaire général du Conseil concernant ce dernier point. L'étude d'impact indique ainsi, s'agissant de la France, que « En émission : il appartient au ministère public de prendre en compte les déclarations faites par les autres États ; en réception : il appartient au procureur de la République d'apprécier si la France pourra accueillir la personne condamnée . ».

L' article 764-6 décrit la procédure régissant la transmission d'un jugement et, le cas échéant, d'une décision de probation. Il s'agit essentiellement de la définition et des informations devant être fournies par le « certificat » relatif à la condamnation et au condamné qui sera transmis entre les deux pays. Par ailleurs, afin d'assurer la traçabilité des échanges, l' article 764-8 prévoit que « La transmission de la condamnation ou de la décision de probation, du certificat et de toutes les pièces relatives à l'exécution des mesures ainsi que tout échange relatif à celles-ci s'effectuent directement, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant au destinataire d'en vérifier l'authenticité, entre les autorités compétentes de l'État d'émission et celles de l'État d'exécution . ».


Exécution dans d'autres pays de l'UE de décisions françaises

Le présent article crée ensuite un chapitre II intitulé : « Dispositions relatives à la reconnaissance et au suivi, sur le territoire des autres États membres de l'Union européenne, des condamnations et des décisions de probation prononcées par les juridictions françaises », comprenant des articles 764-9 à 764-17 .

En particulier, les articles 764-11 et 764-12 visent à tenir compte de l'article 16, § 2, de la directive, correspondant au cas où l'État d'exécution est informé de la durée de la peine privative de liberté en cas d'inobservation des mesures ou des peines de substitution, et de l'article 18, § 5, correspondant au cas où l'État de condamnation est informé de l'adaptation ou de la réduction des durées des mesures ou des peines de substitution. En effet, s'il estime que ces éléments ne permettent pas une exécution appropriée de la peine (par exemple lorsqu'il estime que la durée maximale de la privation de liberté prévue par le droit interne de l'État d'exécution susceptible d'être prononcée en cas de non-respect des peines de substitution ou mesures de probation est insuffisante), le ministère public, pour autant que l'exécution de la peine dans l'autre État membre n'ait pas déjà commencé, pourra retirer le certificat .

L' article 764-13 prévoit que, dès lors que lorsque l'autorité compétente de l'État d'exécution a informé le ministère public qu'elle reconnaît la condamnation ou la décision de probation, la compétence d'exécution est totalement transférée, immédiatement et pour l'avenir, à cet État d'exécution (suivi des mesures de probation ou des peines de substitution mais aussi modification des obligations ou injonctions, révocation du sursis à l'exécution de la condamnation ou de la libération conditionnelle, décisions en cas de commission d'une nouvelle infraction ou de non-respect d'une peine de substitution ou mesure de probation). Toutefois, l' article 764-15 prévoit que le ministère public récupère sa compétence si l'État d'exécution ne peut mettre à exécution la révocation d'une mesure de probation et la peine d'emprisonnement associée à cette révocation. Par ailleurs, le ministère public devra, en vertu de l' article 764-14 , transmettre aux autorités compétentes de l'État d'exécution les éventuels éléments qui viendraient à sa connaissance et seraient susceptibles de conduire à une modification des mesures d'exécution.

L' article 764-16 concerne enfin le cas où la personne « prend la fuite ou n'a plus sa résidence légale habituelle dans l'État d'exécution » (article 20 de la directive) ainsi que le cas où une nouvelle procédure pénale est engagée contre la personne concernée en France. Dans ces deux cas, le ministère public français reprendra sa compétence.


Exécution en France de décisions prises dans d'autres pays de l'Union européenne

Le présent article crée ensuite un chapitre III intitulé : « Dispositions relatives à la reconnaissance et au suivi sur le territoire français des condamnations et des décisions de probation prononcées par les autorités compétentes des autres États membres de l'Union européenne », comprenant trois sections.

La première section est intitulée « Réception des demandes de reconnaissance et de suivi des condamnations et des décisions de probation » et comprend des articles 764-18 à 764-21 .

L' article 764-19 prévoit ainsi que le procureur de la République compétent est celui dans le ressort duquel se situe la résidence habituelle régulière de la personne condamnée, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris étant, à défaut, compétent. Dans le cas où la personne concernée ne réside pas de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire français, mais demande à y exécuter sa peine ou mesure de probation (cf. ci-dessus l'explication de l'article 764-5 qui prévoit cette hypothèse), l' article 764-20 prévoit que :

- le procureur de la République consent à la transmission de la condamnation ou de la décision de probation si la personne concernée a la nationalité française ;

- dans les autres cas, il saisit sans délai le ministre de la justice. Celui-ci peut consentir à la transmission de la condamnation ou de la décision si la personne concernée a la nationalité d'un État membre de l'Union européenne autre que la France et s'il existe des motifs exceptionnels justifiant l'exécution de la décision en France . Il tient compte notamment de l'intérêt de sa décision pour la bonne administration de la justice, de l'existence de liens personnels et familiaux en France et de l'absence de risque de trouble à l'ordre public.

Enfin, l' article 764-21 prévoit que le procureur de la République saisit le juge de l'application des peines territorialement compétent, dans les sept jours à compter de la réception de la demande, de la demande accompagnée de ses réquisitions.

La deuxième section est intitulée « Reconnaissance des condamnations et des décisions de probation » et comprend des articles 764-22 à 764-33 .

L' article 764-22 prévoit la compétence du juge de l'application des peines (JAP) pour statuer sur les demandes de reconnaissance et de suivi des condamnations et des décisions de probation. En outre, il est prévu que, si le JAP estime nécessaire d'entendre la personne condamnée, il peut être fait application des dispositions de l' article 706-71 , qui prévoit la possibilité de faire usage de la vidéo-conférence. Cette même référence à l'article 706-71 apparaît à l'article 764-30 (cas où le président de la chambre de l'application des peines estime nécessaire d'entendre la personne condamnée).

L' article 764-23 prévoit que la reconnaissance et le suivi ne peuvent être refusés que dans des cas prévus par les articles 764-24 et 765-25 ; dans les autres cas, ils devront être acceptés.

Outre les conditions purement formelles, l' article 764-24 prévoit ainsi l'obligation de ne pas reconnaître la décision de condamnation dans les cas suivants :

- la décision de condamnation porte sur des infractions pour lesquelles la personne condamnée a déjà été jugée définitivement par les juridictions françaises ou par celles d'un État de l'Union européenne autre que l'État de condamnation, à condition que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être mise à exécution selon la loi de l'État ayant prononcé la condamnation (3°). Il s'agit de l'application du principe « Ne bis in idem », garanti par l'article 50 de la charte des droits fondamentaux. L'application de ce principe est en revanche laissée à l'appréciation du juge dans les autres cas, comme le prévoit l'article 764-25 qui liste les cas dans lesquels la décision peut ne pas être reconnue ( cf . ci-dessous) ;

- la condamnation est fondée sur des faits qui ne constituent pas des infractions selon la loi française (4°). En effet, dans ce cas, si une personne ne respecte pas la peine de substitution ou les mesures de probation, aucune mesure coercitive ne peut être exercée à son encontre puisque les faits ne sont pas incriminés pénalement. La mesure de probation risquerait donc d'être vidée de toute efficacité si elle était exécutée en France ;

- les faits pouvaient être jugés par les juridictions françaises et la prescription de la peine est acquise selon la loi française (5°) ;

- la personne condamnée bénéficie en France d'une immunité faisant obstacle à l'exécution de la condamnation ou de la décision (6°) ;

- la condamnation ou la décision a été prononcée à l'encontre d'un mineur de treize ans à la date des faits (7°) ;

- la personne condamnée n'a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article 695-22-1 (8°). Les 1° à 3° de l'article 695-22-1 sont les articles du CPP relatifs aux motifs pour lesquels, bien que la personne concernée n'a pas comparu lors du procès, un mandat d'arrêt européen doit néanmoins être exécuté à son encontre : il s'agit logiquement des cas où cette non-comparution est entièrement imputable à la personne et non à l'autorité judiciaire. ;

- la peine prononcée comporte une mesure de soins psychiatriques ou médicaux ou une autre mesure qui ne peut être exécutée en application des règles du système juridique ou de santé français (9°).

L' article 706-25 prévoit ensuite les cas dans lesquels l'exécution de la décision de condamnation peut être refusée. Il s'agit des cas :

- où la durée de la peine de substitution ou de la mesure de probation est inférieure à six mois à la date de réception du certificat ;

- où la condamnation ou la décision de probation est fondée sur des infractions commises en totalité, en majeure partie ou pour l'essentiel sur le territoire français.

Les articles 764-26 à 764-33 définissent les modalités selon lesquelles le juge d'application des peines statue sur la demande de reconnaissance de la condamnation ou de la décision de probation sur la base des réquisitions du procureur de la République et selon lesquelles la personne concernée peut présenter un recours :

- le JAP peut procéder à l'adaptation des mesures de probation ou de substitution en fonction de ce que prévoit la législation française . Il peut ainsi déterminer la mesure la plus proche de celle prononcée par la juridiction étrangère si celle-ci n'existe pas en droit français ou, le cas échéant, réduire la durée de la mesure prévue. En tout état de cause, « la mesure de probation ou la peine de substitution ainsi adaptée n'est pas plus sévère ni plus longue que celle initialement prononcée » ;

- le JAP doit prendre la décision de reconnaissance dans un délai de dix jours à compter des réquisitions du procureur de la République. L' article 724-21 prévoit, quant à lui, que ces réquisitions doivent être prises dans les sept jours de la transmission de la demande. La personne concernée dispose de vingt-quatre heures pour saisir la chambre de l'application des peines. Le président de la chambre de l'application des peines statue dans les vingt jours de sa saisine par une ordonnance motivée rendue en chambre du conseil. La personne concernée peut être entendue assistée de son conseil. De même, un représentant de l'État de condamnation peut être entendu. Le procureur général ou la personne concernée peuvent se pourvoir en cassation dans un délai de trois jours après la décision du président de la chambre d'application des peines.

Le délai total pour obtenir une décision définitive serait ainsi en l'absence de pourvoi en cassation de :

- 7 jours (examen par le procureur de la République)

+ 10 jours (examen par le JAP / procédure non contradictoire)

+ 7 jours (notification de la décision du JAP)

+ 1 jour (délai d'appel ordinaire des ordonnances du JAP)

+ 20 jours (délai pour que la chambre d'application des peines statue)

+ 7 jours (pour notifier à la personne condamnée la décision de la chambre d'application des peines)

Soit au total 52 jours.

Enfin, le chapitre III comprend une section III intitulée « Suivi des mesures de probation et des peines de substitution et décision ultérieure en cas de non-respect » comprenant des articles 764-34 à 764-43 .

L' article 764-34 prévoit que l'exécution de la condamnation ou de la décision de probation est régie par les dispositions du code pénal et code de procédure pénale. En particulier, il s'agit de l'exécution des décisions prises lorsqu'une mesure de probation ou une peine de substitution n'est pas respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale. En effet, les dispositions des articles 712-4 à 712-15 du code de procédure pénale permettent au JAP ou au tribunal de l'application des peines de prendre toutes les décisions ultérieures nécessaires.

Toutefois, comme le prévoit la décision-cadre (article 14, § 3), la France a déposé une déclaration selon laquelle « elle ne prendra pas en charge de statuer sur l'inobservation des mesures de probation ou des peines alternatives en cas de non-respect de l'obligation ou injonction concernée (...), lorsqu'a été prononcée une peine de substitution ne comportant pas de peine ou de mesure privative de liberté devant être exécutée lorsque l'inobservation de cette obligation ou injonction n'est pas sanctionnée par la législation pénale française », ce que retranscrit l' article 764-39 créé par le présent article.


La position de votre commission

Votre commission a approuvé les dispositions du présent article, qui permettra à davantage de citoyens de l'Union européenne d'effectuer leur peine de probation dans leur État de résidence, améliorant ainsi leur chance d'insertion ou de réinsertion.

Toutefois, votre rapporteur s'est interrogé sur l'inclusion ou non de la mesure de contrainte pénale, telle qu'instaurée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, dans le champ de la directive « probation » . En effet, l'article 2, § 3, deuxième partie de la première phrase de la directive « probation » (« ou imposant une ou plusieurs mesures de probation au lieu d'une peine ou mesure privative de liberté ») semble bien s'appliquer à une mesure telle que la contrainte pénale. Or, la transposition de ce paragraphe par le présent article (dans le 764-2, 2°) ne retient que la première partie de la phrase du même paragraphe, qui n'évoque que les condamnations avec ajournement, ce qui ne permettrait pas l'application de la reconnaissance mutuelle à des décisions de contraintes pénales. Dès lors, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur ayant pour objet de modifier la rédaction de ce 2° pour qu'il puisse également viser la contrainte pénale.

Par ailleurs, à l'article 764-1 (nouveau), il est précisé que l'objet des nouvelles règles introduites dans le code pénal pour transposer la directive « probation » est notamment de « faciliter la réinsertion sociale d'une personne condamnée ». Par cohérence avec les dispositions adoptées dans l'article 24 de la loi du 15 août 2014 précitée relatives aux principes régissant la mise en oeuvre des peines, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur précisant qu'il s'agit de faciliter « l'insertion ou la réinsertion » du condamné.

Enfin, comme à l'article 2 ( cf. le commentaire de cet article), il apparaît préférable d'insérer les dispositions relatives à la possibilité d'user de la visio-conférence pour des communication entre la France et un autre pays de l'Union européenne au sein même des nouvelles dispositions créées par le présent article, alors que le projet de loi propose, dans son article 5, d'effectuer cette précision à l'article 706-71 du code de procédure pénale , relatif à l'utilisation de cette technique de communication. Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 20-12 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Reconnaissance des condamnations et
des décisions de probation pour les mineurs

Le présent article a pour but de permettre l'application des dispositions de l'article 3 en matière de justice des mineurs. À cette fin, il prévoit que le juge des enfants exerce les attributions du juge de l'application des peines définies par ce même article 3.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

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