CHAPITRE II - DISPOSITION TENDANT À TRANSPOSER LA DÉCISION-CADRE 2009/829/JAI DU CONSEIL DU 23 OCTOBRE 2009 CONCERNANT L'APPLICATION, ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE AUX DÉCISIONS RELATIVES À DES MESURES DE CONTRÔLE EN TANT QU'ALTERNATIVE À LA DÉTENTION PROVISOIRE

Article 2 (chapitre VI [nouveau] du titre X du livre IV du code de procédure pénale : art. 696-48 à 696-89 [nouveaux]) - Reconnaissance mutuelle, en France et dans les autres pays européens, des décisions de placement sous contrôle judiciaire, ou des autres mesures équivalentes, prononcées par une autorité judiciaire d'un pays donné, mais exécutées dans un autre pays

Cet article vise à transposer en droit français le dispositif de la décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil de l'Union européenne du 23 octobre 2009, destiné à permettre l'application dans un État membre de mesures de contrôle judiciaire décidées dans un autre État membre.


Une décision-cadre qui comble une lacune dans la reconnaissance mutuelle, en Europe, des décisions pré-sentencielles

En matière pénale, l'espace judiciaire européen progresse par extensions successives du principe de reconnaissance mutuelle aux différentes mesures susceptibles d'être prononcées dans une enquête, une instruction ou un procès pénal.

La présente décision-cadre porte sur les mesures privatives de liberté - à l'exclusion de la détention provisoire - décidées par les autorités compétentes, avant le prononcé de la peine. Ces mesures correspondent à ce que le code de procédure pénale rassemble, à l'article 138, sous l'appellation de mesures de « contrôle judiciaire ». Elles vont de l'assignation à résidence, aux interdictions de paraître en certains lieux ou de contacter certaines personnes, en passant par des cautionnements ou certaines obligations de présentation, de soumission à un contrôle ou de soins 31 ( * ) .

L'objectif de la décision-cadre est de limiter le recours à la détention provisoire, en offrant aux magistrats qui prononceront à la place une mesure de contrôle judiciaire, la garantie que cette mesure pourra être exécutée dans l'État de résidence de la personne mise en cause.

Le dispositif proposé est conçu sur le même modèle que celui des autres décisions-cadres mettant en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle.

Il prévoit, d'abord, la transmission, par l'autorité qui a pris la décision, d'une demande tendant à ce qu'elle soit appliquée dans un autre État membre. Pour être conforme à la décision-cadre, la demande doit respecter deux conditions :

- la première porte sur les types de mesures de contrôle dont l'exécution est demandée. L'article 8 de la décision-cadre en prévoit six, qui correspondent principalement à des interdictions de paraître ou de fréquenter, ainsi qu'à des obligations de présentation. Toutefois, cette liste peut être étendue, à l'initiative de chaque État, pour d'autres mesures de contrôle judiciaire qu'il reconnaît ;

- la seconde porte sur la personne qui fait l'objet de la mesure (article 9 de la décision-cadre). Cette dernière doit avoir sa résidence habituelle et régulière dans l'État auquel la demande est adressée, et elle doit consentir à retourner dans cet État. Cette condition est une garantie pour l'intéressé, puisqu'on ne pourrait lui imposer de se rendre dans un autre pays pour satisfaire aux obligations du contrôle judiciaire. La décision-cadre réserve aux États membres la possibilité d'accepter des demandes tendant à l'exécution de la mesure dans un autre État que celui où la personne en cause A son domicile, pour peu que cette dernière y consente.

Après cette transmission, s'ouvre la seconde phase de la procédure : la reconnaissance, par l'État interrogé, de la décision de contrôle judiciaire. Sa compétence est ici liée : il doit reconnaître la mesure et ne peut la refuser que pour un des motifs énumérés à l'article 15 de la décision-cadre.

Ces motifs tiennent d'abord soit à la recevabilité de la demande au regard des critères précédemment évoqués (demande incomplète, opposition de la personne en cause...), soit à une incompatibilité entre le droit pénal de l'État d'exécution et celui de l'État d'émission de la décision.

La décision-cadre reprend ici les mêmes motifs de refus que pour le mandat d'arrêt européen. Il en va ainsi lorsque la reconnaissance de la décision serait contraire à une décision passée en force de chose jugée dans l'État d'exécution, lorsque la personne devrait bénéficier au regard du droit de cet État d'une immunité, d'une prescription ou d'une irresponsabilité pénale, ou enfin lorsque l'infraction qui fonde les poursuites et le contrôle judiciaire n'existe pas dans ce même État (principe dit de la « double incrimination ») 32 ( * ) . Il est toutefois fait exception à ce dernier principe pour un ensemble d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement ou d'une mesure privative de liberté d'au moins trois ans, énumérées à l'article 14 de la décision-cadre et reprises de l'article 2 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen 33 ( * ) .

La reconnaissance de la décision peut aussi être refusée si, en cas de non-respect de ses obligations par la personne soumise au contrôle judiciaire, l'État d'exécution ne serait pas en mesure de répondre favorablement à un mandat d'arrêt européen émis contre la personne en cause. Dans une telle situation, le contrôle judiciaire perd, en effet, de sa force contraignante puisque le récalcitrant ne pourrait plus être remis à l'État qui le poursuit. La décision-cadre réserve toutefois aux deux États la possibilité de s'entendre pour exécuter cette mesure en toute connaissance de cause.

La décision-cadre offre à l'État d'exécution de la mesure la possibilité de l'adapter, si elle n'a pas d'équivalent en droit interne, afin de la faire correspondre à celles qu'il met en oeuvre. Deux conditions doivent être remplies : dûment informé, l'État d'émission ne doit pas s'y opposer ; l'adaptation proposée ne peut avoir pour effet de soumettre la personne en cause à un contrôle judiciaire plus sévère.

Une fois la mesure reconnue, le suivi doit en être assuré par l'État d'exécution (article 16), l'État d'émission restant compétent pour modifier, proroger ou réexaminer la mesure de contrôle judiciaire (article 18). Dans l'un et l'autre cas, le droit applicable est celui de l'État concerné.

Afin d'éviter toute solution de continuité dans le contrôle, la décision-cadre organise le passage de témoin entre les deux États : jusqu'à la notification de la reconnaissance, l'autorité judiciaire de l'État d'émission reste compétente et elle le redevient lorsque celle de l'État d'exécution ne peut plus suivre le contrôle.

La cause peut en être juridique (retrait du certificat de demande de reconnaissance, expiration des délais, décision unilatérale de l'autorité de l'État d'exécution de mettre un terme au suivi de la mesure). Elle peut aussi résulter d'une impossibilité factuelle (déménagement de la personne sous contrôle judiciaire dans un autre État, ce qui la soustrait, de fait, au contrôle de l'État d'exécution).

En cas de manquement répété de l'intéressé à ses obligations de contrôle judiciaire, l'autorité de l'État d'exécution n'a que la possibilité d'en avertir celle de l'État d'émission (article 18), qui peut seule prendre la décision de révoquer la mesure, de la modifier ou d'émettre un mandat d'arrêt européen pour se voir remettre l'intéressé et le placer de l'intéressé en détention.

La décision-cadre règle aussi les échanges entre les autorités compétentes de chaque État (articles 19, 20 et 22), en particulier les informations qu'elles doivent s'adresser sur la poursuite de la mesure, son non-respect par l'intéressé ou certaines modifications notables qui la concernent (adaptation, recours juridictionnel, changement de résidence de l'intéressé etc. ).

Enfin, elle prévoit les conséquences à tirer d'une absence prolongée de réponse aux demandes adressées par l'État d'exécution à l'État d'émission de la mesure (article 23).


La transposition proposée

À l'article 2, le Gouvernement a fait le choix d'une transposition exhaustive, dans la loi, des dispositions de la décision-cadre. Un chapitre VI , complétant le titre X du livre IV du code de procédure pénale consacré à l'entraide judiciaire internationale, serait dédié à cette procédure d'exécution, entre États membres de l'Union européenne, des décisions de contrôle judiciaire.

Ce chapitre est divisé en trois sections :

- la première rassemble les dispositions générales ;

- la deuxième traite du cas où une autorité française demande à un homologue étranger la reconnaissance et le suivi d'une mesure de contrôle judiciaire qu'elle a prononcée ;

- la dernière traite du cas inverse, celui de la reconnaissance et du suivi en France d'une décision de contrôle judiciaire prise à l'étranger.

La première section présente les dispositions communes aux deux situations décrites dans les deux autres sections : le but du dispositif ( article 696-48 du code de procédure pénale ), le principe de consultations régulières entre les autorités compétentes pour la préparation et l'exécution des décisions en cause ( article 696-49 ), les mesures de contrôle judiciaire obligatoirement incluses dans le champ de la procédure proposée ( article 695-50 ) et celles que la France s'engage à surveiller ( article 696-51 ), les conditions, relatives à la résidence et au consentement de la personne objet de la mesure, autorisant le recours à cette procédure ( article 696-52 ), la liste des informations que doit contenir le certificat accompagnant la demande de placement sous contrôle judiciaire dans un autre État membre ( article 696-53 ), la règle selon laquelle le retrait de ce certificat vaut retrait de la demande de reconnaissance et de suivi de la mesure et en interdit la mise à exécution sur le territoire de l'autre État membre ( article 696-54 ), et les modalités de transmission du certificat, celles-ci devant laisser une trace écrite et permettre de s'assurer de l'authenticité du certificat ( article 696-55 ).

Bien que le Gouvernement ait entendu autoriser le suivi en France de l'ensemble des mesures de contrôle judiciaire reconnues par le droit français à l'article 138 du code de procédure pénale ( cf . encadré), l'énumération reproduite à l'article 696-51 , calquée sur les suggestions de la décision-cadre en néglige certaines , comme la remise de papiers ou celle de chèques. En outre, elle en étend une autre au-delà de ce que prévoit le droit français : en effet, le juge d'instruction ne peut qu'interdire au mis en examen le port d'arme, mais il n'a pas le pouvoir, comme le propose l'article 696-53, 5°, de lui interdire de détenir ou d'utiliser d'autres objets ayant un lien avec l'infraction commise.

Les obligations de contrôle judiciaire auxquelles une personne mise en examen
peut être tenue, (article 138 du code de procédure pénale)

« 1° Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

2° Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;

3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

4° Informer le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;

5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitées ou autorités désignés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;

6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute association ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellement de l'infraction ;

7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;

8° S'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ;

9° S'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

10° Se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication [...] ;

11° Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ;

12° Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel, dans les conditions prévues à l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; le conseil de l'ordre statue dans les quinze jours ;

13° Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ;

14° Ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, des sûretés personnelles ou réelles ;

16° Justifier qu'elle contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu'elle a été condamnée à payer conformément aux décisions judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ;

17° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ».

La deuxième section traite du cas dans lequel une autorité judiciaire française sollicite d'un homologue étranger la reconnaissance et le suivi d'une mesure de contrôle judiciaire qu'elle a prononcée.

Elle rassemble trois types de dispositions.

Les premières établissent, fort logiquement, que les autorités judiciaires compétentes en France pour ordonner un contrôle judiciaire le sont aussi pour solliciter son exécution dans un autre État membre et échanger à cette fin avec leurs homologues ( articles 696-56 et 696-57 ). Il s'agira donc des juges d'instruction ou chambres de l'instruction, des juges de la liberté et de la détention, des juges pour enfants ainsi que des juridictions pénales 34 ( * ) . Le certificat transmis par le juge français serait traduit dans l'une des langues officielles de l'État destinataire ou l'une de celles de l'Union ( article 696-58 )

Le deuxième type de dispositions règle le transfert de compétences, pour l'exécution de la mesure, de la première autorité à la seconde.

Le principe est que le juge qui a prononcé la mesure demeure compétent jusqu'à ce que son homologue l'ait informé qu'il reconnaît la décision, ou si la personne ne peut être retrouvée sur le territoire de l'État d'exécution ( articles 696-59 et 696-62 ). Tant que le suivi n'a pas commencé à l'étranger, le premier juge se voit offrir la possibilité de retirer sa demande en cas de proposition d'adaptation de la mesure inadéquate, ou si, en cas de non-respect du contrôle judiciaire, il ne pourrait recourir à un mandat d'arrêt européen pour se faire remettre la personne récalcitrante ( articles 696-60 et 696-61 ).

Le troisième type de dispositions concerne les cas, après transfert de compétence, de réattribution de cette compétence au juge qui a prononcé la mesure : retrait de la demande ; refus de suivi opposé par le juge chargé de l'exécution en raison d'une modification de la mesure ou de l'absence de réponse à un avis qu'elle a sollicité ; ou déménagement de la personne suivie dans un autre État ( article 696-63 ). Le juge qui a ordonné le placement sous contrôle judiciaire demeure compétent pour demander la prolongation du suivi, ainsi, bien entendu, que pour modifier les obligations ou en ordonner la mainlevée ( articles 696-64 et 696-65 ). Il est tenu d'en informer l'autorité d'exécution.

La troisième section du nouveau chapitre créé par le présent article traite de la réception et du suivi en France de mesures de contrôle judiciaire prononcées à l'étranger. Elle est organisée en trois sous-sections dédiées aux trois phases de la procédure : la réception de la demande , sa reconnaissance et le suivi de la mesure .

L'autorité de réception de la demande serait le procureur de la République dans le ressort duquel la personne placée sous contrôle judiciaire a son domicile 35 ( * ) . Il lui reviendrait de conduire les premiers échanges d'informations avec le juge étranger, de rediriger une demande mal adressée vers le bon procureur de la République et de saisir de la demande, dans les trois jours ouvrables, le juge des libertés et de la détention (JLD) territorialement compétent, accompagnée de ces réquisitions ( articles 696-66, 696-67 et 696-69 ).

L'article 696-68 règle les cas où le placement sous contrôle judiciaire concerne une personne qui n'est pas française ou un Français qui ne réside pas en France. Il s'agit là des deux motifs susceptibles de fonder un refus de reconnaissance de la décision 36 ( * ) , qui peuvent toutefois être levés par l'État d'exécution. Le Gouvernement propose que, par principe, l'exécution en France du contrôle judiciaire auquel est soumis un Français soit toujours possible, sans condition de résidence : le procureur de la République transmettrait donc la demande dans ce cas. En revanche, l'exécution en France du contrôle judiciaire pesant sur un étranger pourrait être autorisée pour des motifs exceptionnels, mais elle devrait être agréée par le ministre de la justice, dûment saisi par le procureur de la République. Le garde des sceaux se prononcerait notamment en tenant compte de l'existence de liens personnels et familiaux, de l'absence de risque de trouble à l'ordre public ou de l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

L'autorité compétente pour reconnaître la mesure de placement, la prolonger, l'adapter ou décider de sa mainlevée, si elle a été ordonnée par le juge étranger, serait le juge des libertés et de la détention ( articles 696-70 ) 37 ( * ) . Les articles 696-71 à 696-73 rappellent les motifs, énumérés aux articles 9 et 15 de la décision-cadre, devant conduire obligatoirement à un refus de reconnaissance. L' article 696-74 évoque ceux qui peuvent conduire, à l'appréciation du juge, à un tel refus : impossibilité de déférer à un mandat d'arrêt européen émis en raison du non-respect par la personne de ses obligations de contrôle judiciaire ; risque que cette mesure frappe une personne qui a déjà été condamnée dans un autre État, non membre de l'Union européenne, et a déjà exécuté sa peine pour l'infraction poursuivie. Ce dernier motif de refus vise à imposer le respect, au plan international, de la règle non bis in idem .

Les articles 696-75 et 696-76 précisent les modalités selon lesquelles le juge français informe son homologue des adaptations qu'il apporte à la mesure ou de l'impossibilité dans laquelle il serait de répondre favorablement à un mandat d'arrêt européen. Cette information est destinée à laisser au juge étranger la possibilité de retirer sa demande.

L' article 696-77 fixe au juge un délai maximal de sept jours ouvrables à compter de sa saisine pour reconnaître la décision de placement sous contrôle judiciaire, et lui impose de motiver ses décisions d'adaptation ou de refus. L'article 696-78 prévoit la notification à la personne mise en cause de la décision du juge des libertés et de la détention, avec le rappel de certaines garanties procédurales, notamment la possibilité d'un recours et celle d'être assistée par un avocat.

Les articles 696-79 et 696-80 organisent le recours contre la décision du juge des libertés et de la détention, selon le droit commun du placement sous contrôle judiciaire : à l'initiative de l'intéressé ou du ministère public, l'appel est possible devant la chambre de l'instruction ainsi que le pourvoi en cassation.

L' article 696-82 ouvre une possibilité de proroger les délais, en en informant le juge étranger, si celui de vingt jours ouvrables après la transmission par l'État d'émission de la demande ne peut être tenu. L'article 696-83 prévoit que le ministère public, qui a reçu la demande, informe sans délai l'autorité étrangère qui la lui a communiquée, des décisions devenues définitives rendues par le juge des libertés et de la détention.

La dernière sous-section est dédiée au suivi de la mesure.

L' article 696-84 assigne au juge des libertés et de la détention la compétence en cette matière 38 ( * ) : le juge compétent pour reconnaître la décision ou l'adapter l'est donc aussi pour la suivre.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentantes de l'union syndicale des magistrats ont souligné le paradoxe de confier le suivi d'une mesure au long cours à un magistrat qui, en principe, n'assure pas un tel suivi, mais rend des décisions lorsqu'il est saisi.

Toutefois, le choix du juge des libertés et de la détention semble le seul possible : le juge d'instruction ne saurait être désigné en dehors d'une information judiciaire et le procureur de la République, magistrat du parquet et non du siège, ne pourrait prendre des décisions définitives relatives à une mesure privative de liberté. La question pourrait tout au plus se poser pour le juge des enfants, qui peut connaître de la situation des mineurs indépendamment d'une poursuite pénale.

En outre, il faut observer que le suivi de la mesure ne se matérialisera que dans un nombre réduit d'actes. En effet, ce sont les forces de police, les travailleurs sociaux ou le ministère public qui informeront le juge que l'intéressé ne respecte pas ses obligations. Il ne disposera toutefois pas du pouvoir qu'aurait un juge d'instruction d'émettre un mandat d'amener et de placer la personne mise en examen en détention provisoire.

Restera donc au juge des libertés et de la détention l'obligation d'informer son correspondant de tout élément susceptible d'entraîner un réexamen de la mesure de contrôle judiciaire, comme le non-respect des obligations par l'intéressé, sa disparition ou son changement de résidence
- ce qui le dessaisirait du suivi de la mesure ( articles 696-85, 695-86 et 696-89 ). Il pourrait en retour interroger son homologue sur le bien-fondé de la poursuite du contrôle judiciaire ( article 696-86 ) ou solliciter, en fixant un délai raisonnable pour ce faire, qu'il prenne les mesures qu'appelle le non-respect par l'intéressé de ses obligations. À défaut de réponse, il pourrait alors décider de mettre un terme au suivi de la mesure ( article 696-88 ).


La position de votre commission

Votre commission a constaté, avec son rapporteur, que le dispositif proposé complétait utilement les procédures d'entraide judiciaire au sein de l'Union européenne, et qu'il transposait dans l'ensemble exactement la décision-cadre.

Marquant son accord avec l'organisation générale du texte, elle s'est donc limitée à adopter, en plus d'amendements rédactionnels, trois amendements de son rapporteur destinés à lever certaines incertitudes du dispositif.

Afin de faire correspondre strictement le champ des mesures de contrôle judiciaire autorisées en droit français avec celles que la France acceptera de reconnaître et suivre sur son territoire, votre commission a adopté un amendement renvoyant, plutôt qu'à la liste incomplète prévue au nouvel article 696-51 du code de procédure pénale, à celle de l'article 138 qui énumère actuellement exhaustivement ses mesures.

Elle a par ailleurs adopté un amendement de conséquence avec la suppression de l'article 5 39 ( * ) , précisant qu'il était possible de recourir à la visio-conférence pour entendre la personne faisant l'objet de la mesure de contrôle judiciaire, même si cette dernière est établie à l'étranger ( articles 696-70 et 696-80 ).

Elle a enfin adopté un amendement corrigeant une erreur de référence au nouvel article 696-79, consacré au recours contre les décisions du juge des libertés et de la détention, qui avait pour effet de limiter le droit au recours au seul ministère public, privant la personne mise en cause de toute voie d'appel.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .


* 31 Cf. infra pour une liste exhaustive.

* 32 Une exception est prévue en matière d'infraction fiscale, douanière et de change, lorsque les législations des deux États n'imposent pas les mêmes taxes, impôts ou réglementations fiscales.

* 33 Le dispositif créé par la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 a été transposé en France, après la révision constitutionnelle du 25 mars 2003, par la loi dite « Perben II », n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

* 34 L'étude d'impact jointe au projet de loi cite aussi les magistrats du tribunal de grande instance (TGI), mais il semble qu'elle fasse ainsi référence à leur action sur délégation de la juridiction correctionnelle.

* 35 À défaut, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris serait compétent.

* 36 En vertu de l'article 9 de la décision-cadre, transposé à l'article 696-52 2° du code de procédure pénale.

* 37 Le même article prévoit la possibilité pour le JLD d'entendre la personne placée sous contrôle judiciaire par visio-conférence. Cf. , sur ce point, le commentaire de l'article 5 qui réalise les coordinations nécessaires.

* 38 Pour le surplus, il renvoie au droit commun du contrôle judiciaire.

* 39 Cf. infra .

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