EXAMEN EN COMMISSION

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I. AUDITION DE LA MINISTRE

Audition de Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réunie le jeudi 14 octobre 2014 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

M. Alain Milon, président . - Je remercie Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, de venir nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Il sera examiné par l'Assemblée nationale la semaine prochaine. Le Sénat devrait l'étudier en séance publique au cours de la semaine du 10 novembre.

Je salue également la présence de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.

Ce rendez-vous majeur intervient alors que le pacte de responsabilité est mis en oeuvre, avec la réduction de cotisations sociales votée en loi de financement rectificative, et un objectif de 21 milliards d'économies en dépenses dans le champ des finances sociales d'ici 2017, mais que dans le même temps, les prévisions de croissance sont revues à la baisse avec les conséquences qui en découlent pour les comptes sociaux.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Très attachés à leur modèle de protection sociale, les Français tiennent, en ces temps de crise, à ce que la solidarité nationale soutienne ceux qui en ont le plus besoin. Pour que nos concitoyens continuent à adhérer à ce système, nous devons le moderniser tout en réduisant les déficits.

L'efficacité et la justice sont essentielles : l'efficacité, pour maîtriser nos dépenses, mais aussi pour s'adapter à l'évolution des besoins ; la justice, pour mieux répartir les efforts, comme pour mettre en oeuvre nos politiques de solidarité et de protection sociale.

Deux ans et demi après notre arrivée au pouvoir, les résultats sont là, malgré une conjoncture économique difficile. En 2014, nous stabilisons le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et nous le réduisons même de 800 millions sur l'ensemble des régimes obligatoires de base. Si les recettes n'ont pas été au rendez-vous, nous avons strictement tenu nos objectifs de dépenses : il n'y a pas de dérapage, malgré l'augmentation significative du poste des médicaments en raison de l'arrivée d'un médicament très efficace contre l'hépatite C.

Nous préservons nos ressources en 2015 : conformément aux engagements pris lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative, l'Etat compensera intégralement à la sécurité sociale les pertes de recettes dues aux exonérations de cotisations prévues dans le pacte de responsabilité.

Des réformes structurelles ont accru l'efficacité et la justice de notre modèle social : ainsi, pour les retraites, la loi de janvier dernier consacre des droits nouveaux, comme le compte pénibilité, mesure dont les décrets d'application ont été publiés vendredi dernier et qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2015. La surenchère des représentants du patronat est inutile : après avoir obtenu que ce compte soit mis en oeuvre en deux temps, à compter du 1 er janvier 2015 pour quatre critères de pénibilité, et du 1 er janvier 2016 pour six autres critères, je m'étonne que le président du Medef exige le retrait de ce dispositif...

Avec la réforme des retraites, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) retrouvera l'équilibre en 2017, sous réserve que les hypothèses économiques retenues se réalisent.

Pour 2015, le déficit des régimes de retraite de base et du FSV se réduira d'un milliard. Ce redressement financera des mesures de justice comme la revalorisation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) à 800 euros depuis le 1 er octobre ou le versement d'une prime exceptionnelle de 40 euros dans les premiers jours de février.

Le projet met en oeuvre à la fois des mesures structurantes pour l'assurance maladie que je présenterai demain en conseil des ministres avec le projet de loi relatif à la santé, et des mesures d'économie que j'ai présentées voilà plusieurs mois. Il ne s'agit pas d'opposer économies et réorganisation, car efficacité et justice sont indissociables.

L'Ondam progressera en 2015 de 2,1 % : comme la population augmente et vieillit et que le coût de l'innovation est élevé, cela représente un effort d'économie de 3,2 milliards pour 2015 et de 10 milliards pour les trois prochaines années. Les dépenses de santé sont structurellement dynamiques. Les objectifs d'évolution que nous fixons, historiquement bas, supposent une mobilisation inédite. A ceux qui prétendent que les économies annoncées seraient faciles à réaliser, je rappelle que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a indiqué que pour tenir les objectifs, « un pilotage particulièrement exigeant sera nécessaire ».

J'ai fixé quatre orientations structurelles pour réaliser ces économies. Nous devons, tout d'abord, garantir un usage pertinent des soins et éviter les actes inutiles ou redondants. En 2015, nous attendons près de 1,2 milliard d'économies à ce titre. Afin d'accompagner les établissements de santé sur cette voie, nous prévoyons une incitation financière afin d'améliorer la qualité des soins.

Deuxième axe : nous allons agir sur le prix des produits de santé et sur le développement des génériques. Nous attendons de ces mesures 1,1 milliard d'économies. Cet objectif donne de la visibilité aux industriels. Nous visons la stabilité des dépenses de médicaments entre 2015 et 2017. Nous ne procéderons pas à une baisse uniforme des prix et continuerons à soutenir l'innovation en nous appuyant sur le service médical rendu. Nous voulons développer les génériques en incitant les médecins, en ville comme à l'hôpital, à les prescrire et en renforçant la confiance du public. Je présenterai prochainement un plan « génériques ».

Le nouveau traitement de l'hépatite C est avant tout une excellente nouvelle de santé publique. Je souhaite que tous ceux qui doivent bénéficier de ce traitement y aient accès. Il nous faut prendre des mesures dès 2014, parce que des centaines de millions sont en jeu. Nous proposons un mécanisme de régulation applicable aux seuls médicaments de traitement de l'hépatite C : il ferait supporter un éventuel dépassement de l'enveloppe de traitement de cette maladie aux laboratoires concernés, sans le moindre contingentement pour les patients. Nous ne pouvons laisser l'assurance maladie soutenir durablement le niveau de dépenses enregistré depuis quelques mois et d'autres acteurs du secteur de la santé n'ont pas à assumer les dépassements financiers dus à ce seul poste de dépenses.

Le troisième axe d'économies passe par l'amélioration de la dépense hospitalière. Plus de 500 millions sont attendus de l'optimisation des achats hospitaliers et de la mutualisation de fonctions autres que les soins. Le projet de loi relatif à la santé prévoit ainsi la mise en place de groupements hospitaliers de territoire.

Enfin, nous engageons le virage ambulatoire ou révolution du premier recours, pour améliorer la prise en charge tout en maîtrisant les dépenses. Cet effort, qui dégagera près de 400 millions d'économies en 2015, s'amplifiera dans les années à venir. Un financement spécifique pour les hôpitaux de proximité confortera la coordination entre ville, hôpital et médico-social. Le pacte territoire-santé favorisera l'installation des médecins en zone sous-dense. En 2013, le congé maternité a été pris en charge pour les médecins généralistes qui s'installent dans ces secteurs. Ce dispositif incitatif donnant des résultats, nous allons l'étendre à d'autres médecins, y compris des spécialistes.

Le choix du renforcement des soins primaires de premier recours se traduit par un taux de progression de l'Ondam des soins de ville à 2,2 %, soit plus que l'Ondam hospitalier (2 %).

En dépit de ce cadre contraint, nous continuons à investir dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes en situation de handicap. Aux 145 millions au titre des plans passés, nous ajoutons 21 millions pour le plan autisme. Nous investissons dans les unités de consultation en ville pour garantir l'accès aux soins courants des personnes handicapées.

Nous poursuivrons le financement des plans « grand âge » et « Alzheimer » et renforcerons le niveau d'encadrement en soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à hauteur de 100 millions.

Avec Laurence Rossignol, nous vous présenterons prochainement le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement. En 2015, les dépenses de prise en charge renforcée de la perte d'autonomie seront limitées du fait du calendrier d'adoption et de mise en oeuvre de cette réforme. Toutefois, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), destinée à financer cette réforme, sera bien affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La part des ressources non consommée en 2015 servira à la prise en charge de la perte d'autonomie et ira à un plan pluriannuel d'aide à l'investissement.

Dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion, les crédits de prévention du régime général vont progresser entre 2015 et 2017. Les moyens de la prévention bucco-dentaire augmenteront, ainsi que ceux consacrés au dépistage des cancers, du VIH et des maladies sexuellement transmissibles. En outre, l'assurance maladie prendra en charge les vaccins dispensés dans les centres de vaccination dans les mêmes conditions que les vaccins réalisés en ville afin d'aider ces centres à développer leur activité de vaccination gratuite.

Ce texte démontre mon engagement en faveur de l'accès aux soins pour tous. Depuis deux ans, j'ai systématiquement refusé tout transfert de charges vers les patients : il n'y a eu ni déremboursement, ni forfait, ni franchise. Ce choix se traduit dans les chiffres : la part de dépenses de soins à la charge des ménages a reculé de 9,2 % en 2011 à 8,8 % en 2013 - le chemin inverse de celui suivi par la majorité précédente. Nous poursuivrons dans cette voie avec la mise en place du tiers payant intégral au 1 er juillet 2015 pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS).

Certains diront que le gouvernement n'aime pas la famille. Pourtant, cette branche a bénéficié de 2,2 milliards de plus en deux ans, dont un milliard pour les prestations familiales. Nous avons revalorisé de 25 % l'allocation de rentrée scolaire qui bénéficie à 3 millions de familles ; nous avons engagé l'augmentation de 50 % du complément familial qui profite à 385 000 familles de trois enfants ou plus ; nous avons accru de 25 % l'allocation de soutien familial, qui va à 737 000 familles monoparentales ; nous avons relevé le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et de l'ACS.

Nous préservons le pouvoir d'achat des familles : les mesures que nous présentons ne valent que pour l'avenir, pour des prestations ou des majorations de prestations que les familles ne perçoivent pas aujourd'hui. D'ailleurs, nous revaloriserons en avril 2015 les prestations familiales pour tenir compte de l'inflation.

Nous souhaitons également favoriser l'articulation entre vies professionnelle et familiale, condition de l'émancipation individuelle et de l'égalité entre femmes et hommes. Avec Laurence Rossignol, nous voulons créer 275 000 solutions d'accueil supplémentaires pour que les parents restent professionnellement actifs. Pour soutenir les familles les plus modestes, nous rééquilibrerons les aides en fonction du niveau des revenus, d'où la modulation du complément du mode de garde en fonction des ressources avec une quatrième tranche. Enfin, nous entendons préserver l'universalité de la politique familiale en garantissant un soutien à toutes les familles.

Les efforts que nous demandons réduiront résolument le déficit qui se monte encore à 2 milliards. Nous voulons maîtriser les dépenses en réorganisant notre modèle social qui doit rester très protecteur afin de venir en aide à tous : l'adhésion à ce modèle passe aussi par le fait que chacun sache qu'il peut compter sur notre système de soin en cas de besoin.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - J'aimerais quelques précisions sur les 9,6 milliards d'économies annoncées sur les administrations de sécurité sociale : le montant identifié est notablement inférieur à l'objectif fixé.

Quel est le montant décaissé par l'assurance maladie pour le Sovaldi et le calendrier de la décision sur le prix ? Êtes-vous sûre que la taxation du chiffre d'affaires des laboratoires et la partie du dispositif visant à transformer une taxation en remise, prévues à l'article 3 du PLFSS, respectent bien les exigences constitutionnelles ? En outre, le Gouvernement annonce que ce seul médicament met en péril le respect de l'Ondam 2014, mais celui-ci est sur le marché depuis décembre 2013 : comment se fait-il que ce péril n'ait pas été identifié dès l'examen de la loi de finances rectificative ? Comment se fait-il que cet impact ne soit pas visible sur les dépenses de la branche maladie du régime général alors que la baisse des recettes semble seule responsable du déficit de la branche ?

Que pensez-vous de la demande de la Cour des comptes d'élargir le champ des dépenses sous Ondam ?

L'article 42 prévoit un mécanisme contraignant pour assurer la pertinence des soins dans les établissements de santé. Personne ne conteste qu'il faille lutter contre les actes inutiles sans bénéfice thérapeutique, et nous l'avions d'ailleurs dit il y a déjà quelques années : 28 % des actes seraient inutiles ou redondants. L'étude d'impact indique que cette mesure dégagera des économies, notamment sur les séjours hospitaliers, mais les 15 à 50 millions d'économies annoncés d'ici trois ans semblent faibles au regard des enjeux. Ne faut-il pas étendre ce mécanisme à la médecine de ville ? En outre, comment cette mesure s'articule-t-elle avec l'article 36 qui vise à mettre en place un mécanisme d'amélioration de la qualité des soins hospitaliers ?

L'article 29 donne un fondement législatif au tiers payant. Les organismes de base prendront en charge les dépenses liées aux complémentaires dans le cadre d'une délégation de gestion. Pouvons-nous en savoir plus, notamment pour les titulaires de l'ACS ?

Tout le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sera affecté au budget de la CNSA en 2015. Les sommes qui ne seront pas dépensées pour la mise en oeuvre du projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement iront à un plan pluriannuel d'investissement dans le secteur médico-social : une telle mesure se substituerait au plan d'aide à l'investissement que nous votions chaque année lors de la loi de financement. Quels seront les montants ? M. Georges Labazée, rapporteur du volet médico-social, avait proposé l'année dernière de créer au sein du budget de la CNSA une section dédiée au financement de ces opérations d'investissement. Une telle option ne serait-elle pas plus lisible et davantage pérenne ? Par ailleurs, quand examinerons-nous le projet de loi vieillissement ?

Après la censure du Conseil constitutionnel, le Gouvernement avait annoncé de nouvelles mesures sur la réduction forfaitaire applicable aux particuliers employeurs. Qu'en est-il ?

Enfin, depuis 1997, la branche AT-MP opère un versement à la branche maladie pour tenir compte des sous-déclarations de sinistres d'origine professionnelle. En juin, la commission d'évaluation a estimé le coût de ces sous-déclarations entre 695 millions à 1,3 milliard ; le gouvernement a retenu un milliard, contre 790 millions entre 2012 et 2014, et 300 millions en 2002. Cette progression continue pèse sur la branche : comment lutter contre les sous-déclarations ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Voici quelles sont les économies que nous allons réaliser : 3,2 milliards sur l'assurance maladie, 700 millions sur la branche famille, 500 millions sur la gestion des caisses et, enfin, 4 milliards du fait de mesures déjà prises en matière de retraites et d'abaissement du quotient familial. Le restant relève des administrations de sécurité sociale qui n'entrent pas dans le champ du PLFSS, à savoir l'Agirc-Arcco et l'Unédic, qui feront également des économies.

Le Conseil d'Etat n'a pas relevé de difficulté de nature constitutionnelle sur le mécanisme prévu par l'article 3 pour les médicaments contre l'hépatite C. Je ne puis vous dire combien le Sovaldi coûtera en 2014, car cela dépendra du prix qui sera retenu. Pour l'instant, ce médicament bénéficie d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) et le laboratoire remboursera la différence si nous parvenons à un prix inférieur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - L'assurance maladie a bien remboursé les patients !

Mme Marisol Touraine, ministre . - Les patients n'ont rien payé ! Ils ont été totalement pris en charge par l'assurance maladie. Nous ne pensions pas que ce traitement serait à ce point utilisé : une montée en puissance progressive avait été imaginée, mais elle a été beaucoup plus rapide qu'escompté, en France comme dans d'autres pays européens. C'est pourquoi j'ai souhaité échanger des informations avec nos partenaires. Proportionnellement, la France est le pays qui traite le plus grand nombre de patients. Je confirme qu'il n'y aura pas de rationnement.

Vous avez opposé la pertinence des soins à leur qualité, mais certains actes inutiles peuvent être réalisés avec un grand professionnalisme et l'inverse arrive également : des contrats de pertinence seront signés entre les ARS et les établissements ou les prescripteurs ; des contrats de qualité figureront en annexe des contrats pluriannuels d'objectif et de moyens.

Pour le tiers-payant, nous avons lancé un appel d'offres pour sélectionner des contrats de complémentaires santé pour les bénéficiaires de l'ACS. L'assurance maladie gèrera ainsi l'ensemble du dispositif.

Enfin, compte tenu de la situation économique actuelle, il ne peut être question d'accorder de nouveaux avantages fiscaux. En outre, nous ne voulons pas déstabiliser les structures d'aide à l'emploi à domicile.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Le projet de loi sur le vieillissement devrait être examiné par le Sénat au début de 2015 pour une mise en application au deuxième semestre.

M. Gilbert Barbier . - Vous dites avoir entamé des réformes structurelles. Nous recevrons demain le Premier président de la Cour des comptes qui dit le contraire : « la réduction des déficits obtenue en 2013 l'a été par un apport déterminant de recettes nouvelles plus que par un effort sur les dépenses dont le rythme d'augmentation n'a que faiblement fléchi ». Qui faut-il croire ? Comment allez-vous intégrer ce nouveau déficit, en augmentant le plafond de découvert de l'Acoss, en transférant de nouvelles charges sur la Cades ? Voulez-vous allonger la durée de vie de celle-ci ou augmenter ses recettes ?

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, allez-vous assurer « une information appropriée du Parlement sur la formation des soldes et des tableaux d'équilibre en mettant fin aux contractions injustifiées » ? La Cour rappelle également l'effet base sur l'évolution de l'Ondam. L'Ondam que vous présentez est calculé sur la base du budget prévisionnel voté l'année précédente, mais non sur la réalisation réelle. Quelle base avez-vous retenue pour fixer l'augmentation de l'Ondam ?

La qualité des soins dans les hôpitaux généraux se dégrade de jour en jour. L'accident survenu à Orthez ne fait que rappeler un mal lancinant, dont vous n'êtes pas la seule responsable. L'insuffisance de 131 plateaux techniques avait été signalée en 2008. Entendez-vous agir en ce domaine, car la proximité n'est malheureusement pas toujours synonyme de qualité ? Prenez votre bistouri et supprimez certains plateaux techniques. L'open data de la Haute Autorité de santé (HAS) propose le logiciel Kualhas qui offre des données fort intéressantes. A quand l'open data de la Cnam ? Hélas !, elle semble peu désireuse de partager ses secrets...

Sur le terrain, les mesures en faveur des zones sous-denses n'ont guère d'impact, malgré vos propos optimistes. Dans certaines, il n'y a plus de spécialistes. Envisagez-vous de réviser le tableau prévisionnel des postes d'internes dans chacune des spécialités par région ?

Les hôpitaux généraux, font souvent appel à des praticiens extra-européens de l'étranger : ne faudrait-il pas exiger une vérification des connaissances ? Allez-vous lutter contre les médecins mercenaires, notamment urgentistes et anesthésistes, qui pillent les budgets des hôpitaux généraux ?

Vous envisagez d'économiser 1,1 milliard sur les médicaments. Ne faudrait-il pas laisser un peu de place aux biotechnologies tout en économisant 900 millions grâce au déremboursement de trois médicaments au service médical rendu (SMR) nul ou très faible. L'un d'entre eux devrait perdre leur ASMR pour son indication en cancérologie ; si on la lui accordait en traitement de la DMLA, on gagnerait encore 400 millions. Pour quelles raisons des ASMR accordées il y a dix ans ne sont-elles pas remises en cause, alors que nous savons pertinemment que ces médicaments sont inefficaces ? Enfin, comment comptez-vous dire qu'un médicament sera, demain, un non-médicament ? M. Leclerc, mais aussi les pharmaciens de nos campagnes, attendent votre réponse.

Mme Nicole Bricq . - Dans son avis du 26 septembre, le Haut conseil des finances publiques a estimé que les économies en matière de dépenses sociales n'ont pas toutes été portées à sa connaissance. J'aimerais bien comprendre.

M. Jean-Marie Morisset . - Que proposez-vous, madame la Ministre, pour que les familles ne soient plus des variables d'ajustement quand il s'agit de réduire les déficits ? Elles risquent d'avoir quelques mauvaises surprises durant les deux prochaines années.

Le partage paritaire du congé parental entre la mère et le père va vous assurer des économies, puisque seuls quatre bénéficiaires sur cent sont des hommes. En 2013, vous annonciez la création de 21 155 places de crèche et vous n'en avez réalisé que 10 706. Qu'en sera-t-il pour 2014 et 2015 ?

M. Yves Daudigny . - Je salue un projet de responsabilité et de lutte contre les inégalités. Il met en oeuvre la stratégie nationale de santé tout en tenant les engagements de compensation des mesures du pacte de responsabilité, sans nouveaux déremboursements ni nouvelles franchises malgré un contexte difficile. Envisagez-vous un transfert de la dette de l'Acoss vers la Cades ? Ce texte ne comporte aucune nouveauté en matière de taxe comportementale - je ne déposerai pas d'amendement en ce sens : que comptez-vous faire sur le tabac ?

Votre Ondam, très volontariste, est en augmentation de seulement 2,1 % pour 2015, alors que la tendance spontanée est de 3,9 % et même de 5 % en matière de soins de ville. Comment organiser le contrôle de la pertinence des soins dans la médecine de ville ; comment accentuer le recentrage des services d'urgences - plus chers que la médecine de ville - sur leur mission fondamentale ?

La France a choisi de développer les médicaments génériques à partir du distributeur, le pharmacien : envisagez-vous d'impliquer davantage le médecin ? Où en est-on de la mise en place de la prescription en dénomination commune internationale (DCI) ? Enfin, le comité d'alerte et la Cour des comptes s'interrogent sur le périmètre et la méthode de calcul de l'Ondam : pouvez-vous nous éclairer sur le sujet ?

Mme Catherine Génisson . - Voilà un budget de responsabilité. Pourquoi le Sovaldi est-il aussi cher, cherté que le laboratoire qui le fabrique - mais ne l'a pas inventé - justifie par les économies conséquentes sur la prise en charge de l'hépatite C : c'est pour le moins surprenant ! Les cohortes de malades pris en charge sont certes très importantes, mais le prix n'est pas sans influence.

Sujet éternel que la pertinence des soins ! 70 % des patients des urgences ressortent le jour même ; 28 % des examens sont inappropriés. L'hôpital, toujours montré du doigt, est le réceptacle de tout ce qui ne fonctionne pas ailleurs : permanence de soins défaillante, médicalisation incomplète des maisons de retraite, etc. Comment chacun pourrait-il prendre ses responsabilités ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - C'est le calendrier qui explique les déclarations du Haut Conseil. L'ambiguïté tient à ce que les dépenses des administrations de sécurité sociale comprennent également l'Unédic, l'Agirc et l'Arrco, qui n'entrent pas dans le champ du PLFSS.

Mme Nicole Bricq . - Cela fait 1,2 milliard ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Je confirme que la protection sociale, au sens des finances publiques, représente 550 milliards, dont 450 milliards relevant de la loi de financement de la sécurité sociale, 100 milliards correspondant à l'assurance chômage et aux retraites complémentaires. Mais le reste des mesures d'économies n'est pas détaillé.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Il faut tenir compte des mesures déjà prises : réforme des retraites, loi sur la famille...

La Cour des comptes considère que l'évolution naturelle des dépenses d'assurance maladie serait surestimée, alors que toutes les analyses convergent pour l'évaluer à 3,9 % par an. Cela résulte du vieillissement de la population, de l'innovation et de l'augmentation de la population.

Nous ne transfèrerons pas la dette de l'Acoss à la Cades. Le déficit diminue ; je ne vous rappellerai pas les records de dette des gouvernements précédents... Notre situation est bien moins catastrophique, avec 29 milliards de dette contre 50 milliards en 2010. La situation est soutenable et reste sous contrôle. Interrogez le Premier président de la Cour des Comptes : les dépenses de santé entre 2012 et 2013 ont connu une progression historiquement basse. Lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons déjà procédé à un rebasage, comme chaque année : l'Ondam est bien calculé par rapport à ce qui a été constaté.

Un projet de loi relatif à la santé comportera des mesures sur l'open data.

Comme je l'ai toujours dit, la solution pour les hôpitaux de proximité ne consiste pas à tailler à la serpe, mais à évaluer l'offre à partir des projets médicaux de territoire pour éventuellement la réaménager. C'est l'objectif des groupements hospitaliers de territoire. Regrouper des hôpitaux sans projet peut n'avoir aucun sens.

C'est la loi qui prévoit que le prix d'un médicament en ATU est libre en attendant son autorisation de mise sur le marché ; le laboratoire restitue ensuite la différence entre le prix pratiqué et le prix fixé après négociation avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). La négociation se poursuit - nous avons déjà refusé plusieurs prix proposés ; j'espère qu'elle aboutira rapidement.

Le projet de loi relatif à la santé comportera des mesures sur la permanence des soins, favorisant le premier recours.

La prescription des médicaments en DCI commencera le 1 er janvier 2015, ce qui représentera un effort important : seules 16 % des prescriptions se font sous cette forme, ce qui donne à espérer des économies futures, la marque s'effaçant devant la molécule.

Je partage l'analyse du rapport de votre commission sur les taxes comportementales. J'ai présenté récemment un plan de lutte contre le tabagisme. Certes le prix est un facteur, mais mon plan, salué par l'ensemble des associations, agit sur tous les leviers.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat . - La politique familiale ne se limite pas aux prestations versées par la branche famille : les politiques d'accueil de l'enfant, de soutien à la famille et aux parents mobilisent aussi la politique fiscale et les collectivités territoriales (établissements d'accueil des jeunes enfants ou PMI). Le budget global est dès lors de 100 à 120 milliards d'euros. Les 700 millions demandés à la branche famille doivent être replacés dans l'effort global qui touche toutes les politiques publiques. Loin d'être une variable d'ajustement, les familles sont au coeur de la politique du Gouvernement, notamment les plus modestes d'entre elles.

D'un montant très faible (390 euros par mois), le complément de libre choix d'activité (CLCA) - ou congé parental - est le plus long et le plus mal partagé d'Europe : trois ans contre un an en Allemagne, six mois au Portugal, seize mois en Suède ; en Islande, souvent donnée en modèle, il est de trois mois pour un parent, trois mois pour l'autre et trois mois en option. Sa longueur a pour conséquence pour les femmes, qui le prennent à 96 %, un éloignement du monde du travail très préjudiciable à leur retour dans l'emploi, à tel point que nous avons dû mettre en place par une convention entre Pôle emploi et les caisses d'allocations familiales un dispositif spécifique un an avant la fin du congé. Nous ne supprimons pas le CLCA, nous le partageons mieux.

Le rapport du Haut Conseil de la famille confirme mon impression : au rythme actuel, nous n'atteindrons pas l'objectif de 275 000 places d'accueil de jeunes enfants - engagement du Président de la République retranscrit dans l'accord avec la CNAF. En 2013, la moitié du chemin seulement a été faite, sans doute parce qu'une année précédant l'élection municipale se prête plus aux inaugurations qu'aux nouveaux chantiers, et qu'il s'agissait de la première année de la convention. Préoccupés par cette tendance, nous suivons une partie des recommandations du HCF pour atteindre les 100 000 places de crèche, 100 000 chez les assistantes maternelles et 75 000 dans l'accueil scolaire des deux-trois ans : aide exceptionnelle à l'investissement pour chaque place de crèche décidée en 2015 par les collectivités locales ; simplification des normes - un groupe de travail a été mis en place entre l'Association des maires de France et la CNAF ; renforcement de l'accompagnement des assistantes maternelles en réseau et augmentation de leur prime à l'installation ; plan métier accueil petite enfance. Nous pouvons raisonnablement compter sur la réalisation de nos objectifs.

Mme Laurence Cohen . - Le groupe CRC avait dénoncé les deux premiers articles de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 diminuant les cotisations salariales et patronales, soit une perte de recettes de 4,5 milliards en 2015 et de 9 milliards en 2016. La compensation devait être intégrale. Comment cela se fera-t-il ?

Je ne soutiens pas les économies sur la branche famille évoquées par Mme Rossignol. Nous nous interrogeons sur les exonérations de 30 milliards d'euros au bénéfice des employeurs - c'est plus que 700 millions - et sur les 25 milliards qui s'évaporent dans la fraude patronale aux cotisations sociales. Cela ne mériterait-il pas votre attention ?

Intégrer au PLFSS des dispositions de la future loi sur la santé avant même son vote n'enferme-t-il pas notre débat dans des considérations techniques, les objectifs de dépenses étant dès lors déjà fixés ? Lors des auditions pour l'examen de notre proposition de loi pour un moratoire sur la fermeture des établissements hospitaliers, j'avais été frappée par les propos de professionnels ou de géographes démontrant que ces fermetures pouvaient occasionner de fortes dépenses, bien loin des économies escomptées : disposerons-nous d'un bilan chiffré ?

Au Brésil, des laboratoires pharmaceutiques publics contrebalancent la toute-puissance des laboratoires privés. Un pôle public du médicament fait-il partie de vos pistes de réflexion ? Enfin, un sondage BVA paru ce matin place la santé en tête des préoccupations des Français ; le mécontentement des usagers et des personnels dans ce domaine prendra la forme d'une grande manifestation jeudi.

M. Jean-Noël Cardoux . - Les économies réalisées en 2014 ont été inférieures aux prévisions, parce que la croissance a été de 0,4 % contre une estimation de 0,8 %. Le nouveau projet de loi est fondé sur une prévision de 1 %, jugée optimiste par les économistes ; cela est-il raisonnable ?

Vous ne souhaitez pas donner d'avantages supplémentaires aux emplois à domicile ; cependant avant l'été, le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale portant de 0,75 euro à 1,50 euro l'abattement de cotisation sur l'heure de travail à domicile, pour compenser la suppression il y a deux ans du calcul sur une base forfaitaire ; mais il a été rejeté en commission mixte paritaire. La politique familiale ne doit pas, a expliqué Mme Rossignol, se limiter à des prestations, mais à un ensemble de dispositions : augmenter l'abattement enclencherait un cercle vertueux parce redynamiser l'emploi à domicile, notamment les gardes d'enfant, ferait passer un bon nombre d'emplois dans l'économie déclarée, d'où une augmentation de la consommation et de nouvelles rentrées de cotisations.

L'une des recettes nouvelles que vous proposez est un prélèvement sur les versements des entreprises de bâtiment aux caisses de congés payés, et non plus sur les indemnités versées par ces dernières aux salariés, pourtant dans la logique des cotisations. Le rapport sur le financement de ces caisses prévu par la loi de financement en 2013 n'est pas paru ; ce nouveau mécanisme pénalisera un système qui fonctionne bien. Prélever des cotisations sur autre chose que des salaires est-il constitutionnel ?

M. Daniel Chasseing . - Madame le ministre...

Mme Catherine Génisson . - La ministre !

M. Daniel Chasseing . - Mesdames les ministres, les personnes âgées qui entrent en Ehpad sont de plus en plus dépendantes : d'une part elles préfèrent rester à domicile le plus longtemps possible, d'autre part le prix de journée peut être élevé. La grille Pathos, qui estime le personnel nécessaire, en témoigne : nous sommes loin du compte en nombre d'infirmières, d'aides-soignantes et d'aides médico-psychologiques. L'effort nécessaire est-il prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans les futures dotations aux départements ?

La mise en place d'un accueil de jour, élément important de l'aide aux aidants, nécessite au moins six pensionnaires, ce qui fait beaucoup en milieu rural ; ne pourrait-on pas baisser ce nombre à trois ou quatre personnes ? Ces dispositifs ne pourraient-ils pas être associés au pôle d'activités et de soins adaptés (Pasa) ?

En Corrèze, où je suis élu, comme ailleurs, une des grandes difficultés à venir sera la diminution catastrophique du nombre de médecins en zone rurale. Certes des Roumains et des Marocains viennent dans nos hôpitaux, parfois dans nos bourgs, souvent pour un temps limité. Ces pays ont pratiqué avec raison une sélection moins drastique qu'ici. Désormais, 70 % des médecins sortis de l'université sont des femmes - l'inverse d'il y a quarante ans. Certaines de ces dames ne souhaitent pas travailler à plein temps pour se consacrer à leur famille...

Mme Catherine Génisson . - Les hommes non plus !

M. Daniel Chasseing . - Entre huit heures du soir et huit heures du matin, et du samedi midi au lundi midi, il n'y a plus de médecin en zone rurale ; le régulateur du Samu envoie une ambulance et fait hospitaliser le patient... En outre, en zone rurale, beaucoup de médecins sont proches de la retraite. Ne pouvons-nous pas desserrer le numerus clausus ?

Mme Françoise Gatel . - La réalisation des 275 000 places de crèches sera difficile : si l'Etat aide les collectivités pour l'investissement, leur fonctionnement, que renchérit la surenchère de normes, reste à leur charge. Si l'objectif n'a pas été atteint, ce n'est pas à cause des élections municipales, mais de la frugalité budgétaire qui s'impose aux collectivités. La CAF, qui se désengage, demande aux intercommunalités de prendre le relais sur l'accueil collectif des assistantes maternelles.

L'âge de majoration des allocations familiales est porté à 16 ans, car cela correspond à l'entrée en lycée ; l'apprentissage ou l'entrée en formation professionnelle aussi coûtent cher.

Il est vrai qu'un congé parental long rend difficile le retour à l'emploi ; néanmoins, la répartition par la loi du congé parental entre le père et la mère, s'il dégage beaucoup d'économies, relève de l'excès de législation. C'est une négation des réalités sociales, professionnelles et familiales ; laissons le libre arbitre aux familles !

Bien des maires s'élèvent contre la désertification médicale. Au-delà de l'aide à l'installation des jeunes médecins, notre pays a besoin d'une ambition plus forte pour garantir l'équité des soins. Les Ehpad connaissent de vraies difficultés de financement : bien de leurs pensionnaires, aux faibles retraites, ne peuvent faire face au coût moyen de 2 000 euros, d'où des impayés. N'attendons pas pour désamorcer cette bombe.

M. Olivier Cadic . - Bien que les non-résidents ne bénéficient pas de la protection sociale française, vous appliquez la CSG sur leurs revenus locatifs et les cessions immobilières. Or l'Union européenne interdit les doubles impositions. La Commission a ouvert une procédure d'infraction - la France avait été condamnée en 2012 pour une CSG sur les OPCVM. Nous attendons dans les jours qui viennent une décision de la Cour de justice de l'Union européenne ; avez-vous provisionné le montant à rembourser en 2015 ? Si oui, quel est-il ? Portant sur trois ans, il pourrait affecter significativement votre objectif de réduction du déficit.

M. Gérard Roche . - Je ne critiquerai pas votre projet : il constitue un exercice extrêmement difficile ; projet après projet, malgré une réflexion intense, vous ne parvenez pas à sortir de la contrainte financière. Notre système de santé, envié par de nombreux pays, se dégrade très vite. Nous ne pourrons pas avancer sans une loi de santé qui pose les principaux problèmes : la permanence des soins n'est plus assurée malgré l'argent public qui y est consacré...

Mme Catherine Génisson . - Tout à fait !

M. Gérard Roche . - La Cour des comptes remarque que les indemnités de garde de nuit des praticiens (150 euros par nuit) coûtent au total 500 millions d'euros. Avec la notion de garde profonde, entre onze heures du soir et six heures du matin, ils ne sont pas obligés de répondre au téléphone. Par ailleurs, les ARS sont très dures avec les hôpitaux, dont la dépense n'est pas supérieure, loin s'en faut, à celle liée à la médecine de ville. Leur personnel est exsangue. Nous avons besoin de plateaux techniques performants : cela n'est pas possible partout. En revanche, les hôpitaux de proximité ont peut-être un rôle à jouer entre la chirurgie ambulatoire, non exempte de risque, et le retour à domicile.

M. Alain Milon, président . - En conclusion de cette série de questions, je voudrais indiquer qu'avec le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, nous avons décidé que notre commission suivrait tout au long de l'année l'exécution de la loi de financement ; c'est pourquoi nous souhaitons convenir avec vous, Madame la Ministre, du principe d'un rendez-vous trimestriel pour examiner le comportement des principales variables macro-économiques qui sous-tendent le texte, l'évolution des recettes et la trajectoire des dépenses, notamment des dépenses sous Ondam. Cette amélioration de notre information nourrirait un dialogue régulier constructif qui doit tous nous mobiliser.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat . - L'objectif de 275 000 places d'accueil ne concerne pas que les crèches, ce qui facilite les choses, notamment pour les collectivités. Nous assistons à une tension sur l'offre de places en Ehpad dans certains territoires, mais surtout sur le reste à charge. J'ai mis en place un groupe de travail sur la tarification ; nous en reparlerons au mois de janvier avec la loi sur le vieillissement. Tant que les comptes publics ne sont pas redressés, nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que nous préparons : 650 millions par an pour la prise en charge du vieillissement à domicile. L'Ondam 2015, j'ai omis de le préciser, consacre en outre 100 millions d'euros pour la médicalisation des Ehpad, ce qui améliorera leur encadrement.

Je note votre soutien à l'exonération des services à la personne ; je suis moins enthousiaste, car cela ne touche pas nos publics prioritaires : personnes âgées dépendantes, assistantes maternelles.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Nous sommes évidemment à votre disposition, monsieur le Président, pour définir un mode de travail en commun sur le suivi des lois de financement.

La compensation des exonérations sera assurée pour l'année 2015 par l'affectation à la sécurité sociale de deux points de prélèvements sociaux sur les revenus du capital et par le transfert à l'Etat des dépenses d'aide au logement à la charge de la branche famille.

Les coopérations entre établissements hospitaliers ne seront efficaces qu'adossées à des projets médicaux. Les groupements hospitaliers de territoire prévoient une mutualisation des fonctions support. Nous n'allons pas créer du jour au lendemain un pôle pharmaceutique public, ni nationaliser des entreprises du secteur. En revanche, il y a de nombreuses synergies : le dispositif de traitement du cancer de la prostate à Lyon voit la recherche publique - l'Inserm - appuyée par des essais en milieu hospitalier public, et développée en lien avec une entreprise privée. L'enjeu n'est pas de savoir qui produit, mais d'évaluer, de donner force à la recherche, et de vérifier les prix. L'année 2015 sera celle de la négociation.

Le Conseil d'Etat n'a relevé aucun problème de constitutionnalité concernant les prélèvements sur les versements aux caisses de congés payés. Les cotisations des entreprises sont considérées comme représentatives des indemnités afférentes. Cette recette d'1,5 milliard d'euros ne pèse ni sur les ménages ni sur les entreprises.

La CSG des non-résidents ne constitue pas, selon nous, une double imposition, puisque les revenus assujettis en France ne le sont pas dans le pays du propriétaire ; les décisions européennes précédentes concernent les revenus d'activité, et non du capital. Nous sommes sereins.

Il y a en France plus de médecins par habitants qu'il y a vingt ans. Il ne s'agit donc pas de former davantage de médecins, mais de les envoyer au bon endroit. Vous pouvez doubler ou tripler le numerus clausus ; si les jeunes médecins vont tous s'installer rue Nationale à Tours, cela ne résout pas le problème du sud de l'Indre-et-Loire. C'est pourquoi j'ai lancé le pacte territoire santé. La féminisation n'explique pas l'installation sélective des médecins : c'est un phénomène de société plus général.

Mme Catherine Génisson . - Bien sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre . - Les jeunes gens qui dirigent les syndicats d'internes considèrent comme prioritaires les questions du temps de travail, de la récupération des gardes et de la qualité de la vie. Je constate, sans porter de jugement, une évolution du rapport au temps de travail qui va au-delà de cette profession.

J'ai pris des mesures prenant en compte les congés de maternité pour l'installation de jeunes médecins dans les territoires ruraux : c'est cette mesure qui est relevée par jeunes concernés, 200 en 2013 comme en 2014, avec une extension future aux spécialistes. Les jeunes ne veulent plus travailler isolément. Les conditions d'exercice sont importantes, au moins autant que les conditions financières. Le temps où il y avait un médecin par village est derrière nous : promouvons donc des pôles de santé dans les territoires, une coopération entre professionnels et avec l'hôpital. L'enjeu de la loi santé est de développer ces liens entre ambulatoire et hôpital.

M. Alain Milon, président . - Nous vous remercions, mesdames les Ministres, d'avoir consacré ce temps à répondre à nos questions.

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