II. 2014, ANNÉE DE RENONCEMENT AUX OBJECTIFS BUDGÉTAIRES

L'année 2014 a été marquée par le renoncement du Gouvernement aux objectifs budgétaires qu'il s'était fixé au cours des premiers mois de la présente législature . Ce renoncement a été confirmé par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 62 ( * ) . Celui-ci prévoit, en effet, le report du retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB de 2015 à 2017 , en contradiction avec les engagements pris par la France dans le cadre de la procédure de déficit excessif (PDE) 63 ( * ) .

De même, l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, arrêté en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), est significativement modifié . Alors que, conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, l'équilibre structurel devait être atteint en 2016, le nouvel OMT correspond à un solde structurel de - 0,4 % du PIB en 2019. Ainsi que l'avait relevé votre rapporteur général, cette nouvelle trajectoire des finances publiques conduit à faire reposer près de la moitié des efforts budgétaires nécessaires à l'atteinte de l'objectif à moyen terme (OMT) - pourtant moins ambitieux que le précédent - sur la prochaine législature 64 ( * ) .

En tout état de cause, les renoncements du Gouvernement en matière budgétaire sont largement imputables aux écarts apparus, au cours des deux dernières années, entre les orientations pluriannuelles des finances publiques et la réalisation . À cet égard, dans un avis publié en mai dernier 65 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a constaté, au titre de l'exercice 2013, l'existence d'un « écart important » 66 ( * ) entre le solde structurel observé et les cibles arrêtées par la loi de programmation 2012-2017. Ceci avait conduit, en application de l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 67 ( * ) , au déclenchement du « mécanisme de correction » 68 ( * ) ; sur ce point, l'article 5 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit que les mesures de correction proposées par le Gouvernement « permettent de retourner à la trajectoire de solde structurel [...] dans un délai de deux ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle les écarts ont été constatés » 69 ( * ) . Pour autant, le Gouvernement n'a aucunement engagé de correction de l'écart apparu avec la trajectoire de solde structurel, comme le prévoyait le « mécanisme de correction » et contrairement aux engagements pris dans la loi de finances initiale pour 2014 .

A. L'ABSENCE DE CORRECTION DE L'« ÉCART IMPORTANT » À LA TRAJECTOIRE DE SOLDE STRUCTUREL EN 2014

En application de l'article 23 de la loi organique précitée, le « Gouvernement tient compte d'un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l'année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année » ; par suite, en principe, les mesures tendant à corriger l'écart constaté au titre de l'exercice 2013 auraient dû trouver leur place dans les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2015. Néanmoins, le Gouvernement avait, semble-t-il, « anticipé » cette correction , projetant un ajustement structurel de 0,9 point de PIB en 2014 dans le cadre de la loi de finances pour 2014, supérieur à celui prévu par la programmation 2012-2017 (0,6 point de PIB). De même, dans la première loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement avait réaffirmé sa volonté de procéder à la correction de l'« écart important » apparu en 2013.

Graphique n° 13 : L'évolution du solde structurel avec les hypothèses
de la LPFP 2012-2017

(en points de PIB)

Note de lecture : le solde structurel et l'ajustement structurel sont calculés à partir des hypothèses de PIB potentiel et de croissance potentielle retenues dans le cadre de la LPFP 2012-2017, ainsi qu'en application de l'ancien système de comptes nationaux (« SEC 95 ») qui s'appliquait lors de l'adoption de cette dernière. En effet, les hypothèses de PIB potentiel et de croissance potentielle ont été modifiées par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le nouveau système de comptes nationaux dit « SEC 2010 » est désormais en vigueur ; ce sont ces hypothèses qui sont retenues dans le présent projet de loi de finances rectificative.

* Pour l'exercice 2015, le solde structurel et l'ajustement structurel correspondent à la prévision retenue par le Gouvernement.

** Au titre de l'exercice 2013, le Gouvernement a révisé l'estimation du solde structurel de - 3,1 % du PIB, retenue dans la loi de règlement pour 2013, à - 3,0 %, ce qui explique la minoration de l'écart constaté au titre de cette année de 0,1 point de PIB.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

Malgré tout, force est de constater que le Gouvernement n'a nullement engagé une correction de l'écart à la trajectoire de solde structurel comme il s'y était engagé . Selon les données gouvernementales les plus récentes, le solde structurel s'élevait à - 3,0 % du PIB en 2013 70 ( * ) , révélant à un écart de - 1,4 point de PIB avec les orientations 2012-2017. En retenant les mêmes hypothèses que celles sur lesquelles se fonde la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 71 ( * ) , il apparaît que cet écart demeure inchangé en 2014 , le solde structurel s'élevant à - 2,5 % du PIB, contre un objectif de - 1,1 % du PIB. Comme le fait apparaître le graphique ci-avant, un constat identique peut être fait s'agissant de l'année 2015 .

En réalité, comme l'a souligné le président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, lors de son audition par la commission des finances du 15 octobre 2014, la « correction du Gouvernement consiste en une nouvelle loi de programmation » 72 ( * ) . Ce dernier a proposé, en quelque sorte, de faire table rase du passé et des écarts constatés jusqu'à présent avec une nouvelle loi de programmation des finances publiques, qui abroge les orientations fixées par la loi de programmation 2012-2017.

Graphique n° 14 : L'article liminaire du PLFR pour 2014 et les trajectoires de solde structurel de la LPFP 2012-2017 et du PLPFP 2014-2019

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Aussi, par construction, l'article liminaire du présent projet de loi fait-il apparaître une prévision de solde structurel pour l'année 2014 conforme à la trajectoire fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (cf. graphique ci-avant).


* 62 Cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit.

* 63 La conformité de la nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques proposée par le Gouvernement aux engagements européens de la France est examinée dans les rapports de la commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et sur le projet de loi de finances pour 2015 (cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. , p. 46-56 et rapport n° 108 (2014-2015), op. cit. , p. 29-37).

* 64 Dans son rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, votre rapporteur général a souligné que l'atteinte du nouvel objectif à moyen terme reposait, en creux, sur la réalisation de près de 40 milliards d'euros d'économies en 2018 et 2019, seulement « évoquées » par le Gouvernement (cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. , p. 58).

* 65 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-02 du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013.

* 66 L'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 67 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 68 Les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de correction font l'objet d'un examen approfondi dans le rapport n° 716 (2013-2014) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 69 Cette disposition est maintenue par l'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 70 Il convient, toutefois, de rappeler que le solde structurel au titre de l'exercice 2013 était estimé à
- 3,1 % du PIB dans la loi de règlement pour 2013.

* 71 Dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, il a été procédé à une révision significative des hypothèses de PIB potentiel et de croissance potentielle de la France. De même, le Gouvernement a dû tenir compte de l'évolution du système de comptes nationaux, avec le passage du « SEC 95 » au « SEC 2010 ». Ces différents éléments font l'objet d'un examen approfondi dans le rapport de la commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques (cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. ).

* 72 Audition de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis rendu par le Haut Conseil sur le projet de loi de finances sur 2015 et sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le 15 octobre 2014 par la commission des finances du Sénat.

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