EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 25 mars 2015, sous la président de Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Antoine Lefèvre et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi n° 269 (2014-2015) visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur . - La commission des finances a été saisie de la proposition de loi visant à la prise en comptes des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. Celle-ci a été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 29 janvier dernier, à l'initiative d'Eva Sas et de plusieurs de ses collègues du groupe écologiste. Cette proposition de loi fait suite à une proposition de loi organique portant modification de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques visant à la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse, également déposée par le groupe écologiste de l'Assemblée nationale. Toutefois, cette dernière initiative, après avoir été rejetée par la commission des lois, avait été retirée par ses auteurs, le recours à un texte de nature organique ayant été jugé peu opportun par nos collègues députés.

Quoi qu'il en soit, la proposition de loi dont nous sommes saisis vise à ce que le Gouvernement remette annuellement au Parlement, le premier mardi d'octobre, un rapport « présentant l'évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable » ; de même, elle prévoit une évaluation des politiques publiques engagées et à venir sur la base de ces nouveaux indicateurs de richesse. Enfin, la proposition de loi dispose que « ce rapport peut faire l'objet d'un débat devant le Parlement ».

Force est de constater que la proposition de loi répond à une véritable préoccupation. En effet, elle tend à ce que soient pris en compte de nouveaux indicateurs de richesse venant compléter, sans le remplacer, le produit intérieur brut (PIB) dont les limites sont connues de tous. Le PIB constitue indéniablement une mesure utile de l'évolution des performances économiques, puisqu'elle n'est pas sans lien avec le bien-être des individus, dès lors qu'elle influe, par exemple, sur le niveau de chômage, et qu'elle permet aux autorités publiques d'adapter leurs politiques en conséquence ; pour autant, cet indicateur ne permet pas d'appréhender la « qualité » de la croissance, ou encore sa « soutenabilité ». En particulier, en application du principe d'« objectivation » des comptes, le PIB ne distingue pas les activités ayant une incidence positive et celles ayant un impact négatif sur le bien-être des individus ; à titre d'exemple, le trafic de stupéfiants est comptabilisé comme toute autre activité de nature commerciale.

Cette « limite » du PIB a été perçue dès l'origine, notamment par l'économiste Simon Kuznets, qui est considéré comme le père de la comptabilité nationale. Dans ces conditions, de nombreuses initiatives se sont succédées pour étendre ou compléter le PIB, dont je ne citerai que les principales : l'indice de développement humain (IDH), développé dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au début des années 1990, la mesure du bien-être économique, conçue par William Nordhaus et James Tobin, au cours des années 1970, l'indicateur de santé sociale (ISS), ou encore l'empreinte écologique.

À quelques exceptions près, les indicateurs de richesse apparus dans la seconde moitié du XX e siècle n'ont connu qu'un succès limité, conservant une visibilité bien moindre que le PIB. Néanmoins, la crise économique et financière a remis à l'ordre du jour les interrogations sur la finalité de la croissance, relançant, par la même occasion, les réflexions relatives aux nouveaux indicateurs de richesse.

À cet égard, il convient de citer les initiatives prises par les organisations internationales et européennes. Ainsi, quelques mois avant la crise, soit en juin 2007, l'OCDE organisait un forum intitulé « Mesurer et favoriser le progrès des sociétés ». La déclaration d'Istanbul qui en a résulté a relevé « un consensus émergeant sur la nécessité de procéder à une mesure du progrès social dans chaque pays, allant au-delà des mesures économiques conventionnelles comme le PIB par tête » et appelé à ce que des mesures concrètes soient prises afin de favoriser le développement et la diffusion de mesures nouvelles du « progrès social ».

Continuant dans cette voie, l'OCDE a engagé, sur le fondement des travaux menés dans le cadre de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, mise en place par le Président de la République Nicolas Sarkozy et conduite par Joseph Stiglitz, l'initiative « Vivre mieux ». Cette initiative a reposé sur la publication d'un rapport sur la mesure du bien-être et le lancement d'un outil interactif en ligne, qui permet à chacun de créer son propre indicateur du « mieux vivre » ; en outre, à intervalles réguliers, l'OCDE publie sous forme de rapports et sur Internet, pour chacun des pays membres, une évaluation des différentes dimensions retenues pour mesurer le bien-être des populations.

En 2009, la Commission européenne a, elle aussi, publié une communication ayant pour titre « Le PIB et au-delà. Mesurer le progrès dans un monde en mutation », dans laquelle elle identifie cinq actions à réaliser à court et moyen termes, tendant notamment à l'ajout d'indicateurs environnementaux et sociaux au PIB, à une précision accrue des rapports sur la distribution et les inégalités et au développement d'un tableau de bord européen du développement durable.

À ces initiatives internationales et européennes s'ajoutent les mesures prises au niveau national. À ce titre, je souhaiterais citer l'exemple britannique. L'institut de statistiques du Royaume-Uni a lancé, à la fin de l'année 2010, un « programme de mesure du bien-être national » qui a débuté par un vaste débat à l'échelle du pays, faisant appel à des experts et à des contributions citoyennes - 30 000 réponses ayant alors été récoltées par l'office statistique. Dans ce cadre, des indicateurs du bien-être ont été identifiés et font, depuis lors, l'objet d'une attention accrue dans les analyses de l'institut de statistiques.

La France est, sans aucun doute, l'un des pays où les travaux menés sur les nouveaux indicateurs de richesse ont été les plus nombreux au cours des années récentes. Ainsi, en 2005, le Conseil national de l'information statistique (CNIS) a mis en place un groupe de travail sur le niveau de vie et les inégalités sociales, dont les conclusions accordent une large place aux indicateurs sociaux. De même, saisi par le Premier ministre du projet de stratégie nationale de développement durable (SNDD) pour la période 2009-2013, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu un avis en novembre 2009, présenté par Philippe Le Clézio, considérant que la diffusion régulière d'indicateurs de développement durable constituait la voie privilégiée de l'appropriation de cette stratégie.

Comme je l'indiquais précédemment, une Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social a été mise en place par le Président de la République Nicolas Sarkozy ; conduite par Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, celle-ci a rendu son rapport en septembre 2009. Ses conclusions ont eu une influence déterminante sur les travaux relatifs aux nouveaux indicateurs de richesse menés par les organisations internationales, mais aussi par l'Insee et le Commissariat général au développement durable.

S'inspirant aussi du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, l'Association des régions de France (ARF) a créé en 2012 trois déclinaisons régionales d'indicateurs de richesse jusqu'alors réservés aux États - l'indice de développement humain (IDH), l'indicateur de santé sociale (ISS) et l'empreinte écologique -, de même que 22 indicateurs de contexte de développement durable.

En outre, dans son rapport « Quelle France dans dix ans ? Les chantiers de la décennie », rendu public en juin 2014, France Stratégie appelle à « associer au PIB un petit nombre d'indicateurs de la qualité de la croissance pouvant faire l'objet d'un suivi annuel ». En septembre 2014, France stratégie a publié une note d'analyse dans laquelle elle propose sept indicateurs susceptibles d'accompagner le PIB dans un tableau de bord de la qualité de la croissance française.

Plus récemment, sous l'égide du Conseil économique, social et environnemental (CESE), en collaboration avec France Stratégie, des travaux ont été engagés afin de développer un tableau de bord d'indicateurs venant compléter le PIB. Ces travaux sont encore en cours et devraient s'achever, après la consultation d'experts et de panels de citoyens, au mois de septembre de cette année.

Il apparaît donc que les nouveaux indicateurs de richesse ne manquent pas. Toutefois, ces derniers ont pour principal faiblesse de présenter une visibilité limitée et ne sont, par conséquent, pas en mesure de « modifier » la perception qu'ont les acteurs publics et les citoyens des politiques qui sont menées. Aussi, la finalité de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est de renforcer la saillance de ces nouveaux indicateurs de richesse et de prévoir que ces derniers soient régulièrement actualisés et suivis.

Ces nouveaux indicateurs de richesse permettraient de compléter utilement le PIB, dont j'ai rappelé brièvement les lacunes. Néanmoins, dans sa version transmise au Sénat, il me semble que la proposition de loi présente des caractéristiques de nature à en limiter l'efficacité.

Tout d'abord, la transmission d'un rapport relatif aux nouveaux indicateurs de richesse au Parlement « le premier mardi d'octobre », soit concomitamment au dépôt du projet de loi de finances de l'année, conduit à associer étroitement l'examen de ce rapport aux débats budgétaires ; pourtant, en dépit de leur « visibilité », ces débats présentent un périmètre relativement étroit, alors même que la proposition de loi a pour ambition d'appréhender l'ensemble des politiques publiques et des réformes menées. En outre, une transmission si tardive du rapport limiterait la pleine prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans l'élaboration des réformes qui seront, le cas échéant, proposées au cours de la session parlementaire concernée.

Dans ces conditions, je vous suggérerai d'avancer la date de remise du rapport au 1 er juin de chaque année. De cette manière, celui-ci pourrait être utilisé à l'occasion du projet de loi de règlement du budget de l'exercice écoulé, du débat d'orientation des finances publiques (DOFP), de même que de la réception des recommandations de la Commission et du Conseil de l'Union européenne sur le programme de stabilité et le programme national de réforme français. Ces trois étapes exercent, en effet, une influence forte sur les lois financières et les réformes appelées à être examinées lors de la session parlementaire à venir.

Ensuite, tout en conservant « ouverte » la liste des nouveaux indicateurs de richesse qui pourront être retenus par le Gouvernement, je pense que la proposition de loi devrait être modifiée afin d'y faire figurer les domaines qui, de par leur importance au regard de la « qualité » et de la « soutenabilité » de la croissance économique, sont susceptibles de répondre à de réelles préoccupations des citoyens et, donc, de devenir des éléments essentiels du débat public. Par ailleurs, il me semble qu'il devrait être précisé que les indicateurs qui seront retenus devront nécessairement reposer sur des données objectives et quantifiables ; en effet, le recours à des indicateurs exclusivement subjectifs serait de nature à nuire à la légitimité et au caractère opérationnel de la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse.

Afin de rester fidèle à l'objectif de la proposition de loi, consistant à la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, je considère que le principe d'une évaluation rétrospective des principales réformes engagées sur la base des nouveaux indicateurs de richesse devrait être maintenu. À l'inverse, une évaluation à partir de ces indicateurs des réformes futures me paraît particulièrement difficile à mettre en oeuvre ; c'est pourquoi, je considère qu'il serait préférable de privilégier l'introduction de ces nouveaux indicateurs de richesse dans le cadre des études d'impact qui doivent accompagner les projets de loi, permettant une analyse plus « fine » des incidences des différents dispositifs législatifs proposés. À cet égard, le représentant de France Stratégie que j'ai entendu m'a indiqué que des travaux avaient été engagés sur ce point précis.

Enfin, le principe d'un débat devant le Parlement sur le rapport transmis me semble devoir être également préservé. Si une telle mention n'est pas utile dans le cadre de la présente proposition de loi, dès lors qu'il est loisible aux assemblées, en application de la Constitution et de leurs règlements, d'organiser des débats à tout moment, il n'en demeure pas moins qu'elle permet de souligner l'importance qui devrait être accordée à un tel rapport.

Pour clore mon propos, eu égard aux limites identifiées de la proposition de loi, j'ai suggéré des modifications qui figurent dans l'amendement qui vous a été distribué.

Toutefois, une modification de la proposition de loi conduirait à prolonger significativement la « navette », ce qui pourrait être regrettable dans la mesure où les objectifs de cette initiative sont partagés par tous. Par conséquent, faut-il ou non modifier cette proposition de loi ; je m'en remets à votre sagesse.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Encore un rapport ! Je ne suis pas, à titre personnel, favorable à une proposition de loi dont l'unique objet est de prévoir la remise d'un rapport au Parlement. Pour autant, la question abordée est intéressante. Faut-il compléter le PIB d'autres indicateurs de richesse ? Pourquoi pas. Toutefois, j'émettrai deux réserves sur le dispositif qui nous est proposé. Tout d'abord, les indicateurs demandés par la proposition de loi ne permettent pas de faire des comparaisons internationales - au moins au niveau de l'Union européenne ou de l'OCDE -, ce qui serait néanmoins utile. Ensuite, il est absolument nécessaire que les indicateurs retenus reposent sur des données objectives et quantifiables, et non sur des données subjectives - tel est d'ailleurs le sens de l'amendement proposé par le rapporteur. Or, les « pistes » d'indicateurs suggérées par la proposition de loi interrogent ; comment quantifier la qualité de vie ? Dans ces conditions, je ne peux souscrire à la proposition de loi qui nous est soumise ; sa rédaction actuelle demeure trop vague et peu opérationnelle. Pour finir, j'estime que la date de remise du rapport prévue par la proposition de loi est trop tardive, en particulier en ce qui concerne la préparation de l'examen du projet de loi de finances de l'année.

M. Roger Karoutchi . - Je ne voterai ni la proposition de loi, ni l'amendement qui nous est suggéré. Un travail a été engagé sous la conduite de notre collègue Alain Richard et de moi-même afin de réformer et de clarifier le travail parlementaire. Dans ce cadre, un consensus s'est établi en faveur d'un renforcement du travail législatif - qui passe par un plus grand respect des frontières entre les domaines législatif et réglementaire. Le dispositif prévu par la proposition de loi relève, au mieux, du travail de l'Insee ou encore de l'Institut national d'études démographiques (Ined). Je propose, quant à moi, de faire comme le Bhoutan et de nous doter d'un indicateur de Bonheur national brut dont l'évolution serait commentée chaque année par le Gouvernement dans un rapport ! Je pense que tout cela n'a aucun sens... Il est important que le Parlement se concentre sur les tâches qui sont les siennes.

Comme l'a noté le rapporteur, il existe un risque que le rapport prévu par la proposition de loi comporte des indicateurs subjectifs, difficilement quantifiables. Au moins l'amendement proposé par celui-ci permettrait une amélioration du dispositif.

M. André Gattolin . - Je pense que l'exposé du rapporteur était de nature à convaincre Roger Karoutchi de l'importance des questions abordées par la proposition de loi - ce que soulignent, d'ailleurs, les travaux engagés à l'initiative du Président de la République Nicolas Sarkozy dans le cadre de la « Commission Stiglitz ». Il ne s'agit aucunement d'« inventer » de nouveaux indicateurs ! Il existe déjà, dans les annexes au projet de loi de finances de l'année, des indicateurs de développement durable reposant sur des données quantifiées. Toutefois, ces derniers ne sont ni présentés de manière synthétiques ni hiérarchisés. L'objectif est seulement de créer un document plus bref et ramassé que ceux qui existent aujourd'hui, comportant des indicateurs quantifiés mais dont la liste n'a pas été arrêtée, notamment afin de laisser prospérer l'initiative du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et de France Stratégie, tendant à la mise en place d'un tableau de bord d'indicateurs complémentaires au PIB dont les limites sont connues de tous. La date de remise du rapport prévue par la proposition de loi, fixée au premier mardi d'octobre, vise, d'une part, à ne pas entrer en concurrence avec cette initiative et, d'autre part, à donner de la « visibilité » aux indicateurs qui seront retenus. Par ailleurs, il me semble que certaines données utiles à l'établissement de ces indicateurs, en particulier les statistiques relatives à l'éducation, seraient difficiles à produire et à analyser avant la date proposée. Il fait peu de doute que la rédaction de la proposition de loi est perfectible, notamment en raison du fait qu'elle résulte d'un compromis intervenu à l'Assemblée nationale ; toutefois, il ne s'agit pas de « faire la loi », mais seulement de prévoir la remise d'un rapport. En outre, le groupe écologiste de l'Assemblée nationale ne dispose que d'un seul « espace réservé » par an ; par conséquent, une modification de la proposition de loi au Sénat conduirait à ce que son adoption définitive soit reportée d'une année au moins. C'est pourquoi je pense qu'il est nécessaire que notre assemblée adopte la proposition de loi en l'état.

M. Michel Bouvard . - Faut-il un débat au Parlement sur le rapport prévu par la proposition de loi ? Il me semble que les temps de débats dans les assemblées doivent, avant tout, être consacrés à des sujets concrets. J'ai, quant à moi, contribué il y a quelques années à ce que la possibilité d'un débat en séance sur le rapport annuel de la Cour des comptes soit inscrite dans la loi organique relative aux lois de finances ; un tel débat me paraîtrait plus utile qu'une discussion sur de nouveaux indicateurs de richesse, qui présente une utilité opérationnelle moindre.

Si l'on souhaite développer de nouveaux indicateurs, encore faudrait-il s'interroger sur leur finalité. S'il s'agit de modifier les critères de distribution des fonds de cohésion européens, ou encore de modifier la répartition des contributions nationales au budget de l'Union européenne, l'initiative que nous examinons aujourd'hui intervient soit trop tard, par rapport au vote du cadre financier pluriannuel 2014-2020, soit trop tôt, par rapport au prochain cadre financier pluriannuel. S'il s'agit d'influer sur l'attribution des crédits dans le cadre le cadre des contrats de plan État-région (CPER) ou sur les dispositifs de péréquation, il est nécessaire que les informations figurant dans le rapport soient beaucoup plus précises que celles demandées par la proposition de loi.

Il est essentiel que la dimension opérationnelle des indicateurs dont nous nous dotons soit sans cesse examinée ; telle était la démarche retenue lors de l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Marc Laménie . - Je me montre réservé quant à l'adoption d'une proposition de loi dont l'objet est, encore, de demander la remise d'un rapport au Parlement. Les rapports dont nous disposons sont déjà nombreux. Dès lors, je ne suis pas convaincu de la pertinence d'une telle initiative, alors même que la priorité est aujourd'hui donnée à la simplification. Malgré cela, je souligne l'intérêt de l'amendement proposé par le rapporteur.

M. Philippe Adnot . - Pas plus que Roger Karoutchi, je ne voterai la proposition de loi et l'amendement déposé par le rapporteur. Au lendemain d'un premier tour des élections départementales qui me semble révélateur des évolutions politiques de notre pays, il me paraît peu opportun de saisir le Parlement d'une question qui ne constitue en rien une préoccupation des citoyens. N'avons-nous rien appris ? Alors que le taux de chômage est élevé, que les difficultés économiques se multiplient, nous nous préoccuperions de nouveaux indicateurs de richesse ? Je pense que cette proposition de loi doit être écartée au plus vite.

M. Jacques Genest . - Selon moi, l'examen de cette proposition de loi constitue une perte de temps pour le Parlement. Les citoyens sont las de constater que leurs élus se préoccupent insuffisamment de leurs problèmes véritables. Le vote des électeurs représente indubitablement le meilleur indicateur qui soit ! Des rapports sont produits continuellement sans rien changer à la situation de notre pays. Aussi voterai-je contre cette proposition de loi et contre l'amendement du rapporteur.

Mme Michèle André , présidente . - Je rappelle, à toutes fins utiles, que la proposition de loi sera examinée en séance car la Conférence des présidents en a décidé ainsi.

M. Maurice Vincent . - Le rapport livré par Antoine Lefèvre était à la fois mesuré et détaillé. Il a dressé un état des lieux des débats relatifs aux nouveaux indicateurs de richesse exhaustif, tout en s'attachant à éviter les caricatures. Quels sont les apports de la proposition de loi que nous examinons ? Elle crée un temps de discussion, au moment de l'examen du budget, consacré à ces nouveaux indicateurs - dont je tiens à souligner que la liste n'a aucunement été arrêtée. Il s'agit, lors des débats budgétaires, de tenir compte d'indicateurs qui viennent seulement compléter le PIB sans le remettre en cause. Aussi, une telle proposition me paraît être des plus raisonnables.

Je note, d'ailleurs, un paradoxe ; alors que la recherche française montre une certaine avance dans le développement de nouveaux indicateurs de richesse, c'est essentiellement dans les autres pays que ces indicateurs sont mis en oeuvre.

Eu égard à l'utilité de la démarche suggérée par la proposition de loi, je considère que nous devrions l'adopter sans modification.

M. Alain Houpert . - Je souhaiterais partager avec vous une citation du général de Gaulle, datée du 25 septembre 1963 : « L'essentiel pour moi, ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte, c'est ce que veut le pays. J'ai conscience de l'avoir discerné depuis vingt-cinq ans. Je suis résolu, puisque j'en ai encore la force, à continuer de le faire ». Il me semble qu'avec cette proposition de loi nous ne faisons guère mieux que créer un nouveau comité Théodule ! Le Gouvernement a-t-il encore, à ce jour, la capacité d'avancer, de réformer ? A-t-il pris la pleine mesure du message envoyé par les urnes dimanche dernier ?

Mme Marie-France Beaufils . - J'appuie la demande d'André Gattolin tendant à ce que la proposition de loi soit adoptée par notre commission sans modification. Je souhaiterais rappeler à mes collègues que je les ai souvent entendus se plaindre de l'insuffisance des informations et des données qui étaient mises à leur disposition. L'initiative qui nous est soumise, dès lors qu'elle prévoit d'inscrire dans un même rapport des éléments sur l'évolution de nouveaux indicateurs de richesse ainsi que des éléments d'évaluation des réformes engagées, institue un outil qui nous serait utile.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur . - En réponse aux différentes interventions et, en particulier, à celles des membres de mon groupe, je tiens à souligner qu'en tant qu'élu de l'Aisne, je fais sans doute partie de ceux qui ont le plus clairement entendu la révolte qui s'est exprimée dimanche dernier. Pour autant, il me semble que la commission des finances est parfaitement légitime à discuter d'un sujet qui me paraît important, à savoir les nouveaux indicateurs de richesse.

En tout état de cause, l'examen de cette proposition de loi intervient dans le cadre des « espaces réservés » accordés aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires par le règlement de notre assemblée, qui sont donc en droit d'attendre que leurs initiatives soient traitées avec autant d'égards que les autres projets et propositions de loi.

Il est vrai que les documents et rapports qui nous sont transmis sont nombreux ; les Français attendent aujourd'hui que nous en fassions quelque chose et c'est la raison pour laquelle l'organisation d'un débat sur les nouveaux indicateurs de richesse me paraît de nature à inspirer le travail du législateur.

Eu égard aux contraintes inhérentes à l'inscription, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, des textes à l'initiative des groupes d'opposition et aux groupes minoritaires, je retirerai mon amendement à la proposition de loi afin de ne pas retarder plus que de raison l'adoption définitive de celle-ci, tout en appelant notre commission à se prononcer favorablement sur ce texte.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Dans ces conditions, je m'abstiendrai car j'aurais, à titre personnel, voté en faveur de l'amendement du rapporteur.

La proposition de loi a été adoptée sans modification.

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