II. UN TEXTE AMPLEMENT REMANIÉ ET COMPLÉTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE MAIS INTÉGRANT PLUSIEURS DES APPORTS DU SÉNAT

Dans toutes ses composantes, le projet voté par les députés rétablit partiellement le texte initial tout en intégrant certaines préoccupations exprimées par la Haute Assemblée.

Il comporte cependant plusieurs dispositions de principe rejetées en leur temps par le Sénat.

A. DES OBJECTIFS COMMUNS AVEC LE SÉNAT, DES DIVERGENCES SUR LES INSTRUMENTS

La répartition des compétences entre département et région traduit des visions nuancées entre les deux chambres.

1. La préservation de certaines compétences aux départements

La position de l'Assemblée nationale sur la répartition qu'elle jugeait optimale entre les départements et les régions a connu quelques vicissitudes entre la commission des lois et la séance publique. Alors que la commission avait rétabli la plupart des transferts de compétences départementales aux régions, l'Assemblée nationale, en séance publique, a finalement rejoint sur plusieurs points la position défendue par le Sénat.

Ainsi, comme le Gouvernement s'y était engagé devant la Haute Assemblée, elle a conservé au niveau départemental la gestion des collèges, tout en rappelant la faculté des régions et des départements à conclure des conventions de mutualisation de services entre collèges et lycées ( article 12 ).

S'agissant des routes, l'Assemblée nationale a également maintenu aux départements la gestion de la voirie actuellement de la compétence des conseils départementaux. Elle a retenu néanmoins une participation des régions au financement des voies et axes routiers d'intérêt régional en raison de leurs caractéristiques, et définis comme tels au sein du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) ( article 9 ).

Les députés ont adopté la suppression de la clause de compétence générale des départements, prévue à l' article 24 , et limité le champ de la solidarité territoriale tout en précisant la faculté des conseils départementaux à venir en appui des communes et des EPCI à fiscalité propre. Elle a également autorisé les départements, dans le cadre d'une convention avec la région, en complément ou avec l'accord de cette dernière, à participer au financement d'aides en faveur d'une filière ou d'une entreprise agricole, forestière ou de pêche sous forme de subventions.

L' article 23, qui modifie le mécanisme de transfert de compétences départementales aux métropoles institué par la loi « MAPTAM », a été rétabli selon l'équilibre initialement proposé par le Gouvernement sous réserve de quelques ajustements des champs inclus dans le dispositif.

2. Une même volonté de renforcer les compétences régionales

L'Assemblée nationale, à l'instar du Sénat, a supprimé la clause de compétence générale des régions ( article 1 er ) mais a renforcé la compétence règlementaire de ces dernières : sous réserve du pouvoir réglementaire général du Premier ministre, la région pourrait adapter toute mesure législative relevant de ses compétences dès lors que la mesure concernée ne renverrait pas à l'édiction d'un décret en Conseil d'État ou alors en complément de ce dernier. Par ailleurs, pour renforcer la capacité de proposition de modifications législatives ou règlementaires des régions, l'Assemblée nationale a adopté le principe selon lequel le silence de l'État, à l'issue d'un délai de douze mois, vaudrait acceptation d'une demande de modification ou d'adaptation d'une disposition législative ou règlementaire.

En revanche, les deux assemblées s'opposent sur la gestion des transports scolaires.

L'Assemblée nationale a rétabli leur transfert à la région, tout en prévoyant la faculté d'en déléguer la gestion à un autre échelon local, à compter du 1 er janvier 2017 ( article 8 ). Il en est de même de la gestion des transports à la demande, que le Sénat avait conservé au niveau départemental. En revanche, elle a conservé la compétence des départements pour le transport des élèves handicapés vers les établissements scolaires.

Dans l'objectif de renforcer la compétence des régions en matière de transports, l'Assemblée nationale a adopté le transfert à ces dernières des lignes capillaires fret ( article 8 bis A ), les infrastructures de transports non urbains de personnes ferrés ou guidés exploitées par les départements ( article 8 bis ).

À l'initiative du Gouvernement, elle a modifié le dispositif adopté par le Sénat pour attribuer aux régions de nouvelles responsabilités en matière d'emploi sans substantiellement modifier en réalité le fond du droit en vigueur ( article 3 bis ). La région ne pourrait que participer, auprès de l'État, à ces missions, ce qui est déjà le cas en l'état de la législation.

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a toutefois prévu que l'État pourrait déléguer à la région la mission de coordonner les acteurs du service public de l'emploi sur son territoire ( article 3 ter ). Il ne s'agirait pas d'un transfert de compétence, comme le Sénat l'avait voté en première lecture, mais d'une simple délégation, à la discrétion de l'État. Une telle disposition est, selon vos rapporteurs, beaucoup moins ambitieuse en matière de décentralisation, alors que l'emploi semble le complément naturel des compétences régionales en matière de formation professionnelle et de développement économique.

L'Assemblée nationale a rétabli la possibilité pour les communes et leurs groupements de participer au financement des dispositifs d'aides aux entreprises mis en place par la région, alors que le Sénat, dans un souci de clarification, avait supprimé ces financements croisés ( article 3 ). Elle a conservé, par ailleurs, l'équilibre du texte adopté par le Sénat, en particulier en ce qui concerne le soutien de la région et de la métropole aux pôles de compétitivité.

3. Une approche différente en matière de compétences partagées

S'agissant de l'exercice de la compétence partagée en matière de tourisme ( article 4 ), si l'Assemblée nationale a approuvé les dispositions adoptées par le Sénat en matière de schéma de développement touristique ainsi que ses modalités d'élaboration associant, notamment, les régions et les départements, elle a néanmoins rétabli, à l'initiative du Gouvernement, le chef de filat régional en la matière.

L'Assemblée nationale n'a pas retenu la coopération internationale et l'action extérieure au sein des compétences reconnues comme étant partagées par l'ensemble des échelons locaux ( article 28 ) et leur a préféré la promotion des langues régionales et l'éducation populaire.

4. Des divergences sur les procédures d'élaboration des schémas régionaux opposables

De nombreuses modifications ont été apportées par l'Assemblée nationale à la procédure d'élaboration des deux schémas régionaux opposables prévus par le présent projet de loi.

S'agissant du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) ( article 2 ), elle est revenue, pour l'essentiel, à l'économie générale du texte initial du Gouvernement. Le schéma ne comporterait plus que les orientations économiques fixées par la région. En outre, il serait élaboré en associant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, compétents en matière de développement économique, et les chambres consulaires, mais simplement au terme d'une concertation avec les métropoles et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et d'une discussion au sein de la conférence territoriale de l'action publique. En cas de désaccord entre région et métropole, la métropole aurait simplement à prendre en compte le schéma et non plus à veiller à la compatibilité de ses actions avec la programmation régionale, au risque de politiques économiques locales divergentes voire concurrentes sur un même territoire.

L'Assemblée nationale a néanmoins conservé la possibilité de réviser le schéma et, à l'issue des élections régionales, de décider de maintenir en vigueur ou de réviser le schéma adopté antérieurement, pour éviter d'avoir à élaborer systématiquement un nouveau schéma. Elle a également conservé la clarification opérée par le Sénat du rôle du préfet dans l'approbation du schéma, destinée à le rendre opposable aux autres collectivités et aux chambres consulaires.

Quant au schéma d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), devenu le schéma d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ( article 6 ), l'Assemblée nationale a réintroduit sa composition initiale qui s'organiserait autour du schéma régional proprement dit, d'une carte synthétique illustrant ses orientations et d'un fascicule de règles générales, destiné à la mise en oeuvre de ces orientations, dont les prescriptions seraient opposables. Elle a précisé les conditions de participation des collectivités territoriales et de leur groupement à son élaboration. Elle a en outre allongé à trois ans à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux le délai laissé aux régions pour approuver le premier schéma. Elle a enfin élargi le pouvoir d'approbation du schéma du préfet de région à sa conformité aux intérêts nationaux.

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