EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER
MODIFICATION DU TITRE V DE LA LOI ORGANIQUE
N° 99-209 DU 19 MARS 1999 RELATIVE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Article 1er (art. 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Composition et pouvoirs des commissions administratives spéciales

L'article 1 er modifie la composition et les pouvoirs de la commission administrative spéciale qui, en application de l'article 189 de la loi organique du 19 mars 1999, est compétente pour établir, dans chaque commune, la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province. Comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis du 6 février 2014, « la commission administrative spéciale chargée de l'établissement de la liste électorale spéciale pour l'élection du congrès et des assemblées de province, mentionnée au paragraphe II est également chargée de l'établissement de la liste électorale spéciale à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté ».


• La composition de la commission administrative spéciale

Le 1° modifie la composition de ces commissions administratives spéciales. Actuellement, chaque commission est composée de cinq membres :

- un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

- le délégué de l'administration désigné par le Haut-Commissaire de la République ;

- le maire de la commune ou son représentant ;

-  deux électeurs de la commune, désignés par le Haut-Commissaire de la République, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La présence de deux électeurs est une spécificité calédonienne souhaitée pour assurer une représentation pluraliste au sein des commissions administratives spéciales : selon l'usage constamment respecté, un électeur représente les formations indépendantistes, l'autre les formations non-indépendantistes. Le maintien de ces deux membres correspond au voeu unanimement partagé lors des auditions menées par votre rapporteur.

La commission est présidée par le magistrat qui, en cas d'égalité des voix, a voix prépondérante.

Dans sa rédaction initiale, le 1° proposait d'ajouter un second magistrat au sein de chaque commission administrative. La modification de cette composition répondait moins aux difficultés envisagées pour l'élaboration de la liste électorale nécessaire à la consultation qu'à celles suscitées lors de la révision annuelle de la liste pour les élections provinciales.

Les divergences d'interprétation entre forces indépendantistes et non-indépendantistes à propos des conditions d'inscription des électeurs sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales conduisaient à des votes contestés au sein des commissions administratives spéciales. Ainsi, les formations indépendantistes critiquaient le fonctionnement de commissions où, malgré l'interprétation de la Cour de cassation, la majorité des membres de la commission continuent à ne pas exiger l'inscription sur la liste électorale générale en 1998 pour admettre la présence sur la liste électorale spéciale, après au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Ils estimaient que seuls le magistrat et l'électeur issu des rangs indépendantistes s'en tenaient à l'interprétation jurisprudentielle, la majorité faisant échec à son application. C'est pourquoi ils approuvaient cette modification, en estimant que la présence d'un second magistrat apportait un supplément d'impartialité.

A l'inverse, les formations non-indépendantistes critiquaient ce choix, en redoutant que l'adjonction d'un magistrat judiciaire conduisît à ce que la lecture strictement juridique de la loi organique du 19 mars 1999 portée par la Cour de cassation l'emportât sur l'esprit de l'Accord de Nouméa. Entendu par votre rapporteur, notre collègue Pierre Frogier, signataire de l'Accord de Nouméa, a ainsi regretté une « juridicisation » de l'application de l'Accord de Nouméa, à travers la loi organique qui l'a mis en oeuvre, au détriment de l'esprit de l'Accord né d'un compromis politique.

Au terme du comité des signataires du 5 juin 2015, un accord a été trouvé sur la modification de la composition de chaque commission administrative spéciale : un nouveau membre complèterait l'effectif actuel de la commission sans qu'il soit issu de la magistrature. Le relevé des conclusions du comité des signataires indique que « les partenaires s'accordent pour lui substituer, comme observateur, une personnalité qualifiée indépendante, dont le profil et le mode de désignation feront l'objet de discussions dans les prochaines semaines ». Adoptant un amendement COM-6 du Gouvernement, votre commission a procédé à cette substitution en prévoyant la désignation d'une personnalité qualifiée qui n'aurait pas voix délibérative. Les modalités de sa désignation et son rôle seraient fixés par un décret pris après avis du Gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.


• Les pouvoirs du président de la commission administrative spéciale

Les 2° à 4° de l'article 1 er modifient l'exercice des pouvoirs au sein des commissions administratives spéciales. En l'état actuel du II de l'article 189 de la loi organique, chaque commission peut :

- consulter un ou plusieurs représentants de la coutume désignés selon les usages reconnus, ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux ;

- procéder ou faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes investigations utiles.

Il est proposé de confier ces prérogatives au président de la commission (2° et 3°). L'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique défend cette modification en avançant que « ces possibilités ne sont, en pratique, pas ou très rarement utilisées, au grand regret de nombreux acteurs locaux ». L'exercice direct de ces responsabilités par le président serait ainsi de nature à faciliter leur mise en oeuvre pour répondre aux nombreuses demandes d'inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation.

Parallèlement, le président aurait la possibilité nouvelle de rejeter les demandes d'inscription manifestement infondées présentées à la commission, sous réserve d'en informer cette dernière à sa prochaine réunion (4°). Pour le Gouvernement, il s'agissait de permettre à la commission de n'examiner que les demandes sérieuses.

Ces modifications ont suscité de vives critiques de la majorité du congrès de la Nouvelle-Calédonie exprimées dans son avis du 26 mars 2015. Les formations non-indépendantistes refusaient particulièrement « cette concentration des pouvoirs entre les mains du président [sans] aucun équivalent dans le droit commun électoral français ». Pour leur part, les formations indépendantistes ne s'opposaient pas au renforcement des pouvoirs d'instruction du président, même si l'Union calédonienne proposait de réserver au président les pouvoirs d'investigation aux cas où une demande ne recueillerait pas l'unanimité des membres de la commission. S'agissant du pouvoir de décision du président, une large majorité, composée des formations non-indépendantistes et des représentants de l'Union calédonienne, s'opposait à cette entorse à la collégialité.

Au terme de l'accord conclu le 5 juin 2015 entre les partenaires, un équilibre a été trouvé : il a été convenu que le président de la commission disposerait des pouvoirs d'instruction tandis que la commission conserverait le pouvoir de décision, même pour les demandes manifestement infondées. Cette solution de compromis convient parfaitement à votre commission qui a adopté l' amendement COM-5 du Gouvernement traduisant cette solution au sein de l'article 1 er . En effet, la facilitation des inscriptions ouverte plus largement par l'article 3 du présent projet de loi organique rend moins nécessaire cette prérogative décisionnelle du seul président. En revanche, le nombre important de demandes justifie toujours que le recours aux mesures d'instruction soit simplifié.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

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