CHAPITRE II - Conditions de mise en oeuvre des décisions d'éloignement

En application de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) peut être placé en rétention ou assigné à résidence à l'expiration du délai de départ volontaire ou dès la notification de l'OQTF si aucun délai de départ ne lui a été accordé. Rétention administrative et assignation à résidence apparaissent donc comme les deux moyens alternatifs à disposition de l'administration pour s'assurer d'une personne en vue de son éloignement forcé . L'article L. 513-1 du CESEDA prévoit en effet l'exécution d'office de la mesure d'éloignement sitôt le délai de recours expiré ou la confirmation de la décision par le juge s'il a été saisi et n'a pas annulé l'OQTF.

Cependant, la rédaction du CESEDA et plus encore la pratique témoignent d'une priorité accordée à la rétention administrative sur l'assignation à résidence.

De fait, les statistiques montrent la part congrue de l'assignation à résidence dans les mesures décidées par les préfectures . Comme l'indique l'histogramme ci-dessous, malgré une progression continue depuis la création de cette mesure par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 (le nombre d'assignations à résidence décidées a presque doublé d'année en année), elle continue de ne représenter que 11 % des mesures prononcées au 1 er semestre 2015 (1 621 assignations prononcées contre 12 964 rétentions).

Nombre de placements en rétention et d'assignations à résidence alternatives

Source : commission des lois du Sénat à partir des données fournies par la DGEF

Or, la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « Retour », encadre en son article 15 le recours à la rétention en en faisant l'ultime modalité d'éloignement en cas d'insuffisance d'autres mesures moins coercitives 202 ( * ) .

Bien que la Commission européenne ait jugé conforme la transposition par la France de la directive « Retour », le présent chapitre se propose de rapprocher le droit français de l'esprit de cette directive et de consacrer l'inversion du principe qui prévalait à la suite de la loi de 2011 en faisant de l'assignation à résidence le principe et la rétention l'exception . Les articles 19 et 22 procèdent ainsi à la réécriture des dispositions correspondantes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (articles L. 551-1 et L. 561-2), et les articles 19 bis et 21 à des coordinations.

Pour permettre un éloignement effectif des personnes assignées à résidence, ce chapitre confère aux autorités en charge de préparer et mettre en oeuvre le départ contraint de nouveaux moyens : la faculté de requérir la force publique pour escorter ces personnes auprès des autorités consulaires (article 18) et celle de pénétrer à leur domicile pour procéder à l'éloignement (article 22). Ces nouveaux outils ont pour but de permettre à l'autorité administrative de pallier le défaut de coopération d'une personne assignée à résidence qui utiliserait l'inviolabilité du domicile pour faire échec à son éloignement, que ce soit lors des préparatifs à l'éloignement ou lors de l'exécution proprement dite de la mesure.

Enfin, le présent projet de loi crée un « chaînage » explicite entre les deux mesures d'éloignement. L'article 19 prohibant le renouvellement d'un placement en rétention avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du terme d'un précédent placement, l'article 20 prévoit la faculté d'assigner à résidence à la fin de la rétention. L'article 22 prévoit, quant à lui, explicitement la faculté pour l'autorité administrative de placer en rétention une personne assignée à résidence qui ne présenterait plus les conditions de l'assignation à résidence ou aurait fait obstacle à son éloignement.

Pour votre rapporteur, la prééminence de la rétention administrative sur l'assignation à résidence s'explique bien davantage par sa meilleure efficacité en termes d'éloignement que par une rédaction plus ou moins fidèle du CESEDA à l'esprit de la directive. Selon les informations recueillies au cours des auditions, la police aux frontières serait parvenue à éloigner en 2014 19 % des personnes assignées à résidence, 28 % des personnes libres, 57 % des personnes retenues en centre de rétention et 78 % des sortants de prison. Ces chiffres démontrent ainsi clairement la supériorité de la rétention sur l'assignation en termes de réussite de l'éloignement.

Votre rapporteur partage en partie l'analyse du Gouvernement qui, dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, explique que ce défaut d'efficacité de l'assignation à résidence provient essentiellement de ce que cette mesure ne constitue qu'un dispositif de surveillance, exclusif de toute contrainte. Il n'en tire cependant pas les mêmes enseignements : si le présent projet de loi tend à corriger à la marge ces insuffisances via les nouveaux outils créés par ses articles 18 et 22, votre rapporteur reste convaincu que le meilleur moyen d'améliorer l'effectivité de l'assignation à résidence demeure de renforcer les exigences en matière de garanties de représentation propres à prévenir le risque de fuite tel qu'il est défini au f du 3° du II de l'article L. 511-1, afin de n'assigner à résidence que les personnes dont l'éloignement ne posera a priori pas de difficultés ( cf . les articles 14 bis et 14 ter introduits à son initiative).

Article 18A (nouveau) - (art. L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Régime contentieux de la décision de placement en rétention

Cet article, inséré par votre commission par un amendement COM-134 de votre rapporteur, a pour objet de préciser la procédure contentieuse applicable en cas de placement en rétention d'un étranger , prévue à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Lors de l'examen du projet de loi par les députés, l'article L. 512-1 a été modifié par un amendement inséré à l'article 15 du présent projet de loi, relatif à l'éloignement des ressortissants de l'Union européenne. Pour des raisons de lisibilité, il a paru préférable d'isoler ces dispositions au sein d'un article spécifique.

1. L'appréciation de la mesure de placement en rétention par deux juges

La contestation d'une décision de placement en rétention fait intervenir deux juges.

En premier lieu, l'étranger dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir , dirigé contre la décision le plaçant en rétention. À cette occasion, l'étranger peut également contester l'obligation de quitter le territoire français (OQTF). L'audience est à juge unique, sans conclusions du rapporteur public. Le magistrat doit statuer dans un délai de soixante-douze heures suivant sa saisine.

Au regard du caractère privatif de liberté que constitue le placement en rétention administrative, en application de l'article 66 de la Constitution faisant du juge judiciaire le gardien des libertés individuelles, le juge des libertés et de la détention (JLD) doit intervenir pour autoriser la prolongation de la rétention décidée par l'administration, en application de l'article L. 552-1 du CESEDA, à partir d'un délai de cinq jours à compter du placement en rétention 203 ( * ) .

À l'occasion de l'examen de la demande de prolongation, le JLD n'apprécie pas la légalité de la décision de placement en rétention administrative mais il vérifie les conditions d'interpellation et la procédure policière et administrative qui a été suivie pour placer l'étranger en rétention.

Contestation d'une mesure de placement en rétention - ou d'assignation à résidence

Placement en rétention administrative

Délai de 48 heures pour contester à la fois la mesure de placement en rétention et l'OQTF

5 jours après le placement en rétention, saisine du juge des libertés et de la détention pour autoriser ou non la prolongation du placement en rétention

Saisine du président du tribunal administratif

72 heures pour statuer

Annulation de l'OQTF (par conséquent, la mesure de placement en rétention est annulée également)

Annulation de la décision de placement en rétention mais maintien de l'OQTF

Rejet de la requête

Exécution d'office si : - -  aucun recours dans le délai de 48 heures - - ou rejet de la requête

Source : commission des lois du Sénat

L'appréciation des deux juges peut donc aboutir à des solutions divergentes : ainsi, une mesure de placement en rétention peut être validée par le juge administratif, alors même que le JLD estimera que les conditions de ce placement en rétention n'ont pas été régulières, justifiant la fin de cette mesure.

2. Le choix des députés d'une unification partielle du régime contentieux en attribuant au juge des libertés et de la détention l'appréciation de la légalité de la mesure de placement en rétention

Par un amendement adopté en séance publique par les députés à l'article 15 du présent texte, la procédure de contestation du placement en rétention serait unifiée au bénéfice du JLD qui serait désormais seul compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention 204 ( * ) et les conditions d'interpellation ayant conduit au placement en rétention .

Le JLD se prononcerait alors également sur la prolongation éventuelle de la mesure de rétention. Par ailleurs, son intervention serait avancée de cinq jours à quarante-huit heures 205 ( * ) .

Le juge administratif resterait cependant compétent pour apprécier la légalité de l'OQTF selon les mêmes délais qu'actuellement : le requérant aurait quarante-huit heures pour contester la décision, la décision étant rendue en soixante-douze heures.

Régime contentieux proposé par les députés

Délai de 24 heures - pour le JLD pour statuer - sur la mesure initiale - de rétention et sur la décision de prolongation - de la rétention

Placement en rétention administrative

Délai de 48 heures - pour contester la décision - de placement en rétention devant le JLD

24 h

24 h

24 h

24 h

24 h

Délai de 72 heures au bénéfice du juge administratif pour statuer sur l'OQTF

Délai de 48 heures pour contester l'OQTF devant le juge administratif

Source : commission des lois du Sénat

3. La position de votre commission : le maintien de l'équilibre retenu par la loi du 16 juin 2011, moyennant la transformation du recours en excès de pouvoir contre la décision de placement en rétention en recours de pleine juridiction

La solution proposée par les députés présente l'avantage d'atténuer les risques de divergences entre le juge administratif et le juge des libertés et de la détention en confiant à ce dernier la compétence pour apprécier la légalité de la mesure du placement en rétention et les conditions de mise en oeuvre de cette mesure.

Mais cette solution ne fait pas disparaître les risques de contradiction entre les deux juges ; en effet, le juge administratif doit, en tout état de cause, se prononcer sur la légalité de la mesure d'éloignement 206 ( * ) .

Or, l'annulation d'une mesure d'éloignement entraîne aussi l'annulation de la décision de placement en rétention, qui n'a plus lieu d'être.

La solution proposée ne résout donc pas cette contradiction.

En conséquence, il n'est pas opportun de remettre en cause le choix opéré dans la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui a nécessité une organisation pratique des différents acteurs.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-134 de son rapporteur réécrivant le III de l'article L. 512-1 afin de maintenir le droit actuellement en vigueur mais en transformant la nature du recours contre une décision de placement en rétention pour en faire un recours de pleine juridiction .

En effet, le recours pour excès de pouvoir n'est pas le recours le mieux adapté pour contester un placement en rétention administrative : lorsqu'il existe des garanties de représentation suffisantes au profit de l'étranger, le juge considère que le placement en rétention est disproportionné mais il ne peut qu'annuler cette décision, sans la réformer. Dès lors, un recours de pleine juridiction permettrait au juge administratif de réformer la décision et de transformer, le cas échéant, la rétention en assignation à résidence.

Afin de maintenir un accès le plus large possible à cette voie de recours, le ministère d'avocat ne serait pas obligatoire .

Votre commission a adopté l'article 18 A ainsi rédigé .

Article 18 - (art. L. 513-5 [nouveau], L. 523-1, L. 531-2, L. 531-2-1 [nouveau], L. 531-3 et L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Faculté de requérir la force publique pour escorter une personne assignée à résidence auprès des autorités consulaires en vue de préparer son départ

Le présent article vise à introduire la faculté pour l'autorité administrative en charge de l'éloignement de requérir la force publique pour escorter auprès des autorités consulaires la personne assignée à résidence qui n'aurait pas déféré à une précédente convocation sans motif légitime . Cette disposition tend donc à concilier assignation à résidence et exécution effective des mesures d'éloignement ( cf . le commentaire sur le chapitre II supra ).

Son I complète le chapitre III du titre I er du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) relatif à l'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des interdictions de retour sur le territoire français (IRTF) par un nouvel article L. 513-5. Cet article précise les conditions du recours à la force publique :

- l'étranger n'a pas déféré à une précédente demande de présentation aux autorités consulaires en vue de la délivrance d'un document de voyage, et ce, sans motif légitime ;

- cette faculté ne peut être mise en oeuvre que « dans les conditions et pour le temps strictement nécessaires » à cette démarche.

L'escorte est effectuée par les services de police ou les unités de gendarmerie.

Cette procédure diffère ainsi de celle prévue par le projet de loi en son article 22 relatif à la visite au domicile pour l'exécution de la mesure d'éloignement ( cf . le commentaire infra ). Ce dernier prévoit en effet l'intervention du juge des libertés et de la détention pour autoriser les services de police ou de gendarmerie à pénétrer au domicile. A contrario , l'article 18, en se contentant de la formule précitée, n'autorise pas une telle pénétration des forces de l'ordre au domicile. Votre rapporteur s'interroge donc sur l'efficacité de ce dispositif en l'absence de moyens pour les forces de l'ordre de contraindre l'intéressé à les accompagner au consulat. Votre commission a, en conséquence, adopté l' amendement COM-135 de son rapporteur prévoyant l'intervention du juge des libertés et de la détention pour autoriser les forces de l'ordre à pénétrer au domicile en vue de conduire l'intéressé au consulat .

Le II du présent article permet la mise en oeuvre de cette faculté d'escorte pour l'exécution d'autres mesures d'éloignement que les OQTF et les IRTF :

- le 1° la rend applicable aux étrangers faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion prévu à l'article L. 523-1 du CESEDA ;

- le 2° introduit un nouvel article L. 531-2-1 la rendant applicable aux étrangers faisant l'objet de l'une des mesures de remise à un autre État membre de l'Union européenne visée aux articles L. 531-1 et L. 531-2 ;

- le 3° la rend applicable pour la reconduite d'office en cas de signalement aux fins de non-admission mentionnée à l'article L. 531-3 et pour l'exécution d'une interdiction judiciaire du territoire en application de l'article 131-30 du code pénal.

À l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le dispositif initial de l'article 18 a été complété par une disposition transposant l'article 23, paragraphe 5, de la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe. Le 1° bis du II étend donc à l'étranger non ressortissant de l'Union européenne bénéficiant d'un transfert temporaire intragroupe ainsi qu'aux membres de sa famille, dans certaines circonstances, la remise à l'État membre de l'Union européenne qui l'a admis sur son territoire ou dont il provient.

Considérant que cette disposition était sans lien avec les dispositions de l'article 18, votre rapporteur a proposé de la transférer au sein du chapitre I er du titre II relatif aux mesures d'éloignement. Votre commission a donc adopté son amendement COM-136 de suppression de cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

Article 19 - (art. L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Caractère subsidiaire du placement en rétention administrative - par rapport à l'assignation à résidence

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour faire du placement en rétention administrative une mesure alternative et subsidiaire à l'assignation à résidence. À l'issue de l'examen à l'Assemblée nationale, il a toutefois été enrichi de nouvelles dispositions relatives à la durée de la rétention administrative ainsi qu'à la rétention des mineurs accompagnants.

1. L'articulation entre placement en rétention et assignation à résidence

Si l'article L. 512-3 du CESEDA présente la rétention administrative et l'assignation à résidence comme deux moyens alternatifs à disposition de l'administration pour s'assurer d'une personne en vue de son éloignement forcé, la rédaction actuelle de l'article L. 551-1 du CESEDA - « à moins qu'il ne soit assigné à résidence (...) » -, de même que celle de l'article L. 561-2 qui procède par renvoi à l'article L. 551-1, donnent à penser qu'il existe une hiérarchisation entre ces deux mesures, le CESEDA privilégiant la rétention sur l'assignation à résidence.

La rétention administrative 207 ( * )

La rétention administrative est le dispositif permettant à l'administration de maintenir dans des locaux dont elle a la charge, pour une durée limitée et sous le contrôle du juge, les étrangers faisant l'objet d'une procédure d'éloignement du territoire français qui ne peuvent le quitter immédiatement. Bien que privative de liberté, la rétention se distingue de la détention tant d'un point de vue juridique que pratique : mesure administrative et non sanction prononcée par l'autorité judiciaire, elle est exécutée dans des locaux dépendant non pas de l'administration pénitentiaire mais des services placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur - les locaux de rétention administrative pour une durée n'excédant pas quarante-huit heures et les centres de rétention administrative au-delà.

La rétention administrative est régie par le titre V du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, intitulé : « Rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ».

En 2014, 41 319 personnes ont été placées en centre de rétention.

De fait, les préfets prennent davantage de décisions de rétention que d'assignation ( cf . les observations sous le chapitre II ci-dessus).

C'est pourquoi le présent article se propose de modifier la rédaction de l'article L. 551-1 du CESEDA pour la rendre plus conforme à l'esprit de la directive « Retour » .

Ainsi, l'énumération des cas dans lesquels peut être prononcée une mesure de rétention ou d'assignation à résidence est déplacée au sein de l'article L. 561-2, devenue la disposition « mère » à laquelle l'article L. 551-1 se réfère désormais. Inversement, le critère permettant au préfet de décider laquelle de ces deux mesures sera la plus adaptée au cas d'espèce - - l'existence ou non d'un risque que l'étranger se soustraie à la mesure d'éloignement - est replacé au sein de l'article L. 551-1 afin de signifier que le placement en rétention est subordonné à la condition que l'étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir ce risque.

À l'occasion de cette réécriture, le Gouvernement a, par ailleurs, explicité une disposition figurant actuellement au 8° de l'article L. 551-1 et limitant le renouvellement de la mesure de placement en rétention afin d'éviter le détournement de la durée légale de la rétention par une succession ininterrompue de rétentions d'un même individu. Il est désormais précisé qu' un nouveau placement en rétention ne peut être décidé avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du terme d'un précédent placement prononcé pour l'exécution de la même mesure d'éloignement . Par un amendement adopté en séance publique à l'initiative du Gouvernement, les députés ont toutefois prévu une exception à ce principe dans l'hypothèse où l'étranger s'est soustrait aux mesures de surveillance dont il faisait l'objet.

Comme cela a déjà été exposé ( cf . les observations sous le chapitre II ci-dessus), votre rapporteur considère qu'au-delà de ces considérations formelles, la prééminence de la rétention administrative sur l'assignation à résidence s'explique fondamentalement par sa meilleure efficacité . Cela justifie que les préfets la privilégient lorsqu'ils procèdent à l'examen de la situation de l'étranger en instance d'éloignement pour déterminer la mesure la mieux à même de procéder à son éloignement.

2. Le raccourcissement de la durée de la rétention sur décision administrative

Lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale, sur l'initiative du rapporteur de la commission des lois, a ramené de cinq jours à quarante-huit heures la durée du placement en rétention décidée par l'autorité administrative. Au-delà de ce délai en effet, il revient au juge des libertés et de la détention d'autoriser la prolongation de la mesure de rétention ( cf . les commentaires des articles 15 et 19 bis A).

Ce retour à la situation antérieure à la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 serait justifié par l'éloignement d'étrangers avant que le juge judiciaire ait pu examiner la régularité des conditions de leur interpellation et de leur placement en rétention.

Votre rapporteur ne peut se satisfaire de ce retour en arrière.

D'une part, l'intervention anticipée du juge des libertés et de la détention, auquel serait au surplus confié l'examen de la légalité de la décision de placement en rétention, poserait de nouveau la question de l'éventuelle validation d'un placement en rétention dont le seul fondement - - la mesure d'éloignement elle-même - pourrait être remis en cause postérieurement par le juge administratif en cas d'annulation de l'OQTF, faisant tomber de ce fait la mesure de placement en rétention.

D'autre part, une intervention plus précoce du juge des libertés et de la détention serait coûteuse et limiterait la possibilité de procéder à des éloignements.

La police aux frontières a ainsi chiffré, sur la base des statistiques pour 2014, que cela conduirait à ne pouvoir reconduire 743 retenus aujourd'hui éloignés entre les troisième et cinquième jours de rétention. Cette estimation ne peut, cependant, prendre en compte les conséquences sur le taux global d'éloignement du retard pris dans les préparatifs de tous les éloignements (obtention des laissez-passer consulaires, des billets d'avion), les premières quarante-huit heures se trouvant neutralisées de fait dans l'attente de la décision du juge. Le nombre d'escortes 208 ( * ) serait par ailleurs en hausse rendant nécessaire l'augmentation des effectifs et du budget pour maintenir le nombre des admissions en centre de rétention.

La direction des affaires civiles et du sceau a, quant à elle, estimé que l'intervention précoce du juge des libertés et de la détention nécessiterait 17,83 ETP magistrats et 10,37 ETP agents de catégorie B, pour un coût respectivement de 1 541 779,30 euros et 359 077,89 euros. L'augmentation du traitement des appels suspensifs serait évaluée à 4,15 ETP magistrats du parquet.

Aussi votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a-t-elle adopté l' amendement COM-137 rétablissant l'intervention du juge des libertés et de la détention au bout d'un délai de cinq jours .

3. L'interdiction de la rétention des mineurs accompagnants sauf exceptions

Sur la proposition de Mme Marie-Anne Chapdelaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen, la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété le présent article par des dispositions posant le principe de l'interdiction de la rétention des mineurs accompagnants .

S'inspirant de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 6 juillet 2012 ( cf . l'encadré ci-dessous), cette disposition prévoit que ce principe pourrait connaître trois exceptions . L'étranger accompagné d'un mineur pourrait ainsi être placé en rétention pour une durée strictement nécessaire à l'organisation du départ :

- s'il n'a pas respecté l'une des prescriptions d'une précédente mesure d'assignation à résidence ;

- s'il a fait obstacle à la mise en oeuvre de son éloignement en prenant la fuite ou en refusant d'embarquer ;

- si un placement en rétention, limité à quarante-huit heures, permet d'épargner au mineur des contraintes liées aux nécessités de transfert en vue d'un éloignement programmé.

Cet article précise en outre que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale pour l'application du présent article ».

La rétention des mineurs accompagnants

Intervenue après plusieurs décisions condamnant la Belgique ou la Grèce 209 ( * ) , la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, pour rétention de mineurs , à l'occasion de l'arrêt Popov 210 ( * ) en janvier 2012, a donné lieu à la circulaire du 6 juillet 2012 visant à généraliser l'assignation à résidence comme alternative au placement en rétention administrative dans le cas de familles avec enfant mineur 211 ( * ) . À cet effet, la circulaire dessine un dispositif en deux temps.

En un premier temps, cette circulaire invite les préfets à veiller, « dans le cas de familles parentes d'enfants mineurs, à appliquer la procédure d'assignation à résidence plutôt que le placement en rétention ». Les familles doivent ainsi être assignées à résidence, y compris lorsqu'elles présentent des garanties de représentation faibles ou lorsque leur « comportement d'ensemble révèle une volonté manifeste de fraude et de refus de leurs obligations », ce qui peut conduire à privilégier soit une « assignation à résidence au domicile avec une vigilance toute particulière », soit une « assignation dans un autre lieu [structure de type hôtelier ou autre] permettant une surveillance facilitée pour les services de police ou de gendarmerie ».

En un second temps cependant, « en cas de non-respect des conditions de l'assignation à résidence, en cas de fuite d'un ou plusieurs membres de la famille ou en cas de refus d'embarquement », le préfet peut « constater que la famille s'est volontairement soustraite à l'obligation de quitter le territoire français ». Dès lors, la famille ne pourra plus bénéficier du dispositif de l'assignation à résidence et, en cas d'interpellation ultérieure, sera placée en rétention dans un centre adapté et durant un délai qui « n'excèdera pas la durée strictement nécessaire à la préparation de l'éloignement », conformément à la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l'homme qui n'a pas condamné explicitement le principe du placement en rétention d'enfants mineurs, se contentant de l'encadrer .

Source : La rétention administrative : éviter la banalisation, - garantir la dignité des personnes , rapport d'information de Mme Éliane Assassi - et M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois (n° 773, 2013-2014).

Votre commission a approuvé ces dispositions qui tirent les conséquences de la jurisprudence européenne et a adopté l' amendement COM-138 rédactionnel de son rapporteur.

Elle a également adopté l' amendement COM-46 de M. Philippe Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et républicain tendant à inscrire dans la loi le principe selon lequel la rétention des mineurs n'est possible que dans les centres dédiés à l'accueil des familles . Cela rejoint la pratique actuelle, la liste des centres de rétention, élaborée en application de l'article R. 553-1 du CESEDA, indiquant d'ores et déjà les centres susceptibles d'accueillir des familles.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

Article 19 bis A (supprimé) - (art. L. 552-1, L. 552-3, L. 552-7 et L. 555-1 - du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Modification du séquençage de la rétention administrative

Introduit à l'initiative du rapporteur lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale, le présent article opère une coordination avec le raccourcissement de la durée de la rétention sur décision administrative prévu à l'article 19 et modifie le séquençage de la rétention en maintenant sa durée totale à quarante-cinq jours.

La rétention administrative répond à un schéma inchangé depuis sa création : la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative mais sa prolongation est autorisée par l'autorité judiciaire .

Au fil des textes, la durée maximale de la rétention a été allongée et le partage entre ces deux phases, devenues trois, modifié : passée de 7 jours (24 heures puis 6 jours) en 1981 à 10 jours (24 heures puis 6 jours puis 72 heures 212 ( * ) ) en 1993, à 12 jours (48 heures 213 ( * ) puis 5 jours renouvelables une fois) en 1998 214 ( * ) , à 32 jours (48 heures puis 15 jours puis 5 jours ou 15 jours) en - 2003 215 ( * ) , la rétention depuis la loi de 2011 est d'une durée maximale de quarante-cinq jours ( cf . le schéma ci-dessous).

Comme dans les dispositifs antérieurs, cette durée maximale ne peut cependant être prononcée en une seule fois et résulte de l' addition de trois phases successives :

- le placement en rétention est décidé par l'autorité administrative - le préfet -, « après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention », pour une durée ne pouvant excéder cinq jours , conformément aux articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

- la prolongation de la rétention au-delà de cinq jours ne peut être autorisée que par le juge de la liberté et de la détention saisi par l'autorité administrative, pour une durée ne pouvant excéder vingt jours , en vertu de l'article L. 552-1 du CESEDA ;

- une seconde prolongation de la rétention ne peut être autorisée, dans les mêmes conditions et pour la même durée de vingt jours, qu'« en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement », comme prévu par l'article L. 552-7 du CESEDA.

Pour mémoire, à côté de ce dispositif de droit commun, l'article L. 552-7 du CESEDA prévoit que les étrangers en situation irrégulière condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou visés par une mesure d'expulsion motivée par un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, peuvent être retenus pour une durée maximale de six mois.

Les députés ayant réduit, à l'article 19 du projet de loi, la première phase administrative à quarante-huit heures, ils ont dû, par coordination, revoir l'ensemble du séquençage des prolongations ordonnées par le juge des libertés et de la détention. Ils en ont toutefois profité pour modifier ce séquençage en allongeant la première période de prolongation à vingt-huit jours et en réduisant la seconde à quinze jours ( cf . le schéma ci-dessous).

Évolution du séquençage de la rétention au fil des textes

Source : commission des lois du Sénat

Le rapporteur de l'Assemblée nationale a justifié cette modulation par deux objectifs :

- responsabiliser le juge des libertés et de la détention considérant qu'« il est certain que le juge des libertés et de la détention réalisera un contrôle beaucoup plus strict lors de son premier examen si sa décision a pour conséquence une rétention supplémentaire de vingt-huit jours contre vingt actuellement » ;

- permettre toutefois à l'autorité administrative « de disposer de possibilités effectives de mise en oeuvre des décisions d'éloignement à destination de pays tiers ».

Comme il l'a expliqué lors du débat en séance publique, l'intention première du rapporteur de l'Assemblée nationale était de raccourcir la durée de la rétention considérant, à la suite de M. Matthias Fekl 216 ( * ) , que le nombre d'éloignements passé le premier mois de rétention n'était pas suffisamment significatif pour justifier d'une rétention si longue. Il s'est toutefois rendu aux arguments du Gouvernement et des services d'éloignement mettant en avant « les nécessités du dialogue avec les autorités consulaires des États tiers, dont certains coopèrent parfois difficilement, et le mauvais signal diplomatique que nous adresserions en réduisant la durée maximale de rétention » 217 ( * ) .

Votre rapporteur s'est lui-même longuement interrogé sur la durée souhaitable de la rétention. Les chiffres communiqués par la police aux frontières montrent que si la plupart des éloignements ont lieu avant le trente-deuxième jour, le nombre de personnes éloignées au-delà tend à s'améliorer d'année en année, témoignant probablement d'une acclimatation de l'allongement à quarante-cinq jours adopté par le législateur en 2011.

Répartition des éloignements d'étrangers en situation irrégulière - placés en rétention effectués entre 2011 et le 1 er semestre 2015, - en fonction de la durée de rétention

Jour 1

Jour 2

Jour 3

Jour 4 +5

Total Jours 1 à 5

Jours - 6 à 32

Jours - 33 à 45

Total

2011 : 21 055 étrangers en situation irrégulière placés en rétention dont 8 969 éloignés (43%)

Étrangers éloignés

1 061

929

625

103

2 718

6 158

93

8 969

Part du total des retenus éloignés

12%

10%

7%

1%

30%

69%

1%

100%

2012 : 19 671 étrangers en situation irrégulière placés en rétention dont 9 636 éloignés (49%)

Étrangers éloignés

784

958

1 275

2 918

5 935

3 303

398

9 636

Part du total des retenus éloignés

8%

10%

13%

30%

62%

34%

4%

100%

2013 : 20 554 étrangers en situation irrégulière placés en rétention dont 10 006 éloignés (49%)

Étrangers éloignés

998

1 003

1 405

2 133

5 539

4 015

452

10 006

Part du total des retenus éloignés

10%

10%

14%

21%

55%

40%

5%

100%

2014 : 20 747 étrangers en situation irrégulière placés en rétention dont 10 354 éloignés (50%)

Étrangers éloignés

653

833

1 213

1 984

4 683

5 045

626

10 354

Part du total des retenus éloignés

6%

8%

12%

19%

45%

49%

6%

100%

1 er sem 2015 : 10 915 étrangers en situation irrégulière placés en rétention dont 5 952 éloignés (55%)

Étrangers éloignés

300

370

569

1 063

2 302

3 268

382

5 952

Part du total des retenus éloignés

5%

6%

10%

18%

39%

55%

6%

100%

Source : DCPAF/DGEF

Quant à allonger la durée de la rétention, de nombreuses personnes entendues en audition ou lors des déplacements, notamment dans les centres de rétention de Vincennes et de Metz, ne s'y sont pas déclarées favorables. Non seulement les perspectives d'éloignement tendent effectivement à s'amenuiser avec le temps, comme le notait déjà M. Thierry Mariani dans son rapport de 2006 218 ( * ) , mais encore un allongement de la durée de rétention imposerait de revoir les conditions de celle-ci, les centres de rétention n'ayant été conçus que pour des durées de rétention relativement brèves.

S'agissant de la modulation du séquençage adoptée par l'Assemblée nationale, votre rapporteur exprime ses plus vives réserves.

D'une part, il n'est pas favorable à une intervention précoce du juge des libertés et de la détention ( cf . le commentaire de l'article 19).

D'autre part, selon les informations recueillies au cours des auditions, l'allongement de la première phase de prolongation à vingt-huit jours ne permettrait que vingt et un éloignements supplémentaires pour un espacement trop important des contrôles opérés par le juge des libertés et de la détention.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-139 et supprimé l'article 19 bis A.

Article 19 bis - (art. L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Suppression du caractère exceptionnel de l'assignation à résidence ordonnée par le juge des libertés et de la détention

Introduit à l'initiative de Mme Marie-Anne Chapdelaine et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale, le présent article tend à supprimer le caractère exceptionnel de l'assignation à résidence ordonnée par le juge des libertés et de la détention.

L'article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit actuellement que lorsqu'il est saisi d'une première demande de prolongation d'une mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention peut, « à titre exceptionnel », substituer à cette mesure l'assignation à résidence de l'étranger à condition que ce dernier dispose de garanties de représentation effectives et remette à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original de son passeport ou de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé portant mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution.

S'appuyant sur une observation formulée par M. Matthias Fekl dans son rapport de mai 2013 219 ( * ) et par cohérence avec l'ensemble du dispositif du projet de loi visant à faire de l'assignation à résidence la règle et la rétention l'exception, cet article supprime les mots : « À titre exceptionnel ».

Votre commission a adopté l'article 19 bis sans modification .

Article 20 - (art. L. 554-3 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Faculté d'assigner à résidence à la fin de la rétention

Le présent article tend à permettre l'assignation à résidence d'un étranger dont la rétention a pris fin soit sur décision du juge des libertés et de la détention, soit à l'expiration du délai légal de rétention .

Il complète en effet l'article L. 554-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui prévoit le rappel à l'étranger de son obligation de quitter le territoire à la fin de la rétention par le juge des libertés et de la détention dans le premier cas, et par le chef du centre de rétention dans le second. Cet article précise en outre que la méconnaissance de cette disposition est « sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé des procédures ultérieures d'éloignement et de rétention ».

A contrario , un étranger dont la rétention aurait pris fin à la suite de l'annulation par le juge administratif de la mesure d'éloignement ne saurait être assigné à résidence.

Cette disposition est à mettre en relation avec celle figurant à l'article 22 du présent projet de loi (article L. 561-2 du CESEDA), permettant de manière complémentaire le placement en rétention d'un étranger n'ayant pas respecté les conditions de l'assignation à résidence.

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-140 de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 21 - (art. L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Modification des conditions de l'assignation à résidence

Le présent article modifie sur certains points l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) relatif à l'assignation à résidence en cas de report de l'éloignement.

Cette disposition du CESEDA régit l'assignation à résidence des étrangers qui sont dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peuvent ni regagner leur pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays. Les étrangers se voient alors remettre une autorisation de maintien provisoire sur le territoire assortie d'une restriction de leur liberté de circulation. Cette mesure se distingue donc de l'assignation à résidence de l'article L. 561-2, mesure alternative à la rétention administrative, qui s'applique à l'étranger dont le départ demeure une perspective raisonnable. Elle comprend toutefois les conditions de l'assignation à résidence également applicables à l'assignation à résidence alternative à la rétention.

Le présent article a tout d'abord pour objet, par coordination avec les articles 19 et 22 du projet de loi, de revoir l'articulation entre assignation à résidence et rétention administrative. Son 1° supprime ainsi la référence à la rétention qui ne faisait de fait guère sens.

Son 2° assure une coordination avec l'article 15 qui crée une interdiction de circulation sur le territoire français.

Son 3° remédie à une lacune du droit en vigueur qui ne prévoit pas de limite dans le temps à l'assignation à résidence, se bornant à indiquer qu'elle peut être prononcée pour une durée maximale de six mois renouvelable dans la même limite de durée. Cette absence de limite dans le temps posée à une mesure restrictive de liberté, sans que soit prévu un réexamen périodique de sa nécessité et de sa proportionnalité, est contraire aux grands principes de notre droit. Le texte est ici, en outre, contraire à l'intention du législateur de 2011, comme l'attestent les rapports de l'époque qui envisageaient une durée maximale de un an 220 ( * ) .

Le présent article pallie donc cette lacune en inscrivant que la décision d'assignation à résidence ne peut être prise que pour une durée maximale de six mois renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision motivée . Cette limitation dans le temps n'est toutefois pas applicable dans deux hypothèses :

- en cas d'interdiction de retour ou d'interdiction de circulation, la mesure d'assignation de six mois maximum est renouvelable tant que l'interdiction est exécutoire, soit dans la limite fixée par l'autorité administrative elle-même au moment de la prise de décision d'une telle interdiction ;

- en cas d'interdiction judiciaire du territoire en application de l'article 131-30 du code de procédure pénale, ou lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application des articles L. 523-3 à L. 523-5 du CESEDA, l'article L. 561-1 ne prévoit aucune limitation de durée.

Enfin, le 4° du présent article, par coordination avec l'article 18 du projet de loi, ajoute à la liste des prescriptions liées à l'assignation à résidence l'obligation de se présenter, à la demande de l'autorité administrative, aux autorités consulaires en vue de la délivrance d'un document de voyage . L'absence d'une telle précision priverait d'effet utile le dispositif d'escorte prévu à l'article 18 ( cf . le commentaire de l'article 18).

L'Assemblée nationale n'a procédé qu'à des modifications formelles du présent article.

Votre commission a adopté l'article 21 sans modification .

Article 22 - (art. L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Caractère prioritaire de l'assignation à résidence - par rapport au placement en rétention administrative

Par symétrie avec l'article 19 du projet de loi, le présent article 22 propose une nouvelle rédaction de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour faire de l'assignation à résidence une mesure prioritaire par rapport au placement en rétention administrative. En outre, cet article crée une faculté de visite domiciliaire sur autorisation du juge, nouvel outil à disposition de l'autorité administrative afin d'améliorer l'efficacité de l'assignation à résidence.

1. L'articulation entre placement en rétention et assignation à résidence

Si l'article L. 512-3 du CESEDA présente la rétention administrative et l'assignation à résidence comme deux moyens alternatifs à disposition de l'administration pour s'assurer d'une personne en vue de son éloignement forcé, la rédaction actuelle de l'article L. 551-1 du CESEDA - « à moins qu'il ne soit assigné à résidence (...) » -, de même que celle de l'article L. 561-2 qui procède par renvoi à l'article L. 551-1, donnent à penser qu'il existe une hiérarchisation entre ces deux mesures, le CESEDA privilégiant la rétention sur l'assignation à résidence.

L'assignation à résidence alternative à la rétention administrative 221 ( * )

L'assignation à résidence est un dispositif déjà ancien dans notre droit. L'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, introduit par la loi du 29 octobre 1981, prévoyait en effet que, saisi à l'issue d'un délai de 24 heures, le juge pouvait ordonner l'assignation à résidence parmi d'autres mesures de surveillance et de contrôle nécessaires au départ de l'étranger. Cette disposition figure désormais à l'article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Sous l'influence de l'article 15 de la directive « Retour », la loi du 16 juin 2011 a cependant profondément modifié l'assignation à résidence. À côté de la mesure d'assignation à résidence de l'article L. 552-4 du CESEDA, prononcée par le juge des libertés et de la détention saisi en vue de prolonger la rétention, une nouvelle mesure d'assignation à résidence a été créée, prononcée par l'autorité administrative, devenant ainsi une véritable alternative à la rétention.

Cette nouvelle assignation à résidence figure à l'article L. 561-2 du CESEDA qui dispose que « dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque [...] qu'il se soustraie à cette obligation. » 222 ( * )

L'arrêté d'assignation à résidence pris par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence, c'est-à-dire son domicile, celui d'un tiers l'hébergeant ou un hébergement fourni par l'État.

Cet arrêté désigne le service - service de police ou unité de gendarmerie - auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. Lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, le préfet peut porter jusqu'à quatre le nombre de présentations quotidiennes et désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures (article R. 561-2 du CESEDA).

Le préfet peut également prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité, sur lequel est portée la mention de l'assignation à résidence jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet (article R. 561-3 du CESEDA).

Contrairement à la rétention, l'assignation à résidence est prononcée pour une durée maximale de 45 jours, renouvelable une fois.

De fait, les préfets prennent davantage de décisions de rétention que d'assignation ( cf . les observations sous le chapitre II ci-dessus).

C'est pourquoi le présent article se propose de modifier la rédaction de l'article L. 561-2 du CESEDA pour la rendre plus conforme à l'esprit de la directive « Retour » .

Il crée ainsi un I reprenant l'énumération des cas dans lesquels peut être prononcée une mesure de rétention ou d'assignation à résidence, qui figure actuellement à l'article L. 551-1 223 ( * ) . Inversement, le critère permettant au préfet de décider laquelle de ces deux mesures sera la plus adaptée au cas d'espèce - l'existence ou non d'un risque que l'étranger se soustraie à la mesure d'éloignement - est replacé au sein de l'article L. 551-1. La présentation de garanties de représentation effectives n'est donc plus mise en avant comme critère de mise en oeuvre de l'assignation à résidence qui peut être décidée dès lors que l'étranger « ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ».

Votre rapporteur regrette cette seconde modification qui intervient alors même que le taux de réussite de l'éloignement des personnes assignées à résidence n'atteignait que 19 % en 2014, selon les informations recueillies au cours des auditions. Il estime, bien au contraire, que le seul moyen d'améliorer l'efficacité de l'assignation à résidence est de renforcer les exigences en matière de garanties de représentation. Votre commission a donc adopté son amendement COM-141 réintroduisant ce critère pour la décision d'assignation à résidence.

Les députés ont, par ailleurs, utilement complété ces dispositions en étendant la possibilité d'assigner à résidence ou, le cas échéant, de placer en rétention aux :

- demandeurs d'asile qui, en application du Règlement Dublin 224 ( * ) , doivent être transférés dans un autre pays de l'Union européenne pour voir examinée leur demande d'asile - il s'agit là d'une coordination avec la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;

- les personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative du territoire, mesure créée par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme.

En outre, le présent article complète les dispositions de l'article L. 561-2 du CESEDA pour prévoir explicitement la faculté pour l'autorité administrative de placer en rétention une personne assignée à résidence dans trois hypothèses :

- l'étranger ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 ;

- il n'a pas respecté les prescriptions liées à l'assignation à résidence ;

- il a pris la fuite ou opposé un refus à l'occasion de la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-142 visant à clarifier sur ce point la rédaction du texte afin de bien distinguer ces trois motifs.

2. La création d'un nouvel outil de contrainte à disposition de l'autorité administrative : la visite domiciliaire sur autorisation du juge

La principale faiblesse du dispositif de l'assignation à résidence consiste, à l'heure actuelle, en l'absence de moyens de contrainte à disposition de l'autorité administrative pour mettre en oeuvre la mesure d'éloignement. Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi, « dans de nombreuses hypothèses, la personne assignée qui entend empêcher [la] préparation de l'éloignement ne va pas quitter le lieu de résidence qui lui a été désigné. [...] Elle peut [...] utiliser l'inviolabilité du domicile pour s'opposer à toute procédure administrative : la notification d'une mesure de placement en rétention qui peut être mise en oeuvre dans un tel cas d'obstruction manifeste est alors empêchée. »

Pour remédier à la difficulté ainsi identifiée, le projet de loi ouvre la faculté à l'autorité administrative de pénétrer au domicile de l'étranger assigné à résidence en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de celui-ci . Cette mesure ne pourrait être utilisée que pour :

- s'assurer de la présence au domicile de l'étranger et le reconduire à la frontière ;

- lui notifier une décision de placement en rétention si le départ n'est pas possible dans l'immédiat.

Cette faculté ne pourrait toutefois être mise en oeuvre que sous le contrôle du juge . Si l'intervention du juge judiciaire n'est pas obligatoire dans le cadre de l'exécution d'une mesure de police administrative 225 ( * ) , le choix du Gouvernement de confier ce contrôle au juge des libertés et de la détention témoigne de sa volonté de prendre en compte la jurisprudence européenne 226 ( * ) . Ainsi, les forces de l'ordre ne pourraient pénétrer au domicile que sur autorisation du juge des libertés et de la détention préalablement saisi d'une requête en ce sens .

La procédure instituée s'inspire largement des dispositions prévues aux articles 56 à 59 et 76 du code de procédure pénale relatifs aux perquisitions et saisies :

- saisi par l'autorité administrative, le juge des libertés et de la détention se prononcerait dans les vingt-quatre heures par une ordonnance par laquelle il s'assurerait, d'une part, du caractère exécutoire de la décision d'éloignement, et, d'autre part, de l'obstruction volontaire de l'étranger ; ce même juge contrôlerait l'exécution de son ordonnance, y compris en se transportant sur les lieux ;

- l'ordonnance, motivée à peine de nullité et portant mention des lieux à visiter, serait exécutoire pendant quatre-vingt-seize heures et ferait l'objet d'une notification à l'étranger ou, à défaut, à l'occupant des lieux ; elle serait susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui serait saisi sans forme et devrait statuer dans les quarante-huit heures ; l'appel ne serait pas suspensif ;

- les opérations de visite ne pourraient se dérouler qu'entre 6 heures et 21 heures, ce dont attesterait le procès-verbal qui préciserait également les conditions de déroulement de la visite ; ce procès-verbal serait présenté à la signature de l'étranger ou, à défaut, de l'occupant des lieux.

Les députés ont procédé à plusieurs modifications rédactionnelles de ce dispositif.

Votre rapporteur prend acte de cette nouvelle faculté ouverte aux services d'éloignement de la préfecture dont il doute toutefois qu'elle soit fréquemment mise en oeuvre. Il remarque en outre que, selon les informations recueillies au cours de ses auditions, 67 % des dossiers d'éloignement de personnes assignées à résidence seraient restés sans suite en raison de l'absence de l'étranger à son domicile ou à sa convocation, situation à laquelle le présent dispositif ne permet pas de remédier.

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié .

Article 22 bis A (nouveau) - (art. L. 561-2-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Information des personnes assignées à résidence

Introduit par votre commission à l'initiative de votre rapporteur par l'adoption de l' amendement COM-143 , cet article vise à mettre en place une information juridique pour les personnes assignées à résidence.

Comme l'avaient observé Mme Éliane Assassi et votre rapporteur dans le rapport d'information sur les centres de rétention administrative fait au nom de votre commission 227 ( * ) , on se trouve « confronté à ce paradoxe d'une rétention qui garantit davantage l'accès au droit du fait de la présence des associations dans les centres de rétention que l'assignation à résidence qui laisse les personnes livrées à elles-mêmes ». La proposition n° 8 du rapport recommandait donc la mise en place d'un dispositif, « en s'appuyant notamment sur les points d'accès au droit ou les maisons de la justice, par exemple en incluant cette prestation dans la convention qui lie le ministère de l'intérieur avec les cinq associations en charge de l'assistance juridique en rétention ».

Le présent amendement s'inspire ainsi de l'article L. 553-6 du CESEDA relatif à l'assistance juridique et social en rétention pour le transposer, moyennant adaptation, à l'assignation à résidence.

Votre commission a adopté l'article 22 bis A ainsi rédigé .

Article 22 bis - (art. L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour - des étrangers et du droit d'asile) - Information du Parlement sur l'assignation à résidence

Introduit à l'initiative de M. Sergio Coronado et de ses collègues du groupe écologiste lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale, cet article a pour objet d'améliorer l'information du Parlement sur l'assignation à résidence. Il ajoute donc à la liste des données statistiques contenues dans le rapport annuel sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration, transmis au Parlement par le Gouvernement en application de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence.

Votre commission a adopté l'article 22 bis sans modification .

Article 22 ter (nouveau) - (art. L. 624-1-1 [nouveau] du code de l'entrée - et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Précision de l'infraction de soustraction à une mesure de refus d'entrée - en France, d'une interdiction administrative du territoire, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français et création d'un délit de soustraction - à une mesure de placement en rétention ou de placement en zone d'attente

Cet article, inséré par votre commission par un amendement COM-144 de votre rapporteur, correspond à des dispositions introduites à l'article 29 du présent projet de loi par un amendement du Gouvernement adopté en séance publique par les députés.

Il vise à créer un article L. 624-1-1 nouveau regroupant, d'une part, certaines des dispositions de l'actuel article L. 624-1 et, d'autre part, à créer un délit spécifique de soustraction à une mesure de placement en rétention ou de placement en zone d'attente .

L'article L. 624-1 du CESEDA sanctionne actuellement trois comportements liés à une présence en situation irrégulière sur le territoire :

- le fait pour un étranger de s'être maintenu sur le territoire après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement suivie d'une mesure de placement en rétention ou d'assignation à résidence, à l'issue de laquelle il n'a pas été éloigné.

Cette disposition résulte de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées 228 ( * ) . En effet, à la suite d'un arrêt Hassen El Dridi du 28 avril 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que les dispositions de la directive « Retour » relatives à l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ne pouvaient pas être contredites par une mesure nationale. Or, dans sa rédaction antérieure à la loi de 2012, le séjour irrégulier était puni d'une peine d'emprisonnement. Le droit français contredisait donc la directive qui impose l'éloignement de l'étranger en pareil cas. Ce n'est que dans un second temps, après l'échec des procédures prévues par la directive, qu'une peine d'emprisonnement peut être éventuellement prévue.

Comme l'a rappelé notre collègue Gaëtan Gorce, rapporteur de la loi du 31 décembre 2012 au nom de votre commission, « le droit communautaire ne proscrit donc pas toute intervention de la loi pénale en matière de séjour irrégulier, mais impose une priorité des mesures prescrites par la directive « retour » sur toute législation susceptible d'en contrarier l'application » 229 ( * ) .

En conséquence, l'article L. 624-1 a été modifié en 2012 pour pénaliser le maintien , qui suppose un échec des mesures d'éloignement, à la différence du simple séjour . La peine encourue est d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

- L'utilisation de manoeuvres pour se soustraire à une mesure d'éloignement du territoire ou pour y revenir, malgré une mesure l'interdisant, punie de trois ans d'emprisonnement ;

- Le fait de ne pas présenter des documents de voyage permettant l'exécution d'une mesure d'éloignement, de n'avoir pas fourni d'informations permettant de le faire ou d'avoir fourni des renseignements erronés est également puni de trois ans d'emprisonnement.

En revanche, aucun délit ne sanctionne le fait de se soustraire à un placement en zone d'attente ou en centre de rétention administrative, c'est-à-dire à la « fuite » de l'un de ces lieux. Ce comportement n'est pourtant pas isolé : en 2014, 34 fuites de retenus ont été constatées et au 1 er semestre 2015, 17 cas ont été recensés. Dans les zones d'attente, 3 fuites ont été constatées en 2014, aucune en 2015.

Les dispositions adoptées par les députés à l'initiative du Gouvernement auraient pour effet d'isoler au sein de l'article L. 624-1 le seul délit de maintien irrégulier sur le territoire.

Votre commission a souhaité regrouper dans un article L. 624-1-1 nouveau les deux dernières dispositions de l'actuel article L. 624-1 - la soustraction frauduleuse à une mesure d'éloignement et le fait de ne pas fournir ses documents de voyage. Cet article serait complété d'une disposition nouvelle sanctionnant la fuite d'une zone d'attente ou d'un lieu de rétention.

Un étranger maintenu en zone d'attente ou retenu en centre de rétention administrative qui en fuirait, ou tenterait d'en fuir, serait ainsi puni d'une peine de 3 ans d'emprisonnement. Cette peine serait portée à 5 ans en cas de violence, effraction ou corruption et à 7 ans si les faits étaient commis en réunion, sous la menace « d'une arme ou d'une substance explosive, incendiaire ou toxique ».

Le dispositif proposé s'inspire des articles 434-27 et 434-30 du code pénal qui répriment l'évasion d'un lieu de détention, avec des adaptations. En effet, seules des peines d'emprisonnement seraient prévues. De plus, aucune peine particulière ne sanctionne l'utilisation d'une arme ou d'une substance explosive, incendiaire ou toxique. Ce serait donc les dispositions de droit commun du droit pénal réprimant les violences avec armes qui seraient alors applicables 230 ( * ) . Il peut être observé que ces peines pourraient être aggravées, notamment en cas d'atteinte à une personne dépositaire de l'autorité publique.

Votre commission partage la volonté de sanctionner la fuite d'un lieu de rétention ou d'une zone d'attente, qui permettra de renforcer l'efficacité du placement en rétention.

Votre commission a adopté l'article 22 ter ainsi rédigé .


* 202 Cf . l'article 15, paragraphe 1, de la directive « Retour » :

« À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, en particulier lorsque :

« a) il existe un risque de fuite, ou

« b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. [...] »

* 203 Le délai d'intervention du JLD a fluctué : de 24 heures à compter du placement en rétention, cette durée a été fixée à quarante-huit heures par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite « loi Debré », puis à cinq jours par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 204 Le juge administratif demeurerait cependant compétent pour apprécier la légalité de la décision d'assignation à résidence, alternative à une mesure de placement en rétention.

* 205 Voir commentaire de l'article 19 bis A.

* 206 Dans sa décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition qui confiait au juge judiciaire la compétence pour apprécie la légalité des mesures d'éloignement.

* 207 Pour de plus amples informations, cf. La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes , rapport d'information de Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois (n° 773, 2013-2014), consultable à l'adresse : http://www.senat.fr/rap/r13-773/r13-773_mono.html

* 208 Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il résulterait du texte adopté par l'Assemblée nationale (intervention du juge des libertés et de la détention à quarante-huit heures pour une prolongation de vingt-huit jours avant une nouvelle prolongation le cas échéant), sur la base des chiffres de 2014, une augmentation des escortes de 16 %.

* 209 CEDH, 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga c. Belgique , n° 13178/03, à propos de la rétention d'un mineur isolé étranger, CEDH, 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique , n° 41442/07  et CEDH, 13 décembre 2011, Kanagaratnam c. Belgique , n° 15297/09, à propos de la rétention de mineurs étrangers accompagnants, CEDH, 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce , n° 8687/08.

* 210 CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, n° 39472/07.

* 211 Circulaire n° NOR INTK1207283C du 6 juillet 2012 relative à la mise en oeuvre de l'assignation à résidence prévue à l'article L. 561-2 du CESEDA, en alternative au placement des familles en rétention administrative sur le fondement de l'article L. 551-1 du même code.

* 212 La loi n° 93-1420 du 31 décembre 1993 portant modification de diverses dispositions pour la mise en oeuvre de l'accord sur l'Espace économique européen et du traité sur l'Union européenne, a introduit la possibilité pour le juge de prolonger à nouveau la rétention « en cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public » ou « lorsque l'étranger n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente de document de voyage permettant l'exécution d'une mesure [d'éloignement] et que des éléments de fait montrent que ce délai supplémentaire est de nature à permettre l'obtention de ce document ».

* 213 La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite loi « Debré », a augmenté le délai d'intervention du juge judiciaire à quarante-huit heures au lieu de vingt-quatre et réduit la durée de prolongation autorisée par le juge de six à cinq jours, pour maintenir une durée globale de sept jours.

* 214 La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile précise que la seconde prolongation peut intervenir « lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ».

* 215 La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a en effet distingué deux hypothèses pour la seconde prolongation : soit l'éloignement n'a pu être réalisé du fait de l'étranger et le juge peut prolonger de quinze jours la rétention, soit il n'a pu être procédé à l'éloignement « en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport, et qu'il est établi par le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai », la prolongation ne peut alors excéder cinq jours. La loi du 16 juin 2011 a mis fin à cette distinction.

* 216 Matthias Fekl, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France , rapport au Premier ministre, 14 mai 2013, p. 56.

* 217 Cf . le JO Débats Assemblée nationale , 2 e séance du 23 juillet 2015, p. 7174.

* 218 Cf . Centres de rétention administrative et zones d'attente - Bien ! Mais peut encore mieux faire... , rapport d'information de M. Thierry Mariani, fait au nom de la mission d'information sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente de la commission des lois de l'Assemblée nationale (n° 1776, XIIIe législature), pp. 25-26.

* 219 Matthias Fekl, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France , rapport au Premier ministre, 14 mai 2013, p. 56.

* 220 Cf . le rapport n° 2814 de M. Thierry MARIANI, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale ( http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2814.asp - P3046_716068 ) et le rapport n° 239 (2010-2011) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois du Sénat ( http://www.senat.fr/rap/l10-239-1/l10-239-114.html - toc249 ), sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 221 Pour de plus amples informations, cf. La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes , rapport d'information de Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois (n° 773, 2013-2014), consultable à l'adresse : http://www.senat.fr/rap/r13-773/r13-773_mono.html

* 222 La loi du 16 juin 2011 a également rendu conforme à la directive « Retour » l'assignation à résidence pour l'étranger qui est dans l'impossibilité de quitter immédiatement le territoire français (art. L. 561-1) ; en outre, une assignation à résidence avec surveillance électronique est désormais prévue pour les parents d'enfants mineurs aux articles L. 562-1 et L. 562-3 du CESEDA. Cette dernière n'a cependant jamais été mise en oeuvre faute de décret d'application.

* 223 Par coordination avec l'article 14 du présent projet de loi, le cas de l'arrêté de reconduite à la frontière est toutefois supprimé de la liste.

* 224 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte).

* 225 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, Société Westgate Charters Ltd.

* 226 L'étude d'impact s'appuie sur une décision de la Cour européenne des droits de l'homme relative à la visite domiciliaire en matière pénale (CEDH, 15 octobre 2013, req. n° 34529/10, Gutsanovi c/ Bulgarie ).

* 227 La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes , rapport d'information de Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois (n° 773, 2013-2014), consultable à l'adresse :

http://www.senat.fr/rap/r13-773/r13-773_mono.html

* 228 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl11-789.html

* 229 Rapport n° 85 (2012-2013) de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 octobre 2012, p. 32.

* 230 Par exemple, les dispositions de l'article 222-11 du code pénal réprimant les violences entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

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