N° 56

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant la ratification de l' accord d' association entre l' Union européenne et la Communauté européenne de l' énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie , d'autre part,

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mmes Leila Aïchi, Nathalie Goulet , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2791 , 2891 et T.A. 554

Sénat :

559 (2014-2015) et 57 (2015-2016)

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 559 (2014-2015) autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs états membres, d'une part, et la Géorgie d'autre part, adopté le 25 juin 2015 par l'Assemblée nationale après déclaration de la procédure accélérée.

La ratification de cet accord volumineux, de 432 articles, viendra clore la démarche engagée par la signature le 27 juin 2014 de trois accords d'association entre l'Union et trois des pays concernés par le « Partenariat oriental », la Moldavie, l'Ukraine et la Géorgie 1 ( * ) .

Comme les accords précédemment ratifiés, l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part, s'inscrit dans un contexte politique complexe.

Conclu avec un pays ne contrôlant pas l'intégralité de son territoire, cet accord ne s'appliquera pas immédiatement aux régions de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, avant que le conseil d'association, composé de représentants européens et géorgiens, n'adopte par consensus une décision reconnaissant que l'accord peut être étendu à l'intégralité du territoire géorgien.

L'accord d'association est un accord ambitieux qui demandera des réformes et des investissements conséquents aux Géorgiens qui en prennent peu à peu conscience. Cet accord est une opportunité, pour la Géorgie, mais aussi pour l'Union européenne et la France, chacun ayant à gagner de l'instauration d'un Caucase stable.

Dans cette perspective, cet accord vise à mettre en place une association politique et une intégration économique mutuellement bénéfiques. Il comprend à la fois un volet politique, un volet commercial visant à une libéralisation quasi-totale des échanges et un volet dit « de coopération », dont l'objectif est la reprise par la Géorgie de l'acquis normatif communautaire dans un grand nombre de domaines.

Le projet de loi devrait être examiné en séance publique le jeudi 29 octobre.

Il ne reste que quatre États membres à ne pas avoir encore ratifié cet accord, dont la France 2 ( * ) , il paraît donc extrêmement souhaitable de remédier à cette situation.

I. LE SUCCÈS DU PROCESSUS DE RAPPROCHEMENT A PERMIS D'ABOUTIR À LA CONCLUSION D'UN ACCORD D'ASSOCIATION

A. UNE DÉMARCHE VOLONTARISTE DE LA GÉORGIE

1. Un « jeune » État, indépendant depuis 1991

Indépendante depuis 1991, la Géorgie occupe une position stratégique du fait de son rôle de voie de transit vers l'Occident des hydrocarbures de la mer Caspienne. La guerre civile qui a marqué ses premières années d'indépendance a vu la sécession des régions d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud en même temps que la chute du régime qualifié de nationaliste du président Gamsakhourdia auquel a succédé l'ancien ministre des affaires étrangères soviétique Édouard Chevardnadze.

La « révolution des Roses », fin 2003, a porté au pouvoir Mikheil Saakachvili, candidat du mouvement national uni, élu président en janvier 2004 puis réélu en janvier 2008. Le parti présidentiel qu'il représentait a perdu les élections législatives du 1 er octobre 2012 face à la coalition « Rêve géorgien » dirigée par Bidzina Ivanichvili. Le candidat de cette coalition, Guiorgui Margvelachvili, a été élu chef de l'État le 27 octobre 2013 et Bidzina Ivanichvili a cédé le 20 novembre 2013 sa place de premier ministre à Irakli Garibachvili.

La Géorgie, capable d'alternance, se caractérise donc par un régime démocratique moins fragile que certains de ses proches voisins et par une vie politique pluraliste, parfois agitée comme en témoigne la démission de plusieurs ministres du gouvernement partiellement remanié qui a obtenu la confiance du parlement géorgien en mai 2015.

2. Le rapprochement de la Géorgie avec l'Union européenne

Dès 2004, sous la houlette de son président Mikheil Saakachvili, la Géorgie a engagé sa modernisation. La priorité donnée à l'intégration euro-atlantique, dès cette époque, continue de faire consensus au sein du Parlement géorgien. Selon un sondage de l' International Republican Institut de mars 2015, 85 % des personnes interrogées soutiennent une éventuelle adhésion de la Géorgie à l'Union européenne et 78 % une éventuelle adhésion à l'OTAN.

a) Le paquet « substantiel » accordé par l'OTAN

En 2008 la Géorgie s'est vu reconnaître par l'OTAN sa vocation à adhérer à l'alliance 3 ( * ) . Cette même année, en août 2008, le conflit avec la Russie s'est traduit par l'entrée des troupes russes sur le sol géorgien, au-delà des régions séparatistes de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Au nom de l'Union européenne, la France, qui assurait la présidence de l'Union, a exercé une médiation rapide et efficace permettant l'arrêt de l'avancée des troupes russes le 12 août 2008 et l'adoption d'un plan en six points 4 ( * ) . Le 26 août 2008, l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie a été reconnue formellement par la Russie 5 ( * ) .

La Commission OTAN-Géorgie est le cadre institutionnel dans lequel sont conduits le dialogue politique et la coopération pratique. Il est à noter que la Géorgie a été, parmi les pays non-membres de l'OTAN, le plus important fournisseur de troupes à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan. La Géorgie a envoyé jusqu'à 1 500 soldats en Afghanistan 6 ( * ) , devenant plus gros contributeur à une intervention de l'alliance en tant que pays non-membre de l'OTAN. Cette contribution à l'action de l'OTAN doit être saluée

Il est à noter que la Géorgie est également présente dans les opérations extérieures menées par l'Union européenne, puisque, après la France, elle est le plus important fournisseur de troupes à l'opération militaire en République centrafricaine, dites EUFOR RCA, avec l'envoi de 150 soldats d'infanterie légère. De même, la Géorgie contribue à la formation des forces armées maliennes dans le cadre de la mission militaire européenne EUTM - Mali.

Lors du dernier sommet de l'OTAN de septembre 2014, elle a obtenu un paquet de mesures substantielles et non une perspective d'adhésion 7 ( * ) . Ce « paquet substantiel » comporte des mesures en matière de coopération, d'entraînement et de participation à des exercices. Cette collaboration renforcée souligne l'implication des alliés dans cette région et la reconnaissance de l'implication de la Géorgie dans les opérations de l'alliance.

b) De la politique de voisinage à l'accord d'association

La Géorgie a très tôt souhaité s'engager dans une démarche de rapprochement avec l'Union européenne.

Dans le cadre de la politique de voisinage, le 22 avril 1996, un accord de partenariat et de coopération est signé entre la Géorgie et l'Union européenne, il entre en vigueur le 1 er juillet 1999 pour une durée initiale de 10 ans. Le 15 juillet 2010, des négociations sont donc ouvertes pour entamer la négociation de l'accord de libre-échange approfondi et complet qui fait partie intégrante de l'accord d'association et en constitue le volet commercial. Cette partie de l'accord est finalisée le 22 juillet 2013 et paraphée le 29 novembre 2013 à Vilnius lors du troisième sommet du « Partenariat oriental » de l'Union européenne.

Ce processus de coopération s'est inscrit dans le cadre du « Partenariat oriental », initiative européenne visant à relancer la politique de voisinage sur le flanc est de l'Europe, en direction de la Géorgie, de l'Ukraine, de la Moldavie, mais aussi de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie et de la Biélorussie. Ce partenariat vise, d'une part, à renforcer le dialogue politique par la signature d'un accord d'association en remplacement des accords de partenariat et de coopération signés dans les années 90 et à parvenir à une intégration économique poussée grâce à une libéralisation des échanges commerciaux et à une reprise par les États associés de l'acquis réglementaire européen, d'autre part.

La déclaration fondatrice du Partenariat oriental adoptée lors du sommet de Prague, le 7 mai 2009, précisait que ce partenariat « sera développé sans préjudice des aspirations exprimées par les différents pays partenaires en ce qui concerne leurs futures relations avec l'Union européenne ».

De plus, le 30 novembre 2009, la Géorgie et l'Union européenne ont signé un « Partenariat pour la mobilité », proposé aux pays couverts par la politique de voisinage. Cet accord concerne l'ensemble des problématiques de la mobilité des personnes, telles que le contrôle des flux migratoires, l'amélioration de l'accueil des demandeurs d'asile, mais aussi le soutien au retour volontaire et l'application des procédures de réadmission.

Aux termes de cette démarche constante de rapprochement avec l'Union européenne, la Géorgie a signé le 27 juin 2014 un accord d'association 8 ( * ) .


* 1 En effet, le projet de loi autorisant la ratification des accords d'association entre l'Union et la Moldavie, adopté par le Sénat le 3 mars 2015, a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 16 avril 2015 et le projet de loi autorisant la ratification des accords d'association entre l'Union et l'Ukraine, adopté par le Sénat le 7 mai 2015, a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 25 juin 2015.

* 2 Les trois autres pays à ne pas encore avoir ratifié l'accord d'association sont la Belgique, la Hongrie et l'Italie.

* 3 Lors du sommet de Bucarest en avril 2008, la Géorgie a reçu la qualification de pays ayant vocation à rejoindre l'Alliance atlantique. Lors du sommet de Chicago de mai 2012, il a été considéré que la Géorgie deviendrait membre de l'OTAN.

* 4 Les six points sont les suivants : non-recours à la force, cessation définitive des hostilités, libre accès de l'aide humanitaire, retrait des forces géorgiennes vers leur cantonnement, retrait des forces russes sur les lignes qu'elles occupaient avant le déclenchement des hostilités, ouverture de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

* 5 Le Nicaragua, le Venezuela et quelques petits États insulaires du Pacifique ont également reconnu l'indépendance de ces deux régions séparatistes.

* 6 La participation de la Géorgie à la FIAS a notamment pris la forme d'un renforcement du contingent français, puisque en novembre 2009, une compagnie du 23 e bataillon d'infanterie (Senaki) a rejoint Kaboul où elle a été placée sous commandement français.

* 7 Les États-Unis ont à deux reprises déclaré publiquement, en 2014 et en 2015, que la Géorgie n'était pas aujourd'hui sur le chemin d'une adhésion à l'OTAN.

* 8 L'accord d'association entre l'Union et la Moldavie a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 16 avril 2015 et celui concernant l'Ukraine le 25 juin 2015.

L'accord d'association avec l'Azerbaïdjan est en cours de négociation, mais le volet économique, notamment la partie relative au libre-échange, ne peut pas progresser tant que ce pays n'aura pas accédé à l'OMC. L'accord d'association avec l'Arménie avait été finalisé en juillet 2013, mais la décision arménienne de rejoindre l'Union douanière, annoncée le 3 septembre 2013, a conduit à suspendre le processus. Enfin aucun accord n'est en cours de négociation avec la Biélorussie en raison de la situation intérieure, la ratification et l'application de l'accord de partenariat et de coopération signé en 1995 ont été gelées depuis 1997.

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