TITRE VI - MESURES COMMUNES AUX DIFFÉRENTES BRANCHES

Article 57 (art. L. 161-23-1, L. 341-6, L. 351-11, L. 353-5, L. 356-2, L. 413-7, L. 434-1, L. 434-2, L. 434-6, L. 434-16, L. 434-17, L. 551-1, L. 723-11-2 [nouveau}, L. 816-2 et L. 861-1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 211-10 du code de l'action sociale et des familles ; art. L. 732-24, L. 751-46, L. 752-6, L. 753-8 et L. 762-29 du code rural et de la pêche maritime ; art 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974, art. 5 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987, article 11 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977) - Modification des règles de revalorisation des prestations de sécurité sociale

Objet : Cet article modifie les dates et les règles de revalorisation des prestations prises en charge par les organismes de sécurité sociale.

I - Le dispositif proposé

Le présent article constitue le pendant, s'agissant des prestations financées par les organismes de sécurité sociale, de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2016 relatif aux minimas sociaux et prestations à la charge de l'Etat et des départements. Il procède à trois changements :

- d'une part, une harmonisation partielle des dates de revalorisation des prestations concernées afin qu'elles interviennent désormais au 1 er avril ou au 1 er octobre de chaque année ;

- d'autre part, un changement dans les modalités de prise en compte de l'inflation pour le calcul de la revalorisation : c'est désormais l'inflation constatée et non plus l'inflation prévisionnelle qui servira de base à la revalorisation. Une telle règle a déjà été adoptée concernant la prime d'activité, créée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 66 ( * ) ;

- enfin, la mise en place d'un mécanisme de « bouclier » destiné à éviter toute évolution à la baisse du niveau des prestations en cas d'inflation négative.


Une harmonisation partielle des dates de revalorisation des prestations de sécurité sociale

Coexistent actuellement trois dates de revalorisation des prestations de sécurité sociale. Le 1 er octobre s'applique, depuis la loi du 20 janvier 2014, aux pensions de retraite et aux prestations qui leur sont liées 67 ( * ) . Les prestations familiales et celles liées aux accidents du travail et maladies professionnelles sont, quant à elles, revalorisées au 1 er avril de chaque année. Enfin, les plafonds de ressources qui déterminent l'accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) ainsi qu'à l'aide médicale d'Etat (AME) sont revalorisés au 1 er juillet.

Le présent article propose de supprimer la date du 1 er juillet pour la faire passer au 1 er avril.


La prise en compte de l'inflation constatée et non plus de l'inflation prévisionnelle

La revalorisation des prestations de sécurité sociale concernées par le présent article s'effectue actuellement en tenant compte de l'inflation prévisionnelle. Pour les prestations revalorisées avant le troisième trimestre d'une année N, c'est la prévision d'inflation formulée en N-1 par la commission économique de la nation (CEN) qui est prise en compte. Pour celles qui sont revalorisées plus tard dans l'année, c'est la prévision figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé à la loi de finances qui est retenue.

Cette méthode s'accompagne nécessairement de l'application de correctifs visant à tenir compte des écarts entre l'inflation prévisionnelle et l'inflation constatée. Comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi 68 ( * ) , prévoir l'inflation est un exercice complexe, d'autant plus aléatoire dans le contexte économique issu de la crise de 2008, qui se traduit par une volatilité des prix plus marquée. De fait, ces dernières années se sont caractérisées par l'application de correctifs importants. Déconnectée des prévisions d'inflation aussi bien que de l'inflation effectivement constatée, l'évolution des prestations devient difficilement compréhensible pour les bénéficiaires.

Pour ces raisons, le présent article propose de fonder la revalorisation des prestations de sécurité sociale sur les dernières données d'inflation (hors tabac) publiées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et appréciées, en moyenne annuelle, sur les douze derniers mois. S'appliqueraient donc les règles suivantes :

- pour les prestations revalorisées au 1 er avril d'une année N, il serait tenu compte de la progression de la valeur moyenne de l'indice entre février N-1 et janvier N, par rapport à février N-1 et janvier N-1 ;

- pour les prestations revalorisées au 1 er octobre d'une année N, il serait tenu compte de la progression de la valeur moyenne de l'indice entre août N-1 et juillet N par rapport à la valeur moyenne de l'indice entre août N-2 et juillet N-1.

Cette évolution est prévue, s'agissant des prestations financées par l'Etat, par l'article 33 du projet de loi de finances. Cet article réécrit l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale de la façon suivante : « la revalorisation annuelle des montants de prestations dont les dispositions renvoient au présent article est effectuée sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées. » Le présent article opère, pour chaque prestation concernée, un renvoi à cet article L. 161-25.


La mise en place d'un « bouclier » destiné à prévenir toute évolution à la baisse des prestations de sécurité sociale

La nouvelle rédaction de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale comporte également un alinéa indiquant que « si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur » . En d'autres termes, si la règle de calcul prévue à l'article L. 161-25 conduit à appliquer un coefficient négatif en raison d'une inflation négative, les prestations ne peuvent voir leur montant diminué. Celui-ci est simplement maintenu à son niveau antérieur.

Les prestations concernées par les nouvelles modalités de revalorisation
prévues au I du présent article

Prestation

Articles du code
de la sécurité sociale

Date de revalorisation

Modalités de revalorisation

Pensions de vieillesse

L. 161-23-1 ( du I )
L. 351-11 ( du I )

1 er octobre

Coefficient prévu à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction prévue à l'article 33 du projet de loi de finances pour 2016 : " La revalorisation annuelle des montants de prestations dont les dispositions renvoient au présent article est effectuée sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées. Si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur. »

Majoration forfaitaire de la pension de réversion pour le conjoint survivant non titulaire d'un avantage personnel de vieillesse

L. 353-5 ( du I )

1 er octobre

Allocation de veuvage

L. 356-2 ( du I )

1 er octobre

Pensions de retraite des avocats

L. 723-11-2 [nouveau] ( 11° du I )

1 er octobre

Pensions d'invalidité

L. 341-6 ( du I )

1 er avril

Barème servant au calcul de l'indemnité en capital versée aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP)

L. 434-1 ( du I )

1 er avril

Prestation complémentaire à l'indemnité AT-MP pour recours à tierce personne

L. 434-2 ( du I )

1 er avril

Rente pour AT-MP

L. 434-16 ( du I )
L. 434-17 ( du I )

1 er avril

Prestations familiales et assimilées

L. 551-1 ( 10° du I )

1 er avril

Allocation de solidarité aux personnes âgées

L. 816-2 ( 12° du I )

1 er avril

Plafond de ressources applicable au calcul du droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) et à l'aide médicale d'Etat (AME)

L. 861-1 ( 13° du I )

1 er avril (au lieu du 1 er juillet)

Source : Commission des affaires sociales

Les règles de revalorisation des pensions de retraite de base du régime des avocats font l'objet de dispositions propres. Actuellement fixées par le conseil d'administration de la caisse nationale des barreaux français, elles seraient désormais alignées sur les règles applicables aux autres pensions de retraite, d'où l'introduction d'un article L. 723-11-2 [nouveau] dans le code de la sécurité sociale.

Enfin, le II du présent article prévoit les coordinations nécessaires dans le code rural et de la pêche maritime.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté huit amendements rédactionnels ou de coordination.

III - La position de la commission

Votre commission est pleinement consciente du fait que le présent article doit conduire, en 2016, à une économie de 400 millions d'euros qui ne revêt, en aucun cas, un caractère pérenne et ne peut donc être considérée comme traduisant de la part du Gouvernement un effort structurel en faveur du rétablissement des comptes sociaux. Pour autant, elle estime que, compte tenu des simplifications et des gains en lisibilité sur l'évolution des prestations que devrait permettre la mise en oeuvre du présent article, il n'existe aucune raison de s'opposer à son adoption.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 57 bis (nouveau) (art. 1084 du code général des impôts) - Précision du champ des bénéficiaires de l'exemption des droits de mutation

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, précise le champ des exonérations de l'exemption des droits de mutation dont bénéficient les caisses de sécurité sociale.

I - Le dispositif proposé

L'article 1084 du code général des impôts dispose que « tous les actes relatifs aux acquisitions d'immeubles et aux prêts que les caisses de sécurité sociale sont autorisées à effectuer sont exonérés des droits d'enregistrement et de timbre ainsi que de la taxe de publicité foncière ».

Cet article, introduit en séance publique par un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission, remplace le terme de caisse par celui d'organisme de sécurité sociale, mieux défini par les textes afin de sécuriser l'exemption de droits de mutation des transactions sur l'immobilier des organismes de sécurité sociale.

II - La position de la commission

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 58 (art. L. 122-6, L. 122-7, L. 122-8, L. 216-2-1, L. 216-2-2 et L. 611-9-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Renforcement des mutualisations entre organismes, branches et régimes de la sécurité sociale

Objet : Cet article vise, d'une part, à étendre la possibilité de mutualisation des organismes de protection sociale entre branches d'un même régime mais aussi entre organismes de régimes différents ; il permet également de renforcer la mutualisation budgétaire et comptable entre les caisses du régime social des indépendants dans la perspective de leur fusion à venir.

I - Le dispositif proposé


Le renforcement de la mutualisation inter-branches et inter-régimes

a) La mutualisation entre des organismes de sécurité sociale, au sein du régime général uniquement, est aujourd'hui possible mais à des conditions restrictives et complexes.

En créant les articles L. 216-2-1 et L. 216-2-2 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 69 ( * ) a créé la possibilité pour les organismes nationaux et locaux appartenant à un même régime de signer des conventions afin de mutualiser leurs compétences et leurs ressources.

L'article L. 216-2-1 autorise ces conventions entre les organismes nationaux et locaux appartenant à l'un des réseaux du régime général piloté par la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) ou l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Il prévoit que les orientations, définies par les conseils d'administrations de la Cnav, de la Cnaf ou de l'Acoss peuvent être mises en oeuvre à travers des conventions, entre l'organisme national et les organismes locaux ou régionaux de la branche, pour la réalisation de missions ou d'activités relatives à trois domaines de compétences : la gestion des organismes, le service des prestations et le recouvrement. L'activité de traitement des litiges et des contentieux ainsi que de leurs suites ne peut toutefois pas relever d'une convention mais d'un décret. Les directeurs des organismes nationaux sont compétents pour signer la convention après avis de leur conseil d'administration.

Les II et III de l'article L. 216-2-1 précisent les activités pouvant faire l'objet d'un conventionnement, respectivement pour les missions de service des prestations et de recouvrement.

L'article L. 216-2-2 prévoit un mécanisme équivalent de convention entre organismes locaux ou régionaux pouvant appartenir à une même branche ou à des branches différentes au sein d'un même régime. La convention prend alors effet lorsqu'elle est approuvée par le directeur de l'organisme national de la ou des branches concernées. La rédaction de cet article ne vise pas uniquement, contrairement à l'article L. 216-2-1, le régime général.

Cet article aurait pu servir de base légale à l'extension d'un mécanisme plus large de conventions inter-branches. Cependant, comme le précise l'étude d'impact, « une telle mutualisation reposerait sur un dispositif dont la mise en oeuvre complexe rend aléatoire son aboutissement. En effet, pour mutualiser, par exemple, une activité qui concerne l'ensemble des caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) auprès d'une seule caisse d'allocations familiales (CAF), il serait nécessaire de signer une convention qui lierait les 101 Cpam à la CAF concernée, après approbation des deux directeurs généraux » . Ce mécanisme manque, de toute évidence, d'efficience d'autant que des « dissymétries de compétences dévolues aux conseils d'administration [existent] entre les branches famille, retraite et recouvrement [d'une part] et la branche maladie [d'autre part] » .

Dès lors, une lacune législative demeure pour faciliter les mutualisations inter-branches et pour autoriser les mutualisations inter-régimes. Le présent article vise à pallier cette lacune.

b) Le dispositif proposé prévoit d'étendre les possibilités de convention aux mutualisations inter-branches et inter-régimes.

Cet article abroge dans son 2° les articles L. 216-2-1 et L. 216-2-2 pour les rétablir au sein d'un nouveau chapitre II bis « Organisation et gestion des missions et activités » , inséré dans le titre II « Administration, fonctionnement et personnel des organismes » du Livre Ier « Généralités- Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base » de la partie législative du code de la sécurité sociale.

Les deux nouveaux articles L. 122-6 et L. 122-7 reprennent, en les modifiant, les dispositions respectivement des articles L. 216-2-1 et L. 216-2-2.

L'article L. 122-6 supprime, dans son premier alinéa, la référence à la Cnav, la Cnaf et l'Acoss. Il dispose désormais que les conseils d'administration des organismes nationaux définissent les orientations relatives à l'organisation du réseau des organismes relevant, non seulement de la branche, mais également « du régime » concerné.

Par voie de conséquence, les directeurs des organismes nationaux sont donc autorisés à prévoir des conventions concernant des organismes de la branche mais également du régime, ce qui autorise clairement toute convention inter-branches au sein d'un même régime .

L'article L. 122-6 élargit par ailleurs le champ des missions pouvant être couvertes par les conventions en l'étendant aux missions et activités liées « à la gestion des activités de trésorerie ».

L'article L. 122-7 corrige une erreur matérielle qui figurait à l'article L. 216-2-2 en indiquant que peuvent être déléguées des missions « ou activités » , ce qui permet d'harmoniser avec l'article L. 122-6. Il précise désormais, « lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est [alors] signée par les agents comptables des organismes concernés » .

Enfin ce chapitre II bis est complété par un article L. 122-8 totalement nouveau, visant à rendre possible la mutualisation entre les organismes de sécurité sociale « d'une autre branche ou d'un autre régime » pour des missions similaires à celles figurant aux articles L. 122-6 et L. 122-7. Il exclut ainsi les missions ou activités de traitement des litiges ou de contentieux du champ conventionnel.

L'article L. 122-8 prévoit explicitement les mutualisations inter-branches et inter-régimes via une convention signée par les seuls directeurs des caisses nationales sans intervention des conseils d'administration.

Les autres articles demeurent utiles car ils servent actuellement de base légale aux conventions existantes et qu'ils correspondent aux modes de gouvernance de certaines branches ou régimes.


Le renforcement de la mutualisation budgétaire et comptable au sein du réseau RSI dans la perspective du projet de fusion des caisses

Face aux difficultés rencontrées et à l'exigence d'une plus grande efficacité, le régime social des indépendants a prévu un projet ambitieux de fusion de ses caisses de base, au sein du projet « Trajectoires 2018 ». Les fusions de caisses sont prévues à l'article L. 611-9 du code de la sécurité sociale.

Dans la perspective des fusions à venir, cet article permet d'anticiper les rapprochements entre les caisses concernées en leur donnant la possibilité d'établir une comptabilité et un budget commun unique.

Il créé, à cet effet, un nouvel article L. 611-9-1 au code de la sécurité sociale. Cet article prévoit que les caisses de base appelées à fusionner peuvent décider d'établir un budget unique et une comptabilité des opérations budgétaires unique.

Lorsque des opérations techniques de prise d'actes juridiques, de service de prestations ou d'exercice des activités concourant à l'accomplissement des missions d'une caisse sont déléguées à une autre caisse, ces opérations peuvent également être intégrées au choix de tenir une comptabilité unique.

Dans ce cas, le directeur de la caisse nationale désigne :

- parmi les directeurs des caisses appelées à fusionner, celui chargé d'élaborer et d'exécuter le budget unique et d'arrêter le compte unique ;

- parmi les agents comptables des caisses appelées à fusionner, celui chargé d'établir le compte unique.

Le budget unique et le compte unique devront être approuvés par les conseils d'administration de l'ensemble des caisses appelées à fusionner.

Enfin, une convention, signée par les directeurs et agents comptables des caisses appelées à fusionner, approuvée par les conseils d'administration des caisses concernées et validée par le directeur général et l'agent comptable de la caisse nationale, permet de mettre en oeuvre les modalités de la décision d'établir un budget et une comptabilité uniques.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté une série d'amendements rédactionnels, à l'initiative de son rapporteur ainsi que deux amendements plus substantiels du Gouvernement.

Le premier complète le champ de mutualisation des missions entre les organismes de recouvrement, précisé au III de l'article L. 122-6. En plus des missions liées au recouvrement, au contrôle et au contentieux du recouvrement, les organismes de recouvrement, au premier rang desquels les Urssaf, pourront mutualiser la mission de gestion des activités de trésorerie.

Le second amendement gouvernemental adopté à cet article complète le chapitre II bis créé par cet article par un article L. 122-9 qui permet de préciser, dans le cadre des mutualisations entre organismes, le partage des responsabilités entre agents comptables. En effet, le régime de responsabilité des agents comptables relève de la loi et ne peut donc être réglé par des stipulations conventionnelles. L'article L. 122-9 dispose donc que :

« Lorsque l'organisme délégant conserve la responsabilité des opérations de paiement, l'agent comptable de l'organisme délégataire chargé des opérations de liquidation des sommes à payer effectue des vérifications permettant d'attester l'exactitude de ces opérations préalablement à leur mise en paiement par l'agent comptable de l'organisme délégant. Ces vérifications sont effectuées selon des orientations fixées conjointement avec l'agent comptable de l'organisme délégant et sous sa responsabilité, en cohérence avec les référentiels de contrôle interne des branches ou régimes concernés ».

III - La position de la commission

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 59 (art. L. 114-9, L. 114-10, L. 114-11, L. 114-19 du code de la sécurité sociale, L. 724-7, L. 724-11, L. 724-14 et L. 725-15 du code rural et de la pêche maritime) - Extension, à tous les régimes, de dispositions applicables dans le cadre de la lutte contre la fraude

Objet : Cet article renforce les dispositifs inter-régimes de lutte contre la fraude sociale, d'une part, en mutualisant la réalisation et l'exploitation des enquêtes, d'autre part, en harmonisant les moyens de lutte contre la fraude.

I - Le dispositif proposé


La coopération inter-régime dans le domaine de la lutte contre la fraude est limitée par l'état actuel du droit :

L'état actuel de la législation en matière de lutte contre la fraude dans le cadre inter-régimes rencontre deux limites tant au niveau de l'exploitation des contrôles que de leur réalisation.

L'exploitation d'un contrôle mené par un organisme de protection sociale, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser directement les résultats de ce contrôle pour prendre une décision de sanction ou de pénalité, par un autre organisme, n'est actuellement possible qu'au sein du régime général et ce tant en ce qui concerne le domaine des prestations que celui du recouvrement. Un organisme du régime général détectant un comportement frauduleux peut transmettre ses conclusions à un autre organisme du régime général qui pourra les utiliser. Il ne pourra, en revanche, qu'effectuer un signalement auprès d'un organisme relevant d'un autre régime, ce dernier devant alors mener un contrôle identique pour pouvoir sanctionner, le cas échéant, l'assuré ou le professionnel.

L'étude d'impact du projet de loi illustre cette difficulté de façon éloquente : « la constatation par une caisse d'allocations familiales (CAF) d'une fraude aux conditions de ressources pour le versement du revenu de solidarité active (RSA) peut être directement exploitée par une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) au titre du versement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c).Toutefois, les résultats de l'enquête ne pourront être exploités ni par la mutualité sociale agricole, ni par le régime social des indépendants lorsque le bénéficiaire de la CMU-c relève de l'un de ces deux régimes pour une autre prestation versée sous condition de ressources » .

De même, la réalisation des contrôles nécessite des moyens importants que les régimes, de taille plus réduite que le régime général, n'ont pas toujours les moyens de mettre en oeuvre. L'étude d'impact évoque en particulier le niveau d'expertise requis pour la lutte contre la fraude à l'assurance maladie tant auprès des assurés que des professionnels de santé. De même, certains régimes de base de protection sociale, n'ayant pas la qualité d'organisme de protection sociale, ne disposent pas des mêmes prérogatives en matière de contrôle. C'est le cas, par exemple, des régimes dont la gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations qui ne bénéficient pas du droit de communication auprès des opérateurs privés et ne disposent pas d'agents de contrôle assermentés et agréés.

Le régime de la mutualité sociale agricole (MSA) n'est pas non plus en mesure, actuellement, de mener les mêmes contrôles que le régime général. Cet article réunit un ensemble de dispositions concernant spécifiquement la MSA pour aligner ses pouvoirs de contrôle sur le régime général.


Le dispositif proposé remédie à cette carence en renforçant, d'une part, la mutualisation dans l'exploitation des enquêtes par l'ensemble des régimes et, d'autre part, l'harmonisation sur le régime général des moyens de lutte contre la fraude de la MSA et des régimes spéciaux.

a) Le I de cet article modifie le chapitre IV ter relatif au contrôle et à la lutte contre la fraude du titre I er du livre I er de la partie législative du code la sécurité sociale.

Le 1° modifie les articles L. 114-9, L. 114-10, L. 114-11 et L. 114-19 pour harmoniser les moyens de contrôle entre tous les régimes de sécurité sociale. L'article L. 114-9 est modifié pour étendre à tous les « organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire » l'ensemble des pouvoirs des directeurs des organismes du régime général en matière de contrôle contre la fraude. Cette extension est opérée également à l'article L. 114-11, qui prévoit désormais un échange d'information entre tous les organismes de sécurité sociale, les services de l'Etat chargés des affaires consulaires et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. L'article L. 114-19 est lui aussi modifié en ce sens pour octroyer aux agents de contrôle des organismes de protection sociale, de l'ensemble des régimes, le droit de communication nécessaire au contrôle de la sincérité et l'exactitude des déclarations ainsi que l'authenticité des pièces produites pour le bénéfice d'une prestation.

Le 1° et le 2° modifient l'article L. 114-10 pour renforcer la mutualisation des moyens de contrôles entre les régimes.

Le 1° et le a du 2° permettent à l'ensemble des régimes, y compris à la MSA sur agrément du ministre chargé de l'agriculture, de bénéficier d'agents de contrôles assermentés et agréés pour procéder aux vérifications dans les mêmes conditions que les agents du régime général.

Les b et c du 2° autorisent l'ensemble des régimes à exploiter directement les résultats d'un contrôle pour procéder à la prononciation d'une éventuelle sanction ou pénalité. Le b permet aux agents chargés du contrôle de mener leurs enquêtes pour le compte de plusieurs organismes appartenant à différentes branches et différents régimes de la sécurité sociale. Le c insère un nouvel alinéa renforçant le dispositif de mutualisation :

« Les procès-verbaux transmis à un autre organisme de protection sociale font foi à son égard jusqu'à preuve du contraire. Le directeur de cet organisme en tire, le cas échéant, les conséquences, selon les procédures applicables à cet organisme, concernant l'attribution des prestations dont il a la charge ».

Le d du 2° supprime une disposition devenue obsolète.

b) Le II modifie les chapitres IV et V du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime, consacrés respectivement aux contrôles et au recouvrement des cotisations et créances.

Le 1° modifie l'article L. 724-7 pour étendre le pouvoir des agents de contrôle de la MSA aux mesures d'action sanitaire et sociale, au même titre que pour les prestations servies par les quatre branches de la sécurité sociale gérées par le régime agricole.

Le 2° élargit, à l'article L. 724-11, les pouvoirs des agents de contrôle de la MSA pour les harmoniser avec ceux du régime général. Ces agents peuvent interroger, non plus seulement les salariés agricoles, les chefs d'exploitations ou d'entreprises agricoles ou personnes non salariées assimilées, les titulaires d'allocation vieillesse ou de pensions de retraite, les employeurs agricoles, mais l'ensemble des cotisants, des bénéficiaires de prestations, des assurés-sociaux et leurs ayants droit, qui sont tenus de les recevoir.

Enfin le 3° supprime les articles L. 725-14 et L. 725-15 devenus obsolètes.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté une série d'amendements rédactionnels.

III - La position de la commission

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 60 (art. L. 643-11 et L. 645-11 du code de commerce) - Exclusion des sommes indues de fraude sociale des procédures collectives

Objet : Cet article vise à étendre, dans le cadre des procédures à l'encontre des dettes professionnelles (liquidation judiciaire ou rétablissement personnel), les situations d'exclusion des possibilités de remise, d'échelonnement ou d'effacement des dettes contractées à l'encontre des organismes de protection sociale à la suite de manoeuvres frauduleuses, comme c'est déjà le cas, depuis 2012, pour les procédures de surendettement (dettes personnelles).

I - Le dispositif proposé

Cet article vise à protéger les créances des organismes de protection sociale lors des procédures de liquidation judiciaire (pour une entreprise employant des salariés) et de rétablissement personnel (pour un travailleur indépendant) sur le modèle de ce qui est pratiqué pour les procédures de surendettement.

• Depuis 2012, dans le cadre d'une procédure de surendettement, les dettes contractées auprès d'un organisme de protection sociale et ayant pour origine une manoeuvre frauduleuse, sont exclues de toute remise, rééchelonnement ou effacement.

L'article 116 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 70 ( * ) avait en effet modifié l'article L. 333-1 du code de la consommation en ajoutant une troisième catégorie de dettes ne pouvant faire l'objet, de remise, rééchelonnement ou effacement dans le cadre d'une procédure de surendettement : les dettes ayant pour origine des manoeuvre frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérées à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale 71 ( * ) .

Cette catégorie de dettes s'ajoute aux dettes alimentaires et aux réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale.

L'article L. 333-1 précise que l'origine frauduleuse de la dette doit avoir été établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17 72 ( * ) et L. 162-1-14 73 ( * ) du code de la sécurité sociale. De même, cet article prévoit également l'exclusion des amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale.

Cet article permet la mise en oeuvre du principe selon lequel une personne ayant frauduleusement bénéficié de prestations sociales ne peut pas s'exonérer du remboursement des indus et des sanctions associées, le cas échéant.

• L'exclusion de cette catégorie de dette à l'encontre des organismes de sécurité sociale des possibilités de remise, d'échelonnement ou d'effacement n'est pas prévu dans le cadre des procédures concernant les dettes d'une entreprise.

Les personnes physiques ou morales exerçant une activité professionnelle peuvent donc bénéficier de ces mesures pour des dettes d'origine frauduleuse, sauf si elles sont établies par une juridiction pénale.

Ainsi, pour reprendre l'exemple éloquent cité par l'étude d'impact 74 ( * ) , « un transporteur sanitaire qui se rend coupable de facturations frauduleuses à l'assurance maladie peut voir sa dette annulée dans le cadre d'un redressement professionnel ou de l'ouverture d'une procédure collective ».

Les organismes de protection sociale estiment que le montant des indus irrécupérables du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement professionnel s'élève à 3,2 millions d'euros.

En protégeant mieux les créances des organismes par l'extension aux procédures collectives de l'exclusion des dettes frauduleuses à toute remise, rééchelonnement ou effacement, le Gouvernement espère recouvrer la moitié de ces indus, soit 1,6 million d'euros par an.

• L'article 60 vise donc à combler cette lacune en modifiant les articles L. 643-11 et L. 645-11 du code de commerce, qui concernent respectivement la procédure de liquidation judiciaire et celle du redressement personnel.

Il introduit un 3° au I de l'article L. 643-11 qui liste les exceptions à la règle selon laquelle le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Les deux premières exceptions sont les suivantes :

- les actions portant sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire ;

- lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu'elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier.

La troisième exception, introduite par le projet de loi, reprend la même formulation que celle figurant à l'article L. 333-1 pour la procédure de surendettement :

« 3° Lorsque la créance a pour origine des manoeuvre frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale. L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17 et L. 162-1-14 du même code » .

De même, cet article modifie l'article L. 645-11, qui renvoie aux deux premières catégories d'exclusion mentionnées à l'article L. 643-11 pour y inclure la troisième concernant les dettes d'origine frauduleuse à l'encontre des organismes de sécurité sociale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article moyennant un amendement de coordination avec l'article 39 du présent projet de loi.

III - La position de la commission

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 61 (art. L. 8271-6-3 [nouveau] du code du travail ; art. L. 634-3-1 [nouveau], art. L. 642-1, L. 645-1, L. 646-1 et L. 647-1 du code de la sécurité intérieure ; art. L. 313-7 [nouveau] du code du travail applicable à Mayotte ; art. L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale) - Echanges d'informations des organismes de sécurité sociale avec les agents assermentés du Cnaps et les services de renseignement

Objet : Cet article vise à permettre un échange d'informations, d'une part, entre les différents agents chargés de lutter contre le travail illégal et les agents du conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), et, d'autre part, entre les organismes de protection sociale et les services de renseignement.

I - Le dispositif proposé

Echanges d'informations avec les agents assermentés du Cnaps

Le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), créé par la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), a notamment pour mission, en application de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure, de contrôler les acteurs de la sécurité privée.

Il a été associé à la convention nationale de partenariat pour la lutte contre le travail illégal dans le secteur de la sécurité privée signée le 12 décembre 2012, qui a également été signée par les organisations patronales de la surveillance humaine et les administrations compétentes des ministères du travail, du budget et de l'intérieur. Cette convention, qui vise à lutter contre les différentes formes irrégulières d'emploi dans le secteur, prévoit diverses actions de prévention, de sensibilisation et de signalement, au plan national comme aux niveaux régional et départemental.

Or, en l'état actuel du droit, les agents du Cnaps ne sont pas autorisés à participer aux échanges de renseignements et de documents utiles à l'accomplissement des missions de recherche et de constatation des fraudes en matière sociale. En application de l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, cette mission relève en effet de la compétence exclusive des organismes de sécurité sociale, de l'inspection du travail, des services fiscaux et des douanes.

Le présent article propose dès lors d'autoriser explicitement les agents du Cnaps habilités par leur directeur à échanger des informations avec les différents agents chargés de lutter contre le travail illégal, ce qui permettrait d'améliorer la lutte contre la fraude dans un secteur qui, aux termes de l'exposé sommaire du présent article, connaît une proportion non négligeable de situations de travail illégal.

Le paragraphe I crée ainsi dans le code du travail un nouvel article L. 8271-6-3 instaurant un droit de communication entre les agents du Cnaps habilités par leur directeur et les différents agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du même code - c'est-à-dire, notamment, les inspecteurs et contrôleurs du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des impôts et des douanes, les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés et assermentés, ou encore les administrateurs des affaires maritime.

Ce droit de communication doit permettre aux agents du Cnaps d'assurer le contrôle des agents du secteur de la sécurité privée et de « tirer les conséquences d'une situation de travail illégal ». Il doit parallèlement permettre aux agents mentionnés par l'article L. 1871-1-2 d'assurer leur mission de lutte contre le travail illégal.

Ainsi que l'indique l'évaluation préalable annexée au présent article, cette mesure pourra permettre aux agents contrôleurs du Cnaps de participer à des opérations de contrôle conjointes dans le domaine de la sécurité privée et d'être associés aux comités opérationnels départementaux antifraudes (Codaf) 75 ( * ) .

Le paragraphe II procède en conséquence à plusieurs coordinations dans le livre IV du code de la sécurité intérieure (1°), dont le paragraphe V précise qu'elles sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Le paragraphe II prévoit par ailleurs le régime de l'application de ces dispositions à Mayotte (2°), en Polynésie française (3°), en Nouvelle-Calédonie (4°) et à Wallis-et-Futuna (5°).

Le paragraphe III effectue également une coordination dans le code du travail applicable à Mayotte.

Echanges d'informations avec les services de renseignements

Le présent article modifie par ailleurs le cadre de l'échange d'informations entre les organismes de protection sociale et les services de renseignement. Selon l'évaluation préalable, il s'agit ainsi de renforcer les contrôles réalisés par ces organismes sur le versement des prestations soumises à condition de résidence : les signalements des services de renseignement pourraient notamment permettre de connaître les éventuelles dates de sortie du territoire des bénéficiaires de ces prestations sociales.

Le bénéfice des prestations sociales est en effet le plus souvent soumis à une condition de résidence sur le territoire français . C'est tout d'abord le cas des prestations familiales visées par l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (prestation d'accueil du jeune enfant -Paje-, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire et allocation journalière de présence parentale. Sont également concernés le revenu de solidarité active (RSA) ainsi que l'allocation aux adultes handicapés (AAH). A ces prestations principalement liquidées par les caisses d'allocations familiales s'ajoutent les prestations servies par Pôle emploi, et notamment l'allocation de retour à l'emploi (ARE) et les allocations de solidarité (allocation temporaire d'attente - ATA - et allocation de solidarité spécifique - ASS). Ce sera également le cas des prestations maladies à compter de la mise en oeuvre de la protection maladie universelle (Puma) prévue par le présent texte.

La nécessité d'une meilleure coopération entre les organismes
de sécurité sociale chargés de la lutte contre les fraudes
et les services de renseignement

Extraits du rapport d'information (n° 388-2015) du 1 er avril 2015 de la commission d'enquête sénatoriale sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes

Les djihadistes ayant quitté la France pour se rendre dans la zone de combats se voient [...] suspendre le versement des prestations sociales dont ils étaient bénéficiaires avant le départ, dès lors que celui-ci est connu des services de renseignement et des organismes prestataires. Cette suspension ne s'analyse cependant pas comme une sanction administrative, dans la mesure où elle s'inscrit dans le droit commun de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Si les administrations et organismes de sécurité sociale ont rapidement mis en oeuvre des procédures adaptées, le traitement des cas concernés, au demeurant peu nombreux, pourrait être amélioré par un renforcement de la coopération administrative en matière de signalement.

[...]

Améliorer le repérage des départs par une meilleure coordination entre organismes de sécurité sociale et avec les services de renseignement

Selon les informations fournies à votre commission d'enquête, [les procédures de suspension et de radiation] ont été très tôt appliquées aux cas suspectés ou avérés de départ pour le djihad par l'ensemble des organismes chargés de la liquidation des prestations. Le contrôle de la fraude sociale constitue en effet de longue date une priorité des organismes de sécurité sociale, en raison du caractère d' « inacceptabilité sociale » qui lui est attaché.

La détection des cas concernés résulte d'une coopération organisée avec les services de renseignement , qui s'ajoute aux opérations de contrôle périodique d'effectivité de la condition de résidence menées par les organismes de sécurité sociale. Selon les informations transmises à votre commission d'enquête, un travail d'échange mutuel d'informations et de signalements de personnes ayant quitté le territoire a été mis en place entre ces services et les opérateurs dès le mois de juillet 2014.

S'agissant en particulier des informations intéressant les prestations servies par les Caf, deux circuits de signalement coexistent : les informations émanant de la DGSI sont transmises en main propre à un agent identifié au sein de la Cnaf ; d'autres signalements sont transmis aux Caf, qui sont associées aux comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), par les services régionaux de la DGSI ainsi que les services de police et de gendarmerie. La centralisation de l'information est assurée par la Cnaf. Les modalités des échanges d'informations entre Pôle Emploi et la DGSI ont été formalisées dans une convention passée à la fin de l'année 2012, et qui visait à couvrir le cadre général des cas de fraude. Cette coopération a été renforcée à compter du mois d'octobre 2014.

Les vérifications effectuées par les opérateurs à partir des indications transmises n'auraient cependant permis à ce jour d'identifier qu' un très faible nombre d'individus soupçonnés d'avoir quitté le territoire alors qu'ils bénéficiaient effectivement d'une indemnisation en cours . S'agissant des prestations versées par les Caf, une soixantaine de dossiers seulement auraient fait l'objet d'une suspension ou de radiation à la date du 9 février, pour un peu plus de 500 signalements reçus depuis 2013.

Dans le cas où la prestation versée l'est au bénéfice de plusieurs personnes, quand bien même l'allocataire nominatif est effectivement parti pour le djihad, le versement n'est pas nécessairement suspendu. Ainsi qu'il l'a été souligné devant votre commission d'enquête, les droits à prestation des ayants droit sont en effet toujours ouverts, dans la mesure où la suspension ou la radiation ne constitue pas une sanction ; il s'agit en outre d'éviter d'ajouter à la détresse des familles touchées par la radicalisation d'un de leurs membres.

Les organismes de sécurité sociale entendus par votre commission d'enquête ont d'ailleurs également insisté sur la mission d'accompagnement qui leur incombe lorsqu'une famille doit faire face au départ d'un des siens pour le djihad - épreuve qui serait comparable à un deuil.

Les responsables des organismes de sécurité sociale entendus par votre commission d'enquête estiment que les procédures de droit commun de la suspension et de la radiation permettent de réagir rapidement aux cas repérés ou signalés de départ pour le djihad. L'enjeu est aujourd'hui d'améliorer l'efficacité de la détection des cas frauduleux , à la fois en interne et par une meilleure coopération entre organismes de sécurité sociale ainsi qu'avec les acteurs de la police et du renseignement. Un travail d'amélioration des modalités d'échange d'informations est actuellement en cours entre les services du ministère des affaires sociales, la Cnaf et la DGSI, dans le but de parvenir au traitement le plus rapide et le plus efficace des situations où les versements n'ont pas été interrompus alors que le bénéficiaire est parti pour le djihad.

Votre commission d'enquête insiste sur la nécessité pour les organismes prestataires de procéder régulièrement à des contrôles rigoureux de toute forme de fraude aux prestations sociales , et de tenir spécifiquement compte des informations transmises par les services de renseignement s'agissant des cas particulièrement sensibles dans lesquels la fraude est liée à un départ pour une zone de djihad.

Le paragraphe IV du présent article complète en ce sens l'article L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale, qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit une habilitation à l'échange de renseignements entre certains agents de l'Etat, des organismes de sécurité sociale et des services préfectoraux.

Cet ajout donne la possibilité aux services spécialisés de renseignement 76 ( * ) ainsi qu'aux services relevant des ministres de la défense, de l'intérieur, de l'économie, du budget ou des douanes et spécialement autorisés par décret en Conseil d'Etat à recourir à certaines techniques de recueil de renseignement de transmettre des informations aux divers agents mentionnés par le code de la sécurité sociale au titre de la lutte contre la fraude.

Il est précisé que ces échanges doivent porter sur des informations « strictement utiles à l'accomplissement » des missions de ces agents. Ils ne peuvent intervenir qu'à la condition qu'ils soient directement utiles à la poursuite de l'une des finalités mentionnées par l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure (à savoir l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ; les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère ; les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ; la prévention du terrorisme ; la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous pour des raisons de sécurité intérieure, des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ; la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ; la prévention de la prolifération des armes de destruction massive).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Sur proposition de son rapporteur, M. Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements à cet article.

Trois d'entre eux sont d'ordre rédactionnel.

Le quatrième vise à préciser que la faculté donnée aux services de renseignement de communiquer des informations aux organismes de sécurité sociale s'intègre dans le cadre général des échanges d'informations entre les services de renseignement et l'ensemble des autorités administratives.

III - La position de la commission

Votre commission se félicite de cette disposition, d'ordre technique certes, mais qui permettra de renforcer la lutte contre la fraude sociale.

Elle souligne que, selon les informations transmises à son rapporteur général, l'assurance maladie a déjà mis en place des procédures ponctuelles de collaboration avec certains services de renseignement. Un protocole d'échanges entre Tracfin et les organismes de protection sociale a ainsi été mis en place en avril 2012 - pour un nombre de signalements pour l'heure limité dans ce cadre (2 en 2013, 2 en 2014, 5 en 2015.

Elle relève que la mesure proposée par le présent article permet de compléter le cadre de la nouvelle protection maladie universelle (Puma), qui est fondée sur le critère de résidence.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 62 (nouveau) (art. L. 114-19 du code de la sécurité sociale) - Elargissement du droit de communication au profit des agents des organismes de sécurité sociale aux activités réalisées en ligne

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à renforcer les moyens juridiques mis à la disposition des agents des organismes de sécurité sociale pour lutter contre la fraude sociale au titre d'activités réalisées en ligne.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale prévoit un « droit de communication » au profit des agents des organismes de sécurité sociale.

Il leur permet d'obtenir, de personnes physiques ou morales, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires à la vérification des conditions d'obtention des prestations de sécurité sociale, au recouvrement et au contrôle des prélèvements sociaux, à la lutte contre le travail dissimulé et au recouvrement des prestations versées indûment.

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement présenté par Gérard Bapt, avec l'avis favorable du Gouvernement, permet de doter les organismes sociaux de moyens de détection des cotisants potentiellement fraudeurs en exerçant un droit de communication portant sur des personnes non identifiées, dans le respect des prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 dite « loi informatique et libertés ».

Il constitue le pendant, en matière sociale, de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 2014 visant à lutter contre la fraude fiscale sur Internet.

II - La position de la commission

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.


* 66 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 67 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 68 Annexe 10, fiches d'évaluation préalable des articles du projet de loi.

* 69 Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, à l'article 140.

* 70 Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011.

* 71 Soit les caisses chargées de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, les caisses assurant le service des congés payés et Pôle emploi.

* 72 Qui vise les pénalités prononcées par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse.

* 73 Qui concerne les pénalités prononcées par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail et de l'organisme servant les prestations d'accident du travail-maladie professionnelle aux professions agricoles.

* 74 p. 412.

* 75 Les comités opérationnels départementaux anti-fraude ont pour mission d'apporter une réponse globale et concertée aux phénomènes de fraude, qu'ils concernent les prélèvements obligatoires ou les prestations sociales. Ils réunissent, sous la co-présidence du préfet de département et du procureur de la République du chef-lieu du département, les services de l'État (police, gendarmerie, administrations préfectorale, fiscale, douanière et du travail) et les organismes locaux de protection sociale (Pôle emploi, URSSAF, caisses d'allocations familiales, d'assurance maladie et de retraite, le régime social des indépendants (RSI), la MSA).

* 76 Créés par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

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