B. UN BESOIN DE FINANCEMENT QUI ATTEINT UN NIVEAU RECORD EN 2016 ET QUI SERA ESSENTIELLEMENT COUVERT PAR DE NOUVEAUX EMPRUNTS

1. Le besoin de financement de l'État va battre un nouveau record en 2016 à 200,2 milliards d'euros

Directement corrélé au niveau de l'encours de notre dette négociable , le besoin prévisionnel de financement de l'État devrait battre un nouveau record en 2016 à 200,2 milliards d'euros , soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2015 où il avait atteint 192 milliards d'euros.

Ce besoin de financement correspond :

- au déficit budgétaire de l'État pour l'année 2016, soit 72 milliards d'euros , contre 73 milliards d'euros en 2015 ;

- à l'amortissement de la dette à moyen et long terme de l'État qui viendra à échéance en 2016, soit 127 milliards d'euros 2 ( * ) , contre 116,4 milliards d'euros en 2015. Les suppléments d'indexation versés aux détenteurs d'obligations dont le capital est indexé sur l'inflation s'élèveront seulement à 500 millions d'euros contre 2,3 milliards d'euros en 2015.

Ces 127 milliards d'euros correspondent à des emprunts que l'État avait souscrits par le passé pour financer ses déficits. Dans la mesure où il demeure encore et toujours déficitaire, il est contraint de souscrire de nouveaux emprunts auprès des investisseurs pour rembourser ses créanciers : ont dit qu'il refinance sa dette, qu'il la fait « rouler ». Le montant de la dette à faire « rouler » demeurera d'ailleurs tout aussi important dans les années à venir puisque le montant des « tombées » des OAT et BTAN devrait s'élever à 141,2 milliards d'euros en 2017, 130,9 milliards d'euros en 2018 et 136,4 milliards d'euros en 2019.

Les autres besoins de trésorerie pour 2016 s'élèvent à 1,2 milliard d'euros (contre 2,5 milliards d'euros en 2015) et tiennent compte principalement des décaissements relatifs aux programmes d'investissements d'avenir.

Besoin de financement de l'État de 2013 à 2016

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

Exécution

Exécution

révisé

PLF

Besoin de financement

185,5

179,1

192,0

200,2

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

106,7

103,8

116,4

127,0

valeur nominale

103,8

103,8

114,1

126,5

suppléments d'indexation

2,8

-

2,3

0,5

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.)

6,1

0,2

0,1

-

Déficit à financer

74,9

73,6

73,0

72,0

déficit budgétaire

74,9

85,6

73,0

72,0

investissements d'avenir

-

-12

-

-

Autres besoins de trésorerie *

-2,2

1,5

2,5

1,2

* neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie ; décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d'avenir, nets des intérêts versés ; passage de l'exercice budgétaire à l'année civile.

Source : projet annuel de performances pour 2016

Il convient de rappeler que le besoin en financement de l'année ne prend pas en compte le refinancement de la dette négociable de l'État de maturité inférieure à un an , constituée de bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), qui sert à couvrir les décalages de trésorerie infra-annuels .

En effet, alors que de nombreuses dépenses de l'État ont lieu de façon régulière au cours de l'année (dépenses de fonctionnement, masse salariale), la perception des recettes ainsi que les flux de dépenses liés à la dette (remboursements d'emprunts et versement des intérêts) se produisent à des moments précis.

Seule la variation globale de cette dette d'une année sur l'autre est comptée comme ressource positive ou négative dans le tableau de financement (voir infra ).

Il n'en demeure pas moins qu'en réalité, s'ajoutent aux émissions de titres de moyen et long terme, constitués d'obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), les émissions de BTF qui ont lieu tout au long de l'année.

Part des amortissements et du solde de gestion
dans le besoin de financement de l'État de 2000 à 2016

(en milliards d'euros)

(en %)

Amortissements

Solde de
la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

Amortissements

Solde de
la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

OAT & BTAN

dettes reprises

OAT & BTAN

dettes reprises

2000

57,1

-

28,5

-

85,6

67

-

33

100

2001

51,3

-

39,3

-

90,6

57

-

43

-

100

2002

59,4

-

50,2

-

109,6

54

-

46

-

100

2003

62,5

-

57,0

-

119,5

52

-

48

-

100

2004

66,5

-

46,4

-

112,9

59

-

41

-

100

2005

65,6

-

47,3

-

112,9

58

-

42

-

100

2006

77,6

2,8

35,4

-

115,8

67

2

31

-

100

2007

69,0

0,6

34,6

-

104,9

66

1

33

-

100

2008

97,6

10,3

56,4

-

164,0

60

6

34

-

100

2009

110,1

1,6

134,7

-

246,2

45

1

55

-

100

2010

82,9

4,1

149,6

-

236,9

35

2

63

-

100

2011

94,9

0,6

93,1

-

188,6

50

1

49

-

100

2012

97,9

1,3

87,2

0,6

187,0

52

1

47

0%

100

2013

106,7

6,1

74,9

-2,2

185,5

58

3

40

-1

100

2014

103,8

0,2

73,6

1,5

179,1

58

0

41

1

100

2015

116,4

0,1

73,0

2,5

192,0

61

0

38

1

100

2016

127,0

-

72,0

1,2

200,2

63

0

36

1

100

NB : Pour 2015 et pour 2016, le besoin de financement est composé non de l'impact en trésorerie du solde de la gestion (qui sera déterminé dans les lois de règlement respectives) mais de la prévision du déficit à financer.

Source : Agence France Trésor

2. Des ressources de financement provenant essentiellement de nouveaux emprunts

La couverture du besoin de financement de l'État est assurée par l'Agence France Trésor.

Le rôle de l'Agence France Trésor

L'Agence France Trésor (AFT) est chargée de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État. Elle a été créée le 8 février 2001 par arrêté du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État et du secrétariat d'État au budget, sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN) placé sous l'autorité du directeur du Trésor (aujourd'hui directeur général du Trésor) et dirigé par un directeur général.

Source : Agence France Trésor

Ainsi que l'a annoncé l'AFT le 30 septembre 2015, les ressources de financement de l'État en 2016 proviendront à 93,4 % des émissions nouvelles de dette (OAT et BTAN) à moyen et long termes nettes de rachats que réalisera l'AFT.

Ces ressources s'élèveront à 187 milliards d'euros , un niveau identique à celui de 2015. Le détail exact du programme d'émission sera annoncé par l'AFT en décembre.

Les ressources de financement de l'État comprendront également :

- 2 milliards d'euros issus de cessions de participations de l'État et affectés à la Caisse de la dette publique, établissement public chargé de participer au désendettement ;

- une contribution des disponibilités du Trésor de 10,7 milliards d'euros ;

- d'autres ressources de trésorerie (0,5 milliard d'euros) qui représentent le montant des suppléments d'indexation perçus à l'émission des titres indexés.

L'encours des dépôts des correspondants du Trésor 3 ( * ) serait stabilisé, de même que l'encours des titres d'État à court terme.

Ressources de financement de l'État de 2013 à 2016

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

Exécution

Exécution

révisé

PLF

Ressources de financement

185,5

179,1

192,0

200,2

Émissions de titres d'État à moyen et long terme, nettes des rachats

168,8

172,0

187,0

187,0

Ressources consacrées au désendettement

-

1,5

2,0

2,0

Variation de l'encours de titres d'État à court terme (+ si augmentation ; - sinon)

7,2

1,4

-14,8

-

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation ; - sinon)

-4,2

-1,3

-

-

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (+ si diminution ; - sinon)

7,9

-1,4

0,8

10,7

Autres ressources de trésorerie

5,7

6,9

17,0

0,0

Source : projet annuel de performances 2016

Les « ressources consacrées au désendettement » et les ressources de trésorerie ne répondent en réalité que marginalement au besoin de financement, dont la couverture se traduit quasi-intégralement par une augmentation de la dette de l'État.

Couverture du besoin de financement et évolution de la dette
(hors suppléments d'indexation)

Situation fin année N-1

Évolution année N

Situation fin année N

Déficit à financer,
y compris charge de la dette

(A)

Besoin
de financement

(A+B)

Ressources de financement

(C+D+E)

Ressources consacrées au désendettement

(C)

Ressources de trésorerie

(D)

Nouveaux emprunts émis

(E)

Accroissement de la dette

Dette totale

Dette arrivant à échéance en N à refinancer

(B)

Dette totale

(E+F)

Dette continuant à courir
(échéances N+1, N+2,..., N+x)

(F)

Source : commission des finances du Sénat

3. Retour sur le besoin de financement et les ressources de financement de l'État en 2015

Selon les réponses apportées à votre rapporteur par l'AFT dans le cadre de son questionnaire budgétaire, le besoin de financement de l'État pour 2015 a été révisé en baisse de 300 millions d'euros (192 milliards d'euros contre 192,3 milliards d'euros) par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Cette baisse résulte :

- d'une diminution de 1,4 milliard d'euros du déficit à financer ;

- d'une baisse de 0,1 milliard d'euros des suppléments d'indexation versés à l'échéance sur les titres indexés ;

- d'une augmentation des autres besoins de trésorerie de 1,2 milliard d'euros.

Entre le 1 er janvier et le 1 er octobre 2015, l'AFT avait déjà émis 178,2 milliards d'euros de dette à moyen et long terme , soit 95,3 % de son programme fixé à 187 milliards d'euros nets des rachats pour 2015.

Tableau de financement de l'État pour 2015

Source : AFT

En ce qui concerne les ressources de financement, les principales modifications par rapport à la loi de finances initiale sont :

- la révision à la baisse de 2 milliards d'euros des ressources affectées à la Caisse de la Dette publique et consacrées au désendettement, en raison du retard pris dans le programme de cessions de participations de l'État et des investissements consentis en 2015 , notamment dans Renault, pour garantir l'instauration des droits de vote doubles prévus par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi « Florange »;

- l'enregistrement imprévu de primes à l'émission (voir encadré infra ) pour un montant de 17 milliards d'euros , conséquence de la baisse historique des taux en 2015. Selon l'AFT, « l'ampleur du montant des primes tient au niveau des taux de marché des lignes abondées presque toujours inférieurs depuis le début de l'année aux taux des coupons versés » ;

- La révision à la baisse de l'encours des titres à court terme (BTF) pour - 14,8 milliards d'euros , conséquence de la baisse du déficit à financer et de la hausse des primes à l'émission.

Les primes et décotes à l'émission

« Dans le cadre de sa politique d'émission à moyen et long terme, l'Agence France Trésor complète les émissions sur lignes nouvelles par la réouverture d'anciennes « souches ». Émettre des titres sur des souches anciennes conduit en règle générale à l'apparition d'une différence entre le taux facial servi et le taux attendu par le souscripteur, le premier reflétant les conditions de marché au moment de la création de la ligne et le second celles prévalant lors de la réémission.

Si le taux facial est inférieur à celui attendu par le souscripteur, ce dernier achètera les titres moins chers que leur valeur de remboursement afin que la rentabilité de son investissement soit conforme au rendement attendu. Si, à l'inverse, le taux facial est supérieur à celui attendu par le souscripteur, ce dernier achètera les titres plus chers que leur valeur de remboursement. Les primes et décotes sont la conséquence, en trésorerie, de cet écart entre prix d'achat d'un titre et valeur de remboursement. On parle de prime lorsque le prix d'achat est supérieur à la valeur de remboursement (l'État encaisse, en trésorerie, plus d'argent qu'il n'en versera lors du remboursement) et de décote dans le cas contraire (l'État encaisse, en trésorerie, moins d'argent qu'il n'en versera lors du remboursement).

Dans un contexte où les taux d'intérêt de moyen et long termes demeurent inférieurs aux taux atteints les années précédentes, l'abondement des lignes anciennes engendre des primes à l'émission, qui constituent une ressource de trésorerie pour l'État. »

Source : Agence France Trésor


* 2 Ce montant est prévisionnel et susceptible d'évoluer jusqu'à l'adoption définitive de la loi de finances pour 2016.

* 3 Les correspondants du Trésor sont les entités qui, par obligation législative, réglementaire ou par convention, disposent d'un compte ouvert dans les livres du Trésor, auprès d'un comptable public. Le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique du 7 novembre 2012, entré en vigueur au 1 er janvier 2013, réaffirme le principe de l'obligation, pour les organismes publics, de déposer leurs fonds au Trésor. Les encours déposés sur le compte du Trésor par les correspondants, en particulier par les collectivités territoriales et leurs établissements publics au titre de la loi organique relative aux lois de finances, constituent une ressource stable pour la trésorerie de l'État.

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