EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer » .

Mme Michèle André , présidente . - Nous examinons à présent le rapport sur les crédits de la mission « Outre-mer », qui est le premier pour notre collègue Nuihau Laurey.

M. Nuihau Laurey , rapporteur spécial . - La mission « Outre-mer » concerne douze territoires situés dans le Pacifique, dans l'Atlantique, dans la mer des Caraïbes, dans l'océan indien et en Amérique du Sud. Cette présence constitue un héritage de l'histoire. Elle est aussi un atout en termes de rayonnement extérieur de la France, qui dispose de la seconde zone économique exclusive derrière les États-Unis.

Pourtant, leur éloignement, leur éclatement géographique, leurs faibles populations disséminées sur de nombreuses îles ou archipels, le caractère limité de leurs marchés locaux, l'obligation de multiplier des équipements coûteux pour assurer les services publics minimums et l'impossibilité de mutualiser les coûts rendent les conditions de vie plus difficiles dans ces territoires. Le développement économique et social varie d'un territoire à l'autre, avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant de 6 500 euros pour Mayotte et 28 300 euros pour Saint-Pierre-et-Miquelon contre 31 400 euros en moyenne nationale. En outre, notre pays est classé à la vingtième position en termes de développement humain, le dernier département d'outre-mer se situe à la 104 e place.

Le budget alloué à la mission « Outre-mer » est un budget d'intervention qui vise à combler ces handicaps. Pour l'exercice 2016, les autorisations d'engagement diminueront de 3,1 %, alors que les crédits de paiement progresseront de 0,3 %. Le programme 138 « Emploi outre-mer », qui mobilise les deux-tiers des crédits de la mission, verra ses autorisations d'engagement diminuer de 2,2 % et ses crédits de paiement de 1,3 %. Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui représente un tiers des dépenses de la mission, verra ses crédits de paiement progresser de 2,7 %.

Permettez-moi de vous présenter les principales évolutions prévues dans le cadre du projet de loi de finances 2016.

Tout d'abord, la réforme du dispositif des exonérations de charges sociales sera poursuivie, après une première réforme intervenue en 2014 visant à recentrer ce dispositif sur les bas salaires.

Par ailleurs, si le plan logement outre-mer 2015-2020 prévoit la construction ou la réhabilitation de 10 000 logements par an, une diminution des crédits de paiement consacrés à la ligne budgétaire unique (LBU). Cette baisse ne permettra pas d'apurer la dette importante vis-à-vis des bailleurs sociaux.

Les crédits dévolus aux nouveaux contrats de plan État-région ou aux nouveaux contrats de projets ou de développement pour les collectivités d'outre-mer s'élèveront à 137 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une quasi stabilisation par rapport à 2015, et à 161 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de près de 4 % en 2016.

Les crédits en faveur de la cohésion sociale augmenteront de 12 millions d'euros du fait de la participation temporaire de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française.

Enfin, l'objectif fixé par le président de la République de doter le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) de 500 millions d'euros d'ici 2017 ne pourra pas être atteint. Au mois de septembre dernier, nous avons effectué avec Georges Patient un contrôle budgétaire à La Réunion qui nous a convaincus de l'utilité de ce dispositif, dont l'effet de levier est considérable.

La défiscalisation constitue le principal levier d'investissement en faveur du développement économique des outre-mer, avec une dépense fiscale de 3,8 milliards d'euros, en légère hausse par rapport à 2015. Le choix du Gouvernement d'aménager le terme des différents dispositifs de défiscalisation a fait l'objet de multiples critiques. Les acteurs économiques auraient préféré une prorogation, ce qui aurait favorisé l'investissement privé indispensable à la création d'emplois. Nous avons cependant pris bonne note de la volonté du Gouvernement de lancer dès le premier semestre 2016 une réflexion sur les modalités de maintien et de réforme de ces dispositifs après 2017.

Je rappelle que la défiscalisation constitue un levier important pour l'investissement privé outre-mer, comme l'ont souligné nos collègues Éric Doligé et Serge Larcher dans un rapport de 2013.

En conclusion, compte tenu des engagements du Gouvernement concernant la prorogation des dispositifs de défiscalisation, le maintien de certaines dotations aux collectivités, je pense notamment à la dotation globale d'autonomie en Polynésie, et surtout de la relative stabilité des crédits dans un contexte budgétaire contraint, je vous propose l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient , rapporteur spécial . - Les crédits de la mission « Outre-mer » ont un impact sur le quotidien de plus de trois millions d'ultramarins. Les écarts se creusent avec la métropole. Le PIB par habitant outre-mer est inférieur de plus de 40 % à celui de l'hexagone, le taux de chômage atteint plus de 50 % chez les jeunes, le taux de pauvreté est trois fois plus élevé qu'en métropole, sans parler de l'augmentation de la mortalité infantile et des retards en matière d'éducation.

Ainsi, le budget qui nous est présenté demeure très en deçà des besoins. En 2016, la mission « Outre-mer » sera dotée de 2,08 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,06 milliards en crédits de paiement. Elle participera donc de manière substantielle à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, puisque le montant des crédits de paiement sera inférieur de 44 millions d'euros au plafond triennal fixé pour 2016 par la loi de programmation des finances publiques.

Les économies résulteront pour l'essentiel d'une nouvelle réforme des exonérations de charges. Dans un contexte de persistance d'un fort taux de chômage outre-mer, cette réforme ne me semble pas pertinente. Si cette mesure devrait être compensée par la montée en charge des dispositifs prévus dans le cadre du pacte de stabilité et de sa déclinaison pour l'outre-mer, il me semble que le choix de la stabilité aurait été préférable.

L'objectif de 10 000 logements construits ou réhabilités par an est louable, mais on peine à voir quelle en sera la traduction budgétaire pour 2016. À cela s'ajoute la question de la répartition entre les collectivités : on constate des sous-consommations dans certains territoires et de grandes tensions dans d'autres...

Je regrette également la baisse des dotations spécifiques qui financent des investissements importants en matière d'infrastructures scolaires en Guyane et à Mayotte, et sont indispensables pour le fonctionnement de la collectivité de Polynésie.

Cependant, on ne peut que se féliciter de la stabilisation des crédits de paiement consacrés au service militaire adapté (SMA), dont les résultats sont extrêmement positifs en matière d'insertion professionnelle. 6 000 volontaires seront ainsi accueillis d'ici la fin de l'année 2017.

Par ailleurs, la stabilisation des autorisations d'engagement et l'augmentation des crédits de paiement devraient accompagner la montée en puissance d'une nouvelle « génération » de contrats.

Enfin, les moyens de la formation en mobilité sont en augmentation, ce qui élargira l'accès des étudiants et des salariés ultramarins à des formations qui ne sont pas dispensées dans leur territoire.

Sans être suffisant, ce budget préserve donc l'essentiel. Par conséquent, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification.

M. Vincent Delahaye . - Les restes à payer sont énormes : 1,64 milliard d'euros à la fin 2014. Avez-vous pu les analyser ? Sur quoi portent-ils ?

M. Georges Patient . - Ils résultent d'impayés au titre d'opérations réalisées dans le cadre de la ligne budgétaire unique et des opérations contractuelles. Il existe également une « dette » vis-à-vis des organismes de logement social.

M. Vincent Delahaye . - Des dépenses de fonctionnement ou des engagements sur des investissements ?

M. Georges Patient . - Nous avons prévu de faire porter notre prochain contrôle sur ces différentes questions qui méritent en effet d'être approfondies.

À l'issue de ce débat, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer » .

*

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer ». Elle a par ailleurs décidé de proposer l'adoption, avec modification, de l'article 57 quinquies.

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