D. UN FINANCEMENT DE LA RÉNOVATION URBAINE ASSURÉ MAIS QUI RESTE TENDU

1. Un bouclage financier marqué par le soutien très largement porté par Action logement et reposant sur le reliquat non consommé du PNRU

En vertu de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le programme national de rénovation urbaine (PNRU) a été prolongé de deux ans , jusqu'au 31 décembre 2015. Parallèlement, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) était lancé , avec l'engagement de 5 milliards d'euros d'équivalents-subventions, destiné à engendrer des investissements pour un montant global de 20 milliards d'euros.

Comme c'est le cas déjà pour le PNRU depuis plusieurs années, le financement de ces programmes n'est plus assuré que par des ressources extrabudgétaires . Action logement contribue désormais pour l'essentiel des ressources de l'Anru.

Conformément à l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation (tel qu'issu de l'article 123 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové [ALUR]), une convention pluriannuelle a été conclue entre l'État et l'UESL-Action logement pour la période 2015-2019 le 2 décembre 2014 .

Ainsi, Action logement s'est engagée à financer la rénovation urbaine à hauteur de 850 millions d'euros entre 2015 et 2017, 700 millions d'euros en 2018 et 500 millions d'euros en 2019 ainsi que pour les années qui suivront la période couverte par la convention pluriannuelle.

Deux conventions ont été, depuis, conclues entre l'État, l'UESL-Action logement et l'Anru afin de préciser les modalités de financement du PNRU, par la convention du 14 avril 2015, d'une part, et surtout du NPNRU, avec la convention du 2 octobre 2015, d'autre part.

Le PNRU est engagé à 92 % au 30 juin 2015, avec 70 % des opérations programmées qui étaient livrées en 2014. À la même date, les décaissements représentaient 8,2 milliards d'euros, soit 76 % des sommes engagées. Des paiements continueront d'être assurés jusqu'en 2020 pour ce programme. D'ailleurs, la quasi-totalité des 850 millions d'euros d'Action logement devraient couvrir ses besoins en 2016 .

Le NPNRU doit, quant à lui, bénéficier de 5 milliards d'euros, d'équivalent-subvention, avec un effet de levier attendu de 1 à 4 (20 milliards d'euros d'investissement au total).

Pour obtenir ce résultat, les concours financiers s'élèveront toutefois à 6,4 milliards d'euros . En effet, 4,2 milliards d'euros correspondront à des subventions et 2,2 milliards d'euros à des prêts bonifiés qui auront vocation à générer 800 millions d'euros de subvention.

La contribution d'Action logement se concrétise donc à la fois par des subventions (3,2 milliards d'euros) et aussi, ce qui est nouveau, par des prêts bonifiés (pour 40 % du total, soit 2,2 milliards d'euros).

Lancement du NPNRU

216 quartiers d'intérêt national, qui couvrent plus de 2 millions d'habitants et où sont constatés les « dysfonctionnements urbains les plus importants » ont été identifiés parmi les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville. S'y sont ajoutés 250 quartiers d'intérêt régional.

Sur les 120 protocoles de préfiguration qui devront être conclus au niveau des agglomérations, le premier a été signé à Rennes en avril 2015 et une quinzaine sont passées devant le comité d'engagement de l'Anru.

Un nouveau règlement général relatif au NPNRU a été approuvé le 7 août 2015 et fixe notamment les modalités de détermination de la participation de l'agence aux projets.

Source : commission des finances

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ces prêts bonifiés seront réservés aux bailleurs sociaux. Les subventions bénéficieront quant à elles aux collectivités territoriales mais aussi aux bailleurs sociaux, essentiellement pour leurs opérations de démolitions qui n'apportent, par définition, pas de recettes.

Les contreparties au financement du NPNRU par l'UESL-Action logement

Les contreparties en faveur d'Action logement visent à favoriser la diversité de l'habitat en amenant une population nouvelle de salariés et ainsi réduire les inégalités dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés par le NPNRU. Elles se réalisent en lien et après les investissements de renouvellement urbain financés par l'agence, qui rendent crédibles et opérationnels le projet d'aménagement foncier et le changement d'image. Ces contreparties contribuent à la réduction de la concentration des ménages en difficultés dans les mêmes quartiers conformément aux objectifs posés par le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015.

Les contreparties pour Action logement (apports favorisant la mixité) s'appuieront sur deux supports :

- terrains ou droits à construire issus de l'aménagement foncier des quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficiant d'une convention pluriannuelle de renouvellement urbain signée avec l'agence. Compte tenu des estimations disponibles, ces droits correspondraient à un aménagement équivalent à un total de l'ordre de 12 500 logements ;

- et de droits de réservation de logements locatifs sociaux dans et hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) bénéficiant d'une convention pluriannuelle de renouvellement urbain signée avec l'agence. Compte tenu des estimations disponibles, ces droits correspondraient à l'équivalent de l'ordre de 20 000 logements.

Ces contreparties en faveur d'Action logement sont détaillées et mises en oeuvre au travers des conventions pluriannuelles de renouvellement urbain. Le comité d'engagement de l'Anru, afin de tenir compte des enjeux urbains et du contexte en matière de dynamique économique, démographique et des dynamiques du marché du logement notamment en termes de besoins de logements pour les salariés, apprécie la qualité du projet de développement urbain porté par la collectivité, et son impact sur l'attractivité après renouvellement. Pour ce faire, le comité d'engagement sera doté d'un outil de contextualisation construit conjointement entre notamment l'État, l'agence et Action logement.

Source : extraits de la convention du 2 octobre 2015 entre l'État, l'Anru et l'UESL-Action logement

S'ajouteront à ces ressources issues d'Action logement la contribution de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) , qui représentera un total de 400 millions d'euros , ainsi que le montant des sommes non utilisées dans le cadre du PNRU. 600 millions d'euros devraient ainsi être réaffectés au NPNRU. Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ils correspondent à la fois à des sommes non engagées et à des sommes engagées mais non réalisées.

En revanche, il convient de noter qu' en vertu de la réforme de financement des aides à la pierre , prévue par l'article 56 du projet de loi de finances pour 2016, le fonds de péréquation issu de l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation et actuellement géré par la CGLLS ne devrait plus constituer une source de financement pour la rénovation urbaine. Ce fonds devrait, en effet, être supprimé à la suite de la création du Fonds national des aides à la pierre (Fnap). Il constituait une ressource facultative pour le PNRU, qui n'a d'ailleurs pas été utilisée depuis 2013. Pour mémoire, il avait auparavant contribué à hauteur de 165 millions d'euros en 2012 et 70 millions d'euros en 2013.

Source : Convention État-Anru-UESL Action logement du 2 octobre 2015

Si l'équilibre financier du NPNRU semble assuré, ce dont il faut se féliciter, il repose désormais sur l'hypothèse d'un report de 600 millions d'euros du PNRU dont la concrétisation est désormais indispensable.

Une « clause de rendez-vous » est prévue d'ici 2019, date de fin de la convention pluriannuelle, afin de déterminer les modalités de financement pour les années suivantes. L'UESL-Action logement s'est toutefois engagé, dès la présente convention, à assurer le financement de l'Anru à hauteur de 500 millions d'euros par an jusqu'en 2031.

Il convient de noter que le système des avances tel qu'il existait dans le cadre du PNRU n'a pas été conservé pour la mise en oeuvre du NPNRU . Il est remplacé par le versement d'acomptes une fois que l'engagement a été autorisé et que l'opération a réellement commencé. Cette évolution tend à répondre à l'une des recommandations formulées par la Cour des comptes dans l'enquête réalisée en juin 2014, à la demande de la commission des finances, en vertu de l'article 58-2 de la LOLF 41 ( * ) , sur la gestion de l'Anru 42 ( * ) . Tout en comprenant l'objectif de cette évolution, votre rapporteur spécial espère que le dispositif retenu permettra de fournir les garanties nécessaires aux collectivités territoriales, porteuses des projets de renouvellement urbain .

2. Des prévisions de trésorerie sous tension qui nécessitent de piloter finement la mise en oeuvre des programmes

Comme indiqué précédemment, si les engagements de crédits au titre du PNRU s'achèveront au 31 décembre 2015, plus de 3 milliards d'euros resteront à décaisser au cours des prochaines années et d'ici 2020 .

Parallèlement, le NPNRU montera en puissance au fil des années. En 2016, seules quelques dépenses d'études et d'ingénierie sont prévues et estimées à 20 millions d'euros pour 2016 dans la convention du 2 octobre 2015 précitée.

Certaines opérations, urgentes et consensuelles, de démolitions-reconstructions devraient également faire l'objet d'un engagement rapide, conformément au comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015, dont la mesure n° 4 du volet « Habiter » vise à avancer de deux ans le lancement de ce type d'opérations. Elle prévoit, à cet effet, un préfinancement d'un milliard d'euros par un prêt accordé par la Caisse des dépôts et consignations .

Ce préfinancement est d'ailleurs prévu par la convention tripartite du 2 octobre 2015, afin de parer l'éventualité de besoins de trésorerie en raison d'un « décalage temporel [...] entre les ressources [...] et les décaissements prévus tant en subventions qu'en prêts en direction des maîtres d'ouvrage » .

En effet, le niveau de trésorerie de l'Anru s'est déjà considérablement réduit puisqu'il a baissé de 40 % entre 2013 et 2014, passant de 443 millions d'euros à 270 millions d'euros, et la prévision pour 2015 s'établit désormais à 161 millions d'euros . Pour les années à venir, son niveau pourrait être inférieur à 100 millions d'euros et même être négatif en 2018 et 2019 en l'absence de mesures.

En conséquence, le prêt de la Caisse des dépôts et consignations constitue une facilité de trésorerie qui pourrait s'avérer utile pour sécuriser efficacement la mise en oeuvre du nouveau programme .

Il est à noter que la convention prévoit également la possibilité pour Action logement d'apporter des « compléments de trésorerie éventuellement nécessaires sur la période 2015-2019 [...] jusqu'à concurrence de 100 millions d'euros maximum en cumulé. »

Compte tenu des prévisions de trajectoire financière retenues pour la rénovation urbaine et de la situation tendue que devrait connaître l'Anru, il conviendra donc d'être prudent afin de garantir un lissage dans le temps de l'engagem ent des crédits et de leurs décaissements . La fin du PNRU et la montée en puissance du NPNRU devront être réalisées en s'assurant de la soutenabilité financière du système pour l'Anru . Un suivi financier attentif sera indispensable, comme le prévoit la convention du 2 octobre 2015.


* 41 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 42 Rapport d'information n° 768 (Sénat, 2013-2014) de Jacques Chiron, au nom de la commission des finances, sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

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