LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a minoré les crédits de 850 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de financer l'Agence France Entrepreneur dont les crédits sont rattachés à la mission « Économie » (programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme »).

La diminution des crédits s'est ainsi répartie :

- 190 000 euros sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ;

- 660 000 euros sur le programme 147 « Politique de la ville ».

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a réduit les crédits de 13 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de « garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État ».

Cette minoration est ainsi répartie :

- 10 millions d'euros sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ;

- 3 millions d'euros sur le programme 147 « Politique de la ville ». Selon l'objet de l'amendement déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, cette diminution serait permise « grâce à un effort de rationalisation des actions de soutien à la vie associative ».

Récapitulatif des modifications de crédits adoptées par l'Assemblée nationale en autorisations d'engagement et en crédits de paiement

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Programme 112

10 190 000

10 190 000

Programme 162

Programme 147

3 660 000

3 660 000

SOLDE

- 13 850 000

- 13 850 000

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriale de l'État » et M. Daniel Raoul, rapporteur spécial, sur le programme « Politique de la ville » de la mission « Politique des territoires ».

Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et je précise que M. Bernard Delcros est pour la première année rapporteur spécial sur cette mission.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - La mission « Politique des territoires » conserve en 2016 un périmètre identique à celui de 2015 avec trois programmes : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (Picpat), le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (Pite) et le programme 147 « Politique de la ville », rattaché à cette mission en 2015, et que présentera Daniel Raoul. Pour cette mission, 674 millions d'euros sont inscrits en autorisations d'engagement, soit une baisse de 2,75 % et 718 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3,75 %.

Le programme Picpat est doté de 215 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 254 millions d'euros en crédits de paiement, soit une stabilité des premières et une baisse de 4 % des seconds. Il retrace les moyens mis à la disposition du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), issu de la fusion entre la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), le Secrétariat général du comité interministériel des villes et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé). Les actions prévues pour 2016 s'inscrivent dans la continuité de celles engagées précédemment, comme la prime d'aménagement du territoire (PAT), les pôles d'excellence rurale, les maisons de santé pluridisciplinaires, les maisons de service au public, la revitalisation des centres-bourgs, le plan d'accompagnement du redéploiement des armées ou, encore, les contrats de plan État région (CPER), avec la montée en charge des contrats de nouvelle génération 2015-2020.

Le programme Pite qui relève du Premier ministre et qui est confié à la gestion du ministre de l'intérieur est doté de 22 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 26 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse respective de 25 % et 22 %. Il correspond à quatre actions interministérielles de portée régionale : la qualité de l'eau en Bretagne, le plan d'investissement en Corse, l'écologie du marais poitevin et le plan en faveur de la Guadeloupe et de la Martinique.

La mission se trouve au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire : les trois programmes ne représentent que 12 % des crédits affectés à cette politique, éclatée en quatorze missions et trente programmes budgétaires. Nous y perdons en lisibilité, en cohérence : il conviendrait d'améliorer la maquette budgétaire. L'année dernière, trois structures avaient été regroupées au sein du CGET et la politique de la ville avait été rattachée à cette mission. Cet effort de rationalisation a fait long feu puisque le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) ou Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) a été remplacé par deux comités interministériels, l'un à l'égalité et à la citoyenneté, qui rappelle le comité interministériel à la ville, et l'autre aux ruralités. Pourquoi ne pas regrouper cette mission avec celle consacrée à l'égalité des territoires et au logement ? Plus généralement, nous souffrons de l'absence de politique contractuelle en faveur de la ruralité. Nous avons su la mettre en place pour la ville, mais en dépit de la création des pôles d'équilibres territoriaux ruraux, la dynamique territoriale fait défaut dans les secteurs ruraux en difficulté. Je présenterai donc demain une proposition de loi afin d'optimiser les crédits disponibles grâce à la contractualisation.

Les vingt-deux dépenses fiscales rattachées au Picpat représentent 442 millions d'euros soit plus que le total des crédits budgétaires : un meilleur ciblage des zones fragiles devrait être possible. Je regrette que nous n'ayons aucune information sur la mise en oeuvre de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Plusieurs actions sont en voie d'extinction. Il n'est plus possible d'accéder au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour réaliser des maisons de santé pluridisciplinaires, pourtant indispensables au maintien d'une offre de soins de premier recours en milieu rural.

Je constate avec satisfaction que le programme 112 intègre les crédits nécessaires à la construction mais aussi au fonctionnement des maisons de services au public, avec 7,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,6 millions d'euros en crédits de paiement. En revanche, je ne trouve pas dans le programme 112 les 300 millions d'euros annoncés pour la deuxième génération des programmes de revitalisation des centres-bourgs et des petites villes, alors que la première génération, qui avait fait l'objet d'un appel à projet, y figurait. Où faut-il chercher ces 300 millions d'euros ?

Dernière observation : les crédits réservés à la politique d'aménagement du territoire diminuent de 10 %, passant de 6 à 5,4 milliards d'euros en 2016. Cela s'ajoute à la diminution des dotations aux collectivités territoriales. C'est pourquoi je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission.

M. Daniel Raoul , rapporteur spécial . - Le programme 147 « Politique de la ville » figure, depuis la loi de finances pour 2015, dans la mission « Politique des territoires » et non plus dans la mission « Égalité des territoires et logement », conséquence de la création du CGET. Je trouve dommage que les problématiques de la politique de la ville, notamment s'agissant de la rénovation urbaine, soient ainsi curieusement déconnectées de celles du logement.

Afin de tenir compte des mesures décidées en mars 2015 par le Comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté, le programme 147 bénéficie d'un budget conforté qui s'appuie sur la nouvelle géographie prioritaire issue de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, avec 1 500 quartiers prioritaires et 100 zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-territoires entrepreneurs). À cela s'ajoute d'ailleurs l'agence de développement économique France Entrepreneur lancée hier à La Courneuve par le Président de la République.

Les crédits d'intervention de la politique de la ville sont ainsi renforcés, avec 347 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour les actions territorialisées et les dispositifs spécifiques de la politique de la ville relevant de l'action 01 du programme, soit 15 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2015.

L'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) bénéficiera également d'une dotation de fonctionnement majorée de 3,9 millions d'euros, pour atteindre 26 millions d'euros, afin d'augmenter le nombre de places dans cet organisme.

Ainsi, l'ensemble des mesures décidées par le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté devraient être financées par une enveloppe globale de 55 millions d'euros, selon les annonces du ministère chargé de la ville, dont 18,5 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, le solde devant provenir d'un dégel de crédits en cours d'exercice. Dès 2015, le programme 147 a bénéficié d'un dégel de 31,7 millions d'euros à cette fin.

Globalement, les crédits du programme 147 diminuent de 2,6 % en autorisations d'engagement et de 2,7 % en crédits de paiement, pour atteindre respectivement 437 millions d'euros et 438 millions d'euros. Cette baisse s'explique principalement par la mise en extinction progressive du dispositif d'exonération de charges sociales dans les ZFU, qui n'a pas été une réussite par rapport aux objectifs poursuivis, reconnaissons-le. Il a créé des effets d'aubaine sans améliorer la mixité fonctionnelle que j'appelle de mes voeux.

Les dépenses fiscales rattachées au programme (367 millions d'euros en 2016) ont été redéfinies en loi de finances initiale pour 2015 et dans la seconde loi de finances rectificative pour 2014 : elles visent à assurer, dans les quartiers concernés, une mixité à la fois sociale et fonctionnelle à laquelle je suis particulièrement attaché. Dans les programmes de rénovation urbaine, il est clairement prévu d'attirer les entreprises et les services et pas seulement de construire des logements. L'application de la TVA à taux réduit pour l'accession sociale à la propriété a été étendue à l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville alors qu'elle ne visait auparavant que les « quartiers Anru », c'est-à-dire les quartiers couverts par une convention de rénovation urbaine dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU).

Les crédits de droit commun se monteront pour l'État à 4,2 milliards d'euros de crédits de paiement pour les programmes budgétaires disposant d'une évaluation chiffrée. Leur mobilisation doit désormais se concrétiser localement dans les contrats de ville en cours de signature - au 1 er septembre dernier, 73 % d'entre eux étaient signés. De nombreuses mesures en faveur des habitants des quartiers prioritaires, en termes de développement économique et d'emploi, de santé ou de rénovation urbaine sont par ailleurs prévus par le comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté.

Le financement de la rénovation urbaine est intégralement assuré par des crédits extrabudgétaires depuis plusieurs années. Trois conventions ont permis, au cours des derniers mois, de fixer les ressources pour couvrir à la fois la fin du PNRU, dont les engagements s'arrêtent à la fin de cette année, et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour 2014-2019. La convention pluriannuelle du 2 décembre 2014, conclue entre l'État et Action Logement, a ainsi été doublée par deux conventions conclues par les mêmes protagonistes et l'Anru : l'une du 14 avril 2015, fixant les modalités de financement du PNRU, l'autre signée le 2 octobre pour le NPNRU. Ce dernier disposera de concours financiers à hauteur de 6,4 milliards d'euros, correspondant à 5 milliards d'euros d'équivalents-subventions. Action Logement est le principal « sponsor » de ce programme puisqu'il en financera l'essentiel, avec 3,2 milliards de subventions et 2,2 milliards de prêts bonifiés pour un équivalent subvention de 800 000 euros. Le reste du financement sera assuré par 400 000 euros de la caisse de garantie des logements locatifs sociaux et 600 000 euros de reliquat attendu au titre du PNRU qui proviendront d'ailleurs eux-mêmes largement de la contribution d'Action Logement au titre de ce programme.

Je me félicite que l'équilibre financier du NPNRU soit donc assuré. Il repose toutefois sur l'hypothèse d'un report de 600 millions d'euros du PNRU dont la concrétisation s'avère désormais indispensable. En outre, le niveau de trésorerie dont dispose l'Anru se réduit d'année en année et cette tendance devrait se confirmer pour l'avenir. Pour pallier d'éventuelles difficultés de trésorerie, la convention du 2 octobre prévoit à la fois la possibilité pour Action Logement d'apporter des compléments de trésorerie, pour un montant total de 100 millions d'euros sur la période 2015 à 2019, et un système de préfinancement de 1 milliard d'euros sous forme d'un prêt de la Caisse des dépôts et consignations.

Tout en se réjouissant que le financement de la rénovation urbaine soit prévu jusqu'en 2019, Action Logement s'étant même engagé à verser, après cette date, 500 millions d'euros jusqu'en 2031, la situation financière de l'Anru reste fragile. Un pilotage fin de la mise en oeuvre des programmes et des capacités financières de l'agence devra donc être assuré. Le directeur que nous avons auditionné est apparu confiant, notamment grâce à l'éventuel recours au prêt de la Caisse des dépôts et consignations.

Compte tenu de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits consacrés à la politique de la ville.

Mme Annie Guillemot , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Comme l'a dit votre rapporteur spécial, le budget de ce programme 147 s'accroît de plus de 4 %. En outre, je me félicite que les crédits de l'EPIDe, qui porte un programme qui fonctionne bien, augmentent de 17 % afin d'accueillir 1 000 jeunes supplémentaires.

Le financement du NPNRU est assuré avec la contribution d'Action logement et facilité par le prêt de la Caisse des dépôts et consignations. Mais beaucoup de territoires sont en attente et les programmes ne progressent pas assez vite. Or à cela va s'ajouter l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Comment cela va-t-il toucher nos territoires ?

M. François Patriat . - Il y a quelques années, les maisons de l'emploi avaient suscité l'engouement, avant de tomber dans l'oubli. Les maisons de services au public sont-elles vraiment efficaces ? Je les crois utiles. Mais dispose-t-on d'évaluations ?

Dans la réforme de l'attribution de la PAT, les grands groupes ont été écartés, semble-t-il. Dans ma région, Vallourec et Areva annoncent des plans de réduction des coûts : la politique d'aménagement du territoire sera-t-elle maintenue ?

Enfin, la région Bourgogne a participé à 10 % du financement des programmes de l'Anru dans le cadre du PNRU. Est-ce également prévu pour ce nouveau programme ?

M. Philippe Dallier . - Comme l'a dit Daniel Raoul, il est regrettable d'avoir séparé le programme relatif à la politique de la ville de la mission consacrée au logement. Je déplore l'instabilité du périmètre de ces missions.

Notre rapporteur spécial a évoqué les difficultés de trésorerie que l'Anru pourrait connaître : quels financements pourra-t-on débloquer quand la « bosse » des décaissements maintes fois évoquée se produira ? Quel sera le niveau de trésorerie le plus bas selon les projections ? De débudgétisation en débudgétisation, je regrette que nous soyons contraints d'avoir recours aux avances non seulement de la Caisse des dépôts et consignations mais aussi d'Action Logement après être allé chercher son financement. Il est très dommage de mettre des agences dont le travail est si essentiel dans des situations budgétaires aussi difficiles.

M. Jean-Claude Boulard . - Avec la débudgétisation de l'Anru, la politique de rénovation urbaine n'est plus financée par la solidarité nationale : désormais, c'est Action Logement qui est mise à contribution, ainsi que, ce qui est peut être encore plus étonnant, la Caisse de garantie du logement locatif social - les cotisations de cette caisse ont augmenté de 47 % en trois ans. Ce sont finalement les loyers des plus modestes d'entre nous qui financent l'Anru : quel paradoxe !

M. Marc Laménie . - Loin d'opposer le rural à l'urbain, l'aménagement du territoire se doit de rapprocher ces deux mondes. C'est pourquoi je regrette que les crédits de cette mission diminuent. La lisibilité des programmes n'est pas non plus optimale...

M. Éric Doligé . - Notre collègue Daniel Raoul écrit dans son rapport que « le budget est conforté, malgré une baisse optique des crédits ». Parallèlement, Bernard Delcros a relevé que, globalement, les crédits consacrés à l'aménagement du territoire reculent de 6 à 5,4 milliards d'euros. S'agit-il d'une baisse optique ou réelle ? Que pensent les représentants du ministère de cette réduction ?

Mme Fabienne Keller . - Quelles sont les prévisions de trésorerie de l'Anru ? Il serait dommage pour les quartiers que les programmes de l'Anru ralentissent. Il n'est pas acceptable de prévoir une recette temporaire de 1 milliard d'euros fournie par la Caisse des dépôts et consignations, pour financer des dépenses structurelles et structurantes. L'Anru est stratégique pour les quartiers les plus fragiles de notre pays.

M. François Marc . - Vous proposez le rejet des crédits, mais quelles sont vos propositions ? Il existe vingt-deux dépenses fiscales pour un total de 442 millions d'euros, montant nettement supérieur aux crédits budgétaires et vous proposez de les recentrer. Lesquelles connaissent une progression dynamique ? Lesquelles voulez-vous supprimer, et sur quels territoires ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je rejoins les conclusions de Bernard Delcros : la politique de l'aménagement du territoire est dispersée, peu visible et le décalage est important entre l'ambition affichée et les moyens : que dire ainsi des 6 millions d'euros pour la revitalisation des centres-bourgs ou des 2 millions d'euros pour les maisons de santé ?

Mme Marie-France Beaufils . - Je partage les propos de Jean-Claude Boulard sur le financement de la politique de renouvellement urbain. Je m'inquiète pour les quartiers classés d'intérêt régional et surtout pour ceux mis en veille, alors qu'ils auraient grand besoin d'être aidés. Dans une ville qui s'est efforcée de disperser son parc social sur tout son territoire, plus aucun site n'est éligible à la rénovation.

Pour les contrats de ville, vous dites que les crédits de droit commun y seront mobilisés, mais cela semble un peu difficile... Nous venons de signer un contrat de ville dans mon agglomération : les collectivités mettent de plus en plus la main à la poche tandis que l'apport de l'État est modeste.

M. Michel Bouvard . - L'an dernier, le Gouvernement nous avait promis la révision de la carte des ZRR. Or nous ne voyons rien venir et ne savons toujours pas quels seront les critères retenus.

Dans les commissariats de massif de montagne, les crédits manquent, les moyens humains également, plusieurs postes restent vacants, alors que nous allons devoir mettre en oeuvre le volet montagne des contrats de plan État-région mais aussi les programmes de coopération européens.

La situation actuelle n'est pas récente : en 2012, on demandait déjà à la Caisse des dépôts et consignations de verser 200 millions d'euros à l'Anru, alors que rien de ce type n'était prévu dans la convention entre la Caisse des dépôts et consignations et l'agence. La Cour des comptes a rendu un rapport en 2014 sur l'Anru, observant des ressources moins diversifiées et plus fragiles qu'à l'époque de sa création. En outre, la Cour des comptes soulignait son niveau de dépendance à Action Logement. N'ayant pas mené les réformes de fond et l'indispensable « opération vérité » sur les comptes de l'Anru, nous voyons se profiler l'impasse de trésorerie, malgré le prêt relais de la Caisse des dépôts et consignations. Nous dépensons par anticipation de l'argent gagé sur des recettes futures qui sont d'ailleurs liées à l'évolution de la masse salariale des entreprises qui cotisent à Action logement... Ce n'est pas satisfaisant. Et ce n'est pas ainsi que nous financerons les dépenses sur une longue durée. Nous devons lancer « l'opération vérité » que les gouvernements repoussent depuis des années. Sinon, nous connaîtrons une impasse de trésorerie - et une difficulté à rembourser le prêt le moment venu.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Les maisons de services sont particulièrement utiles à la réorganisation des territoires ruraux. Il reste bien difficile de les faire vivre et de les animer. Dans mon territoire de 6 000 habitants et treize communes, nous avons trente-cinq maisons de services, les premières ouvertes il y a dix ans. On recense 1 800 visites avec autant de prestations d'accompagnement. Si le dispositif fonctionne bien, c'est au prix d'un gros travail pour faire vivre les maisons de service. Le comité interministériel a décidé d'attribuer une partie des financements à leur fonctionnement. C'est une bonne décision.

Quant à la prime d'aménagement du territoire, elle a été modifiée après la mise en place du nouveau zonage des aides à finalité régionale (AFR), pour tenir compte des réglementations européennes et du recentrage des aides aux petites entreprises. Les crédits ont diminué de 30 à 25 millions d'euros. En théorie, les primes devraient courir jusqu'en 2020.

Je croyais naïvement que la politique des territoires couvrait l'essentiel des mesures prises en matière d'aménagement du territoire. Ce n'est pas le cas. D'où l'intérêt d'avoir créé l'an dernier le CGET et d'avoir rattaché ensemble politique de la ville et politique des territoires. On recense trente programmes et quatorze missions. On gagnerait en efficacité à tout regrouper dans une seule grande mission d'aménagement du territoire.

La baisse des crédits est réelle : sur les quatorze missions, on est passé de 6 milliards d'euros en 2015 à 5,4 en 2016, même en intégrant le milliard annoncé par le Comité ministériel à la ruralité. Sur les 440 millions d'euros que coûtent les niches fiscales, plus de 200 millions d'euros sont des avantages fiscaux en Corse, et 120 millions d'euros sont liés aux ZRR.

Le zonage actuel ne correspond plus à la réalité des territoires et devrait être recentré sur les plus fragiles d'entre eux qui souffrent déjà de la baisse des dotations de l'État. La réforme des ZRR est engagée ; le mécanisme s'adresse désormais aux intercommunalités et non plus aux communes. Les nouvelles intercommunalités devront selon moi être sollicitées. Comment, en effet, fonder un zonage ZRR sur des intercommunalités destinées à changer dans un an ? Il faudrait avoir un peu plus de visibilité en termes de calendrier. Les critères pourraient être recentrés sur la densité de population et le revenu par habitant.

Enfin, en ce qui concerne les moyens donnés aux commissariats de massif, je peux préciser que le CGET perd globalement neuf emplois en 2016.

M. Daniel Raoul , rapporteur spécial . - En réponse à Annie Guillemot, le prêt de 1 milliard d'euros devrait justement permettre d'avancer le lancement du nouveau programme, en particulier pour certaines opérations de démolitions-reconstructions.

M. Michel Bouvard . - Recycle-t-il les 500 millions d'euros du prêt préexistant ?

M. Daniel Raoul , rapporteur spécial . - Nous regarderons cette question du recyclage. Monsieur Dallier, il n'y a pas eu, jusqu'à présent, de bosse de décaissement, contrairement à ce qu'on imaginait, elle a été lissée sur plusieurs années pour le PNRU. Les 600 millions d'euros ne seront pas forcément décaissés et seront utilisés pour le NPNRU. Certains programmes ont été abandonnés... malgré parfois des avances versées. Nous en saurons plus à la fin de l'année. La trésorerie devrait être positive de plus de 100 millions d'euros. Monsieur Boulard, on peut discuter à l'infini sur l'avantage d'une convention avec un principal sponsor. L'Anru ne sert que de boîte aux lettres lorsque ses programmes sont alimentés par des crédits d'Action Logement qui sont redistribués en prêts. En tout état de cause, une convention tripartite donne plus de visibilité que des crédits budgétaires attribués tous les ans.

Pour répondre à François Patriat, on attend un effet de levier de un à quatre sur l'Anru. C'est effectivement un appel à la participation des collectivités territoriales. Madame Keller, le financement de la trésorerie est assuré par la convention tripartite signée le 2 octobre dernier. La seule difficulté reste de savoir si les 600 millions d'euros seront bien disponibles. Madame Beaufils, les crédits de droit commun avaient tendance à diminuer, notamment dans les zones urbaines sensibles (ZUS). Les ministères étaient ainsi tentés de baisser leurs dotations, sachant que la politique de la ville intervenait. Désormais, les crédits de droit commun doivent être effectivement inscrits dans les contrats de ville et des conventions interministérielles ont été conclues. Enfin, Monsieur Doligé, la politique de la ville a bénéficié d'une augmentation de crédits de 4,6 % pour les actions territorialisées, et la baisse globale du programme est principalement due à la fin des exonérations de charges sociales dans les ZFU. Tout cela est indiqué dans le rapport.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - On m'informe que le CGET vient de demander officiellement au Gouvernement d'affecter 300 millions d'euros, sur le milliard d'euros consacré à la ruralité, au programme 112 de notre mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Politique des territoires ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Politique des territoires ».

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