TROISIÈME PARTIE : LA RECHERCHE (RAPPORTEUR SPÉCIAL : MICHEL BERSON)

I. ANALYSE PAR PROGRAMME

Le budget des programmes « Recherche » est prévu à 10,6 milliards d'euros en AE et 10,9 milliards d'euros en CP en 2016 (après seconde délibération de l'Assemblée nationale). Les sept programmes sont différenciés à la fois par les thématiques de recherche qu'ils visent à financer et par leur ministère de rattachement. Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » représente plus de la moitié de ces crédits » et lui sont rattachés la plupart des organismes de recherche publics.

Répartition des crédits entre programmes « Recherche » en 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les développements qui suivent s'attachent à analyser l'évolution de la budgétisation par programme (par ordre décroissant en CP).

1. Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires »

Avec 6,2 milliards d'euros prévus pour 2016, le programme 172 est le plus important de la mission en termes de crédits et d'opérateurs rattachés (17 opérateurs ou catégorie d'opérateurs sur 29 au total pour les programmes « Recherche »), auxquels 95 % des crédits du programme sont destinés.

Il regroupe des programmes de recherche très divers , dont la principale caractéristique commune est le rattachement au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les deux actions les plus importantes du programme , qui en comporte onze, sont l'action 15 « Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé » (1,2 milliard d'euros en 2016) et l'action 18 « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine des sciences de l'environnement » (1,1 milliard d'euros).

La budgétisation initiale proposée dans le projet de loi de finances prévoyait la stabilisation presque complète des crédits . Cependant, après seconde délibération à l'Assemblée nationale et pour compenser l'augmentation des dépenses sur d'autres missions, les crédits ont été réduits de 20 millions d'euros, soit une baisse de 0,3 % des crédits . Cette diminution est comparable à celle qui était constatée entre 2014 et 2015 (l'augmentation apparente des crédits étant liée au rattachement d'un programme ayant cessé d'exister à partir de 2015).

D'après le Gouvernement, elle est permise par « la révision à la baisse du besoin de trésorerie d'ITER , au regard des dernières prévisions connues ». La contribution 2016 de la France à la construction de ce réacteur expérimental de fusion nucléaire devait s'élever à 82 millions d'euros. C'est donc une diminution de près d'un quart de la contribution au projet ITER que prévoit le budget adopté par l'Assemblée nationale .

L'évolution des crédits du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Le programme 193 « Recherche spatiale »

Le programme 193 (1,4 milliard d'euros) finance le Centre national d'études spatiales (CNES) qui est l'opérateur français de référence en matière spatiale. C'est également à travers cet organisme que transitent les fonds destinés à l'ESA (agence spatiale européenne) dans le cadre des programmes européens de recherche spatiale . Le CNES est ainsi le maître d'oeuvre du segment sol d'Ariane 6, ce qui signifie que cet opérateur porte la responsabilité de la conception et de la réalisation du nouvel ensemble de lancement dédié à Ariane 6 (ELA 4). La contribution française à l'ESA s'est élevée à 845 millions d'euros en 2015, dont 86 millions d'euros au titre du programme d'investissements d'avenir. L'année 2016 est la dernière année de financements PIA - du moins en l'attente du lancement annoncé du troisième programme d'investissements d'avenir. La dette liée à Ariane 5 vient d'être résorbée ; celle d'Ariane 6 devrait atteindre plus d'un milliard d'euros en 2018 avant de refluer pour être entièrement payée en 2024.

Contribution française à l'ESA et évolution de la dette

(en millions d'euros courants)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Subvention P193

799

763

777

824

833

875

875

875

888

901

915

929

943

PIA - Contribution au financement Ariane 6

39

31

86

6

Dépenses des programmes ESA (part France)

651

778

845

934

1 020

1 053

988

983

895

631

570

850

943

Dette de financement au 31/12/N

33

17

0

103

289

468

581

688

695

424

79

0

0

Source : réponse du MESR au questionnaire de votre rapporteur spécial

Contribution de la France à l'Agence spatiale européenne
et évolution du déficit de financement

« Le budget annuel de l'ESA est constitué :

- des contributions appelées auprès des États membres, destinées à financer les activités et programmes en cours auxquels ils ont souscrit ;

- d'autres recettes, majoritairement constituées des recettes en provenance de contributeurs autres que les États membres (Union Européenne notamment).

La France a longtemps été le premier contributeur au budget de l'ESA. Depuis 2009, on note une tendance à l'augmentation de la contribution allemande alors que la contribution française reste relativement stable, une partie des subventions versées annuellement au CNES (au titre du programme 193 et du PIA) étant utilisée pour rembourser la dette accumulée dans les années 2000 à l'occasion du retour en vol d'Ariane 5.

En contribution totale (y compris remboursement de dette), la France est en première position en 2015 avec 862 millions d'euros.

La France devrait retrouver le premier rang des contributeurs au budget de l'ESA en 2016 avec le démarrage de la phase de développement du programme Ariane 6. En effet, la dette passée sera entièrement soldée à fin 2015 ; et en 2016, le budget prévisionnel français à l'ESA devrait dépasser 900 millions d'euros.

Il est à noter que le déficit de financement va probablement à nouveau augmenter dès 2016. Il devrait être résorbé à l'horizon 2024, le temps d'absorber le ressaut lié à la montée en charge des nouveaux programmes qui vont être lancés. »

Source : réponse du MESR au questionnaire de votre rapporteur spécial

Après une importante annulation de crédits intervenue en cours d'année 2014, la budgétisation 2016 prévoyait initialement une légère hausse (+ 0,5 %) des crédits. La seconde délibération a cependant diminué de 70 millions d'euros le financement du programme 193, soit une baisse de 5 %, et le Gouvernement précise que « cette diminution porte sur la contribution à l'agence spatiale européenne (ESA), dont le montant est ajusté pour tenir compte de l'appel à contribution prévisionnel de l'ESA au titre de 2016 ». La contribution française va donc être réduite, augmentant la dette de financement dont la France devra tôt ou tard s'acquitter .

L'évolution des crédits du programme 193 « Recherche spatiale »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables »

À la différence des programmes 172 et 193, le programme 190 (1,4 milliard d'euros en AE, 1,6 milliard d'euros en CP) est placé sous le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . Trois opérateurs lui sont rattachés à titre principal : l'Ifpen (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles), l'Ifsttar (Institut français des sciences des technologies, des transports et de l'aménagement des réseaux) et l'IRSN (Institut de recherche et de sûreté nucléaires) mais le programme contribue au financement d'autres opérateurs (notamment du CEA).

Les crédits du programme ont été abondés en 2014 et 2015 par le programme d'investissements d'avenir à travers un fonds de concours dans le cadre du soutien au développement de l'A350. La diminution des crédits de ce fonds est la principale explication de la baisse de 210 millions d'euros prévue en 2016 .

L'évolution des crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables »

(en millions d'euros)

2013-2014 : +140 millions d'euros en CP en raison du rattachement du fonds de concours pour la participation au financement de l'A350 , abondé par le PIA 2

2015-2016 : - 210 millions d'euros en AE en raison de la baisse du fonds de concours « A350 » abondé par PIA 2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. Le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

Le programme 192 est rattaché au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique et, de même que le programme 142, finance à la fois des actions de recherche et d'enseignement supérieur . Il porte en particulier la subvention de l'État en direction de plusieurs écoles d'ingénieurs : École des mines, Institut Mines-Télécom et Supélec. En matière de recherche, le programme est orienté vers le soutien à la recherche industrielle et à l'innovation, à travers notamment le fonds de compétitivité des entreprises (FCE), qui finance les pôles de compétitivité, et la subvention à Bpifrance, opérateur de soutien aux entreprises innovantes.

Les crédits du programme ont diminué depuis 2013 avec une sous-exécution notable en 2014 liée à l'annulation de crédits gelés . La budgétisation 2016 prévoit une nouvelle baisse , renforcée par les votes de l'Assemblée nationale : les crédits seraient réduits de 2 % en AE et de près de 5 % en CP. Du fait de la rigidité des subventions aux opérateurs de recherche et aux établissements d'enseignement supérieur, notamment en raison de l'importante part des dépenses de personnel, ce sont les dépenses d'intervention en direction des entreprises qui seront de nouveau touchées . Ainsi, le Gouvernement annonce que la diminution est permise par la « priorisation des interventions discrétionnaires ».

L'évolution des crédits du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

5. Le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles »

Le programme 142 est rattaché au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . De même que le programme 192, il finance pour partie des établissements d'enseignement supérieur (écoles d'enseignement supérieur agricoles et vétérinaires). Ses crédits ont connu une hausse significative depuis 2013 , en raison d'importantes opérations de réhabilitation de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort dont certains bâtiments étaient insalubres. La budgétisation 2016 prévoit une relative stabilité des crédits qui lui sont alloués : évolution de 0,0 % en AE et de 0,5 % en CP.

L'évolution des crédits du programme 142
« Enseignement supérieur et recherche agricoles »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

6. Le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) »

Le programme 191 (180,1 millions d'euros prévus en 2016) est rattaché au ministère de la défense et finance deux opérateurs : le CEA (commissariat à l'énergie atomique) par les actions « Recherche duale en sciences du vivant », « Recherche duale en sciences et techniques de l'information et de la communication » et « Autres recherches et développement technologiques duaux » et le CNES (centre national d'études spatiales) à travers l'action « Recherche duale dans le domaine aérospatial ». Une partie des crédits attribués au CEA est identifiée au titre de la contribution au programme de recherche interministériel de lutte contre le terrorisme pour les menaces nucléaire, radiologique, biologique, chimique et par explosifs (NRBC-E). Les crédits sont versés sous forme de subvention pour charges de service public (CEA) et de dotation en fonds propres (CNES).

La budgétisation pour 2016 est en baisse de 12 millions d'euros par rapport aux crédits prévus en loi de finances initiale pour 2015, soit une diminution de 6 %. Celle-ci se traduira par un recentrage des actions de recherche sur des domaines identifiés comme prioritaires par le ministère de la défense.

L'évolution des crédits du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) »

(en millions d'euros)

2015-2016 : baisse de 6 % des crédits (AE=CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

7. Le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique »

Le programme 186, placé sous le ministère de la culture et de la communication , vise à promouvoir la culture scientifique et technique et à soutenir des actions de recherche spécifiques à la culture. Il finance plusieurs opérateurs parmi lesquels l'organisme Universcience (Palais de la découverte et cité des sciences) occupe une place prépondérante (90 % des crédits du programme lui sont consacrés).

Le programme 186 devrait être doté d'environ 123 millions d'euros en 2016, soit une hausse de 5 % par rapport à 2015 . Les crédits ont été réduits de 1 million d'euros en AE et en CP par l'Assemblée nationale ; le Gouvernement prévoit que cette réduction pèse sur Universcience.

L'évolution des crédits du programme 186
« Recherche culturelle et culture scientifique »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

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