II. UN TEXTE DONT LE BILAN COÛTS/AVANTAGES EST DÉFAVORABLE

A. UN CONSTAT INITIAL INSUFFISAMMENT ÉTAYÉ

1. La rigueur plus grande des règles nationales en matière de délais de paiement n'est pas clairement démontrée

Aucune donnée d'impact fournie au moment du dépôt de la proposition de loi, pas plus que lors de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale, ne permet d'affirmer avec certitude que la situation de la France, du point de vue des règles relatives aux délais de paiement, est aussi atypique qu'on le prétend parfois.

La DGCCRF, invitée par votre rapporteur à présenter une analyse comparée entre les règles françaises et étrangères (notamment européennes) en la matière, a reconnu ne pas disposer des informations permettant de réaliser ce benchmark.

Un rapport de juillet 2013 réalisé par l'Observatoire des délais de paiement fournit des indications certes incomplètes (il ne dit rien sur le cas de l'Allemagne notamment), mais qui montrent néanmoins que la situation des pays européens est plus variée qu'on ne l'affirme :

- Au Royaume-Uni, s'applique un délai de 30 jours ne devant pas excéder 60 jours ;

- Au Pays-Bas, il est possible de dépasser 60 jours en prouvant qu'il n'y a pas d'abus manifeste ;

- En Espagne, un maximum de 60 jours peut être mis en place par accord des parties ; à défaut s'applique un délai de 30 jours ;

- En Italie, le délai de paiement peut être contractuellement porté au-delà de 60 jours.

2. La France ne se distingue pas de manière évidente par la longueur de ses délais clients à l'export

Au-delà des règles formelles sur les délais de paiement, ce qui doit être pris en compte avant tout, ce sont les pratiques de paiement, c'est-à-dire les délais de paiement - et les retards éventuels - effectivement constatés. Le droit d'un pays en la matière peut en effet prévoir des souplesses sans que cela ne se traduise nécessairement par un allongement des délais de paiement constatés.

Or, ce même rapport de juillet 2013 de l'Observatoire des délais de paiement montre que les délais de paiement effectifs à l'export des entreprises françaises ne sont pas significativement plus longs que ceux des entreprises des pays concurrents : ils se situent à 35,1 jours dans notre pays, soit davantage que les 27 jours observables en Grande-Bretagne et en Allemagne, mais moins que les 40 jours observables en Italie ou que les 50 jours en vigueur en Espagne (cf. tableau suivant). Comme par ailleurs les délais fournisseurs sont en moyenne plus longs en France qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne, l'existence d'un impact négatif de nos délais clients à l'export sur la trésorerie des entreprises exportatrices françaises ne va pas de soi.

Délais de paiement demandés aux clients non-résidents (en jours)

Autriche

24,3

Grande-Bretagne

27,2

Allemagne

27,7

Japon

29,6

Pays-Bas

31,7

États-Unis

31,7

France

35,1

Belgique

38,7

Italie

41,8

Espagne

51,1

Sources : Observatoire des délais de paiement, juillet 2013

Il est vrai que ces chiffres sont des chiffres moyens, qui ne tiennent pas compte des différences de taille entre entreprises, pas plus que des différences sectorielles ou de destination (exportations intracommunautaires ou grand export). Il est possible qu'il existe de forts écarts à la moyenne observée. En particulier, il est possible que les entreprises de négoce opérant au grand export connaissent des délais clients sensiblement plus élevés que la moyenne des exportateurs. Toutefois, on ne dispose d'aucune donnée d'impact pour vérifier ce point - ce qu'on ne peut que déplorer.

3. Des performances du négoce de gros à l'export qui ne semblent pas s'être détériorées depuis l'entrée ne vigueur de la LME

Votre rapporteur, pour pallier l'absence d'information directe sur les délais de paiement des exportations réalisées par le négoce, a tenté de réaliser une observation indirecte. Si les règles de paiement issues de la LME avaient créé un lourd handicap à l'export pour les négociants français, cela s'observerait dans l'évolution de leurs ventes et de leurs approvisionnements.

Or, (voir graphique suivant) depuis l'entrée en vigueur de la LME, on ne constate :

- aucune détérioration en valeur absolue des exportations indirectes françaises. Les exportations du négoce de gros entre 2009 et 2014 sont même en croissance sensible : +48 % en 5 ans. Or, on peut penser que s'il existait un désavantage compétitif fort pour les négociants français lié aux règles françaises en matière de délais de paiement, leurs exportations auraient baissé depuis l'entrée en vigueur de la LME ;

- aucun phénomène de substitution massive de fournisseurs non-résidents à des fournisseurs résidents. Les importations du négoce de gros ont en effet augmenté de 35 % entre 2009 et 2014, mais à un rythme moindre que ses exportations.

Évolution des exportations et des importations des entreprises
de commerce de gros entre 2008 et 2014 (Md€)

Source : Insee, douanes

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