CHAPITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES
AUX JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Les articles 23 ter et 24 quater comportent plusieurs dispositions statutaires relatives aux juridictions financières. Ces dernières comprennent, pour mémoire, la Cour des comptes, d'une part, et les vingt-cinq chambres régionales et territoriales 221 ( * ) des comptes, d'autre part.

À l'instar de l'article 23 bis relatif aux juridictions administratives, ces articles reprennent des dispositions du projet de loi initial que le Gouvernement avait souhaité renvoyer à une ordonnance dans le cadre de sa lettre rectificative mais qui ont été réintroduites à l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure.

Les membres des juridictions financières sont répartis en deux corps : celui de la Cour des comptes (219 magistrats en 2014) et celui des chambres régionales des comptes (333 magistrats). Ces corps sont eux-mêmes organisés à partir de grades hiérarchiques.

Les grades des juridictions financières

Source : commission des lois du Sénat

Outre ces magistrats en service ordinaire, la Cour des comptes s'appuie également sur :

a) 56 experts désignés par le Premier président de la Cour pour « des enquêtes de caractère technique » 222 ( * ) ;

b) 81 rapporteurs extérieurs qui sont des fonctionnaires et des magistrats de l'ordre judiciaire détachés à la Cour pour une période de trois ans renouvelable une fois ;

c) 12 conseillers maîtres en service extraordinaire (CMSE), également fonctionnaires, nommés pour cinq ans non renouvelables.

Article 23 ter (art. L. 112-5, L. 112-5-1 [nouveau], L. 112-6, L. 112-8 et L. 220-1 du code des juridictions financières) - Création de nouvelles catégories de conseillers référendaires et de conseillers maîtres en service extraordinaire ; statut des magistrats des chambres régionales des comptes

Le présent article comporte deux objectifs : créer de nouvelles catégories de conseillers référendaires et de conseillers maîtres en service extraordinaire à la Cour des comptes, d'une part, et préciser le statut des magistrats des chambres régionales des comptes, d'autre part.

1. La création de nouvelles catégories de conseillers référendaires et de conseillers maîtres en service extraordinaire

1.1. En l'état du droit, la Cour des comptes dispose uniquement de conseillers maîtres en service extraordinaire

La Cour dispose de douze conseillers maîtres en service extraordinaire (CMSE) nommés par décret en conseil des ministres après avis du Premier président (article L. 112-5 du CJF) 223 ( * ) .

Ils sont choisis parmi les fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères ou parmi des personnes « ayant exercé des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes soumis aux juridictions financières » (directeurs d'administration centrale, préfet, général d'armée, etc .).

À la différence des conseillers maîtres en service ordinaire, les CMSE ne sont pas nommés pour le reste de leur carrière mais pour une période de cinq ans non renouvelable.

Ils appuient la Cour des comptes sur des missions de contrôle (contrôle de l'exécution des lois de finances, des documents comptables des administrations publiques, etc .) mais ne peuvent exercer d'activités juridictionnelles 224 ( * ) .

Comme l'indiquait notre collègue Bernard Saugey en 2006, « le concours des conseillers maîtres en service extraordinaire est très apprécié des magistrats de la Cour des comptes, qui les considèrent comme des experts de haut luxe dans des domaines très techniques (défense, finances) » 225 ( * ) .

2.2. Un nouveau dispositif de service extraordinaire

Le texte transmis au Sénat propose de créer un nouveau dispositif de service extraordinaire afin de poursuivre les efforts de diversification des personnels de la Cour des comptes. Il s'ajouterait aux douze conseillers maîtres en service extraordinaire précités dont le statut ne serait pas modifié.

Seraient éligibles à ce nouveau dispositif des « personnes dont l'expérience et l'expertise particulières sont nécessaires aux activités et missions de la Cour des comptes » (nouvel article L. 112-5-1 du CFJ).

La Cour pourrait ainsi ouvrir :

- six nouveaux postes de conseillers maîtres en service extraordinaire ;

- six postes de conseillers référendaires 226 ( * ) en service extraordinaire.

Le service extraordinaire à la Cour des comptes d'après le présent projet de loi

Source : commission des lois du Sénat

A l'instar des douze conseillers maîtres nommés sur le fondement de l'article L. 112-5 du CJF, les personnes désignés au titre du nouvel article L. 112-5-1 ne participeraient pas aux activités juridictionnelles de la Cour des comptes.

Ils seraient représentés au conseil supérieur de la Cour 227 ( * ) (article L. 112-8 du CJF) et pourraient demander, dans le cadre de leurs fonctions, tout renseignement aux commissaires aux comptes des sociétés qu'ils contrôlent (article L. 141-3).

Deux différences sont toutefois constatées par rapport au dispositif actuel.

En premier lieu, les six conseillers référendaires en service extraordinaire seraient nommés pour trois ans renouvelables une fois pour une même durée et non pour cinq ans non renouvelables.

En second lieu, les nominations dans le cadre du nouveau dispositif de l'article L. 112-5-1 du CJF seraient prononcées par le Gouvernement sur proposition du Premier président de la Cour des comptes alors que le dispositif actuel prévoit un simple avis de ce dernier.

2. Le statut des magistrats des chambres régionales des comptes

Le présent article propose d'harmoniser l'article L. 220-1 du code des juridictions financières relatif au statut des magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) et l'article L. 120-2 applicable aux membres de la Cour des comptes.

Il serait clairement posé que les magistrats des CRC sont d'abord régis par le code des juridictions financières et, à titre subsidiaire, par les dispositions statutaires de la fonction publique. En cas de divergence entre ces deux textes, le code des juridictions financières prévaudrait, ce qui paraît opportun dans la mesure où ce dernier comprend des dispositions spécifiques visant à garantir l'indépendance des magistrats.

Pour mémoire, une rédaction identique a été retenue pour les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel 228 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 23 ter sans modification.

Article 23 quater (art. L. 112-7, L. 122-5 et L. 222-4 du code des juridictions financières) - Régime d'incompatibilités des magistrats des chambres régionales des comptes ; recrutement des conseillers référendaires et des rapporteurs extérieurs

Le présent article concerne - comme le précédent - le statut des membres des juridictions financières .

Il porte, plus précisément, sur le régime d'incompatibilités des magistrats de chambres régionales des comptes et sur les conditions de recrutement des conseillers référendaires et des rapporteurs extérieurs de la Cour des comptes.

1. L'assouplissement du régime des incompatibilités des magistrats des chambres régionales des comptes

Les magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) sont soumis à un régime d' incompatibilités garantissant leur indépendance et leur impartialité par rapport aux entités qu'ils contrôlent, à savoir les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.

Ce régime est composé de plusieurs types d'incompatibilités s'appliquant lorsque : les magistrats de CRC exercent leurs fonctions ( « incompatibilités durant les fonctions » dans le tableau ci-après), lorsqu'ils aspirent à bénéficier d'une mobilité externe ( « incompatibilités à la sortie » ) et lorsqu'une personne souhaite devenir magistrat de CRC (« incompatibilités à l'entrée » ).

Régime d'incompatibilités des magistrats de CRC

Incompatibilités durant les fonctions

Incompatibilités
« à l'entrée »

Incompatibilités
« à la sortie »

Parlementaire national ou membre du CESE 229 ( * )
(article L.O. 222-2 230 ( * ) )

Depuis moins de trois ans, dans le ressort de la CRC :
- Parlementaire national ou candidat à ce mandat ;
- Représentant de l'État, directeur départemental ou régional d'une administration de l'État ;
- Directeur d'une collectivité territoriale ou d'un organisme soumis au contrôle de la CRC ;
- Comptable public principal n'ayant pas reçu son quitus
(article L. 222-4)

Magistrats souhaitant être détachés ou mis en disponibilité auprès d'une collectivité territoriale, de ses groupements et établissements publics situés dans le ressort de la CRC à laquelle ils ont appartenu au cours des trois dernières années
(article L. 222-7)

Parlementaire européen ou président d'un conseil régional ou départemental
(article L. 222-3)

Conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire :
- d'un député ou d'un sénateur dont la circonscription est située dans le ressort de la CRC ;
- d'un président de conseil régional ou départemental de ce même ressort ;
- du maire d'une commune chef-lieu de département de ce même ressort ou du président de l'EPCI 231 ( * ) comprenant cette commune
(article L. 222-4)

Conseiller régional, départemental ou municipal dans le ressort de la CRC à laquelle le magistrat appartient ou a appartenu depuis moins de cinq ans
(article L. 222-3)

Personne déclarée comptable de fait
(article L. 222-6)

Source : commission des lois du Sénat

Ce régime d'incompatibilités des membres des chambres régionales des comptes est « sans doute le plus restrictif qui existe parmi les différents corps de fonctionnaires » comme le soulignait notre collègue Catherine Tasca en 2012 232 ( * ) .

Face à ce constat, le présent article propose de supprimer l'une des « incompatibilités à l'entrée » applicables aux magistrats des CRC (actuel article L. 222-4 du CJF).

Les chambres régionales des comptes pourraient ainsi recruter des représentants de l'État et des directeurs départementaux ou régionaux d'une administration étatique ayant exercé dans leur ressort alors, qu'en l'état du droit, un délai de carence de trois ans doit être respecté pour ce type de recrutements. Les magistrats des CRC n'ayant pas vocation à contrôler les services de l'État, cet assouplissement ne pose pas de difficultés particulières.

Certaines personnes entendues en audition par votre rapporteur souhaitent aller plus loin en aménageant les « incompatibilités à la sortie » et donc en permettant à un magistrat de CRC d'être détaché ou mis à disposition dans une collectivité territoriale du ressort de sa chambre.

Ce nouvel assouplissement serait toutefois plus complexe à organiser étant donné que :

- les chambres régionales des comptes contrôlent les collectivités territoriales et que des précautions particulières doivent être prises pour éviter tout conflit d'intérêts ;

- la démographie du personnel des CRC serait modifiée dans une ampleur difficile à déterminer.

Sans y être opposé par principe, votre rapporteur considère que la réforme des « incompatibilités à la sortie » nécessite un temps de préparation supplémentaire. En outre, rien n'empêchera le Gouvernement de traiter cette question dans le cadre de l'habilitation prévue à l'article 25 du présent projet de loi 233 ( * ) .

2. L'extension du vivier des rapporteurs extérieurs de la Cour des comptes

Désignés pour une période de trois ans renouvelable une fois, les 81 rapporteurs extérieurs appuient la Cour des comptes dans ses missions de contrôle (articles L. 112-7 et L. 112-7-1 du code des juridictions financières) 234 ( * ) .

Sont éligibles à cette voie de recrutement : les magistrats de l'ordre judiciaire, les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique ainsi que les agents de direction et les comptables des organismes de sécurité sociale.

Le présent article prévoit d'étendre ce vivier en incluant les agents contractuels exerçant à la Cour depuis plus de six ans.

Cette disposition concernerait principalement les 56 experts désignés par le Premier président pour « des enquêtes de caractère technique » 235 ( * ) (certification des comptes de l'État, évaluation de politiques publiques, etc .) et permettrait d'accroître leurs perspectives de carrière.

3. La réforme du recrutement des conseillers référendaires

Le recrutement des conseillers référendaires à la Cour des comptes est organisé comme suit 236 ( * ) :

a) U n quart des postes vacants est pourvu au tour extérieur .

Un quart de ces postes du tour extérieur (soit environ 6 % du total) est réservé aux rapporteurs extérieurs 237 ( * ) .

Le présent article propose de renforcer ce dispositif en prévoyant, en sus, la possibilité de nommer chaque année un rapporteur extérieur au grade de conseiller référendaire 238 ( * ) . Il s'agit, comme précédemment, d'offrir de nouvelles opportunités à des personnels travaillant pour la Cour des comptes mais n'ayant pas le statut de magistrat.

b) Trois quarts des postes de conseillers référendaires vacants sont attribués aux auditeurs de 1 ère classe - qui sont d'anciens élèves de l'ENA.

Il est toutefois prévu qu'un magistrat de CRC 239 ( * ) soit nommé conseiller référendaire à la Cour des comptes à raison d'une nomination de ce type par an 240 ( * ) .

Cette voie d'accès réservée à la Cour offre une possibilité de mobilité à l'intérieur des juridictions financières et permet de valoriser le travail des magistrats de CRC.

Le texte transmis au Sénat propose qu'elle soit ouverte à « au plus deux » magistrats de CRC chaque année. Cette rédaction est toutefois ambiguë car elle ouvrirait la possibilité de ne promouvoir aucun magistrat de CRC. Par son amendement COM-163 , votre commission a donc précisé « qu'un ou deux » magistrats de CRC sont nommés à la Cour des comptes chaque année, ce qui semble plus conforme à l'esprit du présent texte.

Votre commission a adopté l'article 23 quater ainsi modifié.


* 221 Les cinq chambres territoriales exercent leurs missions dans les collectivités d'outre-mer. Leurs compétences rejoignant celles des chambres régionales, ce dernier terme est retenu dans le reste du commentaire.

* 222 Cf. l'article L. 141-4 du code des juridictions financières.

* 223 Le dispositif des CMSE ne concerne que la Cour des comptes et non les chambres régionales des comptes.

* 224 Pour mémoire, les activités juridictionnelles de la Cour des comptes concernent principalement les procédures engagées contre les comptables publics (art. L. 111-1 du CJF).

* 225 Rapport n° 410 (2005-2006) fait au nom de la commission des lois du Sénat et relatif au projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.

* 226 Ce qui correspond au grade inférieur à celui de conseiller maître (Cf. le schéma ci-avant).

* 227 Le conseil supérieur de la Cour des comptes est une instance consultative interne à la Cour notamment chargée de donner un avis sur l'organisation de la juridiction et sur des mesures individuelles comme les décisions d'avancement ou les sanctions disciplinaires.

* 228 Cf. le commentaire de l'article 23 bis.

* 229 Conseil économique, social et environnemental.

* 230 Les articles mentionnés dans ce tableau sont tous issus du code des juridictions financières.

* 231 Établissement public de coopération intercommunale.

* 232 Rapport n° 260 (2011-2012) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, p. 125.

* 233 Cf. le commentaire d'article correspondant.

* 234 Leur régime est donc proche de celui des conseillers maîtres en service extraordinaire. Les seules différences résident dans leur nombre, leur mode de nomination, les personnes éligibles et la durée de leurs fonctions.

* 235 Cf. l'article L. 141-4 du code des juridictions financières.

* 236 Cf. l'article L. 122-5 du code des juridictions financières.

* 237 Pour être éligibles à cette mesure, les rapporteurs doivent avoir exercé leurs fonctions à la Cour des comptes depuis au moins trois ans ou les avoir antérieurement exercées pendant cette même durée.

* 238 Cette nomination serait réalisée « hors tour » et n'impacterait donc pas la répartition entre le tour extérieur (un quart des postes) et les autres nominations (trois quarts des postes).

* 239 Ce magistrat de CRC doit réunir trois conditions : avoir au moins le grade de premier conseiller, être âgé d'au moins trente-cinq ans et justifier de dix ans de services publics effectifs.

* 240 Pour mémoire, un système comparable est prévu pour l'accès au Conseil d'État des magistrats des tribunaux administratifs et des cours d'appel (Cf. le commentaire de l'article 23 bis).

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