II. LE PROJET DE LOI SOUMIS AU SÉNAT : DE NOUVELLES OBLIGATIONS ET DE NOUVEAUX DROITS POUR LES FONCTIONNAIRES

A. L'ÉMERGENCE D'UN NOUVEAU DISPOSITIF DÉONTOLOGIQUE

1. La réaffirmation des principes de la fonction publique

Le présent projet de loi explicite tout d'abord au sein du statut général les principes déontologiques applicables aux agents publics : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité et laïcité (article 1 er ).

Le respect de ces principes implique notamment la prévention des conflits d'intérêts , définis comme une situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à influencer ou à paraître influencer l'agent public dans l'exercice de ses fonctions (article 2).

2. La mise en oeuvre d'outils dédiés
a) De nouvelles obligations déclaratives

Pour mettre en oeuvre ces principes, le projet de loi prévoit un ensemble de mesures préventives permettant d'identifier en amont d'éventuelles difficultés d'ordre déontologique.

Concernant la prévention des conflits d'intérêts, il reprend les instruments de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (article 4), à savoir :

- les déclarations d'intérêts , transmises à l'autorité de nomination (comme le maire par exemple) puis à l'autorité hiérarchique (comme le responsable des services techniques de la commune). En cas de doute, elles pourraient être transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), et non à la commission de déontologie comme le prévoyait initialement le Gouvernement 15 ( * ) ;

- les déclarations de situation patrimoniale et les mandats de gestion des instruments financiers 16 ( * ) , tous transmis à la HATVP et contrôlés par cette dernière.

Le périmètre des agents assujettis à ces obligations serait défini par voie règlementaire. Il prendrait en compte leur niveau hiérarchique ainsi que les fonctions exercées.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les déclarations d'intérêts pourraient concerner 20 000 fonctionnaires et les déclarations de situation patrimoniale 4 000 personnes 17 ( * ) .

Dans le cadre de la fonction publique hospitalière par exemple, les directeurs d'établissements et leurs adjoints seraient astreints à une déclaration d'intérêts mais seuls ceux dirigeant les plus grandes structures
- comme l'Assistance Publique, Hôpitaux de Paris (APHP) - auraient à remplir une déclaration de situation patrimoniale.

b) Un dispositif propre aux juridictions administratives et financières

Le présent projet de loi prévoit d'étendre ces nouvelles obligations déclaratives en matière d'intérêts et de situation patrimoniale aux magistrats administratifs et financiers , tout en tenant compte des actuelles pratiques déontologiques 18 ( * ) et des spécificités de ces juridictions (articles 9 bis à 9 nonies ).

Les déclarations d'intérêts de tous ces magistrats seraient ainsi examinées par leur autorité supérieure, à l'occasion d'un entretien déontologique , et, dans certains cas, également par un collège de déontologie interne à chaque ordre de juridiction, composé de magistrats et de personnalités qualifiées. En revanche, les déclarations de situation patrimoniale des chefs de juridiction relèveraient, comme dans le droit commun, de la HATVP.

c) L'émergence de nouvelles figures dans la fonction publique : le référent déontologue et le lanceur d'alerte

Reprenant la proposition n° 21 du rapport Sauvé précité, le projet de loi propose que chaque administration crée un référent déontologue chargé d'« apporter (aux agents publics) tout conseil utile au respect des obligations déontologiques » (article 9). Le rôle et le positionnement du référent déontologue serait adapté selon l'administration concernée.

Ce référent pourrait également recueillir les informations divulguées par un agent « lanceur d'alerte » relatant de bonne foi des faits susceptibles de constituer un conflit d'intérêts et bénéficiant à ce titre d'une protection particulière (article 3).

d) L'extension du rôle de la commission de déontologie

Placée auprès du Premier ministre, la commission de déontologie a été créée par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 19 ( * ) pour examiner le cas des fonctionnaires exerçant une activité privée en parallèle de leur emploi public (cumul d'activités) ou souhaitant être mis en disponibilité pour travailler dans le secteur privé (« pantouflage » ). La commission émet un avis de compatibilité avec ou sans réserves ou un avis d'incompatibilité sur ces projets professionnels. Seul ce dernier lie l'administration en l'état du droit.

Son rôle serait étendu par le présent projet de loi étant donné que :

- les conditions du cumul d'activités seraient durcies (article 6). À titre d'exemple, un fonctionnaire à temps complet ne pourrait plus créer une entreprise en parallèle de son emploi public ;

- ses avis avec réserves lieraient désormais l'administration (article 8) ;

- la commission pourrait formuler des avis sur les projets de loi et de décret relatifs à la déontologie (article 8).


* 15 La commission des lois de l'Assemblée nationale est en effet revenue sur ce point en adoptant un amendement de Mme Cécile Untermaier, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen.

* 16 Pour mémoire, ces mandats permettent que la gestion des instruments financiers détenus par les personnes concernées soit confiée, pendant la durée de leurs fonctions, à une tierce personne pour éviter tout risque de conflit d'intérêts.

* 17 Aucun chiffre n'est disponible à ce stade concernant les mandats de gestion qui porteraient, en tout état de cause, sur un nombre d'agents inférieur à celui des deux autres obligations déclaratives.

* 18 Le projet de loi consacrerait sur le plan législatif l'existence d'un collège de déontologie et d'une charte de déontologie, ainsi que la pratique des entretiens déontologiques.

* 19 Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

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