EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (Art. 222-48-3 et 227-31-1 [nouveaux] du code pénal) Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs

L'insertion dans le texte du projet de loi de l'article 1 er A résulte de l'adoption par votre commission, sur proposition de son rapporteur, de l' amendement COM-3 . Il reprend à l'identique les dispositions de l'article 1 er de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agression sexuelle, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2015, afin de rendre plus systématique la peine complémentaire d'interdiction d'une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation d'une personne pour certaines infractions sexuelles commises contre les mineurs.

• Les peines complémentaires applicables aux personnes reconnues coupables de certaines infractions

L'article 222-45 du code pénal définit les différentes catégories de peines complémentaires qu'encourent les personnes physiques reconnues coupables des infractions prévues aux sections 1, 3 et 4 du chapitre II 23 ( * ) du titre II du livre II du code pénal, parmi lesquelles la privation des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou encore l'interdiction, établie à son 3°, « d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

L'article 227-29 est quant à lui applicable aux personnes physiques reconnues coupables des infractions prévues au chapitre VII du titre II du livre II du code pénal consacré à la répression des atteintes aux mineurs et à la famille (délaissement de mineurs, abandon de famille, mise en péril des mineurs, etc.). Il prévoit également différents types de peines complémentaires comme l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République ou encore l'interdiction, définie au 6°, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, « d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

• Régime juridique des peines complémentaires

Comme votre rapporteur l'avait indiqué dans son rapport sur la proposition de loi n° 437 24 ( * ) , dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel applique aux peines complémentaires les principes juridiques qu'il a définis pour les peines principales. Il en résulte que la définition par le législateur des peines complémentaires doit respecter les prescriptions de l'article 8 de la Déclaration de 1789 - en vertu duquel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » -, et le principe d'individualisation des peines qui en découle. Par conséquent, toute peine doit être expressément prononcée par un juge, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, et ce dernier doit pouvoir également en moduler la durée et l'importance.

Votre rapporteur avait alors souligné que le Conseil constitutionnel admet des peines complémentaires obligatoires dès lors que le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine .

Comme le souligne le commentaire de la décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel 25 ( * ) , « s'agissant des peines complémentaires obligatoires, la jurisprudence du Conseil constitutionnel se fonde sur un faisceau d'indices pour apprécier si la restriction apportée au pouvoir du juge de moduler la peine en fonction des circonstances méconnaît ou non les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Outre le caractère plus ou moins rigide du pouvoir de modulation du juge, le Conseil constitutionnel prend en compte la gravité des faits, la sévérité de la sanction, l'existence ou non d'un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction et, enfin, l'intérêt de la mesure au regard de l'objectif de bonne administration de la justice ».

Ainsi, le juge constitutionnel a procédé à une censure dans sa décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, mais aussi dans sa décision n° 2013-318 QPC du 7 juin 2013 par laquelle il a estimé qu'une peine complémentaire prévue par le code des transports était manifestement disproportionnée au regard de la gravité de l'infraction. En revanche, il a admis le principe d'une peine complémentaire obligatoire dans ses décisions n os 2010-40 et 2010-41 QPC du 29 septembre 2010, dans la mesure où le juge n'était pas « privé du pouvoir d'individualiser la peine ».

• Rendre effective la peine complémentaire d'interdiction d'exercice

Votre rapporteur rappelle également que c'est au regard du faible nombre de cas dans lesquels les juridictions usent de cette faculté que votre commission avait approuvé le principe d'une peine complémentaire obligatoire. D'après les dernières statistiques fournies alors par le ministère de la justice à votre rapporteur, en 2013 26 ( * ) , sur 2 978 condamnations pour des infractions prévues aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal (agressions sexuelles sur mineurs), 86 peines complémentaires d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle ou bénévole auprès des mineurs ont été prononcées par les juridictions et sur 1 600 condamnations pour des infractions aux articles 227-22 à 227-28-3 du code pénal (mise en péril des mineurs), cette peine complémentaire a été décidée à 74 reprises.

Il avait été fait valoir à votre rapporteur que le caractère automatique de la peine complémentaire n'améliorerait pas la protection des mineurs puisque cette sanction ne présenterait un véritable intérêt que si la personne condamnée exerce une activité au contact habituel des mineurs, ce qui ne constitue pas la majorité des cas. Tout en prenant acte de cet argument, votre rapporteur avait cependant relevé que les affaires de Villefontaine et d'Orgères impliquent des personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pour infraction sexuelle, démontrant que les juridictions peuvent ne pas prononcer cette peine alors même que la personne condamnée travaille auprès de mineurs. Le rapport précité des deux inspections générales indique d'ailleurs qu'à la suite de ces affaires, le procureur général de Versailles a diffusé auprès des magistrats du parquet une note de politique pénale régionale sur les agressions sexuelles à l'encontre des mineurs demandant aux magistrats de requérir systématiquement le prononcé de l'interdiction professionnelle et d'interjeter appel des décisions ne suivant pas cette réquisition. Par ailleurs, si une personne condamnée n'exerce pas, au moment de la décision de justice, une activité impliquant un tel contact, rien n'interdit qu'une évolution professionnelle l'amène ultérieurement à fréquenter des mineurs. Enfin, la juridiction pourra toujours apprécier, au vu des circonstances et de la personnalité du condamné, si une dispense de peine complémentaire est opportune, à charge pour elle de la motiver.

• Un dispositif conforme aux exigences constitutionnelles

Le texte retenu par votre commission par l' amendement COM-3 est identique à celui voté par le Sénat le 20 octobre 2015.

Le 1° de l'article 1 er A complète la section 5 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal par un nouvel article 222-48-3 disposant qu'en cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 du chapitre II et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 3° de l'article 222-45. Seraient ainsi concernées par la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité en lien habituel avec les mineurs les infractions qualifiées d'agressions sexuelles (viol, autres agressions sexuelles, inceste, etc.). Ce renvoi au 3° de l'article 222-45 permet à la juridiction de décider d'une interdiction définitive ou temporaire dans la limite de 10 ans, lui permettant ainsi d'individualiser la peine complémentaire. Pour assurer la constitutionnalité de ce dispositif, la juridiction pourrait, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur 27 ( * ) .

Le 2° de l'article 1 er A procède à l'insertion d'un article 227-31-1 dans le code pénal afin que soit applicable la même peine complémentaire (temporaire dans la limite de dix ans ou définitive) à certaines des infractions de la section du code pénal consacrée à la mise en péril des mineurs (227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3), parmi lesquelles la corruption de mineurs, les propositions sexuelles à un mineur, la diffusion et la consultation d'images ou de représentations pédopornographiques, etc. La juridiction pourrait y déroger dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus.

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé .

Article 1er
(Art. 11-2 [nouveau], 138, 230-19, 706-47 et art. 706-47-4 et 706-47-5 [nouveaux] du code de procédure pénale)
Information par le ministère public de l'administration
en cas de condamnation ou de procédure en cours et définition
d'un régime d'information renforcé pour certaines infractions

L'article 1 er du projet de loi reprend l'économie générale des dispositions de l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 28 ( * ) . Il s'articule ainsi autour de trois évolutions du code de procédure pénale tendant respectivement à :

- instituer un régime général de communication d'informations permettant aux parquets, sous certaines conditions et s'ils le jugent opportun , de transmettre à l'administration les décisions de condamnation, ainsi que, par dérogation au secret de l'enquête et de l'instruction, de mise en examen et de renvoi devant une juridiction de jugement pour tout crime ou tout délit puni d'une peine d'emprisonnement ;

- compléter les mesures pouvant être décidées dans le cadre d'un contrôle judiciaire afin de prévoir explicitement l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs, y compris dans le cas où l'infraction n'a pas été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de l'activité, dès lors qu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ;

- prévoir un régime d'information renforcé, dans le but d'assurer une protection élevée des mineurs, obligeant les parquets à adresser une information à l'administration sur la condamnation ou le placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercice d'une activité au contact de mineurs pour certaines infractions limitativement énumérées, mais leur donnant également la faculté de procéder à une telle information à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre dès lors qu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation, ou la tentative de participation, de la personne, comme auteur ou comme complice, à la commission d'une ou plusieurs de ces infractions.

Votre Haute assemblée n'avait, dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agression sexuelle, retenu, outre le complément apporté aux dispositions relatives au contrôle judiciaire, qu'un dispositif de transmission d'informations d'une portée plus restreinte, qui ne concernait que les décisions de condamnation ou de mise en examen assortie de l'interdiction d'exercer une activité au contact de mineurs pour certaines infractions limitativement énumérées.

À l'issue de ses travaux sur le présent projet de loi, votre rapporteur a proposé à votre commission de faire évoluer sa position en acceptant le principe de l'instauration d'un régime général facultatif de transmission d'informations trouvant à s'appliquer avant condamnation, notamment au regard des éléments juridiques nouveaux apportés par le Gouvernement avec l'avis rendu par le Conseil d'État sur le projet de loi. Votre commission a accepté de suivre cette orientation à l'issue d'un débat approfondi au cours duquel plusieurs de ses membres ont néanmoins fait part de leurs fortes réticences, voire de leur opposition, au motif que l'information à un stade même avancé d'une procédure en cours portait une atteinte grave à la présomption d'innocence.

Comme il l'exposera ci-après, votre rapporteur ne saurait en revanche, et à plus forte raison, changer d'opinion sur la question de l'information de l'administration par les parquets sur les issues de garde à vue ou d' audition libre , compte tenu du stade trop précoce de cette information, de l'absence de garanties procédurales pour la personne mise en cause ainsi que des risques constitutionnels et conventionnels d'un tel mécanisme.

Avant de présenter le dispositif de l'article 1 er du projet de loi, votre rapporteur souhaite effectuer une brève présentation de l'état du droit en matière de communication d'informations pénales par l'autorité judiciaire à l'administration, directement reprise des développements qu'il avait présentés dans son rapport n° 54 précité.

• L'état du droit en matière de transmission d'informations pénales

La question de ces transmissions se pose dans des termes différents selon que l'information est effectuée au cours de l'enquête ou de l'instruction, phase pendant laquelle le secret de l'instruction et la présomption d'innocence doivent s'appliquer, ou qu'une condamnation a été prononcée par une juridiction de jugement.

1) L'information de l'autorité administrative avant condamnation

L'article 11 du code de procédure pénale détermine un principe fondamental de la procédure pénale en vertu duquel « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Le non-respect de ce principe est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 226-13 du code pénal.

Les dérogations légales au secret de l'enquête et de l'instruction sont en nombre limité pour :

- éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou mettre fin à un trouble à l'ordre public (dernier alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale) ;

- permettre de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques, destinées notamment à prévenir la commission d'accidents, ou de faciliter l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice (article 11-1 du CPP) ;

- informer les plaignants et les victimes, ainsi que les agents publics ayant fait application de l'article 40 du CPP, des suites données à leur plainte ou signalement (article 40-2 du CPP) ;

- informer une victime du fait qu'une personne placée sous contrôle judiciaire a interdiction d'entrer en relation avec elle (article 138-1 du CPP) ;

- informer la personne chez qui une personne poursuivie pour un crime ou une infraction sexuelle sur mineur établit sa résidence principale ou informer l'autorité académique et le chef d'établissement si une personne poursuivie pour les mêmes motifs demeure scolarisée (article 138-2 du CPP) ;

- informer la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (article 706-6 du CPP).

Malgré un cadre légal, en apparence clair, le rapport précité des inspections générales rappelle que les pratiques des parquets en matière d'information des autorités administratives sur des procédures en cours sont disparates. Ces divergences trouvent leur fondement dans la multiplication, depuis 1813, de nombreuses circulaires 29 ( * ) (une vingtaine) ayant rappelé « la nécessité que l'administration soit informée par l'autorité judiciaire des poursuites et condamnations frappant ses agents » dans le but que l'administration puisse assurer un contrôle sur les fonctionnaires et, le cas échéant, prendre des mesures de suspension, voire engager des poursuites disciplinaires, conformément à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 30 ( * ) .

En effet, en vertu de ces dispositions, « en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun , l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ». La durée de la suspension, mesure conservatoire qui ne présente pas un caractère disciplinaire, ne peut alors excéder quatre mois, l'intéressé devant à l'issue de ce délai être rétabli dans l'exercice de ses fonctions si aucune décision n'a été prise par l'autorité disciplinaire, sauf dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales. Pour la bonne application de cette disposition, il apparaît donc nécessaire que l'autorité administrative puisse être informée des procédures pénales en cours pour que l'autorité hiérarchique de l'agent puisse, si elle le juge opportun, mettre en oeuvre la suspension de l'intéressé et saisir l'autorité disciplinaire. Votre rapporteur relève au demeurant que l'économie générale de ces dispositions devrait connaître une évolution substantielle avec le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui, en son article 11, modifie l'article 30 de la loi Le Pors afin de privilégier, au-delà de ce délai de quatre mois, le maintien en activité de l'agent dans des conditions compatibles avec l'intérêt du service ou, le cas échéant, les obligations découlant du contrôle judiciaire 31 ( * ) .

Les différentes circulaires prévoyant ces transmissions d'information se sont par ailleurs appuyées sur une jurisprudence de la Cour de cassation 32 ( * ) selon laquelle « le secret de l'instruction ne lui étant pas opposable, le ministère public, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue , a qualité pour apprécier l'opportunité de communiquer au juge une procédure judiciaire de nature à l'éclairer ». Cette liberté d'appréciation du parquet a ensuite été reconnue par la jurisprudence pour une transmission d'informations à une administration chargée d'une procédure disciplinaire contre un fonctionnaire 33 ( * ) .

Comme le précise le rapport précité des inspections générales, certains magistrats du ministère public considèrent que la jurisprudence de la Cour de cassation, ou même le dernier alinéa de l'article 11 du CPP, constituent des bases juridiques suffisantes pour informer l'administration des poursuites pénales engagées à l'encontre de ses agents. Au contraire, d'autres magistrats du parquet estiment que le droit en vigueur interdit de telles transmissions. Enfin, la mission des inspections a constaté qu'une troisième catégorie de magistrats jugeait que le cadre juridique leur interdisait de transmettre des informations à leur initiative, mais les autorisait à répondre aux sollicitations de l'administration.

Jusqu'à présent, le ministère de la justice estimait que la jurisprudence de la Cour de cassation autorisait le parquet à prendre l'initiative d'une communication avec l'administration dès lors que les informations transmises sont en lien avec l'exercice des missions qui sont légalement dévolues au ministère public. Or, ce critère ne paraît pas totalement respecté s'agissant de la transmission d'informations à l'administration pour permettre à cette dernière d'exercer le contrôle des fonctionnaires dans la mesure où, comme le précise le rapport des inspections, « le ministère public, qui n'est pas investi du pouvoir disciplinaire, peut difficilement se réclamer de l'exercice d'une mission que la loi lui attribuerait ».

Les pratiques divergentes des parquets présentent donc d'indéniables fragilités, justifiant l'instauration d'une base légale claire à ces transmissions d'informations, qui doit cependant mettre en balance l'information de l'autorité administrative, afin de lui permettre d'exercer ses prérogatives hiérarchiques ou disciplinaires sur ses agents, avec le souci de respecter le principe constitutionnel de présomption d'innocence.

Compte tenu de ces incertitudes juridiques et alors même que l'établissement de ce cadre juridique est en cours d'élaboration, votre rapporteur tient à nouveau à faire part de son étonnement quant à la diffusion de la circulaire du 16 septembre 2015 qui donne aux procureurs et aux recteurs des instructions très précises en matière de transmissions d'information sur les procédures pénales en cours. Une telle initiative lui apparaît en effet prématurée et n'aurait dû, à son sens, intervenir qu'après l'entrée en vigueur d'un nouveau cadre légal clarifié .

Extrait de la circulaire du 16 septembre 2015

« S'agissant de l'information en cours de procédure, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret de l'enquête et de l'instruction n'est pas opposable au ministère public qui, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue, peut apprécier l'opportunité de communiquer à un tiers des informations issues d'une procédure en cours, dans le respect de la présomption d'innocence.

Dès lors, il appartient au cas par cas au procureur de la République compétent d'apprécier si l'information de l'engagement de poursuites pour l'une des infractions précédemment mentionnées à l'encontre d'un agent qui, du fait de la nature de sa fonction, est en contact habituel avec des mineurs, est nécessaire à l'exercice par les autorités du ministère chargé de l'éducation nationale de leur mission de protection des mineurs accueillis dans le cadre du service public de l'éducation . »

Aux fins de mise en oeuvre de cette orientation, la circulaire comporte, en annexe, des modèles d'avis d'information, dont l'un concerne les procédures pénales en cours, devant mentionner la qualification des faits reprochés, la date et le lieu des faits, le contexte de la commission des faits et la nature des faits reprochés, la mention de l'engagement ou non de poursuites ainsi que les mesures de sûreté prises à l'encontre de la personne.

2) L'information de l'autorité administrative à l'issue d'une condamnation

La question des transmissions d'informations après condamnation pose moins de problèmes juridiques dans la mesure où le secret de l'enquête et de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale ne trouve plus à s'appliquer. À cet égard, l'article R. 156 du même code dispose que les « arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires » peuvent être délivrés à des tiers sans autorisation du ministère public et que les autres pièces de procédure peuvent l'être avec l'autorisation du procureur de la République ou du procureur général. En cas de refus de transmission, le magistrat compétent doit notifier sa décision « en la forme administrative » et faire connaître les motifs du refus.

Le rapport des inspections souligne cependant que les dysfonctionnements relevés en matière de transmission d'informations ayant trait à des condamnations peuvent aussi être d'ordre juridique, certains parquets estimant que le cadre légal actuel ne les autorise pas à prendre l'initiative de la délivrance de copies de condamnations 34 ( * ) . Par ailleurs, il arrive également que « le jugement soit sommairement motivé, se bornant à constater que les faits, dont la qualification figure en tête de la décision, sont établis et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation ». Dans de telles hypothèses, l'administration de l'éducation nationale est amenée à solliciter des copies de pièces de procédure pour étayer les poursuites disciplinaires. Or, un refus du ministère public d'accéder à une telle demande a pu entraver le bon déroulement de procédures, voire les fragiliser en cas de contestation de la sanction prise sur leur fondement devant la juridiction administrative, « l'enseignant minorant de façon sensible les faits, soutenant que leur qualification juridique n'en rendait compte que très imparfaitement ».

Les difficultés mises à jour par la mission des inspections peuvent enfin être liées à des problèmes matériels : délais de dactylographie des décisions de justice ; mauvaises orientations, au sein des tribunaux, des demandes formulées par les services de l'éducation nationale ; délais de traitement de ces demandes.

• La clarification proposée par le projet de loi est-elle conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles ?

S'agissant de l'évolution du cadre légal proposée par le présent projet de loi et de la création d'un régime général autorisant les parquets à procéder à l'information de l'administration, ou d'une autorité chargée de contrôler une activité, sur les procédures pénales en cours, il convient de souligner que le Conseil d'État, dans son avis rendu sur le texte, a estimé qu'une telle transmission était conforme, sous certaines conditions, aux exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Dans son analyse, le Conseil d'État relève tout d'abord que la transmission d'informations nominatives sur des procédures en cours était de nature à affecter « des droits protégés par la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». En effet, les dispositions du présent texte sont susceptibles de porter atteinte, à titre principal, au principe de présomption d'innocence , garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), mais aussi au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne et au droit à l'exercice effectif des droits de la défense consacré par l'article 16 de la déclaration de 1789 et l'article 6 § 3 de la CESDH.

Le Conseil d'État rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 mars 2003 35 ( * ) , a estimé qu'aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire, sauf si, par son caractère excessif, elle porte atteinte aux droits ou seulement aux intérêts légitimes des personnes concernées.

Le Conseil d'État considère qu'il est possible de porter atteinte au principe constitutionnel de présomption d'innocence ainsi qu'aux « droits ou intérêts légitimes » de la personne concernée pour répondre à des « impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur » et dès lors que la transmission d'informations est encadrée par diverses garanties.

Il souligne que cette transmission est soumise à l'appréciation de l'autorité judiciaire , en l'espèce le ministère public, des risques encourus au regard du maintien de l'ordre, de la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public, et que cette modalité constitue une garantie importante . En outre, il juge nécessaire d'autres garanties telle qu'une limitation du champ des infractions pouvant donner lieu à une transmission d'informations, l'utilisation d'un support écrit et la confidentialité de la communication.

C'est au regard de cette analyse que votre rapporteur propose ainsi d'accepter ce régime général, tout en conditionnant son acceptation au renforcement des garanties proposées par ses amendements .

Néanmoins, votre rapporteur continue de s'interroger sur la conventionalité du dispositif au regard du principe de présomption d'innocence, de respect de la vie privée et familiale et en particulier, au regard du statut du ministère public dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

À diverses reprises, la CEDH a considéré que le principe de présomption d'innocence était violé au regard des implications matérielles sur la réputation de l'individu et notamment si « une déclaration officielle concernant un individu reflète le sentiment qu'il est coupable, alors que sa culpabilité n'a pas été préalablement établie 36 ( * ) » ou si « sans établissement légal de la culpabilité d'un prévenu et notamment sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer les droits de la défense, une décision judiciaire le concernant reflète le sentiment qu'il est coupable 37 ( * ) ».

Enfin, il convient de s'interroger sur le titulaire du pouvoir d'informer l'administration . Si le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article 66 de la Constitution, il n'est pas une autorité juridictionnelle. Selon la jurisprudence de la CEDH depuis la décision du 10 juillet 2008, Medvedyev c. France, les membres du parquet ne sont pas un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires au sens de l'article 5 § 3 de la CESDH. Or dans l'affaire Leander c. Suède, à propos d'une transmission d'informations des administrations par les autorités de police et sur le fondement du droit au respect de la vie privée et familiale, la CEDH a vérifié que la décision d'informer l'employeur avait été prise par des organes pouvant décider de la nécessité de cette information et du bien-fondé de l'ingérence de l'autorité publique et présentant des garanties d'indépendance du gouvernement et de la police elle-même.

Le projet de loi soumis à votre commission fait dépendre la faculté d'informer l'administration du ministère public, qui est également en charge de l'accusation lors des poursuites . En outre, les décisions de saisine d'une juridiction par le procureur de la République sont prises à la suite d'une phase secrète et non contradictoire. De plus, aucun contrôle juridictionnel indépendant n'est prévu sur la décision du ministère public d'informer l'administration . Selon Mme Cristina Mauro, professeur agrégé des facultés de droit de l'Université de Poitiers, sollicitée par votre rapporteur, « eu égard à l'absence de tout contrôle juridictionnel indépendant sur la nécessité et le bien-fondé de l'ingérence de l'autorité publique constituée par l'information de l'administration , [cette disposition] soulève cependant des doutes quant à sa compatibilité par rapport aux exigences de la jurisprudence de la CEDH à propos de l'article 8 § 2 de la convention européenne 38 ( * ) ».

Cette analyse souligne à nouveau l'urgence et la nécessité de réviser la Constitution afin de mettre le statut du parquet français en conformité avec les exigences de la Cour européenne, comme le rappelait récemment votre commission lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats 39 ( * ) .

• Le nouvel article 11-2 du code de procédure pénale : un cadre général à la portée très large qui nécessite un meilleur encadrement de l'atteinte portée à la présomption d'innocence

Le 1° de l'article 1 du projet de loi vise à définir un cadre général de transmission d'informations entre l'autorité judiciaire et les administrations concernant la mise en cause dans des procédures pénales des personnes exerçant une activité soumise à une autorité administrative ou au contrôle d'une personne publique, d'une personne morale de droit privé chargées d'une mission de service public ou d'un ordre professionnel.

Ce cadre juridique prévoit une faculté d'information par le ministère public à destination de l'employeur des personnes, lorsque ces dernières font l'objet des décisions suivantes, pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement :

- une condamnation, même non définitive ;

- une saisine d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ;

- la mise en examen.

Une articulation entre le ministère public et les juges d'instruction
qui reste à renforcer

Le projet de loi confie au ministère public la mission de transmettre les informations relatives à une condamnation, à une saisine d'une juridiction de jugement ou à une mise en examen.

Dans le droit en vigueur, seul le juge d'instruction, en application des articles 138-1 et 138-2 du code de procédure pénale, a l'obligation ou la possibilité de transmettre à des tiers des informations concernant la mise en examen et les obligations de contrôle judiciaire. En effet, la mise en examen est prononcée par le juge d'instruction.

Or mettre à la charge du ministère public, et non du juge d'instruction, l'appréciation de l'opportunité de transmettre une information présentencielle suppose que le ministère public soit informé de l'existence de ces procédures.

Cette circulation de l'information relève de la pratique mais elle ne constitue pas une exigence légale. Votre rapporteur alerte le pouvoir réglementaire sur cette question afin qu'il prenne les mesures utiles à l'organisation de l'information du ministère public par le juge d'instruction sur les mises en examen prononcées pour le champ d'application de l'article 11-2, à savoir les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement.

L'opportunité de cette transmission d'informations devrait être appréciée au regard « de la nature des faits ou des circonstances de leur commission » et lorsqu'elle permet de « prendre les mesures utiles au maintien de l'ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public ».

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a estimé nécessaire d'assurer un meilleur encadrement de la transmission d'informations à un stade antérieur au prononcé d'un jugement sur la culpabilité d'une personne , au regard de la nécessaire proportionnalité des atteintes portées à la présomption d'innocence.

1) Un champ très large des infractions concernées

Dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d'État a jugé nécessaire que la transmission d'informations antérieures à tout jugement sur la culpabilité d'une personne mise en cause soit encadrée par diverses garanties, notamment « la limitation des infractions pouvant y donner lieu ».

Votre rapporteur constate que cette limitation est cependant modeste puisque seuls les contraventions et les délits non punis d'une peine d'emprisonnement en sont exclus .

Ce champ particulièrement large des infractions concernées est susceptible de générer un nombre important de transmissions d'informations. En outre, celles-ci résultant d'une faculté soumise à l'appréciation du ministère public, il est théoriquement exigé du ministère public une évaluation sur chaque affaire concernant l'opportunité éventuelle d'une transmission. Selon la conférence nationale des procureurs généraux, « la portée très large du texte (...) place les magistrats du parquet dans une situation d'insécurité profonde dans le contexte de charges d'activités qui est le leur 40 ( * ) ».

À cet égard, votre rapporteur déplore, à l'instar du Conseil d'État, les lacunes de l'étude d'impact concernant les dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale : il n'est procédé à aucune évaluation de l'impact de cette faculté d'information sur les services judiciaires . Pourtant, « la mise en oeuvre de ce dispositif qui renforce considérablement la charge de travail des magistrats des parquets et des greffes leur confère une lourde responsabilité de gestion qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer au regard de l'état de fonctionnement des parquets 41 ( * ) ».

2) Une clarification nécessaire des finalités de la transmission de l'information qui doivent être appréciées par le ministère public

Le texte du projet de loi énumère quatre finalités à la transmission de l'information : elle doit être nécessaire au maintien de l'ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public.

Si la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, est une mission historiquement confiée au ministère public, le bon fonctionnement du service public ne relève pas de son champ de compétence .

L'introduction de cette notion de droit administratif dans le code de procédure pénale contribuerait à confier au ministère public une nouvelle mission, en l'absence de toute évaluation de ses conséquences juridiques et alors même que le législateur est invité par des rapports récents commandés par le ministère de la justice à recentrer les magistrats sur leurs missions essentielles (action n° 9 des 15 actions pour la justice du XXI ème siècle 42 ( * ) ) et plus particulièrement à recentrer l'activité du parquet sur l'exercice de l'action publique dans les affaires individuelles 43 ( * ) .

Au surplus, le bon fonctionnement du service public ne semble pas être un objectif suffisant pour porter atteinte au principe de présomption d'innocence ni au droit au respect de la vie privée et familiale. La CESDH n'admet d'ingérence de l'autorité publique dans ce droit que pour des finalités de sécurité nationale, de défense de l'ordre ou encore de prévention des infractions pénales.

Votre rapporteur considère dès lors qu'il est préférable de clarifier la rédaction des motifs qui peuvent justifier une transmission d'informations afin de faciliter et de sécuriser les décisions des magistrats du parquet . À cet égard, votre rapporteur s'étonne du temps de travail du magistrat retenu par l'étude d'impact pour apprécier l'opportunité d'une telle transmission, à savoir 15 minutes par dossier .

La conférence nationale des procureurs généraux s'est prononcée en faveur d'une communication à des tiers rendue nécessaire pour les deux seules finalités que sont la sécurité des personnes et la prévention de la réitération des faits et a proposé en conséquence la suppression du critère lié au « bon fonctionnement du service public ». Votre rapporteur a retenu cette solution en supprimant ce critère. Cependant, il l'a étendue à la sécurité des biens car cette finalité peut, dans de rares cas, justifier une transmission d'informations. En outre, il a privilégié la notion, plus large, de prévention d'un trouble à l'ordre public, déjà présente dans le code de procédure pénale. En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-4 de son rapporteur , qui autorise la transmission d'une information nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public et pour assure r la sécurité des personnes ou des biens .

3) Un renforcement nécessaire des garanties de la personne mise en cause

Le projet de loi prévoit que cette information est donnée par écrit, que la personne intéressée est informée de cette communication et que l'information transmise doit être retirée du dossier de la personne concernée par l'administration en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.

Dans sa rédaction initiale, le texte indiquait que lorsqu'une information porte sur une condamnation pénale dont la juridiction de jugement a expressément exclu l'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne condamnée, en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, cette exclusion doit être mentionnée lors de la transmission. Cette disposition a été amendée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur. En effet, la rédaction initiale niait l'autorité de la décision des magistrats du siège, sans motif légitime. Le texte amendé par l'Assemblée nationale prévoit désormais que la communication d'une condamnation non inscrite au bulletin n° 2 ne doit être autorisée que lorsque l'administration a été préalablement informée de la procédure et qu'il lui est donc nécessaire de connaître son issue.

Enfin, en dehors des cas portant sur une condamnation publique, toute personne destinataire de l'information est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

À l'Assemblée nationale, outre l'amendement précité, ces dispositions ont fait l'objet de trois amendements rédactionnels présentés en commission par son rapporteur.

Au regard de l'atteinte portée à la présomption d'innocence, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a estimé nécessaire de renforcer les garanties de la personne mise en cause en adoptant l' amendement COM-5 .

Tout d'abord, il apparaît légitime que la personne en cause puisse présenter des observations , qui accompagnent la transmission de l'information de mise en examen, de saisine d'une juridiction ou de condamnation afin de permettre un certain exercice, qui reste limité, des droits de la défense. L'information ne pourrait être transmise sans recueil préalable des observations de la personne mise en cause.

De plus, à l'issue de la procédure, votre rapporteur a souhaité créer une voie de recours pour la personne mise en cause, auprès du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d'appel, si le ministère public avait manqué à son obligation de transmettre cette nouvelle information.

Quant à la confidentialité de l'information pour préserver tout dommage à la réputation des personnes mises en cause, votre rapporteur a estimé nécessaire de préciser que cette information est secrète et qu'elle ne peut être communiquée qu'aux personnes compétentes, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Enfin, il a souhaité soumettre aux mêmes peines le fait de partager cette information pour les tiers non autorisés à en être destinataire mais qui en auraient eu connaissance. Il s'agit de prendre en compte l'hypothèse de « fuites » qui conduit à la communication à des tiers par d'autres tiers non autorisés ou à la publication de l'information, cette évolution étant d'ailleurs suggérée par la conférence nationale des procureurs de la République 44 ( * ) .

Par ailleurs, votre commission, sur proposition de son rapporteur, a considéré qu'il était préférable de mentionner qu'il soit procédé à la suppression de l'information relative à la mise en cause pénale du dossier d'activité de la personne concernée, plutôt qu'à son retrait (amendement COM-6) .

Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-7 , présenté par son rapporteur, de portée rédactionnelle et tendant à prévoir que le décret d'application du nouvel article 11-2 du code de procédure pénale soit un décret en Conseil d'État.

• Compléter les mesures de contrôle judiciaire

Le de l'article 1 er a pour objet de compléter l'article 138 du code de procédure pénale afin de prévoir que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut, parmi les mesures prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, prévoir une interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Certes, le droit en vigueur prévoit déjà, au 12° de l'article 138, qu'un contrôle judiciaire peut comporter une interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ou sociales. Toutefois, cette obligation ne peut actuellement trouver à s'appliquer que lorsque « l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités ». Il convenait donc de prévoir le cas spécifique de l'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs pour couvrir les cas dans lesquels les infractions auraient été commises hors de l'exercice de l'activité.

En outre, la rédaction de ce dispositif diffère de celle retenue tant par l'article 30 de la loi DADUE que par la proposition de loi votée par votre Haute assemblée le 20 octobre 2015 en ce que, sur proposition du Conseil d'État 45 ( * ) et à l'instar de ce que prévoit le 12° de l'article 138, une telle interdiction ne pourrait être imposée que s'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise.

Comme en octobre dernier, votre commission souscrit à cette évolution de la législation relative aux mesures du contrôle judiciaire, dont il convient de relever qu'elle pourrait également trouver application, conformément au dernier alinéa de l'article 142-5 du CPP, dans les cas de placement en assignation à résidence avec surveillance électronique. Afin de donner à cette nouvelle mesure sa pleine effectivité quand les magistrats la décideront, votre commission a, par l'adoption de l' amendement COM-8 présenté par son rapporteur, prévu que cette interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel des mineurs fera l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR), à l'instar des interdictions décidées actuellement sur le fondement du 12° de l'article 138. À cet effet, cet amendement, qui insère un bis au sein de l'article 1 er du projet de loi, effectue un renvoi au 12° bis de l'article 138 dans l'article 230-19 du code de procédure pénale, lequel est consacré aux modalités de fonctionnement du FPR.

• Une clarification nécessaire du champ d'application de l'article 706-47 du code de procédure pénale

Par l' amendement COM-9 présenté par votre rapporteur, votre commission a inséré un ter au sein de l'article 1 er tendant à clarifier le champ d'application de l'article 706-47 du code de procédure pénale.

Cet article énumère différentes infractions de nature sexuelle, concernant des mineurs victimes ou présentant un caractère particulièrement violent, qui justifient l'application d'une procédure dérogatoire, notamment en matière d'application des peines.

Les principales conséquences procédurales 46 ( * ) d'une inclusion d'une infraction dans le champ de l'article 706-47 sont le report du point de départ de la prescription de l'action publique à la majorité du mineur victime, la possibilité ou l'obligation d'une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) et la centralisation des traces et empreintes génétiques au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Les personnes condamnées pour certains crimes énumérés à l'article 706-47 peuvent faire l'objet d'une rétention de sûreté à l'issue de leur peine de réclusion criminelle. Par ailleurs, le régime d'information renforcé retenu au nouvel article 706-47-4 du CPP prévoit des transmissions obligatoires d'informations concernant toutes les infractions mentionnées à l'article 706-47.

Votre rapporteur a jugé utile de clarifier la rédaction de cet article dont la lisibilité a été affaiblie par ses réécritures successives.

Par exemple, le rapport des inspections générales précité mentionne des interprétations divergentes quant à l'inclusion des infractions de consultation habituelle et de détention d'images pédopornographiques dans la liste des infractions visées à l'article 706-47 et invite à une clarification législative sur ce point, par ailleurs opérée par le Sénat lors de l'adoption du texte n° 15 (2015-2016) sur la proposition relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles 47 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur estime qu'une clarification de l'ensemble du champ d'application, à droit constant , s'impose. À son initiative, votre commission a adopté un amendement de rédaction globale de l'article 706-47.

Les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale

- Crimes de meurtre ou d'assassinat prévus par les articles 221-1 à 221-4, lorsqu'ils sont commis sur un mineur précédé ou accompagné d'un viol, ou lorsqu'ils sont commis avec tortures ou actes de barbarie, ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale ;

- Crimes de tortures ou d'actes de barbarie prévus par les articles 222-1 à 222-6 du code pénal ;

- Crimes de viols prévus par les articles 222-23 à 222-26 du code pénal ;

- Délits d'agressions sexuelles prévus par les articles 222-27 à 222-31 du code pénal ;

- Délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur prévus par les articles 225-4-1 à 225-4-4 du code pénal ;

- Délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur prévus par les articles 225-7 (1°) et 225-7-1 du code pénal ;

- Délits de recours à la prostitution d'un mineur prévu par les articles 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal ;

- Délit de corruption de mineur prévu par l'article 227-22 du code pénal ;

- Délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans par un majeur, prévu par l'article 227-22-1 du code pénal ;

- Délits de captation, d'enregistrement, de transmission, d'offre, de mise à disposition, de diffusion, d'importation ou d'exportation, d'acquisition ou de détention d'image pornographique d'un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des images pornographiques de mineurs, prévus par l'article 227-23 du code pénal ;

- Délit de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur, prévu par l'article 227-24 du code pénal ;

- Délit d'incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu par l'article 227-24-1 du code pénal ;

- Délits d'atteintes sexuelles, prévus par les articles 227-25 à 227-27 du code pénal.

• Le régime d'information renforcé pour certaines infractions

Le de l'article 1 er du projet de loi insère un nouvel article 706-47-4 dans le code de procédure pénale. Ces dispositions sont très proches de celles qui étaient contenues dans l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 48 ( * ) . Votre Haute assemblée avait pour sa part retenu un tel dispositif de transmission d'informations, d'une portée plus restreinte, dans la proposition de loi votée le 20 novembre 2015.

L'article 706-47-4 s'articule autour de trois paragraphes ayant pour but de définir le champ des personnes et des secteurs d'activité concernés, de préciser les types d'informations assujettis à ce régime renforcé de transmission et d'énumérer la liste des infractions y étant soumises. La finalité de ce dispositif est, contrairement à celle, plus variée, de l'article 11-2, entièrement tournée vers la protection des mineurs.

1) Le champ des personnes et secteurs concernés par la transmission d'informations

Le régime général prévu par le nouvel article 11-2 du code de procédure pénale laisse le ministère public libre d'apprécier l'opportunité de transmettre à l'administration ou à une autorité assurant un contrôle sur une activité une information relative à une condamnation ou à une procédure pénale en cours. À l'inverse, le dispositif proposé à l'article 706-47-4 instaure une obligation d'information , concernant une personne, dont il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par une autorité administrative. À l'instar de ce que prévoit l'article 11-2, cette information obligatoire devrait s'effectuer sous forme écrite.

Le champ des personnes concernées serait ainsi plus restreint qu'à l'article 11-2, de même que les secteurs d'activité, puisque seule l'administration serait concernée, ou les personnes placées sous son contrôle direct ou indirect. L'étude d'impact du projet de loi précise cependant que le champ de l'article 11-2 englobe pour sa part toutes les personnes susceptibles d'être concernées par les obligations de transmission d'informations résultant de l'article 706-47-4.

La liste des activités professionnelles et sociales dont l'exercice est contrôlé directement ou indirectement par l'administration serait définie par le décret d'application de l'article.

Les secteurs d'activité relevant de l'article 706-47-4

D'après les précisions fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, ce décret devrait prévoir que seraient concernées par l'article 706-47-4 :

- les personnes exerçant une activité dans une école publique ou privée, un établissement d'enseignement public ou privé du second degré ou un service de l'éducation nationale ;

- les personnes employées par une collectivité territoriale exerçant une activité dans une école publique ou privée, un établissement d'enseignement public ou privé du second degré ou un service de l'éducation nationale ;

- les personnes exerçant une activité dans une école ou établissement scolaire à l'étranger ;

- les personnes exerçant une activité dans une école ou établissement scolaire relevant des ministères chargés de l'agriculture, de la défense, de la justice ou de la santé ;

- les personnes exerçant une activité dans les services d'accueils mentionnés à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) (mode d'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs) ;

- les personnes exerçant une activité dans les lieux de vie et d'accueil au sens du III de l'article L. 312-1 du CASF (lieux de vie et d'accueil ne constituant pas des établissements et services sociaux ou médico-sociaux) qui accueillent des mineurs ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services mettant en oeuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d'investigation préalables aux mesures d'assistances éducatives prévues par le code de procédure civile et par l'ordonnance précitée du 2 février 1945 ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs relevant des articles L. 221-1, L. 222-3 et L. 222-5 du CASF ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services d'enseignement et d'éducation spéciale qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, prévus par le 2° du I de l'article L. 312- 1 du CASF ;

- les personnes exerçant une activité dans les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4 du code de la santé publique ;

- les personnes exploitant un établissement d'activités physiques et sportives ou exerçant une activité d'encadrement d'activités physiques ou sportives ;

- les personnes exploitant un établissement d'activités socio-culturelles ou exerçant une activité d'encadrement d'activités socio-culturelles, lorsque cette activité concerne ou est susceptible de concerner des mineurs ;

- les personnes régies par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale exerçant dans un établissement ou un service d'enseignement, d'éducation et d'animation, culturel, des sports, social et de santé relevant d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public.

2) La nature des informations faisant l'objet de cette obligation de communication

Deux types d'informations seraient concernés par cette obligation de transmission des parquets à l'administration, en l'occurrence les décisions de condamnation, même non définitives, ainsi que les décisions de placement sous contrôle judiciaire dès lors qu'elles sont assorties de l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs, quand elles concernent certaines infractions limitativement énumérées.

Votre commission ne peut que réitérer son soutien à un tel dispositif que votre Haute assemblée avait adopté dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles . En effet, le dispositif d'information obligatoire ne concerne que des décisions de condamnations, qui ont un caractère public et n'engagent donc pas la présomption d'innocence, ou de placement sous contrôle judiciaire, l'information ayant pour but, dans ce second cas, de prévoir que l'employeur ou l'autorité de tutelle est effectivement informée de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel des mineurs. Dans son avis, le Conseil d'État confirme cette analyse et indique qu'un tel dispositif ne porte pas, dans ces conditions, une atteinte excessive à des droits constitutionnellement et conventionnellement protégés, au surplus parce que cette transmission obligatoire ne concerne qu'un nombre limité d'infractions.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-10 qui, outre des améliorations rédactionnelles, indique expressément que l'article 706-47-4 constitue une dérogation aux dispositions du I de l'article 11-2 du code de procédure pénale dans la mesure où le principe général demeurerait une communication dont l'initiative serait laissée à la libre appréciation du ministère public, exception faite des cas prévus à l'article 706-47-4 pour lesquels le ministère public serait tenu, de par la loi, de transmettre certaines informations.

La désignation de l'autorité judiciaire chargée de communiquer
les informations à l'administration

Tant en application du régime général de l'article 11-2 que du régime d'information renforcé de l'article 706-47-4, il appartiendra au ministère public de transmettre l'information à l'administration. D'après les précisions fournies par le ministère de la justice à votre rapporteur, le décret d'application de l'article 706-47-4 devrait ainsi prévoir que le juge d'instruction informe le parquet de toutes les mises en examen concernant les personnes relevant de ce régime, et donc de leur placement sous contrôle judiciaire assortie de la nouvelle mesure prévue par le 12° bis de l'article 138. Ce « canal » de transmission d'informations présentera ainsi une divergence avec la rédaction actuelle de l'article R. 18 du code de procédure pénale qui fait obligation, lorsque le juge d'instruction fait application des mesures prévues au 12° de l'article 138 49 ( * ) , d'en donner avis « s'il y a lieu, soit à l'employeur ou à l'autorité hiérarchique dont relève la personne mise en examen, soit à l'ordre professionnel auquel elle appartient, soit à l'autorité à l'agrément de laquelle est soumis l'exercice de sa profession ». Il appartiendra au ministère de la justice de s'interroger sur l'opportunité d'une modification de l'article R. 18 pour prévoir que l'information soit également transmise par le ministère public, question non tranchée à ce stade au regard notamment du fait que l'information sur la mesure de contrôle judiciaire du 12° de l'article 138 peut concerner directement un employeur privé, alors que celle prévue par l'article 706-47-4 ne concerne que les administrations.

3) Les informations pouvant faire l'objet d'une communication

a) Les décisions de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction de jugement

L'article 706-47-4 dispose ensuite que le ministère public peut également informer par écrit l'administration de la mise en examen ou de la poursuite devant la juridiction de jugement par le juge d'instruction ou le procureur de la République d'une personne exerçant les mêmes activités que celles imposant la transmission des informations, dans les conditions définies ci-dessus. Votre rapporteur s'est interrogé sur l'utilité d'une telle précision qui lui est apparue redondante avec le cadre général défini à l'article 11-2 autorisant le parquet à communiquer de telles décisions pour tout crime ou tout délit puni d'une peine d'emprisonnement. En effet, dans la mesure où toutes les infractions, définies au II de l'article 706-47-4, entrant dans le champ du régime renforcé de transmission d'informations sont, quand il s'agit d'un délit, punies d'une peine d'emprisonnement, votre rapporteur n'a pas jugé souhaitable de conserver un tel dispositif qui pourrait créer des incertitudes et des confusions quant à son application par les parquets. De même, comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, toute personne concernée par le dispositif de l'article 706-47-4 entre nécessairement dans le champ des secteurs d'activité définis à l'article 11-2. Enfin, alors que l'article 11-2 définit les motifs fondant une décision de transmission (maintien de l'ordre public, sécurité des personnes, etc.), les dispositions de l'article 706-47-4 ne font référence à aucune condition de cet ordre, ce qui n'apparaît pas justifié. Le dispositif d'information renforcé ayant vocation à assurer la protection des mineurs, il apparaît qu'une transmission effectuée par un parquet en application de l'article 11-2 trouverait naturellement sa justification sur le fondement du critère de sécurité des personnes.

Ces différents arguments ont par conséquent conduit votre rapporteur à présenter à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-11 tendant à supprimer cette précision inutile et source de confusion juridique.

b) L'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

L'article 706-47-4 ajoute enfin un cas de figure dans lequel le ministère public aurait la faculté d'informer l'administration en cas de procédure en cours, qui serait exclusivement prévu dans le cadre du régime d'information renforcé , conformément à ce qu'avait proposé le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi DADUE. L'information écrite de l'administration serait ainsi possible en cas d'audition libre 50 ( * ) ou de garde à vue d'une personne exerçant une activité décrite ci-dessus et mise en cause pour une ou plusieurs infractions du régime renforcé dès lors qu'il existe, à l'issue de l'audition ou de la garde à vue, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cette personne ait pu, selon la rédaction retenue par les députés sur proposition du rapporteur de la commission des lois, « participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d'une ou plusieurs de ces infractions » 51 ( * ) . L'Assemblée nationale a, sur ces dispositions, également inséré deux précisions rédactionnelles qui lui étaient soumises par sa commission des lois.

Votre rapporteur rappelle qu'un tel dispositif n'avait pu recueillir l'assentiment du Sénat lors de l'examen du projet de loi DADUE, ce qui avait conduit à l'échec de la commission mixte paritaire et au rejet, par l'adoption d'une question préalable, de ce texte lors de sa discussion en nouvelle lecture. Votre Haute assemblée n'avait, a fortiori , pas retenu de telles dispositions dans le cadre de la proposition de loi adoptée le 20 octobre 2015.

Votre rapporteur demeure convaincu qu'une telle faculté d'information, qui intervient à un stade très précoce de la procédure comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis 52 ( * ) , contrevient gravement à la présomption d'innocence , principe à valeur constitutionnelle. Il se déclare prêt à admettre une entorse à ce principe pour les cas de mise en examen, qui s'effectuent dans un cadre procédural respectueux des droits de la défense, ou pour les décisions de renvoi devant une juridiction de jugement, stade plus avancé de la procédure qui suppose que les autorités judiciaires en charge de la procédure disposent d'éléments suffisamment probants laissant supposer que la culpabilité de l'intéressé pourrait être établi par une juridiction de jugement. Il réaffirme cependant que la garde à vue ou l'audition libre constitue un stade procédural trop précoce pour informer l'administration et ne permet pas à la personne mise en cause de bénéficier de ses droits de la défense 53 ( * ) . De ce point de vue, votre rapporteur ne peut considérer comme une garantie satisfaisante et suffisante le fait de permettre à la personne de faire des observations préalablement à la transmission de l'information dès lors que la procédure n'est pas pleinement contradictoire.

Enfin, un tel dispositif conduirait le parquet à se prononcer sur le caractère grave ou concordant des indices recueillis lors de la procédure l'autorisant en ce cas à informer l'administration, alors même qu'il sera amené par la suite à prendre une décision de renvoi devant une juridiction. Au surplus, selon la jurisprudence du Conseil d'État 54 ( * ) , seule la mise en mouvement de l'action publique vaut, pour suspendre un agent public, « poursuites pénales » au sens de l'article 30 de la loi précitée du 13 juillet 1983. Or, une garde à vue ou une audition libre, notamment à la suite d'une plainte sans constitution de partie civile, peut s'effectuer hors de la mise en mouvement de l'action publique, ce qui interdirait donc à l'autorité hiérarchique de prendre une mesure conservatoire.

Votre rapporteur relève d'ailleurs que dans sa contribution écrite, la conférence nationale des procureurs de la République partage pleinement cette analyse puisqu'elle indique que l'information avant condamnation ne « semble acceptable (...) qu'à partir du stade de la mise en oeuvre de l'action publique, à l'exclusion de toute communication au stade de la garde à vue ou de l'audition libre pendant l'enquête ».

Votre rapporteur souhaite réaffirmer la nécessité de trouver un équilibre entre le nécessaire objectif de protection des mineurs et celui de la présomption d'innocence. En effet, si les dysfonctionnements constatés à l'occasion des affaires dites de Villefontaine et d'Orgères doivent être analysés et corrigés pour éviter qu'ils ne se reproduisent, nombreux sont également les exemples dans lesquels la diffusion d'informations sur l'existence d'une procédure judiciaire en cours a causé des dommages irréparables à des personnes injustement mises en cause .

Par conséquent, et par cohérence avec les positions retenues désormais à plusieurs reprises par votre Haute assemblée, votre commission a adopté deux amendements identiques COM-12 rectifié et COM-2 , respectivement présentés par le rapporteur et Mme Esther Benbassa, tendant à supprimer la faculté d'information au stade de la garde à vue ou de l'audition libre, dont elle estime qu'elle porte une atteinte excessive au principe constitutionnel de présomption d'innocence.

4) Les modalités de transmission des informations

S'agissant des modalités de transmission et de conservation des informations transmises, l'article 706-47-4 renvoie aux conditions définies par le régime général d'information des administrations, prévues aux paragraphes II à III de l'article 11-2 (notification à la personne que le ministère public va transmettre l'information relative à la mise en cause pénale à son administration ou autorité de tutelle, information de l'administration ou de l'autorité de tutelle de l'issue de la procédure, transmission de l'information aux seules personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'activité, assujettissement des personnes destinataires de l'information au secret professionnel, suppression de l'information en cas de non-lieu ou de décision de relaxe ou d'acquittement, etc.). Les députés ont introduit une modification de précision à cet alinéa.

Votre commission souscrit à ce choix légistique consistant à renvoyer au cadre général d'information de l'administration par les parquets qui est ainsi de nature à rendre applicables au dispositif de l'article 706-47-4 les garanties supplémentaires pour les personnes concernées introduites par votre commission à l'article 11-2 (possibilité pour la personne de faire des observations pour toutes les décisions que le ministère public transmet à l'administration, transmission à l'administration de ces observations, possibilité de saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président en cas de non transmission par le ministère public d'une décision de relaxe ou d'acquittement).

5) La liste des infractions concernées par le régime d'information renforcé

Le paragraphe II de l'article 706-47-4 définit la liste des infractions qui donneraient lieu à l'obligation de transmission par le ministère public à l'administration des informations mentionnées au I. Il s'agirait tout d'abord des infractions prévues à l'article 706-47 du code de procédure pénale, qui recouvre notamment les crimes et délits à caractère sexuel commis contre les mineurs, ainsi que les crimes de meurtres et d'assassinats commis avec torture ou actes de barbarie et crimes de torture, actes de barbarie, meurtres et assassinats commis en état de récidive légale 55 ( * ) .

Selon le texte transmis par l'Assemblée nationale, seraient également concernés les crimes d' atteintes volontaires à la vie définis aux articles 221-1 à 221-5 du code pénal ainsi que des crimes d' actes de torture et de barbarie définis aux articles 222-1 à 222-6 et des crimes de violence définis aux articles 222-7 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 222-8 (crime de l'article 222-7 commis avec circonstance aggravante), 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente commises avec circonstance aggravante) et 222-14 (violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur) du même code. Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-13 qui vise à supprimer la référence, redondante, aux articles 222-1 à 222-6 (crimes d'actes de torture et de barbarie) qui sont déjà inclus dans le champ de l'article 706-47.

Il s'agirait également des délits de violences commis sur mineur de moins de quinze ans prévus aux articles 222-11 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours), 222-12 (délit de l'article 222-11 commis avec circonstance aggravante), 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) et 222-14 du code pénal. Votre rapporteur relève que la définition de ces infractions, telle qu'elle résulte du texte voté par les députés, diffère de celle du projet de loi initial à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement en séance publique 56 ( * ) . Cet amendement a tout d'abord élargi le champ des crimes entrant dans le cadre de l'article 706-47-4, limité dans le projet de loi initial aux seuls crimes commis sur mineur de quinze ans. La garde des sceaux a fait valoir, à l'appui de cette évolution, que cette proposition avait été formulée par le Défenseur des droits dans le cadre de son avis sur le projet de loi et qu'il n'apparaissait pas justifié de limiter la transmission obligatoire d'informations pour ces crimes, compte tenu de leur particulière gravité, dans les seuls cas où ils seraient commis sur mineur de moins de quinze ans.

En outre, s'agissant des délits de violence, l'amendement du Gouvernement maintient le critère lié à l'âge de la victime (mineur de quinze ans), au regard, selon les explications fournies dans l'objet de l'amendement, des « exigences constitutionnelles de proportionnalité ».

Votre rapporteur souscrit à cette évolution du champ de ces infractions résultant de cet amendement. Il s'est cependant interrogé sur l'inclusion, prévue dès l'origine par le projet de loi initial, du délit de l'article 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) au sein du régime de communication obligatoire à l'administration. En effet, le ministère public ne pourrait donc pas, en ce cas, déroger à cette transmission quand bien même il estimerait que les circonstances de la commission des faits ne présentent pas d'intérêt au regard de la protection des personnes ou de l'ordre public. Or, les informations ayant trait à ce délit, qui peut venir sanctionner des actes de violence très disparates, parmi lesquels une gifle donnée dans un cadre extra-professionnel, semblent devoir faire l'objet d'une analyse d'opportunité par le parquet quant au bien-fondé de la transmission ou non à l'administration. Il apparaît au surplus singulier que le délit de l'article 222-9 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente qui n'est inclus dans le champ du régime de transmission obligatoire que s'il est commis sur un mineur de quinze ans, devenant alors un crime) commis sur un mineur d'un âge supérieur à 15 ans et inférieur à 18 ans, qui présente pourtant une gravité supérieure à celle du délit de l'article 222-13, ne fasse l'objet que d'une information laissée à la libre appréciation du ministère public. Ces réflexions ont par conséquent conduit votre rapporteur à présenter à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-14 tendant à supprimer le délit de l'article 222-13 du champ de l'article 706-47-4 donnant lieu à des transmissions d'information obligatoires. Dans le cas où un tel délit commis sur un mineur, quel que soit son âge, justifierait, aux yeux du parquet une transmission d'informations à l'administration (cas par exemple d'un professeur ou d'un éducateur qui commettrait de telles violences dans l'exercice de ses fonctions sur les mineurs dont il a la charge), il lui serait possible de procéder à cette information sur le fondement du régime de transmission facultatif de l'article 11-2 du code de procédure pénale.

Seraient ensuite inclus dans la liste de ces infractions de l'article 706-47-4 les délits d'exhibition sexuelle (article 222-32 du code pénal) et de harcèlement sexuel (article 222-33). À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-15 tendant à supprimer, dans un souci de proportionnalité, la référence au délit d'exhibition sexuelle, dans la mesure où les circonstances de la commission d'un tel délit ne justifient pas, là encore, une transmission obligatoire et nécessitent qu'un magistrat du parquet examine l'opportunité de transmettre ou non l'information. Ce même amendement restreint en outre, pour des raisons similaires, l'inclusion du délit de harcèlement sexuel dans le régime renforcé de transmission aux seuls cas dans lesquels il serait commis sur un mineur de moins de quinze ans 57 ( * ) .

Le texte du projet de loi intègre en outre dans le champ de l'article 706-47-4 différents délits :

- la cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle lorsque les stupéfiants sont offerts ou cédés à des mineurs ou dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux (deuxième alinéa de l'article 222-39) ;

- la provocation directe d'un mineur à faire un usage illicite de stupéfiants (article 227-18) ;

- la provocation directe d'un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants (article 227-18-1) ;

- la provocation directe d'un mineur à la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques (article 227-19) ;

- la provocation directe d'un mineur à commettre un crime ou un délit (article 227-21) ;

- le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette à l'encontre d'un mineur l'un des crimes ou délits visés aux articles 222-22 à 222-31 (certaines agressions sexuelles parmi lesquelles le viol et les autres agressions sexuelles), 225-5 à 225-11 (proxénétisme et infractions qui en résultent), 227-22 (corruption de mineur), 227-23 (diffusion, fixation, enregistrement ou transmission d'image à caractère pédopornographique et consultation habituelle de sites pédopornographiques), 227-25 à 227-28 (atteintes sexuelles) lorsque cette infraction n'a été ni commise ni tentée.

Enfin, l'ensemble des crimes et délits terroristes , définis aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, y compris donc le récent délit d'apologie du terrorisme, seraient inclus dans le champ du régime de transmission obligatoire.

6) Les modalités d'application du régime d'information renforcé

Enfin, l'article 706-47-4 comporte un paragraphe III renvoyant à un décret le soin de déterminer ses modalités d'application. À l'Assemblée nationale, ces dispositions ont fait l'objet de trois amendements rédactionnels présentés en commission des lois par son rapporteur.

Ce décret devrait définir :

- les formes de la transmission de l'information par le ministère public ;

- les professions et activités ou catégories de professions et d'activités concernées ;

- les autorités administratives destinataires de l'information ;

- les modalités de retrait de l'information dans le cas où la procédure pénale se terminerait par un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, alors qu'une information aurait été adressée à l'administration à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-16 qui, outre des améliorations rédactionnelles, prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État, et non d'un décret simple. Par ailleurs, les amendements COM-12 rectifié et COM-2 suppriment la référence aux modalités de retrait d'une information transmise à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre, par coordination avec la suppression décidée par votre commission de cette faculté.

• Systématiser le placement sous contrôle judiciaire

Par un amendement COM-18 , présenté par son rapporteur, votre commission vous propose de compléter l'article 1 er afin de reprendre des dispositions votées par votre Haute assemblée dans la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles adoptée le 20 octobre 2015. Cet amendement crée un article 706-47-5 dans le code de procédure pénale consacré au placement sous contrôle judiciaire des personnes mises en examen pour une ou plusieurs des infractions relevant du régime d'information renforcé de l'article 706-47-4. Il vise à assurer la protection des mineurs ainsi que l'information des administrations en amont d'une éventuelle condamnation, tout en garantissant à la personne mise en cause la possibilité d'exercer ses droits 58 ( * ) . Le texte retenu à nouveau par votre commission prévoit que, dans le cas où une personne travaillant au contact de mineurs, dont l'activité est contrôlée directement ou indirectement par les pouvoirs publics, est mise en examen dans une procédure relative aux infractions mentionnées au II de l'article 706-47-4, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention est tenu d'ordonner, sauf décision contraire spécialement motivée, son placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs instituée au 2° de l'article 1 er du projet de loi . Cette disposition ne trouverait bien entendu pas à s'appliquer dans le cas où la personne est placée en détention provisoire.

Une telle solution permettra ainsi de mettre à l'écart des mineurs les personnes pour lesquelles existent les soupçons les plus sérieux 59 ( * ) et d'assurer systématiquement, pour ces cas, l'information de l'autorité administrative puisqu'un placement sous contrôle judiciaire assortie de la nouvelle interdiction d'exercice créée par le projet de loi donne lieu à une information obligatoire de l'administration par le ministère public.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2
(Art. 212-9 et 212-10 du code du sport)
Modification des conditions d'interdiction d'enseigner, d'animer
ou d'encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs

L'article 2 du projet de loi constitue la reprise des dispositions de l'article 31 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 60 ( * ) . Votre Haute assemblée avait également repris ce dispositif à l'article 6 de la proposition de loi votée le 20 octobre 2015.

Son modifie l'article L. 212-9 du code du sport. En application de ce dispositif, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs s'il a fait l'objet d'une mesure administrative d'interdiction de participer, à quelque titre que ce soit, à la direction et à l'encadrement d'institutions et d'organismes soumis aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection des mineurs accueillis en centre de vacances et de loisirs, ainsi que de groupements de jeunesse ou s'il a fait l'objet d'une mesure administrative de suspension de ces mêmes fonctions. Cette interdiction trouve donc toujours à s'appliquer alors même que la mesure administrative aurait cessé de produire ses effets : en application de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, de telles mesures administratives peuvent, selon les cas, présenter un caractère temporaire ou définitif. La rédaction actuelle de l'article L. 212-9 du code du sport conduit donc à écarter définitivement une personne des activités d'enseignement, d'animation ou d'encadrement, alors même qu'elle n'aurait fait l'objet que d'une mesure temporaire .

Lors du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur le projet de loi DADUE, le Gouvernement avait fait valoir que ces dispositions pourraient exposer la France à un risque de condamnation par la CEDH pour des motifs liés à leur insuffisante proportionnalité.

Dans ces conditions, en vertu du de cet article, cette interdiction d'exercice d'activités sportives ne trouverait plus à s'appliquer que si la personne est actuellement frappée d'une mesure administrative d'interdiction ou de suspension. Il en résulte qu'à l'issue d'une mesure administrative temporaire, l'interdiction serait levée, ce qui autoriserait la personne à exercer à nouveau de telles activités.

Le modifie l'article L. 212-10 du code du sport. Selon ce dernier, le fait pour toute personne d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre titre similaire en méconnaissance des interdictions définies à l'article L. 212-9 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La modification apportée à ce dispositif vise à étendre ce régime pénal à ces mêmes activités quand elles sont exercées à titre bénévole .

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3
(Art. L. 133-6 et L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles)
Régime d'incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale
et des familles et modalités de renouvellement de l'agrément
des assistants familiaux

L'article 3 du projet de loi reprend, dans une rédaction différente, le dispositif de l'article 33 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 61 ( * ) . Ce dispositif, qui modifie le régime relatif à l'interdiction d'exploiter, de diriger l'un des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles (CASF) 62 ( * ) , d'y exercer une fonction à quelque titre que ce soit, ou d'être agréée au titre des dispositions du même code, avait également été inséré, à l'initiative de votre commission, au sein de la proposition votée par le Sénat le 20 octobre 2015.

Votre rapporteur souligne également que cette modification du droit avait fait l'objet d'une discussion spécifique par l'Assemblée nationale qui avait, le 3 décembre 2015, examiné et voté une proposition de loi notamment déposée par nos collègues députés Claude de Ganay et Guy Geoffroy. Il regrette à ce titre que les députés n'aient pas mis à profit ce temps parlementaire pour examiner le texte transmis par le Sénat, dont l'objet était plus large et qui contenait en son sein ce dispositif.

• Le régime actuel d'incapacité

En application de l'article L. 133-6 du CASF, relèvent de ces interdictions les personnes qui ont été condamnées définitivement pour crime ou à une peine d'au moins deux mois d'emprisonnement sans sursis pour certains délits au nombre desquels :

- les délits d'atteintes à la vie, à l'exception de l'homicide involontaire ;

- les délits d'atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à l'exception du délit prévu au premier alinéa de l'article 222-19 63 ( * ) du code pénal ;

- les délits de mise en danger de la personne, d'atteintes aux libertés de la personne, d'atteintes à la dignité de la personne et d'atteintes aux mineurs et à la famille ;

- les délits d'appropriations frauduleuses ;

- les délits de recel et les délits assimilés ou voisins ;

- les délits de faux ;

- la provocation à l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants.

• L'élargissement du champ des infractions conduisant à une incapacité

L'objet des modifications introduites par l'article 3 à l'article L. 133-6 du CASF, qui n'ont fait l'objet que d'une modification rédactionnelle de la part des députés, est, outre de corriger deux erreurs de référence juridique, d'appliquer ces interdictions d'exercice à certains délits indépendamment du quantum d'emprisonnement décidé par la juridiction de jugement .

Conduiraient ainsi aux mêmes incapacités d'exercer les condamnations définitives pour les délits suivants :

- le délit d'agressions sexuelles, autres que le viol, imposées à un mineur de quinze ans prévu à l'article 222-29-1 du code pénal ;

- le délit prévu à l'article 222-29 du code pénal (agressions sexuelles autres que le viol) quand il fait l'objet des aggravations prévues à l'article 222-30 (s'il a entraîné une blessure ou une lésion, s'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, s'il est commis avec usage ou menace d'une arme, etc.). Votre rapporteur relève que l'insertion de ce délit ne figurait ni dans l'évolution proposée du droit par l'article 33 de la loi DADUE, ni dans la proposition de loi votée par le Sénat. Il juge cependant bienvenue cette adjonction ;

- les délits de mise en péril des mineurs prévus aux articles 227-22 à 227-27 du même code (corruption d'un mineur, propositions sexuelles à un mineur de quinze ans, consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition une image ou une représentation d'un mineur à caractère pornographique, atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de quinze ans ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, etc.) ;

- le délit de recel d'images à caractère pédopornographique (combinaison des articles 321-1 et 227-23 du code pénal).

Votre commission ne peut qu'approuver ces modifications proposées par l'article 3, déjà votées par le Sénat le 20 octobre 2015.

• Les modalités de renouvellement de l'agrément des assistants familiaux

Outre un amendement COM-19 de précision, votre commission vous propose, par son amendement COM-20 , adopté à l'initiative de votre rapporteur, de compléter l'article 3 du projet de loi par une disposition votée par le Sénat le 20 octobre 2015 dans la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles 64 ( * ) . Cet ajout résultait au demeurant directement du texte déposé par notre collègue Catherine Troendlé.

Ce dispositif a pour objet de lever une ambiguïté qui pourrait naître d'une interprétation littérale de l'article L. 421-3 du CASF. En vertu de ses dispositions, la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial ne peut être exercée qu'après délivrance d'un agrément par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. Un arrêté du ministre chargé de la famille fixe la composition du dossier de demande d'agrément, ainsi que le contenu du formulaire de demande. Il définit également les modalités de versement au dossier d'un extrait du bulletin n° 3 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. Le code dispose que cet agrément n'est pas accordé si l'un des majeurs concernés a fait l'objet d'une condamnation pour plusieurs types d'infractions graves 65 ( * ) .

Pour toute autre infraction inscrite au bulletin n° 3, il appartient au service départemental de protection maternelle et infantile de juger de l'opportunité de délivrer ou non l'agrément.

L'agrément est accordé pour une durée de cinq ans et doit être renouvelé en suivant la même procédure que celle prévue pour sa délivrance initiale 66 ( * ) . Toutefois, la loi semble contenir une dérogation à ce formalisme en application du cinquième alinéa de l'article L. 421-3 du CASF. Celui-ci dispose que le renouvellement de l'agrément d'un assistant familial est automatique et sans limitation de durée lorsque la formation, que l'assistant est tenu de suivre dans un délai de trois ans après le premier contrat de travail suivant son agrément, est sanctionnée par l'obtention d'une qualification. Cette précision paraît exclure que soit contrôlé périodiquement le casier judiciaire des majeurs vivant au foyer de l'assistant. La modification introduite par l' amendement COM-20 de votre commission écarte cette ambiguïté pour que chaque renouvellement de l'agrément soit conditionné à ce contrôle. Cet amendement procède par ailleurs à la correction d'une erreur de rédaction au sein de ce même article L. 421-3.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
(Art. L. 914-6 du code de l'éducation)
Régime disciplinaire des chefs d'établissement privé
d'enseignement du premier degré

L'article 4 du projet de loi reprend, sous une forme rédactionnelle légèrement différente, les dispositions de l'article 32 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 67 ( * ) . Ce dispositif avait également été retenu par votre Haute assemblée à l'article 7 de la proposition de loi adoptée le 20 octobre 2015.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 914-6 du code de l'éducation définit le régime disciplinaire applicable à « toute personne attachée à l'enseignement dans un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré qui n'est pas lié à l'État par contrat ou dans un établissement d'enseignement supérieur privé ». Ces dispositions sont également applicables, en vertu du dernier alinéa, à « tout chef d'établissement d'enseignement du second degré privé ou d'enseignement technique privé, ainsi qu'à toute personne attachée à la surveillance d'un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré ou d'enseignement supérieur privé ».

Cet article vise à remédier à une malfaçon de l'article L. 914-6 afin que les chefs d'établissement privé d'enseignement du premier degré, actuellement exclus de son champ d'application, soient également assujettis à ce régime disciplinaire.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5
Application outre-mer

L'article 5 du projet de loi rend applicable l'article 1 er du projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, collectivités ultramarines sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire 68 ( * ) , en particulier en matière de droit pénal et de procédure pénale.

Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi procédant quant à eux à des modifications du code du sport, du code de l'action sociale et des familles et du code de l'éducation, dont les dispositions relèvent des compétences des autorités locales fixées par la loi organique, leur application ne peut en conséquence être prévue par la loi.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Intitulé du projet de loi
Information de l'administration par l'autorité judiciaire
et protection des mineurs

Dans sa version délibérée en conseil des ministres, et adoptée sans modification par les députés, l'intitulé du projet de loi renvoie à « l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs ». Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté, dans un souci de précision juridique, un amendement rédactionnel COM-21 afin de remplacer dans l'intitulé la référence à « l'institution judiciaire » par une référence à « l'autorité judiciaire », conformément à la terminologie retenue par le titre VIII de la Constitution du 4 octobre 1958.

Votre commission a adopté l'intitulé du projet de loi ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .


* 23 Ce chapitre concerne les atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne.

* 24 Rapport n° 54 (2015-2016) précité.

* 25 Cette décision ayant déclaré contraire à la Constitution une sanction complémentaire d'interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales.

* 26 Dernières statistiques disponibles du casier judiciaire.

* 27 Cette formulation se retrouvant, à titre d'exemple, aux articles 7 à 20 de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, lesquels ont eu pour effet d'insérer dans la législation pénale des peines complémentaires obligatoires restreignant la capacité d'acquérir et de détenir des armes à la suite d'une condamnation.

* 28 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 29 Les deux dernières datant du 11 mars et du 16 septembre 2015.

* 30 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dite « loi Le Pors ».

* 31 Pour des explications complémentaires sur cette évolution du droit, votre rapporteur renvoie à la lecture des pages 103 à 107 du rapport n° 274 (2015-2016) fait par notre collègue Alain Vasselle sur ce projet de loi.

* 32 Arrêt du 10 juin 1992 de la première chambre civile.

* 33 Arrêt du 26 mai 2004 de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

* 34 Le rapport indique qu'une « des difficultés - c'était notamment le cas dans l'Isère et dans l'Ille-et-Vilaine - vient de ce que précisément l'administration, ignorant que l'un de ses agents a été condamné, n'est pas en mesure de demander copie du jugement ».

* 35 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 (loi pour la sécurité intérieure).

* 36 CEDH, 17 février 2001, Dakatars c. Lithuanie.

* 37 CEDH, 25 mars 1983, Minelli c. Suisse.

* 38 Contribution écrite de Mme Cristina Mauro, professeur agrégé des facultés de droit de l'Université de Poitiers.

* 39 Rapport n°119 (2015-2016) fait par M. François Pillet au nom de la commission des lois sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société.

* 40 Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs généraux.

* 41 Ibid.

* 42 Rapport de M. Pierre Delmas-Goyon, « Le juge du 21 ème siècle » et document de synthèse du Ministère de la Justice « Présentation des 15 actions de la justice du 21 ème siècle ».

* 43 Proposition n°26 du rapport précité de M. Jean-Louis Nadal.

* 44 Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs de la République.

* 45 Dans le paragraphe 13 de son avis, le Conseil d'État relève que « l'interdiction instituée par le projet de loi d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs prononcée dans le cadre d'un contrôle judiciaire ne devait pouvoir être décidée, s'agissant d'une mesure pré-sentencielle, que si les circonstances font craindre la commission d'une nouvelle infraction ».

* 46 Votre rapporteur renvoie à la lecture de l'annexe n° 1 du présent rapport concernant les conséquences procédurales de l'inclusion d'une infraction dans le champ d'application de l'article 706-47.

* 47 Cf. Rapport n°54 (2015-2016) précité.

* 48 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 49 « Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. [...] ».

* 50 Le cas de l'audition libre, non prévu par l'article 30 de la loi DADUE, constitue un élément nouveau proposé par le présent projet de loi.

* 51 Alors que le texte du projet de loi initial proposait une rédaction légèrement différente, le rapporteur de la commission des lois a souhaité harmoniser cette disposition avec la rédaction de l'article 80-1 du code de procédure pénale relatif aux modalités de mise en examen.

* 52 La haute juridiction administrative relève qu'il s'agit du seul cas pour lequel l'information communiquée par le parquet serait susceptible de ne pas être suivie de la saisine d'une juridiction

* 53 Si le mis en cause dispose, dans le cadre d'une garde à vue ou d'une audition libre, du droit à être assisté par un avocat, ce dernier n'a en revanche pas accès au dossier de la procédure.

* 54 CE, sect., 19 nov. 1993, n° 74235, Védrenne.

* 55 Pour une présentation exhaustive de ces infractions, votre rapporteur renvoie à son commentaire ci-dessus de l'amendement COM-9 adopté par votre commission.

* 56 Qui constitue le seul amendement voté en séance publique sur le projet de loi.

* 57 Cas d'aggravation du délit prévu au 2° du III de l'article 222-33.

* 58 Le cadre procédural de l'enquête préliminaire ne garantissant pas, pour sa part, à la personne mise en cause le même exercice de ses droits à la défense.

* 59 En application de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

* 60 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 61 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 62 Relèvent de ce régime juridique les modes d'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs (article L. 227-4), les établissements et services sociaux et médico-sociaux (article L. 312-1) tels que les établissements ou services prenant en charge habituellement des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant de l'aide sociale à l'enfance, les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, ou encore les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4 du code de la santé publique.

* 63 « Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois » [...]. »

* 64 Au 2° de l'article 4 du texte adopté n° 15 (2015-2016) par le Sénat.

* 65 Atteinte volontaire à la vie, torture, acte de barbarie, violence, viol, agression sexuelle, exhibition et harcèlement sexuel, enlèvement et séquestration, recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, délaissement de mineurs et mise en péril des mineurs.

* 66 Article D. 421-20 du CASF.

* 67 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 68 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 pour les îles Wallis et Futuna, loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 pour la Polynésie française et loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie.

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